Intervention de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes,à Public Sénat le 26 février 2008, notamment sur le sort des otages des FARC en Colombie et la proclamation unilatérale d'indépendance au Kosovo.

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Média : Public Sénat

Texte intégral

Q - Il y a quelques jours, vous étiez en Colombie pour tenter de faire le point sur la situation des otages et notamment sur la situation d'Ingrid Betancourt. La semaine dernière, le président de la République, en votre compagnie d'ailleurs, a reçu la famille d'Ingrid Betancourt. Que peut-on dire, que peut-on savoir, que peut-on nourrir comme espoir puisque nous atteignons à présent la sixième année de détention pour Ingrid Betancourt ?
R - Oui, c'est un triste anniversaire. Six années d'isolement, de vie terriblement difficile, six années de désespoir pour un certain nombre d'otages civils et pour des centaines d'otages militaires et membres de la police.
Deux otages ont été relâchés grâce à l'intervention du président du Venezuela, M. Chavez. Vous savez qu'il y a 2 300 kilomètres de frontière entre la Colombie, région où se tiennent les guérilleros des FARC, et le Venezuela.
Mercredi, le président Chavez m'a annoncé que d'autres otages devaient être libérés, trois autres et un quatrième, l'ex-sénateur Gechem, qui est malade. L'idée est d'établir un accord humanitaire au moins pour que soient libérés les malades et les femmes.
Nous attendons ces quatre libérations. Le président Uribe, le président colombien et le président Chavez. Ils sont très éloignés idéologiquement. Une lutte de 40 ans se mène en Colombie contre les FARC qui sont des guérilleros d'un ancien temps, d'un temps où, en effet, la lutte armée était à l'ordre du jour. Elle ne l'est plus beaucoup.
Le président Uribe a entamé des opérations militaires. Je ne sais pas si elles sont réussies mais enfin, la sécurité augmente en Colombie, particulièrement dans les villes.
Q - On se souvient que le président de la République avait pris des initiatives, à la fois en direction des FARC - il leur avait lancé un appel solennel - et du même coup, la France a été conduite à se rapprocher de M. Chavez, le président du Venezuela. Continuez-vous d'avoir confiance en cette politique extrêmement compliquée de petits pas, de pressions amicales ou doit-on, hélas, considérer qu'au fond, l'attention de l'opinion internationale, l'attention de la France, notamment, est tellement forte sur Ingrid Betancourt que, paradoxalement, les FARC s'en servent ? Ils se servent d'elle comme d'un bouclier humain quasiment pour justement éviter une offensive militaire ou quelque chose de ce genre.
R - Oui c'est vrai, ils se servent des otages en général comme de boucliers humains.
Q - Et d'elle plus encore !
R - Oui, mais elle a réveillé l'attention, elle a même éveillé l'attention sur tous ces otages qui sont peut-être au nombre de sept ou huit cents.
Maintenant, grâce au président Sarkozy, grâce à son appel, grâce à la première libération de Clara Rojas et de Consuelo Gonzalez, l'ex sénatrice qui se trouve en France en ce moment, tout le monde s'intéresse à cela à présent. Ce n'est plus un problème complètement interne à la Colombie et cela, c'est une première victoire.
C'est difficile, c'est une politique d'équilibre entre M. Chavez et M. Uribe et nous parvenons, la France pour le moment parvient à dire à M. Uribe : "c'est votre pays et vous avez une politique approuvée très massivement par la population colombienne". Il n'empêche qu'il faut travailler ou au moins accepter que le président Chavez, qui a une influence sur les FARC, puisse intervenir pour favoriser la libération, de temps en temps, le plus souvent possible, des otages et d'Ingrid, bientôt, je l'espère.
Le président Uribe accepte cela et même - on peut le demander à Consuelo en ce moment -, de suspendre les opérations au moment des libérations pour ne pas menacer les otages. Nous en sommes là et j'espère que cela va se poursuivre dans les jours qui viennent. C'était le but de mon voyage là-bas.
