Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- La flamme olympique a donc commencé son périple de 137.000 km à travers les cinq continents, elle passera par le Tibet, jusqu'à la Chine, B. Kouchner, bonjour. Ici vous allez vraiment parler. Aujourd'hui l'olympisme, l'esprit olympique, n'ont aucun sens, aucun sens !
R.- Je ne suis pas d'accord. D'abord, c'est un spectacle formidable et puis l'esprit olympique demeure. D'ailleurs ceux qu'on devrait entendre peut-être ce serait le comité olympique, s'ils avaient quelque chose à dire, ce serait le moment de nous en parler. Non, je ne suis pas d'accord.
Q.- Pourquoi le comité olympique ? Vous voulez dire parce que c'est lui qui a choisi Pékin pour les jeux olympiques.
R.- Ce qui est agréable J.-P. Elkabbach, c'est quand vous faites la réponse en même temps que la demande. Pour une fois je suis d'accord avec vous. Oui, c'est ça.
Q.- Oui quand la réponse ne vient pas assez vite. Alors justement au Tibet, B. Kouchner, en Somalie, en Irak, en Tchétchénie, les violences s'accumulent et les morts aussi. Que font, que disent ensemble les Etats de l'Union européenne, apparemment rien ?
R.- Non, un par un, ils parlent et j'espère qu'ensemble dès vendredi puisque les 27 ministres des Affaires étrangères seront réunis en Slovénie. Je pense que nous aurons une position commune, en tout cas une discussion et elle a déjà commencé de plusieurs jours, nous nous téléphonons, nous nous rencontrons, je vais cet après-midi à Bruxelles ; les chefs d'Etat se parlent. J'espère qu'une position commune sera trouvée, qui tiendra compte bien sûr de nos relations avec ce grand pays qu'est la Chine, aussi des souffrances des Tibétains et des violences actuelles dont nous ne cessons de demander et le président de la République hier encore, avant-hier, qu'elles cessent, ces violences, et que l'apaisement vienne et que le dialogue se renoue. Le président de la République a essayé d'entamer, comment dirais-je, un chemin d'utilité pour que ce dialogue existe entre le Dalaï-Lama représentant du peuple tibétain - il y en a d'autres, il y a des groupes extrémistes-, le Dalaï- Lama et les autorités chinoises.
Q.- Le président de la République a écrit comme vous le dites à Hu Jintao pour lui demander la fin des violences par le dialogue et la retenue. Même le Pape Benoît XVI réclame de la retenue aux dirigeants de Pékin. La retenue, d'après le dictionnaire Robert, c'est de la discrétion et de la modération, c'est-à-dire qu'on demande aux Chinois de réprimer discrètement, sans trop de bruit et modérément. Est-ce qu'on ne peut pas les condamner ?
R.- Vous exagérez, ce n'est pas du tout ça.
Q.- Est-ce qu'il y a d'autres mots ?
R.- Non, c'est un mot diplomatique - on peut discuter les mots diplomatiques -, enfin ce qu'il faut c'est que les violences cessent, bien sûr de part et d'autres mais surtout la répression cesse puisque maintenant on ne peut pas aller au Tibet et une des demandes en tout cas, je l'ai formulé plusieurs fois, c'est que les journalistes qui sont bloqués autour du Tibet puissent s'y rendre. L'information doit circuler, nos amis chinois le comprennent, puisqu'ils ont maintenant accès à Internet et de plus en plus sont informés par Internet. Il faudrait absolument que les autorisations soient données. J'ai parlé hier pendant 1h30 avec mon homologue, le ministre des Affaires étrangères chinois, monsieur Yang, et c'est une demande que j'ai formulée. Evidement la réponse a été : "il y a des questions de sécurité". Je crois qu'elles ne tiennent pas, parce que les journalistes doivent savoir prendre des risques. Ils le font très souvent. Je pense, je répète que la première des informations, la première des exigences, avant de parler des Jeux olympiques qui se tiendront au mois d'août - nous aurons le temps d'y penser -, ce serait l'accès au Tibet et dans les autres provinces pour que les journalistes puissent faire leur travail et nous informer. Les Chinois entre parenthèses ne savent pas très bien ce qui se passe chez eux, donc ce serait une bonne occasion de leur dire.
Q.- Dimanche soir sur Europe 1, J. Lang a exhorté son ami Bernard, vous voulez l'écouter à nouveau ?
J. Lang : Je me tourne vers un ami qui est aujourd'hui au Gouvernement, B. Kouchner. Lui et moi, nous avons été les ministres qui ont à plusieurs reprises accueillis à Paris le Dalaï Lama, et je dis à Bernard, que sont devenues les paroles enflammées et justes que tu prononçais en ce temps là ? Ce sont-elles envolées telles des feuilles mortes, sous les lambris des palais ministériels ? Et soyons plus positifs ! Bernard, sors de ta réserve, tu dois sur un sujet aussi vital pour lequel tu t'es battu tout au long de ta vie, tu dois aujourd'hui t'exprimer avec force, avec clarté.
Q.- C'est ce que vous faites sur Europe 1, que vous essayez de faire, Comment vous répondez à J. Lang ?
