Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de vous accueillir sous ces dorures et que celles-ci ne soient pas seulement réservées aux seuls diplomates - bien qu'ils soient nombreux dans la salle - mais à des créateurs. Quant à l'usage de l'expression : "sans frontières", si vous le permettez, quel succès ! Lorsque nous avons inventé Médecins sans frontières, en 1971, le choix se portait soit sur Médecins sans frontières, soit sur Médecins du monde : d'ailleurs, j'ai créé les deux. Mais lorsqu'une association rencontre le succès, on chasse les fondateurs, c'est une règle absolue aussi bien en diplomatie qu'en politique. L'expression "sans frontières" est devenue le concept politique de "sans frontiérisme" dont vous n'êtes pas les derniers à profiter puisqu'il a été suivi par de nombreuses disciplines. Regardez sur Internet, il y a maintenant des pompiers sans frontières, des plombiers sans frontières. Il y a toute sorte de professions qui négligent ces lignes virtuelles - et ils ont tout à fait raison de le faire. Et pour vous, Créateurs sans frontières, le concept est encore plus large ; je vous en félicite.
J'étais avant-hier en Israël et dans les Territoires palestiniens où les résultats du processus de paix d'Annapolis et de la Conférence de Paris sont lents à se manifester, même si les pourparlers, en tout cas les avancées politiques, sont assez positifs.
J'étais hier à Bruxelles. Il a fallu neuf années pour que le Kosovo soit déclaré indépendant et reconnu comme tel par dix-neuf pays de l'Union européenne. Les autres pays suivront.
Bref, ce week-end fut plutôt riche en événements qui, d'ailleurs, dans notre pays sont restés très peu au devant de l'actualité.
Je serai demain en Amérique du Sud, au Venezuela et en Colombie. Cet emploi du temps ne devait pas me permettre de passer quelques instants avec vous, à l'occasion de la remise des Passeports Créateurs sans frontières, mais je me suis débrouillé pour qu'il en soit ainsi et j'en suis très heureux, je vous l'ai déjà dit.
Dans ces déplacements, comme dans la plupart de mes activités quotidiennes, le temps réservé à la culture et aux arts est malheureusement trop bref, beaucoup trop rare, comme clandestin, comme quelques instants furtifs, quelques minutes volées, comparées aux poids lourds de la diplomatie, aux grands enjeux des diplomaties, aux guerres et à la construction européenne. Mon amie Anne Gazeau-Secret, directrice de la DGCID, me le reproche d'ailleurs amèrement.
Nous devrions, car c'est l'un de nos meilleurs "passeports", sinon le meilleur, profiter davantage du rayonnement culturel de la France que nous ne le faisons, même si à chacune de ces visites - je viens de vous en citer simplement quelques-unes sur les quatre jours - je prends plaisir et intérêt à visiter les expositions qui dans chacune des alliances françaises, dans chacun des centres culturels, éveillent l'attention des populations locales de façon très manifeste. C'est peut-être ces endroits-là qu'il nous faut conforter et mettre en avant, car c'est une très belle image extérieure de la France.
Je le fais le plus souvent possible. Pourrait-il en être autrement ? Je n'en sais rien. Mais je sais que les rares moments culturels qu'il me reste - des escapades impromptues dans une exposition, des livres glissés dans une poche entre deux avions, une conversation inopinée avec l'un d'entre vous -, s'ils sont mon plaisir et ma respiration, font, j'en suis certain, partie de mes fonctions.
La culture, la littérature, que vous incarnez aujourd'hui, c'est aussi cela l'identité française, la place de la France dans le monde, au même titre que les Droits de l'Homme, au même titre que le Conseil de sécurité des Nations unies ou la construction européenne.
Nous savons tous quelle Histoire particulière lie la France aux esprits éclairés du monde entier. Nous savons quel rôle notre pays a joué, quel espoir il incarne, quelles promesses il propose, promesses parfois déçues, bien sûr, mais promesses toujours intenses.
La France, dont le nom signifie tant dans le domaine de l'esprit, doit continuer de faire vivre son originalité, sa créativité et son génie. Ce génie que les esprits éclairés du monde attendent, c'est vous. C'est vous qui nous aidez, qui m'aidez à faire exister la France dans les coeurs et dans les rêves. C'est vous dont la France a besoin pour continuer d'être fidèle à elle-même, à faire taire les esprits chagrins qui abondent et, aujourd'hui, trop souvent, déclarent un peu hâtivement la mort de notre culture.
Disant cela, je ne cherche pas à vous embrigader dans un rôle qui n'est pas le vôtre, pas plus que les trophées qui vous sont remis aujourd'hui ne viennent consacrer un quelconque art officiel. Au contraire, ces pièces uniques réalisées par Alexis Tricoire, je voudrais que vous les preniez comme un remerciement et une invitation, une incitation à persévérer dans la liberté, dans l'indépendance et dans l'esprit critique.
