Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Monsieur le Directeur,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,
C'est un très grand honneur pour moi d'être invité aujourd'hui devant l'Assemblée des Français de l'étranger. Vous êtes plus de 2 millions à représenter la France, l'Europe, dans le monde entier. Vous êtes des relais qui portent la voix de la France et des acteurs du rayonnement international de votre pays. C'est pourquoi je souhaite évoquer devant vous les grandes lignes de notre future Présidence du Conseil de l'Union européenne, car je sais que vous serez des messagers de nos ambitions, de nos attentes et de nos projets.
Aujourd'hui, nous aidons du mieux que nous le pouvons la Présidence slovène, qui exerce de manière pleine cette responsabilité, dans des circonstances qui ne sont pas faciles pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la Présidence slovène fait face à la situation que vous connaissez dans les Balkans. Nous avons la chance d'avoir une Présidence qui a cette sensibilité régionale, ce qui permet, dans cet environnement difficile, que les choses se passent le moins mal possible. La Présidence slovène permet également à l'Europe de rester unie. Même si les processus de reconnaissance sont nationaux, il existe une volonté commune de les gérer le mieux possible et, surtout, d'assurer la présence de la force de stabilisation au Kosovo. Cette volonté commune doit permettre d'assurer le respect des droits des minorités - dont la minorité serbe et de travailler à la réconciliation. Nous devons assurer nos amis serbes de leur perspective européenne. Il faut maintenant qu'ils tournent les yeux vers l'avenir. Compte tenu des liens historiques que nous avons avec eux, nous les y aiderons.
Ensuite, la Présidence slovène fait face à une situation économique et financière internationale délicate. Le Conseil européen de la semaine prochaine traitera de ces enjeux de stabilisation financière, de gouvernance économique, de la croissance et de l'emploi, qui sont au coeur de toutes les préoccupations des Européens. Cette réalité est vécue par tous les Européens, voyez le prix du baril de pétrole ou la situation de l'euro. Personne ne s'en satisfait.
Nous travaillons en commun avec la Présidence slovène, notamment sur le processus de ratification du Traité de Lisbonne, enjeu important de cette année 2008, pour qu'il se passe le mieux possible. Si ce processus se poursuit, nous pourrions préparer sa mise en oeuvre, de façon à ce que ce nouveau Traité soit en place le 1er janvier prochain.
Avec Bernard Kouchner, nous souhaitons tout d'abord que cette Présidence soit citoyenne et européenne. Citoyenne, parce qu'assurer cette Présidence est une chance. Elle conforte le retour de la France en Europe et de l'Europe en France. Européenne, parce que nous voulons que cette Présidence serve l'intérêt général européen, comme le président de la République l'a fait avec la proposition de Traité simplifié, mis en oeuvre avec les Présidences allemande et portugaise. Nous pensons que ce retour de la France en Europe et de l'Europe en France seront d'autant plus marqués que nous réussirons à assumer les priorités que le président de la République et le Premier ministre ont souhaitées pour notre Présidence.
Gestion des flux migratoires
La première priorité concerne la gestion des flux migratoires. Les réalités démographiques s'imposent à l'Europe. Ce sont des réalités structurelles et durables. Vous avez des mouvements démographiques, des tendances qui concernent l'Europe, différentes de celles que l'on observe ailleurs dans le monde. L'Europe est confrontée, indépendamment de toute sensibilité, de toute culture, à un problème d'organisation et de gestion des flux démographiques et migratoires.
C'est pourquoi la France propose la mise en oeuvre d'un pacte européen sur l'immigration et l'asile de façon à ce que ces problèmes soient traités dans un cadre global. L'accent doit être mis, d'une part, sur le contrôle aux frontières après l'élargissement de l'espace Schengen qui est un espace de libre circulation, de libertés et de droits uniques au monde mais qui doit également être un espace de sécurité. Le contrôle de l'espace Schengen doit être conforme aux exigences de sécurité de nos concitoyens, en France, en Allemagne, comme en Pologne, en Bulgarie et dans tous les pays d'Europe. Ce n'est pas une question idéologique mais une question de gestion, d'efficacité et de protection de nos concitoyens.