Q - Autre grand sujet international qui nous a ramené quelques années en arrière malgré tout et notamment pour vous-même, c'est le Kosovo et la proclamation unilatérale de l'indépendance au Kosovo. On voit bien que les inconvénients peuvent peut-être l'emporter sur les avantages. Les inconvénients, c'est par exemple, l'effet d'imitation, la crainte de nos amis espagnols de voir des revendications de même nature trouver un écho au plan international, l'attitude de M. Poutine en Russie qui est très menaçante. A chaque fois, sur ce territoire, on voit bien que les tensions sont très fortes, la moindre petite chose fait repartir des tensions extrêmement vives. Monsieur Kouchner, pouvez-vous nous redire en quoi fallait-il peut-être se résigner à l'indépendance du Kosovo ?
R - Il fallait s'y résigner parce qu'il n'y avait pas d'autre solution et ce n'est pas faute de l'avoir cherché. Il y a eu deux années de négociations pendant lesquelles, sous l'égide du président finlandais, sous l'égide de l'Europe, de la Russie et des Etats-Unis, aucun progrès n'a été fait, aucun. Les protagonistes ne se parlaient pas en réalité, alors c'était très difficile. Nous ne pouvions pas faire autrement sinon, nous aurions maintenu des milliers d'hommes de l'OTAN et des Nations unies pour l'administration etc, dans le cadre de l'UNMIK, pendant des années, comme à Chypre, et nous avons jugé que ce n'était pas la solution.
Il fallait trancher. Je le crois honnêtement même si je sais que c'est difficile pour les Serbes. Je sais ce qu'ils perdent et je sais ce que cela représente pour eux car c'est le berceau de leur religion orthodoxe. Il y a là des monastères qui sont l'un des patrimoines de l'Humanité et qui seront protégés. Je le sais mais, franchement, il n'y avait pas d'autres solutions. N'oublions pas l'épuration ethnique, n'oublions pas les centaines de milliers de réfugiés brutalement chassés de chez eux, les milices au Kosovo, les assassinats, etc.
La haine est telle qu'il faut deux générations pour l'apaiser. Deux générations, cela représente presque 50 ans et on ne pouvait pas attendre. S'il y avait eu une autre solution, nous l'aurions trouvée. Peut-être aurions-nous pu attendre encore un mois parce qu'il y a des élections espagnoles. Vous avez raison de le souligner, et que le problème basque, et même catalan, existe en Espagne. Mais à force d'attendre, les choses s'enkystaient et je crois que cela rend service aux jeunes Serbes et à la génération qui vient et qui est une génération serbe profondément européenne.
Je crois qu'ils se retrouveront, que ces deux peuples, ces deux communautés se rassembleront en allant vers l'Europe. C'est la solution.
Nous ne pouvions pas accepter que la Serbie vienne en Europe - et elle y a sa place - avec un cordon de Casques bleus qui sépare les haines et les communautés - un peu les religions mais la religion ne compte pas beaucoup.
Franchement, ce n'est pas drôle et j'ai salué cette indépendance en saluant d'abord les Serbes et en saluant ceux des Serbes qui restent au Kosovo et qui doivent y être protégés et qui doivent s'intégrer. De mon point de vue, ce n'est pas une défaite pour les Serbes, au contraire, c'est un renouveau nécessaire. Et ce qui est intéressant, M. Colombani, c'est que, symboliquement, la Présidence de l'Europe est assumée par la Slovénie actuellement. La Slovénie est le premier des pays qui a quitté, dans la guerre n'est-ce pas, et avant la Croatie, la Fédération yougoslave et ce sont eux qui administrent la venue du Kosovo.