Ces trophées ne prétendent pas définir ce qui est beau, et ni la liste des présents de ce soir, ni même celle des absents ne doivent être lues comme l'expression d'un goût figé ou d'un projet préétabli. Loin de signifier une quelconque main-mise politique dont nous serions d'ailleurs bien incapables, ces trophées témoignent au contraire des limites de l'action de l'Etat.
C'est parce que l'Etat ne peut pas tout, ne doit pas tout faire, que nous vous sommes reconnaissants de ce que vous faites pour la France.
C'est parce que l'art ne saurait être inféodé à un quelconque projet politique que nous sommes fiers de pouvoir compter sur vous pour faire exister la France sans nous - au-delà de nous toujours, contre nous parfois et, pourquoi pas, aussi avec nous de temps en temps...
Oui, la France a besoin de vous et c'est donc tout naturellement que la France, à travers moi, vous remercie ce soir. Elle vous remercie de faire vivre son nom de mille manières et d'entretenir, au-delà même des disciplines dans lesquelles vous vous illustrez, l'esprit de créativité et d'initiative qui est le bien le plus précieux d'une nation dynamique, la possibilité de toutes les audaces et de toutes les inventions culturelles, scientifiques, économiques ou technologiques.
C'est pourquoi la manifestation d'aujourd'hui me tient à coeur, faible témoignage de notre engagement auprès de vous, de notre soutien et de notre admiration. C'est en ce sens, je crois, que Cher Jacques Blot, Cher Olivier Poivre d'Arvor, ces créateurs sans frontières ont été proposés, il y a trois ans, sur l'initiative de CulturesFrance. Ils illustrent notre engagement à vos côtés, un engagement protéiforme et déterminé.
Je ne détaillerai pas les dispositifs existants et qui permettent, chaque jour, la circulation des artistes et des oeuvres, mais je remercie celles et ceux du ministère qui y contribuent, à Paris et sur le terrain. Je sais qu'ils travaillent tous dans un même état d'esprit, animés par un même respect pour vous, pour ceux qui créent, ceux qui inventent, ceux qui avancent. Si nous nous refusons à vous embrigader, nous faisons tout pour vous aider - pas assez bien sûr -, tout ce qui est en notre pouvoir, car il en va de notre intérêt et, je l'espère, du vôtre.
A l'heure de la globalisation et des passions qu'elle suscite, à l'heure d'un monde de plus en plus organisé en réseau, où les Etats sont contestés par des formes de pouvoir nouvelles, à l'heure des cultures de masses et des idées mondialisées, vous êtes les plus sûrs promoteurs des valeurs et des richesses de notre pays. Vous incarnez une diplomatie de la société civile qui est une diplomatie de l'échange et du partage, une diplomatie sans morgue ni arrogance, sans vérité révélée ni messianisme brutal.
Avec vous, Mesdames et Messieurs, nous faisons vivre bien plus qu'une certaine idée de la France, nous faisons vivre concrètement la diversité culturelle, c'est-à-dire une autre mondialisation, et celle-là positive.
Je vous disais que je me trouvais hier en Palestine. Je suis allé dans la ville de Bethléem - qui se trouve enserrée par un mur, ce qui est triste et j'espère que cela ne demeurera pas - bien connue d'un certain nombre de personnes mais qui est toujours évitée par les hommes politiques car le maire "sent le souffre", ce qui évidemment, à Bethléem, n'est pas forcément indiqué.
En tout cas, il y avait une exposition dans le Centre culturel qui abrite également l'Alliance française. Cette exposition itinérante était celle d'un artiste, d'un peintre franco-algérien, qui habite à Angers. Elle présentait des tableaux tout à fait rêvés, rêveurs, pleins d'inspiration, islamique et chrétienne à la fois, et, surtout, baignant dans les couleurs de ce paysage et les lumières très particulières autour de Jérusalem.
Il s'agissait là d'une rencontre avec une réalité tragique, pour l'heure, avec des gens qui, peut-être, devraient être aidés différemment - et nous tentons de le faire. Ces personnes accouraient, ces gens de Bethléem, des centaines de personnes, venaient voir cette exposition.
Il était important que vous soyez reçus, ici, avec les égards que vous méritez, au milieu de ces dorures un peu passées, mais qui ne sont pas la seule image de la France dans le monde.
Je compte sur vous pour que d'autres couleurs et d'autres formes continuent de venir déranger le sage ordonnancement des architectures de nos palais et de nos ambassades.
