Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur l'augmentation du pouvoir d'achat, les heures supplémentaires et le rachat des jours de RTT, Paris le 23 janvier 2008.

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Circonstance : Présentation du projet de loi sur le pouvoir d'achat au Sénat le 23 janvier 2008

Texte intégral


Depuis le mois de mai dernier, notre priorité, c'est le travail : la valorisation du travail, la promotion du travail, le retour vers le travail.
C'est une valeur essentielle que le Président de la République a portée durant toute sa campagne, et à laquelle les Français ont pleinement souscrit. Cela signifie donc valoriser ceux qui ont un travail. C'est ce que nous avons fait avec le dispositif « heures supplémentaires », qui a été adopté cet été et qui - nous le voyons bien - remporte aujourd'hui un très large succès.
C'est ce que nous continuons à faire avec le présent texte sur le pouvoir d'achat, notamment avec le paiement des jours de RTT.
Mais valoriser le travail, c'est également redonner du travail à ceux qui n'en ont pas. Les chiffres montrent que le chômage continue de reculer à un niveau jamais atteint depuis de nombreuses années,...
... grâce notamment à l'action déterminée de Christine Lagarde.
Mais nous voulons effectivement aller vers le plein-emploi, en n'oubliant pas que notre responsabilité est double. Nous devons non seulement considérer les chiffres du chômage, qui sont en baisse, mais également avoir en permanence comme souci prioritaire de réduire le travail précaire.
Je pense notamment au temps partiel subi et éclaté. Valoriser le travail, c'est également agir pour celles et ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler, et à l'égard desquels nous devons renforcer nos politiques de solidarité. Je pense en particulier aux personnes handicapées, ainsi, bien sûr, qu'aux retraités. Notre politique est donc globale. Elle se veut cohérente et tournée vers le travail, car c'est le travail qui, en produisant davantage de richesses, permet aussi de donner du sens et du contenu à l'indispensable solidarité.
Nous n'en resterons pas là. Nous souhaitons également aller plus loin sur la question des politiques salariales et donc des nécessaires augmentations de salaire, en posant clairement dans le débat la question de la conditionnalité des allégements de charges. Pourquoi un secteur d'activité continuerait-il à bénéficier du même niveau d'allégement de charges s'il refuse d'ouvrir des négociations salariales ? (Mme Catherine Procaccia applaudit.) C'est la raison pour laquelle le Conseil d'orientation pour l'emploi, qui regroupe les représentants des partenaires sociaux, est saisi de ce sujet.
Aujourd'hui, nous voulons élargir encore les possibilités d'augmentation du pouvoir d'achat, une augmentation fondée sur le travail. Quand on donne les moyens aux entreprises et aux salariés de travailler plus, cela marche ! Au mois de novembre dernier, 50 % des entreprises, contre 40 % au mois d'octobre, - il s'agit d'entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d'activité - ont eu recours aux heures supplémentaires et ont bénéficié des dispositions de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la loi TEPA.
Cela signifie que les heures supplémentaires sont désormais mieux payées pour des millions de salariés. Elles ne sont plus soumises à des charges, même si elles seront prises en compte pour la retraite, les allocations familiales et la branche maladie. En outre, elles bénéficient d'un régime d'exonération fiscale l'année suivante.
Soutenir le travail, cela marche et cela continuera. D'ailleurs, à l'occasion d'une visite en compagnie de Christine Lagarde dans une entreprise des Hauts-de-Seine, nous avons pu mesurer combien l'ensemble des acteurs de l'entreprise, syndicats, employeurs, salariés, savaient être pragmatiques et réclamaient avant tout la possibilité de répondre à leurs souhaits, à leurs besoins.
Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis s'inscrit dans un tel cadre et apporte une nouvelle réponse, une réponse complémentaire, avec des mesures concrètes et d'effet rapide pour renforcer le pouvoir d'achat des Français.
L'heure des réformes structurelles en matière de temps de travail et de participation viendra dès cette année. Mais nous voulons surtout rompre avec la méthode consistant à décider d'en haut des mesures rigides et uniformes qui s'imposaient à tous de la même manière. Nous ne voulons plus de la logique, si l'on peut parler de « logique », des 35 heures imposées, qui faisait passer tout le monde sous la même toise et aboutissait à un carcan juridique incompréhensible et quasiment inapplicable, car incompatible avec la volonté des acteurs de terrain que sont les employeurs et les salariés.