Nous devons également organiser une coopération active dans la lutte contre l'immigration illégale. Pour cela, il faut des pratiques communes en matière de délivrance de visas. Il y a des attitudes différentes selon les pays européens. Nous nous attacherons à définir des standards communs en matière de délivrance de visas pour les nationaux d'un certain nombre de pays. Nous devons aussi avoir une convergence en matière de droit d'asile. C'est certainement la question la plus difficile que nous aurons à résoudre. Aujourd'hui, vous êtes traités différemment selon que vous demandez asile dans tel ou tel pays européen. Cela n'est pas équitable et, dans certains cas, cela est même attentatoire à la conception des libertés que nous avons en France et à la tradition juridique européenne telle qu'elle résulte des objectifs de l'Union définis dans les Traités actuels et dans le futur Traité de Lisbonne. C'est une question difficile parce que les cultures et les sensibilités en ce qui concerne le droit d'asile sont différentes. Nous essayerons de faire émerger une approche commune du droit d'asile.
Nous devons également organiser l'immigration légale en fonction de la situation économique et sociale de l'Union. Il y a des propositions de la Commissions dans ce domaine que nous soutenons et nous devons faire en sorte que ces propositions, qui sont équilibrées, puissent trouver leur aboutissement sous la Présidence française et qu'il y ait une procédure unique de demande de titre de séjour et d'autorisation de travail.
Enfin, cette approche sera globale dans la mesure où ces problématiques sont liées à celles du développement et du co-développement. L'Europe a une politique de développement très avancée. Elle dispose de moyens qui peuvent toujours être améliorés mais qui sont suffisants au regard de ce que font nos grands partenaires.
L'Union doit améliorer la gestion de sa politique de développement et simplifier certaines procédures pour permettre une meilleure articulation entre les politiques européennes et nationales. Nous devons développer une approche européenne commune vis-à-vis des pays d'origine, je pense à l'Afrique, au Maghreb et outre nos voisins de la Méditerranée, ceux d'Asie centrale. Nous aurons à trouver un accord sur la directive retour. Le compromis actuel ne nous satisfait pas parce qu'il ne correspond pas aux traditions humanistes françaises, notamment en ce qui concerne les conditions et les durées de rétention. Il y a des pratiques, au niveau européen, contraires à notre conception en matière de défense des droits et de respect de la dignité des individus. Nous espérons trouver un accord sur des bases équitables, avec l'aide du Parlement européen, d'ici la fin de la Présidence slovène.
Environnement et lutte contre le réchauffement climatique
Nous avons la volonté d'encourager une nouvelle croissance en Europe. Une croissance plus "durable". Nous devons évidemment le faire pour les générations futures. L'Europe doit être exemplaire. Mais ce n'est pas seulement une question de morale, nous devons le faire aussi pour des raisons de compétitivité. C'est parce que nous sommes convaincus que les activités du modèle de développement durable sont liées à une agriculture plus écologique, une industrie plus respectueuse de l'environnement et que le développement de services à l'environnement constitue un gisement d'emplois et d'activités important pour l'économie européenne. Ceux qui prendront le plus d'avance aujourd'hui en ce domaine seront les plus compétitifs demain.
C'est pourquoi nous souhaitons, sous Présidence française, aboutir à un accord au Conseil sur le paquet législatif énergie/climat tel qu'il a été présenté par la Commission, puis à un vote au Parlement. L'Europe sera ainsi en ordre de marche avant la conférence de Copenhague de 2009, qui est décisive pour l'avenir de la convention climat et du Protocole de Kyoto. Nous ferons tous les efforts nécessaires mais nous veillerons au maintien de la compétitivité de nos entreprises en exigeant de nos partenaires la réciprocité en ce domaine. S'il existe une inégalité des efforts entre l'Europe, les Etats-Unis, la Russie et les grands pays émergents, le coût écologique devra être intégré dans les échanges économiques avec nos partenaires. Nous serons extrêmement fermes sur ce point durant notre présidence. Nous l'avons dit à la Commission.
