Texte intégral
Merci de votre présence à ce point de presse qui vient pratiquement clore ma visite en Arabie saoudite. Ce n'était pas ma première visite en Arabie saoudite, puisque, en tant que ministre de la Défense, je suis venue à quatre reprises dans le pays, mais c'était ma première visite en tant que ministre de l'Intérieur. Cette visite suivait la visite d'Etat du président Sarkozy et elle marquait la volonté de la France de mettre en oeuvre très rapidement les orientations qui ont été exprimées à l'occasion de ce voyage et de les concrétiser, bien entendu dans le domaine qui est celui de la sécurité intérieure et l'ensemble des activités du ministère de l'Intérieur. Les relations entre l'Arabie saoudite et la France dans le domaine de la sécurité intérieure sont anciennes et excellentes. La première coopération a commencé dans les années quatre-vingts et cette coopération s'est toujours inscrite dans la relation d'amitié et de confiance entre nos deux pays. Mais il est vrai qu'aucun ministre de l'Intérieur français n'était venu en Arabie saoudite depuis de longues années, depuis 14 ans je crois, et que le monde a changé depuis cette époque et que nos sociétés aussi ont changé, ce qui veut dire qu'il était important d'adapter et de renforcer notre coopération dès lors que chacun de nos pays a adapté sa politique de sécurité intérieure aux évolutions de la société.
L'accord de coopération que j'ai signé hier soir avec le prince Nayef élargit le domaine de coopération en matière de sécurité intérieure. C'est un partenariat stratégique qui est établi, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un accord ponctuel, mais où nous cherchons à envisager une coopération dans tous les domaines. L'accord intéresse le personnel, les matériels, la coopération sur les opérations. Il intéresse le renseignement, la formation, les matériels utilisés, les méthodes. Cet accord élargit également les champs sur lesquels porte la coopération. Il porte d'abord sur notre coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Je rappelle qu'il y a quatorze ans, c'était "avant" les attentats de 2001. Il porte sur la cybercriminalité qui, il y a quatorze ans, n'existait pas. Il porte sur le trafic de drogue, sur le trafic des faux médicaments, sur le trafic des personnes. Il porte aussi sur tous les éléments de l'économie souterraine, sur les migrations. C'est donc un accord qui porte globalement sur toutes les questions de sécurité qui peuvent intéresser nos pays. Cet accord est rendu d'autant plus possible, en dehors des relations d'amitié et de confiance entre nos deux pays, que l'Arabie saoudite a un niveau d'expertise et de professionnalisme qui est très élevé et donc qui nous permet de nous parler sur un plan d'égalité.
De ce point de vue, j'ai souhaité exprimer mes remerciements aux forces de police saoudiennes, qui ont permis l'interpellation et l'arrestation des assassins de quatre Français, qui ont trouvé la mort il y aura exactement un an demain. En l'espèce, les forces saoudiennes ont montré leur savoir-faire, puisqu'elles ont élucidé l'affaire dans des conditions extrêmement difficiles: c'était en plein désert, il n'y avait pas de témoins et il n'y avait quasiment pas d'indices. J'ai adressé mes félicitations et mes remerciements, j'ai également adressé mes condoléances, puisqu'un capitaine des forces de police saoudiennes a trouvé la mort dans ces opérations et que sept d'entre eux ont été blessés. Voilà le sens et le contenu de l'accord de coopération qui a été signé et la signification du renforcement de cette coopération, que je souhaite très étroite et complète.
J'ajouterai une chose, c'est qu'en France, le ministre de l'Intérieur est aussi le ministre des Cultes. Et cela m'a donc conduite à avoir un entretien approfondi, extrêmement intéressant et, je pense, extrêmement fructueux avec le ministre des Affaires islamiques. Nous avons échangé notre analyse de la situation actuelle, qui se traduit par la volonté de quelques-uns d'interpréter les enseignements du Coran pour répondre à des préoccupations extrémistes et politiques, qui sont à l'origine d'un certain nombre d'actes terroristes. Nous avons manifesté notre commune volonté d'oeuvrer pour que la lecture du Coran puisse être diffusée dans sa vérité et j'ai, également, à cette occasion, marqué comment, en France, nous garantissons la liberté d'exercice des religions et notamment de la religion musulmane. Depuis 2003, nous avons d'une part un organisme élu, entièrement géré par des Musulmans, le Conseil du culte musulman, qui est l'interlocuteur de l'Etat. J'ai rappelé également qu'en tant que ministre de la Défense, j'avais introduit auprès des Armées des aumôniers musulmans, comme il existait jusque là des aumôniers catholiques, protestants et juifs - c'était, je crois, en 2005 - et j'ai, d'autre part, rappelé que je venais de créer une Fondation pour les oeuvres de l'Islam, qui devrait être présidée par le recteur Dalil Boubakeur pour permettre à la fois la construction de mosquées et un certain nombre d'actions sociales.