R.- Merci de me laisser parler. Merci, Jack. Je te rappelle que lorsque nous avons reçu ensemble le Dalaï-Lama, moi je l'avais fait un an et demi avant sans toi et que je m'étais fait agonir d'injures par tous les gouvernements de la terre et en particulier par M. Rocard, ce qui était surprenant, R. Dumas, F. Mitterand etc. Je te rappelle, Jack, et je suis prêt avec toi à dire les mêmes choses contre cette répression, je viens de le dire, cette répression n'est pas supportable, il faut connaître l'histoire. Nous avons toujours été comme bloqués, comme gênés par cette attitude des Tibétains que nous comprenions à moitié. Oui, évidement la liberté de culte, oui le bouddhisme, mais il y avait autre chose et je rappelle qu'officiellement, ni F. Mitterrand, ni J. Chirac n'ont jamais reçu le Dalaï-Lama. A titre privé, ils l'ont fait, mais c'est autre chose. Bien sûr, je ne sais pas si le ministre des Affaires étrangères... Cela dépendra de la situation sur le moment. Il avait annoncé sa visite au mois d'août, le Dalaï-Lama, très bien ; nous verrons s'il vient ; il n'y a aucune raison que je ne le vois pas, je l'ai vu une dizaine de fois, j'avais organisé des manifestations avec lui, c'est mon ami - oui Jack je parle comme toi. Il faut absolument qu'il y ait une reconnaissance et avant tout reconnaissance je n'en sais rien, de quoi ? De la liberté de culte, on n'en sait rien en réalité. En tout cas, ce qui est sûr, ce que nous savons bien et que j'ai dit à mon ami Yang dans cette conversation d'hier, le Dalaï-Lama n'a jamais demandé l'indépendance, personne ne conteste pour l'heure, à moins que les groupes extrémistes que nous n'entendons pas parlent, pour l'heure personne ne réclame et personne ne réclamera une indépendance du Tibet. Comme personne ne réclame, surtout pas le Dalaï-Lama, le boycott des jeux olympiques. C'est pourquoi j'ai dit, je répète avec douceur, ne soyons pas plus Tibétains que le Dalaï Lama. Mais soyons avec lui et avec nos amis chinois parce que c'est eux qui sont concernés et ils ont intérêt, et c'est ça l'ouverture olympique, vous me posiez la question, c'est de permettre par le jeu des journalistes, parce qu'il y en aura des dizaines de mille, mais aussi par cette vision formidable à travers toute la planète, devant des milliards d'individus, peut-être de dire quelque chose, de faire quelque chose, une ouverture supplémentaire pour la Chine qui en a connu d'autres, qui a évolué. N'oublions pas que la Chine, il y a 30 ans, c'était le coeur d'un communisme horrible ; les choses ont été relativement vite, pas assez bien entendu, pas assez.
Q.- La Chine applique massivement la peine de mort, elle contrôle ses provinces et ses médias, elle enferme ses opposants, elle occupe le Tibet depuis un demi siècle, est-ce qu'il n'y a pas une hypocrisie à découvrir si tard la nature qui évolue du régime chinois ?
R.- Ecoutez, ne soyons pas naïfs, arrêtons, je veux dire, être ministre des Affaires étrangères, ce n'est pas complètement être militant, il faut que les droits de l'homme inspirent, inquiètent, que l'on y aspire, les droits de l'homme sont exigeants, nous devons les écouter, encore ce matin, on m'a demandé de signer cette pétition. Il y en aura d'autres, il y a les pétitions en Chine même. Ce n'est pas la même chose.
Q.- Quand on est ministre des Affaires étrangères, c'est vrai, il y a les réalités, mais alors à ce moment là...
R.- Il y a les réalités d'un pays...
Q.- ... on renonce aux devoirs et au droit d'ingérence dans les affaires de la Chine.
R.- Pas du tout, pas du tout, pas du tout, si quelqu'un n'y renonce pas, c'est celui qui l'a inventé, c'est moi-même, au contraire, mais il faut réussir, on a un absolu besoin d'être efficace. Il faut être efficace, c'est-à-dire prendre en compte à la fois évidement la position des Chinois et celle de nos amis tibétains, les deux. Si on se contente - et c'est bien, on est toujours à l'aise dans l'opposition -, quand on est responsable aussi un tout petit peu de l'économie française, quand on sait que cette mondialisation va, si on n'y prend pas garde, si on n'en prend pas la tête, si on ne passe pas par l'Europe pour cela avec nos idées françaises, eh bien cette mondialisation risque de nous étouffer, c'est là dedans qu'il faut se débattre, ça ne fait pas oublier les droits de l'homme, ça les exige, mais ça ne peut pas réduire la politique extérieure complètement, même si je suis habité par les droits de l'homme, je ne pense qu'à ça.
Q.- N. Sarkozy et H. Jintao se sont dits à plusieurs reprises ami-ami, en France comme en Chine, la France et la Chine ont un partenariat stratégique, pourquoi vous n'allez pas à Pékin ? Ou alors peut-être au nom de l'Europe ou avec d'autres européens et est-ce que la France peut imaginer d'avoir un rôle de médiation entre la Chine et le Dalaï-Lama ?