Nous comptons également relancer le débat sur la stratégie énergétique européenne. L'actualité le démontre, la problématique énergétique devient de plus en plus stratégique. Nous sommes dépendants en ce qui concerne l'énergie fossile et le gaz. Nous avons des atouts en ce qui concerne l'électricité et le nucléaire. Il nous paraît indispensable de poser, au niveau européen, les questions de la sécurité d'approvisionnement et de la diversité des sources. L'Europe doit être un acteur indépendant de ce qui sera probablement l'arme la plus importante dans les prochaines décennies, la maîtrise de l'énergie.
L'Europe doit être compétitive et ouverte afin que son marché fonctionne mieux, mais cette ouverture doit être faite au bénéfice d'une Europe plus sûre et plus indépendante sur le plan énergétique. Nous n'accepterons pas de solutions de libéralisation qui conduisent à l'affaiblissement des producteurs européens, c'est à dire un affaiblissement de l'indépendance et de la souveraineté de l'Europe en la matière. Nous n'accepterons pas une libéralisation qui entraîne une hausse des prix de l'énergie à court terme, quels que soient les avantages que l'on nous promet pour dans quinze à vingt ans.
L'Europe de la sécurité et de la Défense
Le renforcement de l'Europe de la sécurité et de la défense doit lui permettre de disposer d'outils en adéquation avec sa puissance économique et commerciale. Il n'est pas possible qu'un espace uni de 500 millions d'habitants soit à ce point démuni sur le plan de la défense. Il n'est plus possible que l'Europe, qui veut légitimement jouer un rôle important dans la gestion des crises en Afrique, au Moyen-Orient, dans le sous-continent indien ou en Asie centrale, en soit réduite à "bricoler" comme elle le fait aujourd'hui. Il n'est plus possible, lorsque vous devez faire face à des crises humanitaires comme celle du Darfour, que l'Europe soit réduite à "mendier", de Conseil en Conseil, un hélicoptère, un avion ou un hôpital de campagne. Il faut sortir de cette situation. L'Europe sera rayonnante, elle sera une puissance politique si elle a les instruments nécessaires en termes de défense.
C'est pour cela que nous souhaitons, en faisant des ouvertures à l'égard de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, mettre en adéquation le droit et la réalité, parce qu'il y a aujourd'hui des collaborations de fait entre l'OTAN et les organismes européens de sécurité. Mais soyons clairs, nous sommes prêts à faire ces avancées seulement si elles permettent le renforcement d'une véritable politique européenne de sécurité et de défense. Nous voulons revisiter la stratégie de sécurité telle qu'elle a été définie en 2003 pour faire face à de nouveaux risques, notamment terroristes, sanitaires, biologiques ou technologiques. En parallèle de cette redéfinition, nous proposerons que l'Europe se dote de moyens opérationnels d'intervention avec un centre de planification à Bruxelles. Nous ferons évidemment attention à ne pas mettre en péril le processus de ratification du Traité de Lisbonne, parce que nous savons que dans un certain nombre de pays, ces questions sont sensibles. Nous souhaitons progresser et sortir de l'amateurisme qui existe aujourd'hui. Nous sommes prêts à avoir un marché intérieur et une agence de l'armement au niveau européen qui permettent de conforter nos bases industrielles.
Le bilan de santé de la politique agricole commune
Comme vous le savez, 2008 est un rendez-vous obligé pour la Politique agricole commune puisque la Commission a entamé un bilan de santé qui devrait déboucher, durant notre Présidence, sur un certain nombre de décisions d'ajustements, à la marge des grandes lignes de la Politique agricole commune, fixées jusqu'en 2013. Ce que nous proposons, c'est de faire ce bilan de santé et de réfléchir de manière commune à ce que pourrait être la Politique agricole commune au-delà de 2013.