Toutefois, nous conserverons bien évidemment une durée légale du travail,...
...ce qui permettra aux salariés d'accomplir des heures supplémentaires majorées pour gagner plus en travaillant plus. Monsieur Fischer, comment pouviez-vous imaginer que nous ferions le contraire de ce que nous avions fait cet été ?
À l'évidence, nous pouvons aujourd'hui sortir du maquis des 35 heures en nous donnant, là encore, la possibilité de répondre avec pragmatisme aux problèmes qui se posent.
Il n'y a pas une once d'idéologie dans notre démarche ! (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il est vrai que certains avaient fait preuve d'idéologie lors de la mise en place des 35 heures. Je laisse l'idéologie à celles et ceux qui l'avaient alors prônée ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pour notre part, nous revendiquons le pragmatisme, comme le réclament les employeurs et les salariés.
S'agissant de la participation, nous voulons donner toute sa signification à l'association entre capital et travail. Nous souhaitons également revoir la répartition entre les rémunérations respectives des actionnaires et des salariés, afin que ces derniers puissent profiter davantage des succès et des réussites de l'entreprise. Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui apporte des réponses concrètes aux questions que se posent les Français.
Quels sont les principes sur lesquels repose ce texte ? Il s'agit avant tout de rendre les choses possibles. Nous n'imposons pas, nous n'imposerons plus. Salariés et employeurs auront la possibilité d'utiliser les outils qui leur sont proposés.
Ce sont des mesures directes qui peuvent être mises en oeuvre rapidement, sans formalisme excessif, avec un objectif : la recherche de la simplicité, à chaque fois que cela est possible. Elles privilégient également le dialogue dans l'entreprise, auquel, vous le savez, nous sommes particulièrement attachés.
Ce texte comprend cinq mesures : une mesure sur les journées de RTT, une mesure sur le déblocage de la participation, une mesure sur la prime de 1 000 euros et deux autres mesures, portées par ma collègue Christine Boutin, concernant le logement.
La première mesure va permettre au salarié de répondre à une question. Que vais-je choisir : la prise d'un repos supplémentaire ou une augmentation de pouvoir d'achat ? Si la question est posée, c'est que la liberté est donnée.
En effet, nous voulons permettre à tous les salariés qui ne veulent pas, ou qui ne peuvent pas, prendre leurs jours de RTT de les traduire par plus de travail, et donc par plus de rémunération.
Alors, j'entends deux questions : cela va-t-il intéresser les salariés ? Cela va-t-il intéresser les employeurs ?
Concernant les salariés, je voudrais apporter des réponses concrètes, qui étaient dans l'actualité du mois de décembre.
Une entreprise, Continental ; une ville, Sarreguemines ; un choix, un référendum.
Oui, un référendum était organisé avant Noël pour savoir si les salariés souhaitaient échanger leurs journées de RTT et augmenter leur durée du travail, en contrepartie d'augmentations de salaire substantielles. La participation a été importante, la réponse a été éclatante :...
...89 % des salariés se sont sentis concernés et sont allés voter (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),...
...trois quarts des agents ont répondu « oui ». Même si, mesdames, messieurs les sénateurs, le résultat d'un vote appartient aux seuls électeurs,... ...et donc en l'occurrence aux seuls salariés, voilà un résultat plus qu'intéressant (M. Guy Fischer s'exclame), qui montre que quand on pose directement la question aux salariés ils répondent clairement : « Oui, nous sommes intéressés par le paiement des jours de RTT. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ne dénoncez pas trop cet accord avant de l'avoir lu dans le détail...
...car il est porteur d'espérances pour la suite, notamment concernant le dossier des retraites.
Si cet accord a été validé par autant de salariés, c'est qu'il permet, notamment aux salariés les plus âgés, de ne pas dépasser la durée de 35 heures compte tenu de la pénibilité du métier, ou même à ceux qui souhaiteraient travailler au-delà de 35 heures de bénéficier d'un congé supplémentaire pour tenir compte des conditions de travail.
Un autre accord a été signé par la quasi-totalité des syndicats présents, à la suite de ce référendum, dans lequel les conditions de travail sont clairement abordées. La négociation collective a permis de parfaire encore l'équilibre trouvé.