R.- C'est très difficile, nous tentons de le faire. Pour le moment, ce n'est pas aisé, et quant à votre idée, c'est ce que je vous ai dit, c'est-à-dire que les 27 ministres des Affaires étrangères se rencontrent vendredi. Je pense qu'une position, qu'elle soit inspirée par la France me ferait très plaisir, mais les autres déjà existent : les Anglais ont fait quelque chose, les Allemands ont fait quelque chose, tous ceux à qui je parle, les Italiens ont proposé des choses, donc tous ensemble, les 27 seraient un poids considérable. Ce n'est pas pour humilier les Chinois, ce n'est pas pour leur faire fléchir les genoux, c'est pour que cessent les violences et qu'on puisse entamer en effet un dialogue fructueux qui a déjà eu lieu, mais qui s'est fracassé entre les Tibétains et les Chinois. Mais les Chinois sont très attentifs encore une fois au fait que les violences aient été déclenchées, il se trouve que c'était le jour de l'invasion en 59, n'est-ce pas, de l'invasion de l'armée chinoise au Tibet. Donc tout ça... encore une fois nous nous heurtons à ce problème, tous les pays occidentaux depuis très longtemps, il faudrait pour une fois que sur le long terme, pendant quelques mois, les choses s'apaisent. Cela n'en prend pas le chemin...
Q.- Est-ce que nous continuons, tous les pays européens, occidentaux reconnaissent que le Tibet est une province de la Chine, par exemple N. Sarkozy dit qu'il souhaite un dialogue et je le cite, "pour que tous les Tibétains se sentent en mesure de vivre pleinement leur identité culturelle et spirituelle, au sein de la République populaire de Chine", c'est-à-dire que pour l'Europe le Tibet appartient à la Chine, le Tibet...
R.- C'est sûr, J.-P. Elkabbach...
Q.- La Chine est chez elle.
R.- Mais personne ne prétend le contraire, même parmi les militants, je me souviens qu'avec R. Gere, nous étions à Paris avec le Dalaï-Lama, avec cette réunion au Théâtre du Rond-point des Champs Elysés, et il nous a annoncé : "je renonce définitivement à l'indépendance". Tout le monde était surpris, en fait personne ne l'était, il n'avait jamais prononcé ce mot. On a cru qu'il avait changé, il a précisé sa politique, autonomie culturelle a-t-il dit, mais jamais maintenant à ma connaissance, ni un pays sérieux, ni une organisation en dehors des Tibétains qu'on n'entend pas peut-être hélas, réclame l'indépendance du Tibet. Pas du tout, c'est ce que j'ai dit à monsieur Yang. Pourquoi continuer à se battre contre cette idée ? Le Dalaï Lama ne la brandit, ne s'en sert jamais, ne la pense pas.
Q.- Il ne veut pas, le Dalaï Lama, non plus un retour au pouvoir des moines, je suppose d'un pouvoir féodal et religieux non plus.
R.- Je suis d'accord qu'il y aurait beaucoup à dire là-dessus, en particulier sur la façon dont les femmes, comment dirais-je, constituent la force de travail. Oui, il y aurait beaucoup de choses à dire. Mais regardez J.-P. Elkabbach, c'est quand même formidable, je disais à monsieur Yang hier, nous nous sommes intéressés à la Birmanie, il y avait des moines dans la rue et vous étiez avec nous pour dire, "il faudrait que ça cesse". Mais c'était en Birmanie. Là on ne vous dit rien d'autres que nous espérons que les moines cesseront de subir la répression ; c'est tout, pas autre chose, on ne vous demande rien. Vous êtes chez vous, nous sommes entre amis. Il n'y a même pas eu...
Q.- Il écoute ?
R.- Oui, je crois qu'il écoute
Q.- Et on peut imaginer que l'Europe va profiter des cinq prochains mois pour faire pression sur la Chine, pour essayer de dialoguer ?
R.- Pression est un mauvais mot. Pour, avec eux... Monsieur Steinmeyer, le ministre des Affaires étrangères allemand, monsieur D. Miliband, tout ça nous avons parlé de la même façon à monsieur Yang. Ça finira par marcher. Bien sûr "nous bouillons d'impatience", et je répète à J. Lang, "je bous autant que toi", mais voilà il faut être efficace, pas seulement, pas seulement, comment dirais-je, s'indigner, oui je m'indigne aussi, mais ce n'est pas suffisant.
Q.- J. Lang reconnaissait quand même que le boycott n'était pas la réponse adéquate, ni la guerre, ni l'isolement de la Chine.
R.- Non.
Q.- Alors que peut-on imaginer comme...
R.- On a boycotté les Jeux olympiques de Moscou en 80. Vous savez qui les a boycotté ? La Chine. Et pourquoi, parce que c'était l'envahissement de l'Afghanistan. Cela n'a pas marché, personne ne le souhaite, arrêtons de parler du boycott, personne ne le demande.
Q.- Mais est-ce que les chefs d'Etat pourraient boycotter la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques ?