Pourquoi le faisons-nous ? Parce que nous considérons que rien ne serait pire que l'immobilisme. La Commission et le Parlement vont être renouvelés et, à partir du 1er janvier 2009, nous entrerons dans un système de Présidences tournantes. Si nous restons immobiles, la Politique agricole commune risque d'être remise en cause. Cette politique reste la première politique commune européenne. Avec les déséquilibres que nous connaissons aujourd'hui entre l'offre et la demande alimentaire mondiale, cette politique est stratégique, au même titre que la politique énergétique, pour l'Europe de demain. Nous devons moderniser cette politique, pour que les évolutions des prix de marché soient mieux prises en compte. Nous devons étudier, secteur par secteur, les résultats de cette politique et nous devons également prendre en compte les différents stades de développement agricole et de compétitivité des Etats membres. Nous devons moderniser pour ne pas désarmer et pour permettre à l'Europe de rester, au même titre que d'autres grands partenaires, une puissance alimentaire. Là aussi, nous sommes prêts à faire des efforts, pour autant que la réciprocité existe dans les transactions économiques internationales. Nous verrons les efforts que feront nos partenaires américains, les pays du groupe de CAIRNS, et les autres émergents en ce domaine.
Voilà les principales lignes de ce que seront nos priorités au cours de la Présidence française. Il ne faut pas oublier, car ce sera notre "fil rouge", la ratification du Traité de Lisbonne. Trois sujets sont particulièrement délicats. Le plus médiatisé est celui des nominations, au poste de président du Conseil européen, de Haut Représentant des Affaires étrangères ou de président de la Commission.
Nous devrons également préparer la mise en place d'un service extérieur commun. Nous voulons un service opérationnel. Le 1er janvier 2009, l'Europe devra avoir une identité extérieure beaucoup plus visible. Nous devrons préparer avec la Commission et le Parlement européen une mise en place progressive du service d'action extérieure commun.
Il nous faudra préparer la présidence stable du Conseil européen, ce qui permettra enfin de répondre à la question posée par Henry Kissinger il y a quelques années : "L'Europe, quel numéro de téléphone ?". Les présidences tournantes se poursuivront, parce que les Etats membres doivent rester impliqués dans les responsabilités européennes pour ne pas donner le sentiment que tout se passe à Bruxelles, de manière désincarnée. Cela implique un travail technique que nous avons commencé avec nos partenaires slovènes et que nous prolongerons avec nos amis tchèques et suédois avec qui nous mettons au point un programme de présidence de trio qui sera présenté en juin.
Enfin, je ne pourrais conclure sans évoquer le projet d'une réunion des représentants des citoyens européens expatriés de l'Union européenne. Je ne devrais pas parler de projet, car, grâce à la ténacité de Mme Monseu-Ducarme, cela devient une réalité.
Vous allez donc "plancher" avec vos homologues européens, le 30 septembre prochain, sur deux thèmes que vous avez parfaitement choisis : le premier thème est celui de la protection des citoyens européens. Tous ceux qui ont récemment vécu les événements au Tchad savent que nous ne pouvons plus fonctionner avec des schémas de protection réservés à nos seuls ressortissants nationaux. Il nous faut avoir une dimension européenne. Si nous ne l'avions pas, ce serait une faute, non seulement politique mais aussi humaine. Il est important de faire vivre la citoyenneté européenne.
Vous avez également choisi de travailler sur le thème de l'Europe de la justice. Là aussi, vous visez juste car vous touchez au quotidien. Nous nous efforçons de travailler en commun pour faciliter la mobilité des Européens, ce qui implique de résoudre les problèmes transfrontaliers, de droit de la famille, de protection des individus, de leur égalité au regard de la loi et du droit. Nous voulons construire ensemble une nouvelle génération européenne. Les avancées en matière de droit de la famille, en particulier les questions touchant au divorce et au paiement des pensions alimentaires, au statut de la femme et des enfants, nous permettront de bâtir un nouveau sentiment de solidarité européenne.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, trop longuement et je m'en excuse. Partir travailler à l'étranger, certains en rêvent mais beaucoup n'osent pas. Vous, Français de l'étranger, avez osé. Cela est courageux et je vous en félicite. Mais c'est la rançon du succès, vous êtes maintenant les symboles, non seulement du rayonnement de la France, mais aussi de l'Europe.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mars 2008
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Monsieur le Directeur,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,
C'est un très grand honneur pour moi d'être invité aujourd'hui devant l'Assemblée des Français de l'étranger. Vous êtes plus de 2 millions à représenter la France, l'Europe, dans le monde entier. Vous êtes des relais qui portent la voix de la France et des acteurs du rayonnement international de votre pays. C'est pourquoi je souhaite évoquer devant vous les grandes lignes de notre future Présidence du Conseil de l'Union européenne, car je sais que vous serez des messagers de nos ambitions, de nos attentes et de nos projets.