J'ai également eu deux autres entretiens, avec le Prince Sultan, avec lequel j'ai beaucoup travaillé quand j'étais ministre de la Défense, avec le ministre d'Etat Abdallah Zeinal Alireza, sur les questions stratégiques et la relation bilatérale et, enfin, j'ai eu l'honneur et le plaisir d'être reçue chaleureusement par Sa Majesté le Roi Abdallah, que j'ai rencontré, cette fois-ci, comme ministre de l'Intérieur et avec lequel j'ai pu évoquer certains points de la situation internationale et, surtout, la qualité de notre relation. Voilà le contenu d'une soirée et d'une journée. Cela fait un peu moins de 24 heures que je suis arrivée, mais je pense que l'emploi du temps a été bien rempli. Le tout s'est passé dans un climat très chaleureux, dans un climat de grande confiance et, je crois, d'amitié, qui caractérise ces relations. Je veux remercier tous ceux qui ont contribué à la fois à l'intérêt de ce programme mais, surtout, au caractère très chaleureux de l'accueil qui m'a été réservé ainsi qu'à la délégation française.
Q - Vous êtes la ministre d'un Etat qui a une grande importance politique au sein de l'Union européenne et dans le monde. Il y a des membres de l'Union européenne pour qui la liberté d'expression permet d'offenser les symboles religieux des religions des autres, alors que, dans le cadre de cette liberté d'expression, un philosophe français, qui, il y a deux ans, a mis en doute la réalité de l'holocauste, a été condamné. Quelle est la solution, selon votre point de vue, concernant ces offenses qui poussent les extrémistes à renforcer (inaudible)
R - Bref, vous voulez me parler des caricatures ?
Q - Oui.
R - C'est effectivement un sujet très sérieux. Nous sommes tous, en Europe, attachés à la liberté d'expression et je suis très attachée à la liberté d'expression. Mais, je pense aussi qu'il faut veiller à ne pas choquer, à ne pas blesser inutilement des personnes en s'attaquant à leurs convictions, et je regrette profondément que certains fassent fi de ce respect, qui est dû aux autres dans leurs convictions et dans leur religion. Alors, il y a des lois, il y a des juges, et c'est à eux de prendre position. C'est pourquoi, je ne vous en dirai pas davantage sur ce point. Mais je vous ai dit sincèrement comment moi, à la fois comme Française et comme ministre des cultes, je considère de tels abus.
Q - Madame la Ministre, j'ai deux questions. La première, vous avez mentionné que dans votre entretien avec le ministre saoudien des affaires islamiques vous avez dit qu'il y aurait une coopération avec l'Arabie pour proposer une interprétation nouvelle du Saint Coran. Considérez-vous qu'il y une interprétation erronée du Coran en France ou une interprétation erronée également du Coran en Arabie saoudite ? Ma deuxième question, Madame la Ministre : allez-vous demander qu'on vous livre ceux qui ont tué les quatre Français ?
R - Non. Je crois que sur la lecture du Coran, ce que j'ai dit c'est que certains extrémistes ont une lecture qui est contraire à ses principes et à son texte. Quand des gens appellent à l'assassinat, ce n'est pas ce qui est dans le Coran et néanmoins vous avez un certain nombre de groupes terroristes qui s'appuient sur l'interprétation qu'ils font du Coran pour essayer de recruter, de fanatiser des jeunes et pour les conduire au terrorisme. Je pense qu'il est important que l'on puisse dire à ceux qui seraient susceptibles de les écouter que ce n'est pas ce qu'il y a dans le Coran. C'est ce dont nous avons parlé avec le ministre des Affaires islamiques. Je sais qu'il y a un certain nombre d'initiatives qui sont prises dans ce pays et qui me paraissent très intéressantes, notamment au niveau de l'utilisation d'Internet pour éviter cette récupération du Coran pour des finalités qui lui sont contraires.
Ensuite, en ce qui concerne l'assassinat de nos compatriotes, je vous l'ai dit, j'ai remercié les autorités saoudiennes de leur action pour parvenir à l'interpellation de ses auteurs, et nous leur faisons tout à fait confiance pour que ces personnes soient sanctionnées.