R.- Boycotter c'est un mauvais mot, d'abord on dit boycottage en français ; mais je ne crois pas qu'on puisse dire ça. Il faudrait trouver une façon de parler avec les Chinois dans un premier temps et nous le faisons et une façon d'exiger, de permettre que les Chinois parlent avec les Tibétains. Si la cérémonie d'ouverture, ou si les jeux olympiques permettent cela de la façon la plus insistante, la plus douce et la plus têtue possible, eh bien ce sera bien. Et c'est pourquoi j'ai trouvé cette idée. Pourquoi j'ai trouvé l'idée de "Reporters sans frontières" intéressante ? Parce que d'abord évidemment elle exige les Jeux olympiques, donc on ne va pas continuer dans ce faux boycott puisque personne n'en veut. Et deuxièmement qu'on fasse quelque chose de significatif avec les Chinois. C'est ce que nous souhaitons par le dialogue que le président Sarkozy évoque dans sa lettre.
Q.- Oui, surtout qu'il va être président de l'Union européenne.
R.- Surtout qu'à ce moment là nous serons présidents de l'Union européenne au mois d'août, oui, en effet. Mais c'est maintenant qu'il faut préparer et j'espère que les textes... Je crois qu'autour de la lettre du Président, du texte que je vais présenter vendredi, quelque chose se nouera.
Q.- Est-ce que vous confirmez, c'est un autre sujet, que la France s'apprête à envoyer 1.000 soldats dans le Sud de l'Afghanistan ?
R.- La France a toujours dit qu'elle renforçait ses troupes mais qu'il faut pour cela une réflexion alors là véritablement stratégique, c'est-à-dire parler ensemble, tous ceux qui sont là bas, parler de notre manière d'aborder, d'être avec, d'aider le peuple afghans. Cela fera partie de la conférence que la France organise la conférence sur l'Afghanistan.
Q.- Et elle enverra 1.000 soldats.
R.- Au mois de juin, le chiffre sera précisé par le président de la République, mais il a dit très clairement que oui, nous augmenterions le nombre de nos soldats.
Q.- Pourquoi les envoyer dans ce bourbier ?
R.- Eh bien, parce que ce bourbier, c'est tous ensemble que nous l'avons choisi pour se battre contre le terrorisme et en particulier contre Al-Qaida, dont c'était le siège et parce que nous avons des succès parce que, par exemple les 2 millions de petites filles qui vont à l'école sur 6 millions d'enfants en Afghanistan, il n'y avait pas d'écoles, il n'y avait pas d'enfants, il n'y avait pas de petites filles à l'école, parce que la santé, ça marche un peu mieux, malgré les énormes difficultés et que la stratégie que nous proposerons avec tous, et là encore c'est une consultation européenne qui a lieu déjà maintenant, et avec les Américains bien sûr, ce sera de donner au plus vite leurs responsabilités en les impliquant dans tous nos projets, leurs responsabilités...
Q.- Ça c'est l'idéal, mais en ce moment, ce sont les Talibans qui sont en train de reprendre le pouvoir.
R.- N'exagérons pas.
Q.- Les auditeurs sont en train d'appeler à propos du boycott, très nombreux. Certains proposent d'envoyer des mails, pour dire, nous ne regarderons pas les retransmissions à la télévision, d'autres demandent que les politiques fassent le boycott et pas les sportifs, d'autres demandent que les sportifs refusent leurs médailles, et que la presse n'y aille pas. (...) Donc vous voyez la responsabilité des politiques ; B. Kouchner ?
R.- C'est nouveau dans votre bouche, ça. Ecoutez c'est trop facile de dire les politiques parce que les téléspectateurs ne sont pas tous politiques et ils ne sont pas tous sportifs. Et même souvent ils ont des gros ventres alors s'il vous plaît, chacun ses responsabilités, ne plaisantons pas avec ça. En tout cas, je constate, et c'est très bien ce que vous venez de dire, qu'il y a un intérêt passionné à ces Jeux olympiques et qu'à la faveur de cet intérêt, sans choquer nos amis chinois, nous puissions, nous essayerons d'installer ...
Q.- Il faut leur parler gentiment parce qu'on vous dira c'est une puissance, c'est un marché, c'est 10 % de croissance...
R.- Mais oui c'est la réalité. Cela veut dire que dans la globalisation, nous avons notre rôle à jouer et pas à perdre tout de suite, mais cela ne veut pas dire qu'il faut mettre son drapeau dans sa poche - Ô J. Lang - ça ne veut pas dire du tout qu'il ne faut pas penser aux droits de l'homme, au contraire il faut non pas s'en servir, mais les servir.
Q.- B. Kouchner reste B. Kouchner ?
R.- Merci Jean-Pierre Elkabbach.
Q.- Non, non je pose la question.
R.- Ah bon, vous ne pouvez pas avoir une opinion pour un jour.
Q.- Les ministres d'ouverture, ce n'est pas plus dur qu'avant ?
R.- Ce n'est pas facile tous les jours.
Q.- Ce n'est pas plus dur qu'avant ?
R.- Mais ils ne sont pas à l'honneur. C'est dur, oui c'est très dur, dans une situation comme celle là ; c'était très dur avant sous Mitterrand, c'était très dur sous J. Chirac, c'était très dur de ne pas recevoir Massoud ; c'était très dur, tout ça. Quand on a à coeur les droits de l'homme, c'est un combat permanent, y compris contre soi même, parce qu'on a tendance parfois à abandonner en se disant, "après tout, pourquoi moi tout seul".
Q.- Autrement dit, ce n'est pas l'ouverture qui est douloureuse, c'est surtout l'état du monde ?