Q - C'est d'ailleurs un signe de ce que devient l'Europe. Par rapport à toute la période d'épuration ethnique qui a été traversée, c'est extrêmement satisfaisant en effet. Mais la Slovénie, comme la Croatie, étaient des Etats membres d'une Fédération, la fédération de Yougoslavie tandis que le Kosovo n'était pas un Etat, c'était une province. Et c'est en cela que le droit international peut avoir été ou est contredit. C'est d'ailleurs tout l'argument de la Russie que de dire que le droit international n'est pas respecté parce que le Kosovo était consubstantiellement lié à la Serbie, alors que la Croatie est une République fédérée et la Slovénie également. Ces notions-là ont malgré tout leur importance.
R - Oui, sauf que l'on a oublié, par exemple, que l'Erythrée avait son importance en Ethiopie et qu'il y a eu une décision pour qu'elles se séparent. Ce n'est pas vrai que c'est la première fois et certainement pas la dernière.
Surtout, n'oublions pas que ce sont les erreurs et les crimes de M. Milosevic qui ont été, pour une fois, réparés parce que le Kosovo, comme la Vojvodine n'était certes pas une République mais c'était une zone autonome administrée par les Kosovars. Et c'est en 1989 que M. Milosevic a fait le fameux discours "du chant des merles" où il a créé la haine et chassé l'ensemble du personnel kosovar de toutes les administrations, la Santé, l'Education, etc.
C'est après que ces haines sont montées car avant, sous Tito, les choses n'allaient pas si mal.
C'est en réparant l'erreur fondamentale de M. Milosevic que nous avons accepté cette indépendance comme la solution la moins mauvaise. Je fais confiance à mes amis serbes et à la sagesse du gouvernement kosovar qui, vous l'aurez remarqué, se conduit plutôt bien. Le gouvernement kosovar a accepté toutes les protections qui ont été demandées pour les minorités ainsi que l'application du plan Ahatissari qui avait été accepté par l'ONU. C'est un peu compliqué.
Je salue, par ailleurs, les Russes qui viennent d'accepter hier le fait qu'il n'y ait pas de solution militaire, de gommer et de ne plus penser à cette solution militaire ; ce qui me paraît être un bon point.
Ce n'est pas facile, je comprends bien que les Serbes se sentent contraints et un peu brisés dans leurs convictions mais tout rentera dans l'ordre. Il suffit de s'entendre, seulement voilà, pour cela, je l'ai dit, il faut des générations.
Q - Mais, il y a autour, un certain nombre de pressions, de forces et de contre-forces. Vous disiez tout à l'heure que la Serbie est profondément européenne. Mais, elle l'est de justesse car à la dernière élection présidentielle, on a bien vu que la victoire du candidat ouvertement européen avait été limite.
R - Oui, mais c'est une victoire !
Q - En effet, c'est une victoire, il n'y a rien à dire mais néanmoins - et ce qui est intéressant aussi, c'est que l'autre camp qui a été défait de justesse est très proche des thèses russes -, comment donc l'Union européenne maîtrisera-t-elle cet appétit russe qui se marque là mais qui se marque aussi en d'autres endroits ?
R - Il se marque avec force et parfois même avec violence, en tout cas verbale, et nous le notons pour le déplorer.
C'est un grand pays qui doit retrouver toute sa place dans les pratiques et dans le concert international. Les pratiques internationales sont malgré tout là pour que l'on parvienne à s'entendre. Pour le moment, c'est le camp européen qui l'a emporté en Serbie, celui qui représente la jeunesse et le président Tadic qui est, je crois, un ferme partisan de l'entrée de la Serbie dans l'Union européenne.
Cela prendra du temps mais nous les acceptons d'avance avec joie. C'est la solution, la solution n'est pas la guerre, la solution ne peut pas être le nettoyage ethnique, la solution ce ne sont pas les haines. Les solutions n'ont rien à voir avec les haines, et l'exemple c'est l'Europe.
