Entretien de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec l'agence de presse russe "Itar-Tass" le 10 mars 2008 à Paris, sur la coopération franco-russe sur les questions de sécurité, l'Iran, le Kosovo, le Proche-Orient et le suivi de la Conférence des donateurs pour l'Etat palestinien, le partenariat stratégique euro-russe et les relations franco-russes.

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Média : Agence Itar-Tass - Itar-Tass

Texte intégral

Q - Comment estimez-vous le développement de la coopération franco-russe dans le cadre du Conseil ? Quelles questions internationales et bilatérales seront à l'ordre du jour de la réunion à Paris ?
R - Nous, Français, sommes très heureux de disposer de ce Conseil autour des problématiques de sécurité, qui n'a pas de réel équivalent avec d'autres partenaires. Nous allons nous réunir entre Russes et Français pour la septième fois dans ce format. Nous aurons un entretien, l'après-midi, avec le président Nicolas Sarkozy.
Pour ce qui est des thèmes d'entretien, c'est plutôt copieux, comme d'habitude : architecture de sécurité en Europe, non-prolifération, lutte contre le terrorisme, dossiers régionaux (Iran, Proche-Orient, Kosovo, Afghanistan, entre autres). Nous débattrons aussi de notre coopération à l'ONU.
Q - Quel est le niveau de convergence entre Paris et Moscou sur les dossiers internationaux tels que l'Iran et le Kosovo ?
R - Tout le monde sait que nous avons quelques divergences avec la Russie sur le dossier iranien. Cela ne nous a pas empêchés d'aboutir, à plusieurs occasions, à une position commune et encore tout dernièrement au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous avons, concernant l'Iran, une approche double : il y a les sanctions mais il y a aussi une disposition à dialoguer et à aider l'Iran à développer un programme nucléaire civil dans la légalité. Nous avons absolument besoin du concours de la Russie pour lutter conte la prolifération.
Sur le Kosovo, parler d'une quelconque convergence avec nos amis russes serait abusif. Nous en parlerons mardi. Les échanges seront intéressants. Mais là aussi, nous ne devons pas perdre de vue notre objectif commun, qui est d'assurer la stabilité de la région et de rassurer les Serbes de notre amitié commune.
Q - La France est chargée du suivi de la Conférence d'Annapolis. Comment estimez-vous la compréhension entre Moscou et Paris sur la situation au Proche-Orient ?
R - Comme vous le savez, à la suite de la Conférence d'Annapolis, nous avons organisé, ici à Paris, une conférence de donateurs pour l'Etat palestinien. Sergueï Lavrov y a participé, avec Condoleezza Rice. Nous avons réuni près de huit milliards de dollars d'engagements sur trois ans, dont une part a déjà été versée. C'est un soutien important de la communauté internationale.
A la fois sur la relance du processus de paix et la nécessité d'une élection rapide d'un président au Liban, nous partageons la même analyse, la même approche et les mêmes objectifs. Nous verrons mardi comment conjuguer nos efforts, faire en sorte d'être plus efficaces encore. La Russie dispose de relais sur place. Nous aussi. Voyons ce que nous pouvons faire ensemble.
Q - Au cours de votre entretien téléphonique, le mois dernier, avec votre homologue russe, M. Sergueï Lavrov, vous avez discuté les problèmes du règlement de la crise en République du Tchad. Quelle signification attribuez-vous au dialogue avec Russie sur ce problème ?
R - Une implication de la Russie serait un signal très fort et nous en serions particulièrement heureux. Nous avons eu des signaux positifs de la part de Moscou dans ce sens, notamment en matière d'hélicoptères. Nous allons voir mardi s'ils se confirment. Je l'espère en tout cas. Nous en serions très reconnaissants.
Q - Cette réunion bilatérale franco-russe aura lieu à la veille du sommet du Conseil Russie-OTAN prévu début avril et du Sommet Union européenne-Russie prévu début juin. Comment estimez-vous le niveau actuel de ses partenariats avec la Russie ?
R - Le Conseil OTAN-Russie est un outil absolument indispensable. Il nous permet de confronter nos analyses dans un esprit de dialogue approfondi. Ce n'est pas du luxe par les temps qui courent !
Sur la relation entre la Russie et l'Union européenne, je plaide pour que nous trouvions un langage particulier avec la Russie. Nous en reparlerons avec nos partenaires de l'Union, c'est l'une des priorités de la Présidence française de l'Union européenne.
Q - De la part de Russie, on a déclaré à plusieurs occasions que la France a été, reste et, on espère restera un de nos partenaires privilégiés en Europe et dans le monde. Quel avenir voyez-vous, Monsieur le Ministre, pour les relations franco-russes ?
R - Je souhaite pour ma part maintenir l'étroitesse de la relation franco-russe.
Nous sommes bien entendu attentifs aux transformations en Russie et à la modernisation du pays. Nous souhaitons y participer. L'ouverture réciproque des investissements est le fil directeur de notre conception des rapports économiques bilatéraux. Je note d'ailleurs que de grands projets nous rapprochent déjà dans des secteurs essentiels : énergie, aéronautique, automobile.
Je voudrais enfin évoquer l'année croisée 2010 qui permettra de mettre en valeur de façon générale - culturelle, scientifique, économique - la Russie en France et la France en Russie. Des premiers projets sont en cours d'élaboration.
Enfin, je me félicite de voir la ville de Sotchi organiser les Jeux Olympiques d'hiver en 2014, événement auquel les entreprises françaises, fortes de leur expérience, souhaitent pleinement participer.
C'est une belle victoire de la Russie et un signe de plus de son retour. Du retour d'une Russie qui retrouve sa place dans le monde moderne et le poids que lui donne la richesse de son histoire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2008