R.- Merci. Ça, c'est pas mal.
Q.- Merci d'être venu B. Kouchner.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 mars 2008
R.- Je ne suis pas d'accord. D'abord, c'est un spectacle formidable et puis l'esprit olympique demeure. D'ailleurs ceux qu'on devrait entendre peut-être ce serait le comité olympique, s'ils avaient quelque chose à dire, ce serait le moment de nous en parler. Non, je ne suis pas d'accord.
Q.- Pourquoi le comité olympique ? Vous voulez dire parce que c'est lui qui a choisi Pékin pour les jeux olympiques.
R.- Ce qui est agréable J.-P. Elkabbach, c'est quand vous faites la réponse en même temps que la demande. Pour une fois je suis d'accord avec vous. Oui, c'est ça.
Q.- Oui quand la réponse ne vient pas assez vite. Alors justement au Tibet, B. Kouchner, en Somalie, en Irak, en Tchétchénie, les violences s'accumulent et les morts aussi. Que font, que disent ensemble les Etats de l'Union européenne, apparemment rien ?
R.- Non, un par un, ils parlent et j'espère qu'ensemble dès vendredi puisque les 27 ministres des Affaires étrangères seront réunis en Slovénie. Je pense que nous aurons une position commune, en tout cas une discussion et elle a déjà commencé de plusieurs jours, nous nous téléphonons, nous nous rencontrons, je vais cet après-midi à Bruxelles ; les chefs d'Etat se parlent. J'espère qu'une position commune sera trouvée, qui tiendra compte bien sûr de nos relations avec ce grand pays qu'est la Chine, aussi des souffrances des Tibétains et des violences actuelles dont nous ne cessons de demander et le président de la République hier encore, avant-hier, qu'elles cessent, ces violences, et que l'apaisement vienne et que le dialogue se renoue. Le président de la République a essayé d'entamer, comment dirais-je, un chemin d'utilité pour que ce dialogue existe entre le Dalaï-Lama représentant du peuple tibétain - il y en a d'autres, il y a des groupes extrémistes-, le Dalaï- Lama et les autorités chinoises.
Q.- Le président de la République a écrit comme vous le dites à Hu Jintao pour lui demander la fin des violences par le dialogue et la retenue. Même le Pape Benoît XVI réclame de la retenue aux dirigeants de Pékin. La retenue, d'après le dictionnaire Robert, c'est de la discrétion et de la modération, c'est-à-dire qu'on demande aux Chinois de réprimer discrètement, sans trop de bruit et modérément. Est-ce qu'on ne peut pas les condamner ?
R.- Vous exagérez, ce n'est pas du tout ça.
Q.- Est-ce qu'il y a d'autres mots ?
R.- Non, c'est un mot diplomatique - on peut discuter les mots diplomatiques -, enfin ce qu'il faut c'est que les violences cessent, bien sûr de part et d'autres mais surtout la répression cesse puisque maintenant on ne peut pas aller au Tibet et une des demandes en tout cas, je l'ai formulé plusieurs fois, c'est que les journalistes qui sont bloqués autour du Tibet puissent s'y rendre. L'information doit circuler, nos amis chinois le comprennent, puisqu'ils ont maintenant accès à Internet et de plus en plus sont informés par Internet. Il faudrait absolument que les autorisations soient données. J'ai parlé hier pendant 1h30 avec mon homologue, le ministre des Affaires étrangères chinois, monsieur Yang, et c'est une demande que j'ai formulée. Evidement la réponse a été : "il y a des questions de sécurité". Je crois qu'elles ne tiennent pas, parce que les journalistes doivent savoir prendre des risques. Ils le font très souvent. Je pense, je répète que la première des informations, la première des exigences, avant de parler des Jeux olympiques qui se tiendront au mois d'août - nous aurons le temps d'y penser -, ce serait l'accès au Tibet et dans les autres provinces pour que les journalistes puissent faire leur travail et nous informer. Les Chinois entre parenthèses ne savent pas très bien ce qui se passe chez eux, donc ce serait une bonne occasion de leur dire.
Q.- Dimanche soir sur Europe 1, J. Lang a exhorté son ami Bernard, vous voulez l'écouter à nouveau ?
J. Lang : Je me tourne vers un ami qui est aujourd'hui au Gouvernement, B. Kouchner. Lui et moi, nous avons été les ministres qui ont à plusieurs reprises accueillis à Paris le Dalaï Lama, et je dis à Bernard, que sont devenues les paroles enflammées et justes que tu prononçais en ce temps là ? Ce sont-elles envolées telles des feuilles mortes, sous les lambris des palais ministériels ? Et soyons plus positifs ! Bernard, sors de ta réserve, tu dois sur un sujet aussi vital pour lequel tu t'es battu tout au long de ta vie, tu dois aujourd'hui t'exprimer avec force, avec clarté.
Q.- C'est ce que vous faites sur Europe 1, que vous essayez de faire, Comment vous répondez à J. Lang ?