Lorsque j'étais au Kosovo, responsable de cette province durant deux années - donc je commence à connaître un tout petit peu -, l'un des généraux en chef était le général Klaus Reinhardt, un général allemand, et moi j'étais français et responsable de l'ensemble. Nous arrivions tous les deux pour expliquer que l'Allemagne et la France, que nos parents, s'étaient haïs, combattus et massacrés durant des siècles. Et maintenant, nous sommes les jumeaux qui vous assurent qu'il n'y a pas de solution autre que la paix. Venez dans l'Europe et vous verrez, c'est cela le bouleversement des pratiques et des violences qui se gomment en Europe.
J'espère que ce sera entendu.
Q - L'Europe, nous en reparlerons peut-être encore tout à l'heure, car nous sommes sous Présidence slovène et à quelques semaines de la Présidence française mais nous y reviendrons. Auparavant, je voudrais changer de continent parce que l'autre grand sujet de la diplomatie française a été et est toujours le Tchad. Quel est le rôle ou la nouvelle politique française, s'il y en a une parce qu'à près tout il est légitime aussi d'avoir une politique davantage marquée par la continuité en Afrique en tout cas au Tchad. Où en sommes-nous exactement Bernard Kouchner ?
R - La violence n'est pas complètement terminée, au contraire puisque des réfugiés, sous les coups des milices Janjawids arrivant du Soudan, affluent encore par milliers sur le territoire tchadien. Ce qui a changé, c'est que nous ne sommes pas intervenus. L'armée était là, elle a évacué les blessés, elle s'est même battue pour faire sortir - c'était une opération des forces spéciales très difficile - les diplomates, en particulier allemands, américains, chinois, qui se trouvaient sous les bombardements. Ce fût très dur pour tous. Mais l'armée française n'a pas participé aux combats et c'est ce qui est nouveau.
Nous étions le gendarme de l'Afrique, nous sommes encore très proches des Africains, nous le resterons. Il n'y avait pas d'accord de défense avec le Tchad, il y avait un accord de coopération militaire. C'est complètement différent et c'est cela qui a changé.
Q - Aujourd'hui, le grand problème dans la région c'est le Darfour. Il s'agit d'un problème international auquel la France avec d'autres pays, a essayé de mettre un terme avec la mise sur pied d'une force européenne, l'Eufor. On voit bien que les récents événements au Tchad sont mis à profit pour ralentir, délégitimer l'Eufor aux yeux d'un certain nombre de nos partenaires. On a vu poindre un certain nombre de critiques, et surtout parmi ces critiques, notamment venues de l'Autriche, l'idée qu'il faudrait que le Tchad libère les opposants au président Déby qui ont été arrêtés au passage dans le tumulte ambiant.
R - Nous voulons absolument qu'ils soient retrouvés et qu'ils soient arrêtés. S'il y a quelque chose à leur reprocher, il faut que la justice tchadienne s'en empare. Mais pourquoi sont-ils arrêtés, nous n'en savons rien et nous demandons à le savoir.
L'ancien président, M. Lol Mahamat Choua, est maintenant sous des accusations - qui vont bientôt être rendues publiques -, de participation à la rébellion en ayant préparé un gouvernement. Nous le croyons mais nous n'en savons pas les termes exacts. M. Yorangar a été retrouvé. Il se cache encore mais des témoins assez crédibles l'ont vu et il est en vie. Pour le troisième, M. Mahamat Saleh, nous ne savons pas et il faut le retrouver.
Qu'il y ait eu des exactions et des arrestations, arbitraires ou pas, pendant cette effroyable guerre, c'est possible. Mais n'oublions pas la guerre. N'oublions pas que des rebelles armés, venus du territoire voisin, ont voulu prendre le pouvoir par la force et assassiner le président.
Q - Armés par qui, par le Soudan ?
R - Ils venaient du Soudan. L'Union africaine, réunie à Addis Abeba, a condamné cela en disant que, heureusement, il y a eu un sursaut du côté tchadien et a demandé, comme le Conseil de sécurité l'a fait, à l'armée française et à toutes les armées présentes de porter assistance au gouvernement légal. En effet, il y a des critiques à ce sujet, qui sont plus le reflet de conflits internes aux pays européens que de vrais refus car cette EUFOR sera la plus grande opération humanitaire.