Q - Ma question porte, Madame la Ministre, sur l'accord. Quand a commencé la préparation de cet accord et est-ce que le terrorisme depuis un an a accéléré la signature de cet accord ?
R - L'accord a été envisagé, il y a de longues années et je dirai que sa signature est aussi le résultat d'un processus qui a vu, à travers l'évolution du monde, se renforcer la nécessité d'une coopération entre nos deux pays. Alors, avec un sourire, je vous dirai que, peut-être que l'on attendait simplement que le président Sarkozy me nomme ministre de l'Intérieur ! Vous savez, les femmes sont parfois très volontaires, un peu entêtées. Mais moi, en tous cas, j'aime bien faire avancer les choses très concrètement. Je crois l'avoir montré les cinq dernières années et j'ai bien l'intention de continuer dans le domaine de la sécurité intérieure.
Q - Vous avez dit, Madame la Ministre, qu'il y a eu des entretiens avec le Gardien des deux Lieux Saints sur les questions qui concernent les deux pays. Ma première question : avez vous été porteuse d'une lettre du président au Roi Abdallah ? Avez-vous parlé du Liban ? Ma deuxième question porte sur l'accord. Contient-il quelque chose sur l'échange de criminels ? Merci.
R - J'ai effectivement transmis au Roi Abdallah un message de proximité et d'amitié du président Sarkozy. Je crois que la visite qu'a faite le président Sarkozy à Riyad a été l'occasion d'établir des liens de grande confiance et de proximité entre les deux chefs d'Etat. Et, à ma connaissance, cette confiance s'est manifestée dès le premier contact. Alors nous avons effectivement, je vous le disais tout à l'heure, évoqué la situation internationale. Vous savez, nous avons beaucoup de considération pour les efforts déployés par le Roi Abdallah en faveur de la paix, beaucoup, aussi, d'admiration pour son autorité auprès des chefs d'Etat et de gouvernement du monde islamique. Nous apprécions sa sagesse et nous savons que son influence sur les opinions est aussi un des éléments de la stabilité. Et pour ma part, comme j'ai eu la chance et l'honneur de rencontrer à de nombreuses reprises le Roi Abdallah, je suis toujours très intéressée à écouter sa vision de la situation dans cette zone si importante et en même temps si fragile qu'est la région du Moyen-Orient. Et donc, bien entendu, je l'ai interrogé sur la façon dont il voyait ce qui se passe au Liban, mais, vous le savez aussi, je ne fais jamais part du contenu de ce que disent mes interlocuteurs, en particulier lorsqu'il s'agit du Roi.
Ensuite, si l'accord de coopération est un accord global, c'est aussi un accord technique sur la coopération entre les polices. Les problèmes de transfert et d'échanges de criminels sont des problèmes qui, eux, relèvent de la justice uniquement et, par conséquent, (inaudible)... au niveau de la justice ; ce n'est donc pas dans cet accord.
Q - Madame le Ministre, l'Arabie saoudite a appelé au cours d'une conférence sur le terrorisme à Riyad il y a trois ans, à créer un centre international de lutte contre le terrorisme. Cet appel ne s'est pas concrétisé jusqu'ici et aucun autre pays n'a appelé depuis à créer un centre équivalent. C'est un sujet que le Roi Abdallah a évoqué lors de sa dernière tournée européenne. Quelle est votre interprétation de cette absence de réponse, notamment au niveau européen ?
R - Ecoutez, je considère qu'il s'agit d'une initiative intéressante. C'est une initiative prise par le Royaume. Je ne pense pas que l'on puisse dire d'ores et déjà que ce soit un échec. En tous les cas, ce qui est sûr, c'est que si ce Centre s'ouvre, la France sera tout à fait prête à y tenir sa place et éventuellement à participer au conseil d'administration, s'il y a un conseil d'administration international, par exemple.
Q - Avez-vous entendu parler des caricatures insultant le Prophète ? Et autre question : pourquoi n'y a-t-il pas un accord international pour condamner les atteintes aux symboles religieux dans le monde ?
R - Sur ce sujet, je vous ai répondu comme je pouvais vous répondre. Dans les différents pays du monde, les conceptions de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, de la laïcité sont différentes, selon les cas. La conception française de la laïcité est fondée sur le respect des croyances et sur la volonté de ne pas empêcher l'expression des religions tant que ceci s'inscrit dans le cadre de la légalité du pays et de ne pas chercher à influencer, Mais c'est la position de la France et, en la matière, vous me parlez d'un accord international. Par la force des choses cela dépasse le cadre de ma mission.