R.- Merci de me laisser parler. Merci, Jack. Je te rappelle que lorsque nous avons reçu ensemble le Dalaï-Lama, moi je l'avais fait un an et demi avant sans toi et que je m'étais fait agonir d'injures par tous les gouvernements de la terre et en particulier par M. Rocard, ce qui était surprenant, R. Dumas, F. Mitterand etc. Je te rappelle, Jack, et je suis prêt avec toi à dire les mêmes choses contre cette répression, je viens de le dire, cette répression n'est pas supportable, il faut connaître l'histoire. Nous avons toujours été comme bloqués, comme gênés par cette attitude des Tibétains que nous comprenions à moitié. Oui, évidement la liberté de culte, oui le bouddhisme, mais il y avait autre chose et je rappelle qu'officiellement, ni F. Mitterrand, ni J. Chirac n'ont jamais reçu le Dalaï-Lama. A titre privé, ils l'ont fait, mais c'est autre chose. Bien sûr, je ne sais pas si le ministre des Affaires étrangères... Cela dépendra de la situation sur le moment. Il avait annoncé sa visite au mois d'août, le Dalaï-Lama, très bien ; nous verrons s'il vient ; il n'y a aucune raison que je ne le vois pas, je l'ai vu une dizaine de fois, j'avais organisé des manifestations avec lui, c'est mon ami - oui Jack je parle comme toi. Il faut absolument qu'il y ait une reconnaissance et avant tout reconnaissance je n'en sais rien, de quoi ? De la liberté de culte, on n'en sait rien en réalité. En tout cas, ce qui est sûr, ce que nous savons bien et que j'ai dit à mon ami Yang dans cette conversation d'hier, le Dalaï-Lama n'a jamais demandé l'indépendance, personne ne conteste pour l'heure, à moins que les groupes extrémistes que nous n'entendons pas parlent, pour l'heure personne ne réclame et personne ne réclamera une indépendance du Tibet. Comme personne ne réclame, surtout pas le Dalaï-Lama, le boycott des jeux olympiques. C'est pourquoi j'ai dit, je répète avec douceur, ne soyons pas plus Tibétains que le Dalaï Lama. Mais soyons avec lui et avec nos amis chinois parce que c'est eux qui sont concernés et ils ont intérêt, et c'est ça l'ouverture olympique, vous me posiez la question, c'est de permettre par le jeu des journalistes, parce qu'il y en aura des dizaines de mille, mais aussi par cette vision formidable à travers toute la planète, devant des milliards d'individus, peut-être de dire quelque chose, de faire quelque chose, une ouverture supplémentaire pour la Chine qui en a connu d'autres, qui a évolué. N'oublions pas que la Chine, il y a 30 ans, c'était le coeur d'un communisme horrible ; les choses ont été relativement vite, pas assez bien entendu, pas assez.
Q.- La Chine applique massivement la peine de mort, elle contrôle ses provinces et ses médias, elle enferme ses opposants, elle occupe le Tibet depuis un demi siècle, est-ce qu'il n'y a pas une hypocrisie à découvrir si tard la nature qui évolue du régime chinois ?
R.- Ecoutez, ne soyons pas naïfs, arrêtons, je veux dire, être ministre des Affaires étrangères, ce n'est pas complètement être militant, il faut que les droits de l'homme inspirent, inquiètent, que l'on y aspire, les droits de l'homme sont exigeants, nous devons les écouter, encore ce matin, on m'a demandé de signer cette pétition. Il y en aura d'autres, il y a les pétitions en Chine même. Ce n'est pas la même chose.
Q.- Quand on est ministre des Affaires étrangères, c'est vrai, il y a les réalités, mais alors à ce moment là...
R.- Il y a les réalités d'un pays...
Q.- ... on renonce aux devoirs et au droit d'ingérence dans les affaires de la Chine.
R.- Pas du tout, pas du tout, pas du tout, si quelqu'un n'y renonce pas, c'est celui qui l'a inventé, c'est moi-même, au contraire, mais il faut réussir, on a un absolu besoin d'être efficace. Il faut être efficace, c'est-à-dire prendre en compte à la fois évidement la position des Chinois et celle de nos amis tibétains, les deux. Si on se contente - et c'est bien, on est toujours à l'aise dans l'opposition -, quand on est responsable aussi un tout petit peu de l'économie française, quand on sait que cette mondialisation va, si on n'y prend pas garde, si on n'en prend pas la tête, si on ne passe pas par l'Europe pour cela avec nos idées françaises, eh bien cette mondialisation risque de nous étouffer, c'est là dedans qu'il faut se débattre, ça ne fait pas oublier les droits de l'homme, ça les exige, mais ça ne peut pas réduire la politique extérieure complètement, même si je suis habité par les droits de l'homme, je ne pense qu'à ça.
Q.- N. Sarkozy et H. Jintao se sont dits à plusieurs reprises ami-ami, en France comme en Chine, la France et la Chine ont un partenariat stratégique, pourquoi vous n'allez pas à Pékin ? Ou alors peut-être au nom de l'Europe ou avec d'autres européens et est-ce que la France peut imaginer d'avoir un rôle de médiation entre la Chine et le Dalaï-Lama ?