Il s'agit d'une opération humanitaire et de protection militaire. Il faut protéger non seulement les réfugiés mais également les personnes déplacées, à savoir les Tchadiens au Tchad qui sont au nombre de 400 à 500.000. Toutes les ONG, présentes sur place, nous attendent. C'est notamment le cas de Human Rights Watch qui vient de publier un communiqué en disant : "vivement que vous arriviez" et du président Konaré de l'Union africaine qui dit : "vite l'opération EUFOR". Il y a quelques réticences parce que la situation est dangereuse mais c'est d'autant plus nécessaire lorsque la situation est dangereuse.
Les 27 pays européens ont participé financièrement à l'opération et 20 pays participent directement. Nous ne pouvons pas faire mieux. Qu'ils y aient des gens qui pensent qu'après tout c'est mieux de faire la paix que la guerre, je suis bien d'accord mais en ce moment, les réfugiés et les personnes déplacées vivent dans des conditions dramatiques et il faut leur donner un environnement sécuritaire pour qu'ils reconstruisent leur village. Cette EUFOR est aussi une opération de développement. Avant le développement, avant la reconstruction des villages, il faut sécuriser la zone.
Q - Sécuriser les populations du Darfour ?
R - Les populations ne sont pas toutes du Darfour. Il y a aussi des populations qui étaient dans les villages du Tchad et qui sont de l'autre côté de la frontière soudanaise. Ces villages ont été pillés, brûlés, les gens ont été assassinés, les femmes violées et ces populations ont reflué sur 50 à 100 kilomètres. Il y a des réfugiés pris en charge par le Haut commissariat aux réfugiés mais, malheureusement, pour les déplacés, ces populations déplacées à l'intérieur de leur propre pays, personne ne les prend en charge. C'est une situation injuste. Le HCR fait ce qu'il peut. C'est sur ce point que nous devons les assister, c'est le but de cette opération EUFOR qui a été maintenant, non seulement acceptée par tout le monde, mais est appelée par tout le monde.
Q - Mais comment se déploie-t-elle, ce sont essentiellement des troupes françaises ?
R - Les premières troupes déployées ont été les forces spéciales suédoises. Les troupes qui arrivent maintenant sont irlandaises, le général qui commande est irlandais. Oui, il y aura des troupes françaises qui représenteront près de la moitié des effectifs.
Q - Je disais troupes françaises, parce que l'un des reproches qui vous est adressé, c'est de dire : "vous voyez bien que l'EUFOR sert les intérêts français".
R - Les intérêts français au Tchad sont peu de choses. Je vous signale que ce n'est pas Total mais Exxon qui s'occupe de la faible exploitation de pétrole tchadien. Je suis très fier que l'on dise de l'armée française qu'elle va s'occuper, avec les dix sept autres armées, de ces populations qui souffrent. Je suis très fier et vous allez voir que non seulement cela va marcher, mais cette opération européenne du côté tchadien de la frontière, va être mise en place, malheureusement, avant l'opération de l'Union africaine et de l'ONU du côté soudanais de la frontière, car là des obstacles s'accumulent. Or, dans notre conception, il fallait deux protections le long de la frontière pour que les populations cessent de souffrir. Je vous rappelle que c'est quand même deux à trois millions de personnes déplacées du Darfour.
Q - Un dernier point sur le Darfour, c'est l'idée, venue notamment des Etats Unis, qu'au Darfour, le fauteur de trouble, l'oppresseur c'est le Soudan. Le Soudan est soutenu par la Chine. Donc, un moyen d'alléger les souffrances, c'est peut être de dire à la Chine comportez-vous autrement vis à vis du Soudan et si la Chine ne l'entend pas et bien boycottons les Jeux Olympiques de Pékin. Comment appréciez-vous cette situation, cet appel au boycott que l'on vient de voir à travers Steven Spielberg qui a récemment renoncé de filmer pour toutes ces raisons ?