Q - Sur le double standard racisme-antisémitisme.
R - Nous avons effectivement un droit en France, en ce qui concerne le racisme et l'antisémitisme, qui consiste à faire respecter les lois. Car le racisme est traité exactement de la même façon que l'antisémitisme. L'interprétation et l'application des lois sont faites par le juge, en application aussi de sa compétence locale. Car le juge français ne peut s'exprimer que sur ce qui se passe en France et ce qui est fait par des Français ou dans le cadre de conventions judiciaires précises.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mars 2008
L'accord de coopération que j'ai signé hier soir avec le prince Nayef élargit le domaine de coopération en matière de sécurité intérieure. C'est un partenariat stratégique qui est établi, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un accord ponctuel, mais où nous cherchons à envisager une coopération dans tous les domaines. L'accord intéresse le personnel, les matériels, la coopération sur les opérations. Il intéresse le renseignement, la formation, les matériels utilisés, les méthodes. Cet accord élargit également les champs sur lesquels porte la coopération. Il porte d'abord sur notre coopération en matière de lutte contre le terrorisme. Je rappelle qu'il y a quatorze ans, c'était "avant" les attentats de 2001. Il porte sur la cybercriminalité qui, il y a quatorze ans, n'existait pas. Il porte sur le trafic de drogue, sur le trafic des faux médicaments, sur le trafic des personnes. Il porte aussi sur tous les éléments de l'économie souterraine, sur les migrations. C'est donc un accord qui porte globalement sur toutes les questions de sécurité qui peuvent intéresser nos pays. Cet accord est rendu d'autant plus possible, en dehors des relations d'amitié et de confiance entre nos deux pays, que l'Arabie saoudite a un niveau d'expertise et de professionnalisme qui est très élevé et donc qui nous permet de nous parler sur un plan d'égalité.
De ce point de vue, j'ai souhaité exprimer mes remerciements aux forces de police saoudiennes, qui ont permis l'interpellation et l'arrestation des assassins de quatre Français, qui ont trouvé la mort il y aura exactement un an demain. En l'espèce, les forces saoudiennes ont montré leur savoir-faire, puisqu'elles ont élucidé l'affaire dans des conditions extrêmement difficiles: c'était en plein désert, il n'y avait pas de témoins et il n'y avait quasiment pas d'indices. J'ai adressé mes félicitations et mes remerciements, j'ai également adressé mes condoléances, puisqu'un capitaine des forces de police saoudiennes a trouvé la mort dans ces opérations et que sept d'entre eux ont été blessés. Voilà le sens et le contenu de l'accord de coopération qui a été signé et la signification du renforcement de cette coopération, que je souhaite très étroite et complète.
J'ajouterai une chose, c'est qu'en France, le ministre de l'Intérieur est aussi le ministre des Cultes. Et cela m'a donc conduite à avoir un entretien approfondi, extrêmement intéressant et, je pense, extrêmement fructueux avec le ministre des Affaires islamiques. Nous avons échangé notre analyse de la situation actuelle, qui se traduit par la volonté de quelques-uns d'interpréter les enseignements du Coran pour répondre à des préoccupations extrémistes et politiques, qui sont à l'origine d'un certain nombre d'actes terroristes. Nous avons manifesté notre commune volonté d'oeuvrer pour que la lecture du Coran puisse être diffusée dans sa vérité et j'ai, également, à cette occasion, marqué comment, en France, nous garantissons la liberté d'exercice des religions et notamment de la religion musulmane. Depuis 2003, nous avons d'une part un organisme élu, entièrement géré par des Musulmans, le Conseil du culte musulman, qui est l'interlocuteur de l'Etat. J'ai rappelé également qu'en tant que ministre de la Défense, j'avais introduit auprès des Armées des aumôniers musulmans, comme il existait jusque là des aumôniers catholiques, protestants et juifs - c'était, je crois, en 2005 - et j'ai, d'autre part, rappelé que je venais de créer une Fondation pour les oeuvres de l'Islam, qui devrait être présidée par le recteur Dalil Boubakeur pour permettre à la fois la construction de mosquées et un certain nombre d'actions sociales.