C'est la meilleure réponse à toutes les Cassandre qui ne manquent jamais d'intervenir sur tel ou tel sujet. Une enquête d'opinion parue mi-décembre, voilà à peine un mois, a montré que deux tiers des Français - ce n'est pas 51 % ! - échangeraient volontiers leurs heures de RTT contre plus de rémunération. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.)
Quoi qu'il en soit, une seule chose doit être prise en compte : c'est que nous voulons, encore une fois, laisser le choix.
J'ai pu mesurer, lors de plusieurs déplacements en entreprise, dans une aciérie en Seine-et-Marne, dans des entreprises en Eure-et-Loir et dans les Hauts-de-Seine, que cette liberté de choix répondait à un vrai besoin - un besoin, mesdames, messieurs les sénateurs, qui n'est pas le même en fonction de l'âge et des attentes des salariés.
Un jeune salarié me disait qu'il avait envie de gagner plus parce qu'il avait le crédit d'une maison à rembourser ; une mère de famille m'a dit, pour sa part, qu'elle préférait prendre toutes ses RTT, quand une autre voulait faire moitié-moitié (Mme Raymonde Le Texier s'exclame de nouveau), tout simplement en fonction du choix qu'elle a fait pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Nous respectons ce choix. Un autre salarié en fin de carrière préférait lui-même en conserver une partie pour se reposer. C'est leur droit, c'est leur choix.
Notre dispositif offrira à chacun cette souplesse, qui régit d'ailleurs la majeure partie des relations sociales dans l'entreprise ; et j'invite chacun à rencontrer des délégués syndicaux, quelle que soit leur centrale d'appartenance, pour voir que le bon sens est largement répandu dans nos entreprises.
Quant aux employeurs, nous leur demandons bien évidemment de jouer le jeu. Pourquoi ? Parce que cette mesure a été souhaitée par de très nombreux employeurs. Nous ne l'avons pas inventée dans nos bureaux... Si nous mettons en place un tel dispositif, c'est donc parce qu'il a été demandé par les employeurs, mais aussi parce qu'il a vocation à être utilisé.
Aujourd'hui, vous le savez, les entreprises provisionnent forcément les sommes relevant d'un CET, un compte épargne-temps. Mais nombre d'entreprises provisionnent également les sommes liées aux journées de RTT. À un moment donné, des entreprises vont donc préférer payer ces jours de RTT plutôt que de revoir l'organisation du travail. Certaines sont même amenées à recruter des travailleurs intérimaires pour permettre à leurs salariés de prendre leur RTT ; c'était le cas d'une aciérie en Seine-et-Marne. Nous leur offrons donc, en plus, de la simplicité en termes d'organisation. Chacun - employeur comme salarié - pourra donc faire référence à ce texte pour qu'il y ait, au sein de l'entreprise, un dialogue social renforcé, au service de davantage de pouvoir d'achat.
Ainsi, un ouvrier au SMIC qui souhaiterait se faire payer cinq journées de RTT verrait sa rémunération augmentée d'environ 370 euros, et de 740 euros pour dix jours de RTT. Un cadre payé 3 800 euros par mois qui monétiserait dix jours de RTT percevrait 1 950 euros de salaire en plus.
Pour l'employeur, les exonérations de cotisations patronales seront suffisamment attractives pour rendre le paiement d'une journée de RTT majorée moins cher qu'une journée normale. Ainsi, pour un salarié payé deux fois le SMIC, soit 2 600 euros, une journée de RTT avec les charges, sans les majorations s'élève actuellement à 170 euros pour l'employeur, alors qu'elle coûtera, avec la majoration de 25 % et les exonérations, 148 euros : le gain est là !
Je rappellerai par ailleurs que les journées de RTT concernent 38 % des salariés, soit près de 7 millions de Français, que les comptes épargne-temps touchent 6 % de salariés, soit 1 million de Français, et que les forfaits-jour concernent près de 2 millions de Français. Ce sont donc des mesures qui vont pouvoir bénéficier aux salariés, de l'ouvrier jusqu'au cadre. Voilà une réponse concrète et précise à la question du pouvoir d'achat.
Si ces mesures n'avaient pas été décidées, les sommes en question n'auraient pas servi à rémunérer un travail. C'est pourquoi la perte de recettes potentielles pour la sécurité sociale peut effectivement s'avérer théorique. Quoi qu'il en soit, la question de la compensation de ces exonérations à la sécurité sociale méritera d'être posée dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, au vu d'une première évaluation du dispositif. Je le dis au sein de la Haute Assemblée, qui a toujours porté un regard extrêmement vigilant sur cette question de la compensation.