Je vous admire, je vous félicite, je vous envie et je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2008
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de vous accueillir sous ces dorures et que celles-ci ne soient pas seulement réservées aux seuls diplomates - bien qu'ils soient nombreux dans la salle - mais à des créateurs. Quant à l'usage de l'expression : "sans frontières", si vous le permettez, quel succès ! Lorsque nous avons inventé Médecins sans frontières, en 1971, le choix se portait soit sur Médecins sans frontières, soit sur Médecins du monde : d'ailleurs, j'ai créé les deux. Mais lorsqu'une association rencontre le succès, on chasse les fondateurs, c'est une règle absolue aussi bien en diplomatie qu'en politique. L'expression "sans frontières" est devenue le concept politique de "sans frontiérisme" dont vous n'êtes pas les derniers à profiter puisqu'il a été suivi par de nombreuses disciplines. Regardez sur Internet, il y a maintenant des pompiers sans frontières, des plombiers sans frontières. Il y a toute sorte de professions qui négligent ces lignes virtuelles - et ils ont tout à fait raison de le faire. Et pour vous, Créateurs sans frontières, le concept est encore plus large ; je vous en félicite.
J'étais avant-hier en Israël et dans les Territoires palestiniens où les résultats du processus de paix d'Annapolis et de la Conférence de Paris sont lents à se manifester, même si les pourparlers, en tout cas les avancées politiques, sont assez positifs.
J'étais hier à Bruxelles. Il a fallu neuf années pour que le Kosovo soit déclaré indépendant et reconnu comme tel par dix-neuf pays de l'Union européenne. Les autres pays suivront.
Bref, ce week-end fut plutôt riche en événements qui, d'ailleurs, dans notre pays sont restés très peu au devant de l'actualité.
Je serai demain en Amérique du Sud, au Venezuela et en Colombie. Cet emploi du temps ne devait pas me permettre de passer quelques instants avec vous, à l'occasion de la remise des Passeports Créateurs sans frontières, mais je me suis débrouillé pour qu'il en soit ainsi et j'en suis très heureux, je vous l'ai déjà dit.
Dans ces déplacements, comme dans la plupart de mes activités quotidiennes, le temps réservé à la culture et aux arts est malheureusement trop bref, beaucoup trop rare, comme clandestin, comme quelques instants furtifs, quelques minutes volées, comparées aux poids lourds de la diplomatie, aux grands enjeux des diplomaties, aux guerres et à la construction européenne. Mon amie Anne Gazeau-Secret, directrice de la DGCID, me le reproche d'ailleurs amèrement.
Nous devrions, car c'est l'un de nos meilleurs "passeports", sinon le meilleur, profiter davantage du rayonnement culturel de la France que nous ne le faisons, même si à chacune de ces visites - je viens de vous en citer simplement quelques-unes sur les quatre jours - je prends plaisir et intérêt à visiter les expositions qui dans chacune des alliances françaises, dans chacun des centres culturels, éveillent l'attention des populations locales de façon très manifeste. C'est peut-être ces endroits-là qu'il nous faut conforter et mettre en avant, car c'est une très belle image extérieure de la France.
Je le fais le plus souvent possible. Pourrait-il en être autrement ? Je n'en sais rien. Mais je sais que les rares moments culturels qu'il me reste - des escapades impromptues dans une exposition, des livres glissés dans une poche entre deux avions, une conversation inopinée avec l'un d'entre vous -, s'ils sont mon plaisir et ma respiration, font, j'en suis certain, partie de mes fonctions.
La culture, la littérature, que vous incarnez aujourd'hui, c'est aussi cela l'identité française, la place de la France dans le monde, au même titre que les Droits de l'Homme, au même titre que le Conseil de sécurité des Nations unies ou la construction européenne.
Nous savons tous quelle Histoire particulière lie la France aux esprits éclairés du monde entier. Nous savons quel rôle notre pays a joué, quel espoir il incarne, quelles promesses il propose, promesses parfois déçues, bien sûr, mais promesses toujours intenses.
La France, dont le nom signifie tant dans le domaine de l'esprit, doit continuer de faire vivre son originalité, sa créativité et son génie. Ce génie que les esprits éclairés du monde attendent, c'est vous. C'est vous qui nous aidez, qui m'aidez à faire exister la France dans les coeurs et dans les rêves. C'est vous dont la France a besoin pour continuer d'être fidèle à elle-même, à faire taire les esprits chagrins qui abondent et, aujourd'hui, trop souvent, déclarent un peu hâtivement la mort de notre culture.
Disant cela, je ne cherche pas à vous embrigader dans un rôle qui n'est pas le vôtre, pas plus que les trophées qui vous sont remis aujourd'hui ne viennent consacrer un quelconque art officiel. Au contraire, ces pièces uniques réalisées par Alexis Tricoire, je voudrais que vous les preniez comme un remerciement et une invitation, une incitation à persévérer dans la liberté, dans l'indépendance et dans l'esprit critique.