J'ai également eu deux autres entretiens, avec le Prince Sultan, avec lequel j'ai beaucoup travaillé quand j'étais ministre de la Défense, avec le ministre d'Etat Abdallah Zeinal Alireza, sur les questions stratégiques et la relation bilatérale et, enfin, j'ai eu l'honneur et le plaisir d'être reçue chaleureusement par Sa Majesté le Roi Abdallah, que j'ai rencontré, cette fois-ci, comme ministre de l'Intérieur et avec lequel j'ai pu évoquer certains points de la situation internationale et, surtout, la qualité de notre relation. Voilà le contenu d'une soirée et d'une journée. Cela fait un peu moins de 24 heures que je suis arrivée, mais je pense que l'emploi du temps a été bien rempli. Le tout s'est passé dans un climat très chaleureux, dans un climat de grande confiance et, je crois, d'amitié, qui caractérise ces relations. Je veux remercier tous ceux qui ont contribué à la fois à l'intérêt de ce programme mais, surtout, au caractère très chaleureux de l'accueil qui m'a été réservé ainsi qu'à la délégation française.
Q - Vous êtes la ministre d'un Etat qui a une grande importance politique au sein de l'Union européenne et dans le monde. Il y a des membres de l'Union européenne pour qui la liberté d'expression permet d'offenser les symboles religieux des religions des autres, alors que, dans le cadre de cette liberté d'expression, un philosophe français, qui, il y a deux ans, a mis en doute la réalité de l'holocauste, a été condamné. Quelle est la solution, selon votre point de vue, concernant ces offenses qui poussent les extrémistes à renforcer (inaudible)
R - Bref, vous voulez me parler des caricatures ?
Q - Oui.
R - C'est effectivement un sujet très sérieux. Nous sommes tous, en Europe, attachés à la liberté d'expression et je suis très attachée à la liberté d'expression. Mais, je pense aussi qu'il faut veiller à ne pas choquer, à ne pas blesser inutilement des personnes en s'attaquant à leurs convictions, et je regrette profondément que certains fassent fi de ce respect, qui est dû aux autres dans leurs convictions et dans leur religion. Alors, il y a des lois, il y a des juges, et c'est à eux de prendre position. C'est pourquoi, je ne vous en dirai pas davantage sur ce point. Mais je vous ai dit sincèrement comment moi, à la fois comme Française et comme ministre des cultes, je considère de tels abus.
Q - Madame la Ministre, j'ai deux questions. La première, vous avez mentionné que dans votre entretien avec le ministre saoudien des affaires islamiques vous avez dit qu'il y aurait une coopération avec l'Arabie pour proposer une interprétation nouvelle du Saint Coran. Considérez-vous qu'il y une interprétation erronée du Coran en France ou une interprétation erronée également du Coran en Arabie saoudite ? Ma deuxième question, Madame la Ministre : allez-vous demander qu'on vous livre ceux qui ont tué les quatre Français ?
R - Non. Je crois que sur la lecture du Coran, ce que j'ai dit c'est que certains extrémistes ont une lecture qui est contraire à ses principes et à son texte. Quand des gens appellent à l'assassinat, ce n'est pas ce qui est dans le Coran et néanmoins vous avez un certain nombre de groupes terroristes qui s'appuient sur l'interprétation qu'ils font du Coran pour essayer de recruter, de fanatiser des jeunes et pour les conduire au terrorisme. Je pense qu'il est important que l'on puisse dire à ceux qui seraient susceptibles de les écouter que ce n'est pas ce qu'il y a dans le Coran. C'est ce dont nous avons parlé avec le ministre des Affaires islamiques. Je sais qu'il y a un certain nombre d'initiatives qui sont prises dans ce pays et qui me paraissent très intéressantes, notamment au niveau de l'utilisation d'Internet pour éviter cette récupération du Coran pour des finalités qui lui sont contraires.
Ensuite, en ce qui concerne l'assassinat de nos compatriotes, je vous l'ai dit, j'ai remercié les autorités saoudiennes de leur action pour parvenir à l'interpellation de ses auteurs, et nous leur faisons tout à fait confiance pour que ces personnes soient sanctionnées.
Q - Ma question porte, Madame la Ministre, sur l'accord. Quand a commencé la préparation de cet accord et est-ce que le terrorisme depuis un an a accéléré la signature de cet accord ?
R - L'accord a été envisagé, il y a de longues années et je dirai que sa signature est aussi le résultat d'un processus qui a vu, à travers l'évolution du monde, se renforcer la nécessité d'une coopération entre nos deux pays. Alors, avec un sourire, je vous dirai que, peut-être que l'on attendait simplement que le président Sarkozy me nomme ministre de l'Intérieur ! Vous savez, les femmes sont parfois très volontaires, un peu entêtées. Mais moi, en tous cas, j'aime bien faire avancer les choses très concrètement. Je crois l'avoir montré les cinq dernières années et j'ai bien l'intention de continuer dans le domaine de la sécurité intérieure.