Aujourd'hui, nous aidons du mieux que nous le pouvons la Présidence slovène, qui exerce de manière pleine cette responsabilité, dans des circonstances qui ne sont pas faciles pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la Présidence slovène fait face à la situation que vous connaissez dans les Balkans. Nous avons la chance d'avoir une Présidence qui a cette sensibilité régionale, ce qui permet, dans cet environnement difficile, que les choses se passent le moins mal possible. La Présidence slovène permet également à l'Europe de rester unie. Même si les processus de reconnaissance sont nationaux, il existe une volonté commune de les gérer le mieux possible et, surtout, d'assurer la présence de la force de stabilisation au Kosovo. Cette volonté commune doit permettre d'assurer le respect des droits des minorités - dont la minorité serbe et de travailler à la réconciliation. Nous devons assurer nos amis serbes de leur perspective européenne. Il faut maintenant qu'ils tournent les yeux vers l'avenir. Compte tenu des liens historiques que nous avons avec eux, nous les y aiderons.
Ensuite, la Présidence slovène fait face à une situation économique et financière internationale délicate. Le Conseil européen de la semaine prochaine traitera de ces enjeux de stabilisation financière, de gouvernance économique, de la croissance et de l'emploi, qui sont au coeur de toutes les préoccupations des Européens. Cette réalité est vécue par tous les Européens, voyez le prix du baril de pétrole ou la situation de l'euro. Personne ne s'en satisfait.
Nous travaillons en commun avec la Présidence slovène, notamment sur le processus de ratification du Traité de Lisbonne, enjeu important de cette année 2008, pour qu'il se passe le mieux possible. Si ce processus se poursuit, nous pourrions préparer sa mise en oeuvre, de façon à ce que ce nouveau Traité soit en place le 1er janvier prochain.
Avec Bernard Kouchner, nous souhaitons tout d'abord que cette Présidence soit citoyenne et européenne. Citoyenne, parce qu'assurer cette Présidence est une chance. Elle conforte le retour de la France en Europe et de l'Europe en France. Européenne, parce que nous voulons que cette Présidence serve l'intérêt général européen, comme le président de la République l'a fait avec la proposition de Traité simplifié, mis en oeuvre avec les Présidences allemande et portugaise. Nous pensons que ce retour de la France en Europe et de l'Europe en France seront d'autant plus marqués que nous réussirons à assumer les priorités que le président de la République et le Premier ministre ont souhaitées pour notre Présidence.
Gestion des flux migratoires
La première priorité concerne la gestion des flux migratoires. Les réalités démographiques s'imposent à l'Europe. Ce sont des réalités structurelles et durables. Vous avez des mouvements démographiques, des tendances qui concernent l'Europe, différentes de celles que l'on observe ailleurs dans le monde. L'Europe est confrontée, indépendamment de toute sensibilité, de toute culture, à un problème d'organisation et de gestion des flux démographiques et migratoires.
C'est pourquoi la France propose la mise en oeuvre d'un pacte européen sur l'immigration et l'asile de façon à ce que ces problèmes soient traités dans un cadre global. L'accent doit être mis, d'une part, sur le contrôle aux frontières après l'élargissement de l'espace Schengen qui est un espace de libre circulation, de libertés et de droits uniques au monde mais qui doit également être un espace de sécurité. Le contrôle de l'espace Schengen doit être conforme aux exigences de sécurité de nos concitoyens, en France, en Allemagne, comme en Pologne, en Bulgarie et dans tous les pays d'Europe. Ce n'est pas une question idéologique mais une question de gestion, d'efficacité et de protection de nos concitoyens.