R - Je crois que c'est un geste militant qu'il faut apprécier à sa juste valeur et à son juste pouvoir sur la Chine. Je vous rappelle que la diplomatie française est assez active. Elle a demandé à la Chine de participer à la Conférence de Paris qui fût tant décriée en juin et a permis cette mission des Nations unies au Darfour. Nous avons convaincu la Chine d'y participer. La Chine maintenant pèse d'un poids substantiel sur la politique de M. Béchir, le président du Soudan.
Nous avons bien vu dans un article d'hier du New York Times que cela commençait à fonctionner et que les Etats-Unis commençaient à se dire que seule la Chine pouvait participer de ce mouvement, qu'elle freinait les velléités meurtrières d'un certains nombre de groupes à l'intérieur du Soudan. C'est avec eux que nous travaillons. Je vous signale que la Chine a envoyé 400 soldats dans l'opération hybride c'est-à-dire dans l'opération qui va se déployer au Darfour même. Cela commence à bouger et je pense qu'ils ont compris qu'ils ne pouvaient pas simplement occuper le terrain, aider les gouvernements, acheter le pétrole mais qu'ils avaient un rôle dans la pacification de la région et c'est très bien.
Il n'y a pas d'autre moyen. Si nous ne faisons pas cela, va-t-on se battre contre la Chine ? Il faut les faire participer à cette opération humanitaire et je pense que c'est en chemin. C'est long, c'est difficile, il y a des reculs, bien entendu, mais c'est en chemin.
Q - Juste un mot puisque nous sommes au seuil de la Présidence française, après la Présidence slovène. On voit bien que le Traité simplifié a permis de remettre en marche, ou du moins arrêter ce qui avait été enclenché à savoir la marche arrière. Quels espoirs peut-on nourrir autour de cette Présidence française ? Est-ce que cela peut-être l'occasion de relancer la machine européenne ? Quels espoirs peut-on placer dans cette perspective ?
R - Nous le souhaitons infiniment. Le président de la République l'a dit. Je me prépare, nous préparons toute la diplomatie française, tous les ministères français pour que ce soit un renouveau, un élan, un redémarrage des propositions. La Présidence slovène se débrouille très bien, elle a géré le Kosovo, ce n'est pas simple. Nous, nous souhaitons une entente dans certains domaines tels que l'énergie ou l'immigration - je pense qu'il y aura une entente européenne sur ce problème. Comment va-t-on négocier ensemble sur les sujets liés à l'énergie, comme le gaz par rapport à la Russie, ou la diversité des sources énergétiques avec la question de l'énergie nucléaire.
J'espère que dans tous les domaines, plus particulièrement dans celui qui nous intéresse tous et qui est source d'incompréhension en France et en Europe, c'est à dire la globalisation, nous trouvions une entente. Oui, nous coûtons plus cher, oui, nous avons une armature sociale qui rend chaque heure de travail européenne, française en particulier, plus chère que dans le monde en développement. Il nous faut une réflexion sur les années qui viennent, peut être même un carnet de route donné à nos amis américains qui vont changer de président.
Vous avez raison de le dire, nous étions en marche arrière. S'il n'y a pas d'Europe, il n'y a pas de puissance française suffisante. S'il y a une mésentente entre l'Allemagne et la France, eh bien il n'y a pas de vrai moteur de l'Europe. Il faut recommencer à se parler différemment - mais cela a toujours été comme cela au début d'une présidence - même si cela ne suffit pas car maintenant nous sommes 27 et c'est beaucoup plus dur qu'à 15. Je crois qu'il faut miser énormément, non pas sur cette présidence mais sur l'Europe nécessaire, indispensable, pour que la France reste la France.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 février 2008