J'en ai bien conscience, et je sais que le rapporteur du PLFSS, qui n'est pas présent dans cet hémicycle, nous regarde ou nous écoute certainement et qu'il reste vigilant.
L'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le texte, en élargissant de six mois la période couverte par les possibilités de rachat de JRTT, et en supprimant le plafond de dix jours qui encadrait cette possibilité. Ces modifications devraient renforcer l'effet de ces dispositions.
L'Assemblée a aussi adopté un amendement visant à mieux sécuriser les versements sur le compte épargne-temps, et j'aimerais que nous travaillions ensemble pour que l'outil du CET puisse être utilisé pleinement au regard d'un potentiel que je qualifie de « prometteur ».
La deuxième mesure va permettre de faire profiter plus rapidement les salariés des sommes dont ils disposent au titre de la participation, qu'ils travaillent à temps complet ou à temps partiel. Ces mesures s'appliquent donc pour les salariés à temps partiel.
Ce déblocage reposera également sur une demande du salarié, qui lui permettra de disposer de sommes pouvant aller jusqu'à 10 000 euros en fonction de son épargne accumulée. Ce retrait ne sera pas soumis aux cotisations sociales ni à l'impôt sur le revenu, mais restera soumis à la CSG et à la CRDS.
En même temps, nous voulons préserver l'épargne salariale investie dans l'entreprise et ne permettre le déblocage de cette épargne qu'après une négociation entre les partenaires sociaux au niveau des entreprises. Nous sommes également soucieux de préserver les sommes que les salariés ont investies en vue de leur retraite.
Ainsi, les sommes investies dans les PERCO, les plans d'épargne pour la retraite collectifs, sont exclues du dispositif, afin de privilégier l'épargne longue.
Plus de la moitié des salariés sont aujourd'hui couverts par un accord de participation. Cela va donc profiter au plus grand nombre. Car, sur ce point, nous le savons, les mesures votées sont attendues par de très nombreux Français.
Mais nous n'oublions pas non plus les 7 millions de personnes qui travaillent dans les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne sont pas concernées par la participation obligatoire, car personne ne peut ni ne doit être oublié.
Je connais l'intérêt et l'attachement politique fort que vous portez, Serge Dassault, Isabelle Debré, Catherine Procaccia, Alain Gournac, à la question de la participation. Je veux vous dire que je partage cet intérêt et ce soutien.
Nous aurons l'occasion d'échanger et de travailler de manière approfondie sur ces questions à travers un texte ambitieux - j'en parlais récemment en commission, monsieur About - qui vous sera soumis en 2008. (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Pour les entreprises qui ne sont pas couvertes aujourd'hui par un accord de participation obligatoire, nous voulons permettre le versement d'une prime exceptionnelle d'un maximum de 1 000 euros. Cette prime sera soumise au régime fiscal de l'intéressement. Sa mise en place se fera dans le cadre du dialogue social et de manière simple : soit par un accord collectif, soit par un référendum d'entreprise.
Je tiens à souligner que cette prime ne se substitue pas à une augmentation de salaire, et que cette prime a vocation à être versée à tous les salariés, qu'ils soient à temps complet ou à temps partiel.
Je sais que vous aurez à coeur, mesdames, messieurs les sénateurs, pendant les débats parlementaires, d'intervenir et de faire des propositions. Le Gouvernement sera bien évidemment à l'écoute.
En particulier, comme je l'ai indiqué en commission, je souhaite que l'application de ces mesures soit la plus simple possible. Nous avons entendu les remarques des acteurs de l'entreprise : dirigeants, organisations syndicales, représentants du personnel, salariés eux-mêmes. Par exemple, pas de ligne supplémentaire sur la fiche de paye : message bien reçu !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte répond à une très forte attente des Français. Ce projet de loi n'est pas le seul qui vous sera soumis cette année en termes de participation dans l'entreprise, d'organisation du temps de travail. Il faut donc bien le voir pour ce qu'il est : une réponse précise à la question d'une majorité de salariés, qui se montre d'ailleurs très favorable aux mesures proposées. Elle les attend, je suis certain que vous aurez à coeur d'être à ce rendez-vous de la croissance...
...et du pouvoir d'achat, au seul bénéfice des Français, dans le respect des engagements pris devant et avec les Français.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 14 mars 2008