Conférence de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la situation de guerre civile au Tchad, le rapatriement des Français et des étrangers résidant dans ce pays et le soutien de la France au gouvernement légitime tchadien, Roissy le 4 février 2008.

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Texte intégral

Nous avons vu, Hervé Morin et moi-même, les deux cent deux passagers qui sont arrivés et attendent avant d'embarquer dans des autobus. L'accueil est très bien organisé, aussi bien pour leur fournir des vêtements que des adresses, un billet de train, voire un secours psychologique ou autre.
Cet accueil - nous l'avons vu de près avec Hervé - est vraiment très bien fait.
Cela ne les console pas, cela ne les empêche pas d'être tristes d'avoir dû quitter N'Djamena dans ces conditions.
Demain, il y aura un autre avion, qui doit atterrir à Paris au tout début de l'après-midi avec 400 à 500 places et, si besoin est, il y aura un troisième avion dans la journée.
A N'Djamena, les centres d'accueils, qui sont au nombre de trois - ces centres qui permettent d'accueillir les personnes avant leur transfert à l'aéroport -, sont vides pour le moment. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres personnes qui sont encore dans leur maison et qui subissent les bombardements. Pour l'instant, la situation est calme, mais, bien sûr, cela pourrait recommencer demain.
Nous demeurons en contact par radio, avec les ressortissants français et étrangers dont nous avons la charge, afin de savoir lesquels d'entre eux souhaitent être rapatriés. Il y a, dans cet avion, plus d'étrangers que de Français ; il est normal que la France se charge de tous.
Voilà ce que nous pouvons dire. Nous espérons que les efforts de paix, que les efforts de réconciliation soient fructueux.
Q - La France est-elle du côté d'Idriss Deby ou de la rébellion ?
R - La France est du côté du pouvoir légal, sans aucun doute. Le président Deby est un président élu, par deux fois. La France ne va pas s'entremettre entre les deux camps, qui sont tchadiens l'un et l'autre.
La France a porté secours aux Français mais aussi aux ressortissants d'autres nationalités : Allemands, Américains, Chinois et bien d'autres qui le demandaient. Ceux-là ont été dirigés vers des centres et, maintenant, certains d'entre eux sont partis. D'autres personnes demeurent à N'Djamena ; un autre avion de 400 à 500 places arrivera demain en milieu de journée et, si cela est nécessaire, un troisième avion sera affrété.
Les trois centres d'accueil qui avaient été, depuis longtemps, répertoriés - il y a eu des répétitions, les Français le savaient et les personnes d'autres nationalités également - sont vides pour le moment mais ils peuvent se remplir durant la nuit.
Cela dépendra de la situation et il y a certainement encore plusieurs centaines de ressortissants de diverses nationalités, dont des Français qui pourraient demander de revenir.
Evidemment, nous sommes à leur disposition.
Q - Les ressortissants ont été transportés en véhicules blindés, ceci témoigne vraiment de la violence des affrontements. La situation est-elle vraiment si inquiétante ?
R - C'est la guerre. C'est une guerre effrayante, une guerre entre deux factions qui savent que l'une ou l'autre ne s'en sortira pas. C'est une attaque frontale contre un gouvernement légal, contre un gouvernement élu. Comme vous le savez, ce n'est pas la première attaque mais celle-là est beaucoup plus meurtrière que les autres parce que beaucoup d'assaillants sont entrés dans la ville. La bataille se déroule surtout le jour mais, également, par infiltration, durant la nuit, dans des conditions qui sont très dures. Elles le sont pour les habitants de N'Djamena, pour ces personnes qui viennent d'être rapatriées.
Vous allez les rencontrer, leurs témoignages sont intéressants. Ils respirent encore l'effroi qu'ils ont ressenti pendant ces deux jours et deux nuits.
Q - Quel doit être le rôle de la France ?
R - C'est un combat entre Tchadiens. Le rôle de la France est très difficile et très simple à la fois. Nous avons des tâches très précises à effectuer en répondant, tout d'abord, à l'appel du gouvernement de M. Deby, en particulier pour secourir les blessés. Nous devons les prendre en charge, les conduire dans les hôpitaux qui, souvent, fonctionnent avec des militaires et des coopérants français. Et puis, on nous demande de protéger des groupes d'expatriés.
Aujourd'hui, nous avons sorti quarante personnes de l'ambassade d'Allemagne et un certain nombre de l'ambassade des Etats-Unis ; elles se trouvaient sous les bombardements et appelaient au secours depuis plus de 24 heures. Il a donc fallu organiser une véritable opération commando - merveilleusement accomplie par la France - pour les sortir de là.
Voilà ce que nous faisons.
Il y a, par ailleurs, une médiation, ou plutôt une approche, menée par l'Union africaine qui nous a également demandé de l'aide.
Demain ou après-demain, je l'espère, une délégation internationale composée de représentants du Congo Brazzaville et de Libye arrivera sur place. Ils seront chargés d'établir un dialogue entre les belligérants afin de la paix revienne.
Aujourd'hui, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni et peut-être y aura-t-il, demain, une résolution qui permettra de résoudre le conflit. A Addis-Abeba, l'Union africaine, pour sa part, présentera certainement un document. Il y a eu l'unanimité pour condamner cette attaque, à Addis-Abeba, lors de la réunion de l'Union africaine.
Q - Le rôle des Soudanais n'est vraiment pas très clair. Que peut-on dire à ce sujet ?
R - Ce que nous pouvons dire, c'est que les colonnes provenaient du Soudan, tout le monde le sait, tout le monde l'a dit.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 février 2008