R.- C'est très difficile, nous tentons de le faire. Pour le moment, ce n'est pas aisé, et quant à votre idée, c'est ce que je vous ai dit, c'est-à-dire que les 27 ministres des Affaires étrangères se rencontrent vendredi. Je pense qu'une position, qu'elle soit inspirée par la France me ferait très plaisir, mais les autres déjà existent : les Anglais ont fait quelque chose, les Allemands ont fait quelque chose, tous ceux à qui je parle, les Italiens ont proposé des choses, donc tous ensemble, les 27 seraient un poids considérable. Ce n'est pas pour humilier les Chinois, ce n'est pas pour leur faire fléchir les genoux, c'est pour que cessent les violences et qu'on puisse entamer en effet un dialogue fructueux qui a déjà eu lieu, mais qui s'est fracassé entre les Tibétains et les Chinois. Mais les Chinois sont très attentifs encore une fois au fait que les violences aient été déclenchées, il se trouve que c'était le jour de l'invasion en 59, n'est-ce pas, de l'invasion de l'armée chinoise au Tibet. Donc tout ça... encore une fois nous nous heurtons à ce problème, tous les pays occidentaux depuis très longtemps, il faudrait pour une fois que sur le long terme, pendant quelques mois, les choses s'apaisent. Cela n'en prend pas le chemin...
Q.- Est-ce que nous continuons, tous les pays européens, occidentaux reconnaissent que le Tibet est une province de la Chine, par exemple N. Sarkozy dit qu'il souhaite un dialogue et je le cite, "pour que tous les Tibétains se sentent en mesure de vivre pleinement leur identité culturelle et spirituelle, au sein de la République populaire de Chine", c'est-à-dire que pour l'Europe le Tibet appartient à la Chine, le Tibet...
R.- C'est sûr, J.-P. Elkabbach...
Q.- La Chine est chez elle.
R.- Mais personne ne prétend le contraire, même parmi les militants, je me souviens qu'avec R. Gere, nous étions à Paris avec le Dalaï-Lama, avec cette réunion au Théâtre du Rond-point des Champs Elysés, et il nous a annoncé : "je renonce définitivement à l'indépendance". Tout le monde était surpris, en fait personne ne l'était, il n'avait jamais prononcé ce mot. On a cru qu'il avait changé, il a précisé sa politique, autonomie culturelle a-t-il dit, mais jamais maintenant à ma connaissance, ni un pays sérieux, ni une organisation en dehors des Tibétains qu'on n'entend pas peut-être hélas, réclame l'indépendance du Tibet. Pas du tout, c'est ce que j'ai dit à monsieur Yang. Pourquoi continuer à se battre contre cette idée ? Le Dalaï Lama ne la brandit, ne s'en sert jamais, ne la pense pas.
Q.- Il ne veut pas, le Dalaï Lama, non plus un retour au pouvoir des moines, je suppose d'un pouvoir féodal et religieux non plus.
R.- Je suis d'accord qu'il y aurait beaucoup à dire là-dessus, en particulier sur la façon dont les femmes, comment dirais-je, constituent la force de travail. Oui, il y aurait beaucoup de choses à dire. Mais regardez J.-P. Elkabbach, c'est quand même formidable, je disais à monsieur Yang hier, nous nous sommes intéressés à la Birmanie, il y avait des moines dans la rue et vous étiez avec nous pour dire, "il faudrait que ça cesse". Mais c'était en Birmanie. Là on ne vous dit rien d'autres que nous espérons que les moines cesseront de subir la répression ; c'est tout, pas autre chose, on ne vous demande rien. Vous êtes chez vous, nous sommes entre amis. Il n'y a même pas eu...
Q.- Il écoute ?
R.- Oui, je crois qu'il écoute
Q.- Et on peut imaginer que l'Europe va profiter des cinq prochains mois pour faire pression sur la Chine, pour essayer de dialoguer ?
R.- Pression est un mauvais mot. Pour, avec eux... Monsieur Steinmeyer, le ministre des Affaires étrangères allemand, monsieur D. Miliband, tout ça nous avons parlé de la même façon à monsieur Yang. Ça finira par marcher. Bien sûr "nous bouillons d'impatience", et je répète à J. Lang, "je bous autant que toi", mais voilà il faut être efficace, pas seulement, pas seulement, comment dirais-je, s'indigner, oui je m'indigne aussi, mais ce n'est pas suffisant.
Q.- J. Lang reconnaissait quand même que le boycott n'était pas la réponse adéquate, ni la guerre, ni l'isolement de la Chine.
R.- Non.
Q.- Alors que peut-on imaginer comme...
R.- On a boycotté les Jeux olympiques de Moscou en 80. Vous savez qui les a boycotté ? La Chine. Et pourquoi, parce que c'était l'envahissement de l'Afghanistan. Cela n'a pas marché, personne ne le souhaite, arrêtons de parler du boycott, personne ne le demande.
Q.- Mais est-ce que les chefs d'Etat pourraient boycotter la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques ?
R.- Boycotter c'est un mauvais mot, d'abord on dit boycottage en français ; mais je ne crois pas qu'on puisse dire ça. Il faudrait trouver une façon de parler avec les Chinois dans un premier temps et nous le faisons et une façon d'exiger, de permettre que les Chinois parlent avec les Tibétains. Si la cérémonie d'ouverture, ou si les jeux olympiques permettent cela de la façon la plus insistante, la plus douce et la plus têtue possible, eh bien ce sera bien. Et c'est pourquoi j'ai trouvé cette idée. Pourquoi j'ai trouvé l'idée de "Reporters sans frontières" intéressante ? Parce que d'abord évidemment elle exige les Jeux olympiques, donc on ne va pas continuer dans ce faux boycott puisque personne n'en veut. Et deuxièmement qu'on fasse quelque chose de significatif avec les Chinois. C'est ce que nous souhaitons par le dialogue que le président Sarkozy évoque dans sa lettre.