Q - Vous avez dit, Madame la Ministre, qu'il y a eu des entretiens avec le Gardien des deux Lieux Saints sur les questions qui concernent les deux pays. Ma première question : avez vous été porteuse d'une lettre du président au Roi Abdallah ? Avez-vous parlé du Liban ? Ma deuxième question porte sur l'accord. Contient-il quelque chose sur l'échange de criminels ? Merci.
R - J'ai effectivement transmis au Roi Abdallah un message de proximité et d'amitié du président Sarkozy. Je crois que la visite qu'a faite le président Sarkozy à Riyad a été l'occasion d'établir des liens de grande confiance et de proximité entre les deux chefs d'Etat. Et, à ma connaissance, cette confiance s'est manifestée dès le premier contact. Alors nous avons effectivement, je vous le disais tout à l'heure, évoqué la situation internationale. Vous savez, nous avons beaucoup de considération pour les efforts déployés par le Roi Abdallah en faveur de la paix, beaucoup, aussi, d'admiration pour son autorité auprès des chefs d'Etat et de gouvernement du monde islamique. Nous apprécions sa sagesse et nous savons que son influence sur les opinions est aussi un des éléments de la stabilité. Et pour ma part, comme j'ai eu la chance et l'honneur de rencontrer à de nombreuses reprises le Roi Abdallah, je suis toujours très intéressée à écouter sa vision de la situation dans cette zone si importante et en même temps si fragile qu'est la région du Moyen-Orient. Et donc, bien entendu, je l'ai interrogé sur la façon dont il voyait ce qui se passe au Liban, mais, vous le savez aussi, je ne fais jamais part du contenu de ce que disent mes interlocuteurs, en particulier lorsqu'il s'agit du Roi.
Ensuite, si l'accord de coopération est un accord global, c'est aussi un accord technique sur la coopération entre les polices. Les problèmes de transfert et d'échanges de criminels sont des problèmes qui, eux, relèvent de la justice uniquement et, par conséquent, (inaudible)... au niveau de la justice ; ce n'est donc pas dans cet accord.
Q - Madame le Ministre, l'Arabie saoudite a appelé au cours d'une conférence sur le terrorisme à Riyad il y a trois ans, à créer un centre international de lutte contre le terrorisme. Cet appel ne s'est pas concrétisé jusqu'ici et aucun autre pays n'a appelé depuis à créer un centre équivalent. C'est un sujet que le Roi Abdallah a évoqué lors de sa dernière tournée européenne. Quelle est votre interprétation de cette absence de réponse, notamment au niveau européen ?
R - Ecoutez, je considère qu'il s'agit d'une initiative intéressante. C'est une initiative prise par le Royaume. Je ne pense pas que l'on puisse dire d'ores et déjà que ce soit un échec. En tous les cas, ce qui est sûr, c'est que si ce Centre s'ouvre, la France sera tout à fait prête à y tenir sa place et éventuellement à participer au conseil d'administration, s'il y a un conseil d'administration international, par exemple.
Q - Avez-vous entendu parler des caricatures insultant le Prophète ? Et autre question : pourquoi n'y a-t-il pas un accord international pour condamner les atteintes aux symboles religieux dans le monde ?
R - Sur ce sujet, je vous ai répondu comme je pouvais vous répondre. Dans les différents pays du monde, les conceptions de la liberté d'expression, de la liberté de la presse, de la laïcité sont différentes, selon les cas. La conception française de la laïcité est fondée sur le respect des croyances et sur la volonté de ne pas empêcher l'expression des religions tant que ceci s'inscrit dans le cadre de la légalité du pays et de ne pas chercher à influencer, Mais c'est la position de la France et, en la matière, vous me parlez d'un accord international. Par la force des choses cela dépasse le cadre de ma mission.
Q - Sur le double standard racisme-antisémitisme.
R - Nous avons effectivement un droit en France, en ce qui concerne le racisme et l'antisémitisme, qui consiste à faire respecter les lois. Car le racisme est traité exactement de la même façon que l'antisémitisme. L'interprétation et l'application des lois sont faites par le juge, en application aussi de sa compétence locale. Car le juge français ne peut s'exprimer que sur ce qui se passe en France et ce qui est fait par des Français ou dans le cadre de conventions judiciaires précises.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mars 2008