Nous devons également organiser une coopération active dans la lutte contre l'immigration illégale. Pour cela, il faut des pratiques communes en matière de délivrance de visas. Il y a des attitudes différentes selon les pays européens. Nous nous attacherons à définir des standards communs en matière de délivrance de visas pour les nationaux d'un certain nombre de pays. Nous devons aussi avoir une convergence en matière de droit d'asile. C'est certainement la question la plus difficile que nous aurons à résoudre. Aujourd'hui, vous êtes traités différemment selon que vous demandez asile dans tel ou tel pays européen. Cela n'est pas équitable et, dans certains cas, cela est même attentatoire à la conception des libertés que nous avons en France et à la tradition juridique européenne telle qu'elle résulte des objectifs de l'Union définis dans les Traités actuels et dans le futur Traité de Lisbonne. C'est une question difficile parce que les cultures et les sensibilités en ce qui concerne le droit d'asile sont différentes. Nous essayerons de faire émerger une approche commune du droit d'asile.
Nous devons également organiser l'immigration légale en fonction de la situation économique et sociale de l'Union. Il y a des propositions de la Commissions dans ce domaine que nous soutenons et nous devons faire en sorte que ces propositions, qui sont équilibrées, puissent trouver leur aboutissement sous la Présidence française et qu'il y ait une procédure unique de demande de titre de séjour et d'autorisation de travail.
Enfin, cette approche sera globale dans la mesure où ces problématiques sont liées à celles du développement et du co-développement. L'Europe a une politique de développement très avancée. Elle dispose de moyens qui peuvent toujours être améliorés mais qui sont suffisants au regard de ce que font nos grands partenaires.
L'Union doit améliorer la gestion de sa politique de développement et simplifier certaines procédures pour permettre une meilleure articulation entre les politiques européennes et nationales. Nous devons développer une approche européenne commune vis-à-vis des pays d'origine, je pense à l'Afrique, au Maghreb et outre nos voisins de la Méditerranée, ceux d'Asie centrale. Nous aurons à trouver un accord sur la directive retour. Le compromis actuel ne nous satisfait pas parce qu'il ne correspond pas aux traditions humanistes françaises, notamment en ce qui concerne les conditions et les durées de rétention. Il y a des pratiques, au niveau européen, contraires à notre conception en matière de défense des droits et de respect de la dignité des individus. Nous espérons trouver un accord sur des bases équitables, avec l'aide du Parlement européen, d'ici la fin de la Présidence slovène.
Environnement et lutte contre le réchauffement climatique
Nous avons la volonté d'encourager une nouvelle croissance en Europe. Une croissance plus "durable". Nous devons évidemment le faire pour les générations futures. L'Europe doit être exemplaire. Mais ce n'est pas seulement une question de morale, nous devons le faire aussi pour des raisons de compétitivité. C'est parce que nous sommes convaincus que les activités du modèle de développement durable sont liées à une agriculture plus écologique, une industrie plus respectueuse de l'environnement et que le développement de services à l'environnement constitue un gisement d'emplois et d'activités important pour l'économie européenne. Ceux qui prendront le plus d'avance aujourd'hui en ce domaine seront les plus compétitifs demain.
C'est pourquoi nous souhaitons, sous Présidence française, aboutir à un accord au Conseil sur le paquet législatif énergie/climat tel qu'il a été présenté par la Commission, puis à un vote au Parlement. L'Europe sera ainsi en ordre de marche avant la conférence de Copenhague de 2009, qui est décisive pour l'avenir de la convention climat et du Protocole de Kyoto. Nous ferons tous les efforts nécessaires mais nous veillerons au maintien de la compétitivité de nos entreprises en exigeant de nos partenaires la réciprocité en ce domaine. S'il existe une inégalité des efforts entre l'Europe, les Etats-Unis, la Russie et les grands pays émergents, le coût écologique devra être intégré dans les échanges économiques avec nos partenaires. Nous serons extrêmement fermes sur ce point durant notre présidence. Nous l'avons dit à la Commission.