Q.- Oui, surtout qu'il va être président de l'Union européenne.
R.- Surtout qu'à ce moment là nous serons présidents de l'Union européenne au mois d'août, oui, en effet. Mais c'est maintenant qu'il faut préparer et j'espère que les textes... Je crois qu'autour de la lettre du Président, du texte que je vais présenter vendredi, quelque chose se nouera.
Q.- Est-ce que vous confirmez, c'est un autre sujet, que la France s'apprête à envoyer 1.000 soldats dans le Sud de l'Afghanistan ?
R.- La France a toujours dit qu'elle renforçait ses troupes mais qu'il faut pour cela une réflexion alors là véritablement stratégique, c'est-à-dire parler ensemble, tous ceux qui sont là bas, parler de notre manière d'aborder, d'être avec, d'aider le peuple afghans. Cela fera partie de la conférence que la France organise la conférence sur l'Afghanistan.
Q.- Et elle enverra 1.000 soldats.
R.- Au mois de juin, le chiffre sera précisé par le président de la République, mais il a dit très clairement que oui, nous augmenterions le nombre de nos soldats.
Q.- Pourquoi les envoyer dans ce bourbier ?
R.- Eh bien, parce que ce bourbier, c'est tous ensemble que nous l'avons choisi pour se battre contre le terrorisme et en particulier contre Al-Qaida, dont c'était le siège et parce que nous avons des succès parce que, par exemple les 2 millions de petites filles qui vont à l'école sur 6 millions d'enfants en Afghanistan, il n'y avait pas d'écoles, il n'y avait pas d'enfants, il n'y avait pas de petites filles à l'école, parce que la santé, ça marche un peu mieux, malgré les énormes difficultés et que la stratégie que nous proposerons avec tous, et là encore c'est une consultation européenne qui a lieu déjà maintenant, et avec les Américains bien sûr, ce sera de donner au plus vite leurs responsabilités en les impliquant dans tous nos projets, leurs responsabilités...
Q.- Ça c'est l'idéal, mais en ce moment, ce sont les Talibans qui sont en train de reprendre le pouvoir.
R.- N'exagérons pas.
Q.- Les auditeurs sont en train d'appeler à propos du boycott, très nombreux. Certains proposent d'envoyer des mails, pour dire, nous ne regarderons pas les retransmissions à la télévision, d'autres demandent que les politiques fassent le boycott et pas les sportifs, d'autres demandent que les sportifs refusent leurs médailles, et que la presse n'y aille pas. (...) Donc vous voyez la responsabilité des politiques ; B. Kouchner ?
R.- C'est nouveau dans votre bouche, ça. Ecoutez c'est trop facile de dire les politiques parce que les téléspectateurs ne sont pas tous politiques et ils ne sont pas tous sportifs. Et même souvent ils ont des gros ventres alors s'il vous plaît, chacun ses responsabilités, ne plaisantons pas avec ça. En tout cas, je constate, et c'est très bien ce que vous venez de dire, qu'il y a un intérêt passionné à ces Jeux olympiques et qu'à la faveur de cet intérêt, sans choquer nos amis chinois, nous puissions, nous essayerons d'installer ...
Q.- Il faut leur parler gentiment parce qu'on vous dira c'est une puissance, c'est un marché, c'est 10 % de croissance...
R.- Mais oui c'est la réalité. Cela veut dire que dans la globalisation, nous avons notre rôle à jouer et pas à perdre tout de suite, mais cela ne veut pas dire qu'il faut mettre son drapeau dans sa poche - Ô J. Lang - ça ne veut pas dire du tout qu'il ne faut pas penser aux droits de l'homme, au contraire il faut non pas s'en servir, mais les servir.
Q.- B. Kouchner reste B. Kouchner ?
R.- Merci Jean-Pierre Elkabbach.
Q.- Non, non je pose la question.
R.- Ah bon, vous ne pouvez pas avoir une opinion pour un jour.
Q.- Les ministres d'ouverture, ce n'est pas plus dur qu'avant ?
R.- Ce n'est pas facile tous les jours.
Q.- Ce n'est pas plus dur qu'avant ?
R.- Mais ils ne sont pas à l'honneur. C'est dur, oui c'est très dur, dans une situation comme celle là ; c'était très dur avant sous Mitterrand, c'était très dur sous J. Chirac, c'était très dur de ne pas recevoir Massoud ; c'était très dur, tout ça. Quand on a à coeur les droits de l'homme, c'est un combat permanent, y compris contre soi même, parce qu'on a tendance parfois à abandonner en se disant, "après tout, pourquoi moi tout seul".
Q.- Autrement dit, ce n'est pas l'ouverture qui est douloureuse, c'est surtout l'état du monde ?
R.- Merci. Ça, c'est pas mal.
Q.- Merci d'être venu B. Kouchner.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 mars 2008