Déclaration de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, sur le bilan de l'ACI Jeunes chercheurs notamment en matière d'insertion professionnelle, Paris le 1er mars 2001.

Prononcé le 1er mars 2001

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Circonstance : Réception des lauréats ACI Jeunes chercheurs à Paris le 1er mars 2001

Texte intégral

Je suis particulièrement heureux de recevoir aujourd'hui les lauréats 2000 de l'Action Concertée Incitative " Jeunes chercheurs ", et de confirmer la reconduite, dans ce cadre, d'un appel d'offre à projets pour 2001.
Il s'agit d'un programme auquel je tiens beaucoup, car il constitue un puissant levier pour l'évolution de la recherche en France et pour l'amélioration des conditions de travail faites aux chercheurs.
L'une des premières priorités du Gouvernement concerne l'emploi des jeunes docteurs. Depuis 1998, plus de 3500 nouveaux docteurs trouvent chaque année un emploi dans l'enseignement supérieur ou la recherche publique. Quant aux post-doctorants, ils ont vu se développer les offres qui leur permettent d'accomplir une phase de mobilité, de plus en plus indispensable.
Parallèlement une réflexion a été conduite sur l'amélioration des conditions de retour, après mobilité. Il est apparu que, si un certain nombre de brillants chercheurs décidaient de prolonger leur séjour à l'étranger, la cause en revenait moins à des questions financières qu'à un manque de souplesse dans le dispositif de recherche français. Des structures trop contraignantes, des programmes préétablis, des financements finalisés risquent d'entraver la capacité d'innovation.
Il convenait donc que les jeunes chercheurs soient encouragés, plus rapidement, à créer par eux-mêmes.
C'est dans cette intention qu'a été instituée, en 1999, l'Action Concertée Incitative spécifique "Jeunes chercheurs", Action " blanche " car elle ne comporte aucun affichage thématique. Réservée aux jeunes maîtres de conférence et chargés de recherche nommés depuis moins de trois ans, elle ne préjuge ni du domaine ni des méthodes de recherche proposés. En cela, elle leur offre les moyens, pendant trois ans, de prendre leur autonomie en dehors des structures, parfois contraignantes, des laboratoires, et d'exprimer librement leur capacité d'innovation.
Contrairement aux autres ACI, elle est la seule à couvrir le champ entier de la recherche fondamentale. Elle n'interdit pourtant pas que les applications de la recherche soient prises en compte. Le ministère de la recherche, vous le savez, favorise également par de multiples mesures les rapprochements entre recherche et entreprise : parmi ces mesures, le Concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes constitue, d'une certaine façon, le pendant de l'ACI Jeunes chercheurs. Et je viens de nommer Anne Lauvergeon, présidente de la COGEMA, à la présidence du jury de ce concours national, pour succéder à Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain.
Par cette ACI, qui représente un peu les " Césars de la recherche " pour les jeunes chercheurs, le ministère se fait un peu " talent-scout ", découvreur de nouveaux talents.
La formule " Place aux jeunes " serait peut-être excessive. Mais il s'agit, en tout cas, de mettre le pied à l'étrier à de jeunes chercheurs, et de leur permettre prise de responsabilité et autonomie par rapport à des structures habituelles jugées parfois trop traditionnelles, voire conformistes.
L'abondance et la diversité des réponses aux deux premiers appels d'offre a confirmé le besoin qu'ont les jeunes scientifiques de développer, très tôt, une recherche propre.
Le nombre de candidatures
Si l'on cumule les années 1999 et 2000, on constate que près de 3500 dossiers de candidature ont été envoyés ; à la suite d'un examen en deux étapes, 194 ont été retenus, au prix d'une sélection très stricte du conseil scientifique, qui a travaillé sur la base de trois expertises par dossier. Devant ce grand nombre de candidatures, la rigueur avec laquelle ont dû s'exercer les choix suffit à prouver la qualité des propositions retenues. J'en félicite d'autant plus les lauréats.
La diversité
Toutes les Actions Concertées Incitatives favorisent les collaborations interdisciplinaires, l'émergence de disciplines nouvelles, la formation de nouveaux spécialistes, le renouvellement de l'approche scientifique. Conformément à ces objectifs, l'ACI Jeunes Chercheurs a rassemblé des projets souvent transversaux, et portant sur l'ensemble des disciplines scientifiques : mathématiques, informatique, physique, sciences pour l'ingénieur, chimie, sciences de la terre, de l'univers et de l'environnement, sciences de la vie, biologie, médecine, sciences humaines et sociales.
Pour ne m'en tenir qu'à ces dernières catégories, peut-être plus compréhensibles pour des non-spécialistes, je pourrais citer quelques projets qui m'ont semblé remarquables par la nature des thèmes traités, par exemple : L'espace public à petits pas : le monde de l'adolescence et son rapport à la société civile. Etudes comparatives entre l'Europe du sud et le Maghreb (Vincenzo Cicchelli) ; ou La prise en charge des personnes dépendantes : modélisation de l'économie domestique et incidence des politiques sociales (Agnès Gramain) ; Sciences, médias et société : histoire comparée des pratiques de vulgarisation dans les médias et les expositions (Joëlle Le Marec) ; Le droit des contrats et le vivant (Christine Noiville) ; Prédisposition génétique aux maladies infectieuses chez l'homme : prédisposition mendélienne aux infections mycobactériennes (Jean-Laurent Casanova)