Nous comptons également relancer le débat sur la stratégie énergétique européenne. L'actualité le démontre, la problématique énergétique devient de plus en plus stratégique. Nous sommes dépendants en ce qui concerne l'énergie fossile et le gaz. Nous avons des atouts en ce qui concerne l'électricité et le nucléaire. Il nous paraît indispensable de poser, au niveau européen, les questions de la sécurité d'approvisionnement et de la diversité des sources. L'Europe doit être un acteur indépendant de ce qui sera probablement l'arme la plus importante dans les prochaines décennies, la maîtrise de l'énergie.
L'Europe doit être compétitive et ouverte afin que son marché fonctionne mieux, mais cette ouverture doit être faite au bénéfice d'une Europe plus sûre et plus indépendante sur le plan énergétique. Nous n'accepterons pas de solutions de libéralisation qui conduisent à l'affaiblissement des producteurs européens, c'est à dire un affaiblissement de l'indépendance et de la souveraineté de l'Europe en la matière. Nous n'accepterons pas une libéralisation qui entraîne une hausse des prix de l'énergie à court terme, quels que soient les avantages que l'on nous promet pour dans quinze à vingt ans.
L'Europe de la sécurité et de la Défense
Le renforcement de l'Europe de la sécurité et de la défense doit lui permettre de disposer d'outils en adéquation avec sa puissance économique et commerciale. Il n'est pas possible qu'un espace uni de 500 millions d'habitants soit à ce point démuni sur le plan de la défense. Il n'est plus possible que l'Europe, qui veut légitimement jouer un rôle important dans la gestion des crises en Afrique, au Moyen-Orient, dans le sous-continent indien ou en Asie centrale, en soit réduite à "bricoler" comme elle le fait aujourd'hui. Il n'est plus possible, lorsque vous devez faire face à des crises humanitaires comme celle du Darfour, que l'Europe soit réduite à "mendier", de Conseil en Conseil, un hélicoptère, un avion ou un hôpital de campagne. Il faut sortir de cette situation. L'Europe sera rayonnante, elle sera une puissance politique si elle a les instruments nécessaires en termes de défense.
C'est pour cela que nous souhaitons, en faisant des ouvertures à l'égard de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, mettre en adéquation le droit et la réalité, parce qu'il y a aujourd'hui des collaborations de fait entre l'OTAN et les organismes européens de sécurité. Mais soyons clairs, nous sommes prêts à faire ces avancées seulement si elles permettent le renforcement d'une véritable politique européenne de sécurité et de défense. Nous voulons revisiter la stratégie de sécurité telle qu'elle a été définie en 2003 pour faire face à de nouveaux risques, notamment terroristes, sanitaires, biologiques ou technologiques. En parallèle de cette redéfinition, nous proposerons que l'Europe se dote de moyens opérationnels d'intervention avec un centre de planification à Bruxelles. Nous ferons évidemment attention à ne pas mettre en péril le processus de ratification du Traité de Lisbonne, parce que nous savons que dans un certain nombre de pays, ces questions sont sensibles. Nous souhaitons progresser et sortir de l'amateurisme qui existe aujourd'hui. Nous sommes prêts à avoir un marché intérieur et une agence de l'armement au niveau européen qui permettent de conforter nos bases industrielles.
Le bilan de santé de la politique agricole commune
Comme vous le savez, 2008 est un rendez-vous obligé pour la Politique agricole commune puisque la Commission a entamé un bilan de santé qui devrait déboucher, durant notre Présidence, sur un certain nombre de décisions d'ajustements, à la marge des grandes lignes de la Politique agricole commune, fixées jusqu'en 2013. Ce que nous proposons, c'est de faire ce bilan de santé et de réfléchir de manière commune à ce que pourrait être la Politique agricole commune au-delà de 2013.