Ces trophées ne prétendent pas définir ce qui est beau, et ni la liste des présents de ce soir, ni même celle des absents ne doivent être lues comme l'expression d'un goût figé ou d'un projet préétabli. Loin de signifier une quelconque main-mise politique dont nous serions d'ailleurs bien incapables, ces trophées témoignent au contraire des limites de l'action de l'Etat.
C'est parce que l'Etat ne peut pas tout, ne doit pas tout faire, que nous vous sommes reconnaissants de ce que vous faites pour la France.
C'est parce que l'art ne saurait être inféodé à un quelconque projet politique que nous sommes fiers de pouvoir compter sur vous pour faire exister la France sans nous - au-delà de nous toujours, contre nous parfois et, pourquoi pas, aussi avec nous de temps en temps...
Oui, la France a besoin de vous et c'est donc tout naturellement que la France, à travers moi, vous remercie ce soir. Elle vous remercie de faire vivre son nom de mille manières et d'entretenir, au-delà même des disciplines dans lesquelles vous vous illustrez, l'esprit de créativité et d'initiative qui est le bien le plus précieux d'une nation dynamique, la possibilité de toutes les audaces et de toutes les inventions culturelles, scientifiques, économiques ou technologiques.
C'est pourquoi la manifestation d'aujourd'hui me tient à coeur, faible témoignage de notre engagement auprès de vous, de notre soutien et de notre admiration. C'est en ce sens, je crois, que Cher Jacques Blot, Cher Olivier Poivre d'Arvor, ces créateurs sans frontières ont été proposés, il y a trois ans, sur l'initiative de CulturesFrance. Ils illustrent notre engagement à vos côtés, un engagement protéiforme et déterminé.
Je ne détaillerai pas les dispositifs existants et qui permettent, chaque jour, la circulation des artistes et des oeuvres, mais je remercie celles et ceux du ministère qui y contribuent, à Paris et sur le terrain. Je sais qu'ils travaillent tous dans un même état d'esprit, animés par un même respect pour vous, pour ceux qui créent, ceux qui inventent, ceux qui avancent. Si nous nous refusons à vous embrigader, nous faisons tout pour vous aider - pas assez bien sûr -, tout ce qui est en notre pouvoir, car il en va de notre intérêt et, je l'espère, du vôtre.
A l'heure de la globalisation et des passions qu'elle suscite, à l'heure d'un monde de plus en plus organisé en réseau, où les Etats sont contestés par des formes de pouvoir nouvelles, à l'heure des cultures de masses et des idées mondialisées, vous êtes les plus sûrs promoteurs des valeurs et des richesses de notre pays. Vous incarnez une diplomatie de la société civile qui est une diplomatie de l'échange et du partage, une diplomatie sans morgue ni arrogance, sans vérité révélée ni messianisme brutal.
Avec vous, Mesdames et Messieurs, nous faisons vivre bien plus qu'une certaine idée de la France, nous faisons vivre concrètement la diversité culturelle, c'est-à-dire une autre mondialisation, et celle-là positive.
Je vous disais que je me trouvais hier en Palestine. Je suis allé dans la ville de Bethléem - qui se trouve enserrée par un mur, ce qui est triste et j'espère que cela ne demeurera pas - bien connue d'un certain nombre de personnes mais qui est toujours évitée par les hommes politiques car le maire "sent le souffre", ce qui évidemment, à Bethléem, n'est pas forcément indiqué.
En tout cas, il y avait une exposition dans le Centre culturel qui abrite également l'Alliance française. Cette exposition itinérante était celle d'un artiste, d'un peintre franco-algérien, qui habite à Angers. Elle présentait des tableaux tout à fait rêvés, rêveurs, pleins d'inspiration, islamique et chrétienne à la fois, et, surtout, baignant dans les couleurs de ce paysage et les lumières très particulières autour de Jérusalem.
Il s'agissait là d'une rencontre avec une réalité tragique, pour l'heure, avec des gens qui, peut-être, devraient être aidés différemment - et nous tentons de le faire. Ces personnes accouraient, ces gens de Bethléem, des centaines de personnes, venaient voir cette exposition.
Il était important que vous soyez reçus, ici, avec les égards que vous méritez, au milieu de ces dorures un peu passées, mais qui ne sont pas la seule image de la France dans le monde.
Je compte sur vous pour que d'autres couleurs et d'autres formes continuent de venir déranger le sage ordonnancement des architectures de nos palais et de nos ambassades.
Je vous admire, je vous félicite, je vous envie et je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2008