Texte intégral
C'est difficile parce que nous pensions que les projets nés de la Conférence de Paris et nés des propositions du Premier ministre M. Salam Fayyad, pourraient être mis en oeuvre plus vite. Il faut se résigner et continuer. Il faut que la pression soit grande pour que ces projets, aussi bien à Gaza d'ailleurs qu'en Cisjordanie, soient mis en oeuvre. Cela n'est pas évident, mais deux mois et demi dans l'histoire des 60 ans de cette région, ce n'est pas beaucoup.
Q - Concrètement qu'est-ce qui bloque et qui empêche la mise en place de ces projets dont vous parlez, notamment ceux de Gaza ? Le blocus qu'impose Israël sur la bande de Gaza ?
R - Non, c'est différent. Parlons de Gaza et de la Cisjordanie de façon différente parce que je crois qu'il faut absolument que l'accès à Gaza soit simple et facilité. J'espère que cela va se faire pour que la population de Gaza ne souffre pas autant qu'elle ne souffre actuellement.
Q - Vous avez dit que cela n'est plus supportable ?
R - Je crois que cela n'est pas supportable pour les Palestiniens et, encore une fois, nous ne faisons pas de différence entre les Palestiniens de Gaza et les Palestiniens de Cisjordanie. Simplement, en Cisjordanie, la situation est meilleure. De toute façon, je veux dire que cela va mieux et je pense que les projets pour la Cisjordanie, comme pour Gaza, devraient démarrer maintenant.
Le projet, par exemple, de l'épuration des eaux à Gaza n'est pas le même que le projet agricole - un des projets que l'on doit mettre en oeuvre le long du Jourdain. Tout cela traîne et c'est difficile à accepter. En même temps, le Quartet, la Commission européenne, la France et la Norvège n'arrivent pas à faire démarrer les projets que nous avons financés au moment de la Conférence de Paris. Nous avons l'argent, il faudrait que cela démarre. Ne me croyez pas complètement négatif, mais il faut beaucoup d'obstination.
Q - Que peut la France ?
R - La France est responsable de la Conférence de Paris et de son suivi. Il faut que nous insistions auprès des Israéliens et des Palestiniens pour que le démarrage de ces projets ait lieu. Cela n'est pas commode, la cohabitation est difficile. C'est la confiance qui manque, la confiance dans ce processus d'Annapolis qui a été bâti par les Américains. Nous n'avons pas encore ce mouvement de confiance dans les opinions publiques, chez les militants, de parts et d'autres qui pourraient le soutenir, il faut le créer.
Q - Est-ce que vous avez identifié où cela bloque ?
R - Cela bloque chez les Israéliens, cela bloque aussi en ce qui concerne la sécurité chez les Palestiniens. Il y a des progrès qui sont faits, ils ne sont pas suffisants pour déclencher ce mouvement de confiance et pour faire que les projets de M. Salam Fayyad, avec leur financement, soient mis en oeuvre.
Q - Comment sortir concrètement de cette impasse ?
R - En continuant, en espérant et en sachant que, de toute façon, il n'y a pas d'autre solution.
Les Palestiniens et les Israéliens se connaissent très bien. Ce qu'ils négocient, cela fait 60 ans qu'ils le font et ils savent très bien qu'il n'y a pas d'autre solution et qu'un jour cela viendra. Malheureusement, plus tard cela viendra et plus il y aura de morts, plus il y aura d'affrontements. Nous le savons mais il ne faut pas désespérer car nous savons également qu'il n'y a pas d'autre solution qu'un Etat palestinien à côté de l'Etat d'Israël.
Il est intéressant de voir qu'à la Conférence de Paris, pour la première fois, était inscrit : ''pour l'Etat palestinien''. C'est tout de même la création d'Annapolis, c'était un espoir. Deux mois et demi plus tard, nous avons un tout petit creux.
Q - Combien d'argent a été versé deux mois après la Conférence de Paris ?
R - Il y a plusieurs parties. La France a versé 24 millions d'euros pour le budget des mois de janvier et de février. Il y a une partie importante pour le financement des projets et de l'argent pour le volet humanitaire. Tout est classé. Nous avons de l'argent, nous avons les projets, mais ce n'est pas à nous de les mettre en oeuvre tout de suite. Il y a, par exemple, un projet sanitaire dans les Territoires palestiniens que nous allons, je l'espère, soutenir très vite.
Il y a des projets qui iront plus vite que d'autres mais les grands projets, en particulier la station d'épuration ou la reconstruction en Cisjordanie, traînent un peu.
Q - Abou Mazen est-il optimiste quant aux discussions avec Israël ?
R - Oui, il me dit qu'il est optimiste et que les discussions se passent bien.
Q - Monsieur le Ministre, le 23 janvier dernier, le Hamas a fait voler en éclat la frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte, est-ce que vous avez abordé le sujet avec le Président Abbas et qu'est-ce qui a été dit ?
R - Ce qui a été dit, c'est qu'il y a une proposition de l'Autorité palestinienne pour que soit repris, comme il a été prévu en 2005, le contrôle des points de passage afin qu'ils soient beaucoup plus ouverts, plus aisé. Cette proposition, acceptée par la Ligue arabe et l'Union européenne, doit être mise en oeuvre très vite.
Q - Le Hamas ne l'a pas acceptée ?
R - Il faudra les convaincre.
Q - Vous dites que la situation est insupportable à Gaza, mais ceux qui détiennent les clés d'ouverture des points de passage à Gaza, on sait qui c'est !
R - Je viens de vous dire qu'il y a tout de même une proposition pour que les points de passage soient pris en charge d'une meilleure façon. J'espère donc qu'elle sera, elle aussi, mise en oeuvre.
Si vous voulez que je dénonce les gens, cela ne servira strictement à rien, nous faisons tout ce que nous pouvons et je vous assure qu'il y a quand même des progrès qui sont faits, notamment l'idée de cet Etat palestinien qui était attendu depuis trente ans.
Q - Cela fait dix ans que l'on en parle aussi...
R - Mais cela fait même trente ans que certains en parlent. Simplement, cela n'était absolument pas au calendrier international, cela n'était pas une proposition ayant reçu l'accord de toute la communauté internationale.
Vous avez raison d'être impatient, moi aussi je le suis. Le problème, c'est de ne pas briser le petit outil que l'on a pour le moment et, surtout, l'espoir. On devra changer la condition de vie quotidienne des Palestiniens, c'est cela qu'il faut faire, et c'est la raison de ces projets.
Q - Les Israéliens sont-ils impatients de voir la création d'un Etat palestinien, d'après les contacts et les entretiens que vous avez eus avec vos homologues ?
R - Je crois que l'opinion publique israélienne n'a pas été suffisamment éveillée, parce qu'il y a eu trois échecs des antérieurs processus de paix, parce qu'il y a eu la Conférence de Madrid, les Accords d'Oslo, l'Initiative de Genève et que tout cela, finalement, s'est disloqué. Certes, le travail a été fait, beaucoup de solutions ont été apportées. Il faut maintenant reprendre ce mouvement et constater que les conférences d'Annapolis et de Paris n'ont pas suffisamment créé les conditions de la création d'un Etat palestinien. Il faut donc continuer.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 février 2008