Pourquoi le faisons-nous ? Parce que nous considérons que rien ne serait pire que l'immobilisme. La Commission et le Parlement vont être renouvelés et, à partir du 1er janvier 2009, nous entrerons dans un système de Présidences tournantes. Si nous restons immobiles, la Politique agricole commune risque d'être remise en cause. Cette politique reste la première politique commune européenne. Avec les déséquilibres que nous connaissons aujourd'hui entre l'offre et la demande alimentaire mondiale, cette politique est stratégique, au même titre que la politique énergétique, pour l'Europe de demain. Nous devons moderniser cette politique, pour que les évolutions des prix de marché soient mieux prises en compte. Nous devons étudier, secteur par secteur, les résultats de cette politique et nous devons également prendre en compte les différents stades de développement agricole et de compétitivité des Etats membres. Nous devons moderniser pour ne pas désarmer et pour permettre à l'Europe de rester, au même titre que d'autres grands partenaires, une puissance alimentaire. Là aussi, nous sommes prêts à faire des efforts, pour autant que la réciprocité existe dans les transactions économiques internationales. Nous verrons les efforts que feront nos partenaires américains, les pays du groupe de CAIRNS, et les autres émergents en ce domaine.
Voilà les principales lignes de ce que seront nos priorités au cours de la Présidence française. Il ne faut pas oublier, car ce sera notre "fil rouge", la ratification du Traité de Lisbonne. Trois sujets sont particulièrement délicats. Le plus médiatisé est celui des nominations, au poste de président du Conseil européen, de Haut Représentant des Affaires étrangères ou de président de la Commission.
Nous devrons également préparer la mise en place d'un service extérieur commun. Nous voulons un service opérationnel. Le 1er janvier 2009, l'Europe devra avoir une identité extérieure beaucoup plus visible. Nous devrons préparer avec la Commission et le Parlement européen une mise en place progressive du service d'action extérieure commun.
Il nous faudra préparer la présidence stable du Conseil européen, ce qui permettra enfin de répondre à la question posée par Henry Kissinger il y a quelques années : "L'Europe, quel numéro de téléphone ?". Les présidences tournantes se poursuivront, parce que les Etats membres doivent rester impliqués dans les responsabilités européennes pour ne pas donner le sentiment que tout se passe à Bruxelles, de manière désincarnée. Cela implique un travail technique que nous avons commencé avec nos partenaires slovènes et que nous prolongerons avec nos amis tchèques et suédois avec qui nous mettons au point un programme de présidence de trio qui sera présenté en juin.
Enfin, je ne pourrais conclure sans évoquer le projet d'une réunion des représentants des citoyens européens expatriés de l'Union européenne. Je ne devrais pas parler de projet, car, grâce à la ténacité de Mme Monseu-Ducarme, cela devient une réalité.
Vous allez donc "plancher" avec vos homologues européens, le 30 septembre prochain, sur deux thèmes que vous avez parfaitement choisis : le premier thème est celui de la protection des citoyens européens. Tous ceux qui ont récemment vécu les événements au Tchad savent que nous ne pouvons plus fonctionner avec des schémas de protection réservés à nos seuls ressortissants nationaux. Il nous faut avoir une dimension européenne. Si nous ne l'avions pas, ce serait une faute, non seulement politique mais aussi humaine. Il est important de faire vivre la citoyenneté européenne.
Vous avez également choisi de travailler sur le thème de l'Europe de la justice. Là aussi, vous visez juste car vous touchez au quotidien. Nous nous efforçons de travailler en commun pour faciliter la mobilité des Européens, ce qui implique de résoudre les problèmes transfrontaliers, de droit de la famille, de protection des individus, de leur égalité au regard de la loi et du droit. Nous voulons construire ensemble une nouvelle génération européenne. Les avancées en matière de droit de la famille, en particulier les questions touchant au divorce et au paiement des pensions alimentaires, au statut de la femme et des enfants, nous permettront de bâtir un nouveau sentiment de solidarité européenne.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, trop longuement et je m'en excuse. Partir travailler à l'étranger, certains en rêvent mais beaucoup n'osent pas. Vous, Français de l'étranger, avez osé. Cela est courageux et je vous en félicite. Mais c'est la rançon du succès, vous êtes maintenant les symboles, non seulement du rayonnement de la France, mais aussi de l'Europe.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mars 2008