Certains projets de lauréats de l'année 2000 vous seront présentés tout à l'heure dans le film réalisé par Bernard Pradineau pour la cérémonie de ce soir. Ce film sera également projeté en régions par nos DRRT, qui saisiront cette occasion pour faire mieux connaître le potentiel de ces jeunes chercheurs aux représentants des collectivités territoriales, des universités et des organismes de recherche. Quelques-uns des lauréats de 1999, qui ont bien voulu rédiger une sorte de pré-rapport sur leurs deux premières années de recherche - en anticipant sur le rapport final qui sera demandé, pour évaluation, au terme des trois ans - vous feront part de leurs premiers résultats.
Le bilan
Il est naturellement trop tôt pour dresser un bilan des résultats des recherches qui auront été menées, puisque les projets portent sur trois ans et ne pourront être véritablement appréciés avant encore quelques années. Mais il n'est pas interdit de faire le calcul suivant : Le ministère, qui a consacré plus de 130 MF à cette ACI en 1999 et 2000, poursuivra cet effort en 2001. Si une centaine de projets sont encore retenus, ce seront quelques trois cents équipes qui, en cinq ans, auront eu la possibilité de conduire, plus confortablement et sans entraves, une recherche originale. Et si seulement la moitié d'entre elles - mais j'espère qu'il y en aura plus - parvient à ouvrir des voies nouvelles et incontestables, 150 jeunes équipes françaises se seront placées en position d'excellence et bénéficieront d'une notoriété internationale. L'entretien de ce vivier constitue bien un soutien important à la créativité des chercheurs. Nous réaffirmons ainsi le principe selon lequel la recherche ne peut guère se programmer. Elle est facilitée par la mise en place de conditions favorables, aussi bien dans le sens de la recherche fondamentale que dans l'échange entre les milieux universitaires et les milieux industriels.
L'ACI Jeunes chercheurs fait partie d'une série d'initiatives visant à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes chercheurs
Parallèlement aux créations de postes pour l'enseignement supérieur et la recherche (305 au budget 2001 de la Recherche), à la généralisation des écoles doctorales, à l'augmentation du nombre des allocations de recherche (4000 en 2001), à l'ouverture de portails pour aider au retour les post-doctorants, le ministère de la recherche s'attache à favoriser l'esprit d'entreprise des jeunes diplômés.
D'abord par des actions de sensibilisation à l'entrepreunariat menées dans les universités. La Conférence des Présidents d'Université a organisé, en novembre 2000, une journée nationale sur ce thème, en collaboration avec les ministères de la recherche et de l'éducation nationale et le réseau Curie.
Ensuite en favorisant l'embauche de ces jeunes chercheurs dans les entreprises à différents niveaux de formation : conventions de recherche pour les techniciens supérieurs (CORTECHS), stages de longue durée en PME, diplômes de recherche technologique (DRT), conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), accueil en PME des post-doctorants. Enfin en incitant les " porteurs d'idées " à se lancer dans un projet de création d'entreprise.
Vous savez qu'à cette fin a été créé, la même année que les ACI, le concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes. Il en est aujourd'hui à sa troisième édition, et a déjà permis à plus de 220 jeunes chercheurs de créer leur entreprise.
D'autres mesures contribuent au succès de ces entreprises : les incubateurs et les fonds d'amorçage. A la suite d'un appel auprès des établissements de recherche et d'enseignement supérieur, 31 incubateurs ont été créés et sont soutenus par le ministère : ils prévoient d'accueillir près de 900 porteurs de projet d'entreprise sur trois ans.
Parallèlement, le ministère abonde des fonds d'amorçage permettant aux entreprises émergentes de se lancer. Si le ministère de la recherche tient à ouvrir aux jeunes chercheurs un grand nombre de portes, c'est qu'il ne considère pas la recherche fondamentale et ses applications industrielles comme deux voies exclusives l'une de l'autre. Nous ne manquons pas d'exemples de grands chercheurs qui ont su les concilier, à commencer par plusieurs de nos Prix Nobel : Pierre-Gilles de Gennes a fait progresser la connaissance de la " matière molle ", mais il travaille aussi à renforcer l'adhésion des colles et des caoutchoucs ; Georges Charpak s'intéresse aux grands détecteurs de particules, mais aussi aux nouvelles méthodes d'imagerie du corps humain, moins agressives que les rayons X ; Claude Cohen-Tannoudji s'occupe à la fois de physique quantique et d'horloges atomiques, qui permettront des progrès dans la mesure du temps et dans le positionnement satellitaire C'est bien cette complémentarité qui, prolongeant la science vers la pratique, fait le succès d'une économie.
L'ACI Jeunes chercheurs est sans doute l'action pour laquelle nous prenons le plus de risques. Elle constitue un pari sur l'avenir, elle mise sur un potentiel qui doit s'épanouir. Cette prise de responsabilité, de la part de tous les candidats, pour accéder plus vite à l'autonomie scientifique est pourtant la meilleure garantie de réussite. Une autre garantie en est, bien sûr, l'implication du conseil scientifique. Sous la présidence de Michel Ladzunski, médaille d'or du CNRS, et la vice-présidence de Thérèse Saint-Julien, désormais présidente, un considérable et remarquable travail d'évaluation a été accompli. Qu'ils en soient ici remerciés.

(source http://www.recherche.gouv.fr, le 5 mars 2001)