Déclaration de Mme Roselyne bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur les résultats d'une enquête concernant les conditions de vie des malades deux ans après le diagnostic de cancer, Paris le 27 mars 2008.

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Circonstance : Colloque "La vie deux ans paprès le cancer" à Paris le 27 mars 2008

Texte intégral

Monsieur le président,
Madame la directrice,
Mesdames et Messieurs,
L'enquête confiée à la DREES sur les conditions de vie des malades atteints d'un cancer est une première. Réalisée auprès de 4270 personnes, cette étude a permis de recueillir directement les impressions et l'avis de ceux qui ont connu l'épreuve de la maladie. Deux ans après le diagnostic, comment vivent-ils ? Comment ont-ils traversé la période, toujours pénible, parfois cruelle, du traitement qui suit l'annonce du diagnostic ? Ont-ils le sentiment, après des mois de combat, d'avoir renoué avec le fil de la vie ordinaire ? Rien n'est-il plus jamais comme avant ? Le regard qu'ils portent sur eux-mêmes, sur les autres a-t-il changé ? C'est à cet ensemble de perceptions subjectives que cette étude s'intéresse. C'est sur les conséquences concrètes de la maladie, sur les modifications de la vie sociale, mais aussi de la vie privée des personnes touchées, que cette étude veut attirer notre attention.
L'information dont nous disposons ainsi, loin d'être purement médicale et technique, nous renseigne, de manière inédite, sur les effets réels, conjugués et globaux de la maladie, tels qu'ils ont pu être ressentis, deux ans après le diagnostic.
Cette étude nous rappelle que si nos réformes ont un sens, c'est bien en vue du patient auquel il nous revient de garantir une prise en charge, non seulement plus efficace, mais aussi plus humaine.
Comment faire pour bien faire ? Telle est bien la question que chacun, à la place qu'il occupe, devrait se poser, après la lecture d'un tel rapport : médecins, personnels soignants, proches et aidants, mais aussi, tous ceux à qui incombe la lourde tâche d'administrer notre système de soins, sans oublier, bien entendu, les décideurs publics. Pour ma part, c'est bien la finalité qualitative de ma politique qui détermine tous mes choix. Cette politique se définit d'abord par sa portée éthique.
La question essentielle qui se pose à moi est de savoir comment donner à chacun la possibilité d'être bien soigné. Cependant, il faut aussi, comme en atteste cette étude, tout mettre en oeuvre pour assurer les conditions d'une prise en charge globale des patients, au moment même où, sous tant d'aspects, leur vulnérabilité s'accroît et la configuration générale de leur existence se trouve bouleversée. Mener une telle politique, c'est bien poursuivre un projet de société dont les responsables politiques doivent être porteurs.
La publication de cette enquête nous dit clairement la signification de notre travail, rappelle chacun à ses responsabilités. Tous ceux qui ont la charge de traiter les patients atteints d'un cancer, comprendront le sens de ces propos liminaires. Ils savent que le respect du malade, de son libre-arbitre, de son intimité, de sa singularité, s'expriment le plus souvent dans des attitudes dont l'invisibilité rend difficile l'évaluation. Ils savent aussi que ce « travail discret » qui incarne le propre du geste soignant justifie, pour une large part, leur engagement.
La qualité, ce n'est pas qu'une abstraction. Elle est, pour tout soignant, l'effet sensible de sa pratique quotidienne, la conséquence de ses manières d'être vis-à-vis des malades.
Les pouvoirs publics, par les décisions qu'ils prennent, par les réglementations qu'ils instituent, mais aussi les praticiens, à travers l'ensemble de leurs actes, sont coresponsables de cette qualité. Or, s'agissant de ce qui touche intimement à la vie, la qualité est plus importante que la quantité.
La vie, faut-il le rappeler, n'est pas une marchandise. La santé n'est pas un marché. La qualité ne se monnaye pas. Ainsi, la politique de santé que je veux conduire est une politique de la vie. C'est donc au plus près des attentes et des besoins du patient, que je veux, à chaque fois qu'il me faudra décider, me situer. Pour engager cette politique, nous disposons désormais des données précieuses recueillies dans cette enquête. La qualité du travail accompli mérite d'être saluée. Cette étude permet de prendre la mesure exacte de la tâche qui reste à accomplir si nous voulons améliorer la prise en charge de la maladie. Il apparaît ainsi que la perception même du cancer et de ses implications est encore trop souvent associée à l'image de la mort. Pour beaucoup de malades, le terme même de cancer demeure « imprononçable ». Il n'est pourtant pas sans conséquence sur l'évolution du traitement et ses suites de pouvoir se battre contre un ennemi clairement désigné. La relation des patients à la maladie exige ainsi souvent une clairvoyance et un courage que soutiennent la solidité de l'information prodiguée et la qualité de l'échange avec les personnels soignants. De même, pour retrouver la disponibilité entamée par la maladie, pour se réconcilier parfois avec la quotidienneté, pour redonner un sens à sa vie et se projeter à nouveau vers l'avenir, certains patients ont besoin, de toute évidence, d'être épaulés, d'être accompagnés pour aborder, mieux armés, la période de rémission. Bien sûr, le cancer est diversement vécu par chacun. Cette diversité doit d'ailleurs être mieux prise en compte, comme le montre cette étude. Nous ne pouvons pas ignorer les inégalités de situation. Nous devons éviter qu'elles se creusent.
Notre politique de santé est aussi une politique de justice, sensible aux différences de situations. Aussi faut-il éviter de traiter également des situations inégales. Nous ne pouvons rester indifférents au fait que 6% des personnes insatisfaites du suivi et des informations reçues s'avèrent souvent être des personnes fragiles, matériellement plus démunies, moralement plus vulnérables.
Cette étude montre bien, par ailleurs, les progrès qui restent à accomplir pour améliorer la relation des patients avec le système de soins. Elle nous permet de mieux apprécier la pertinence de nos anticipations. A l'heure où nous nous apprêtons à faire le bilan du plan cancer 2003-2007, elle ouvre un très grand nombre de pistes de réflexion. Ainsi, il apparaît que l'information diffusée est encore souvent mal adaptée aux publics auxquels elle s'adresse, que le suivi post-thérapeutique est encore mal connu, que l'implication des patients dans la stratégie de traitements est encore insuffisante. Les résultats de l'enquête sont, à cet égard, éloquents : seul un patient sur deux estime avoir participé à la décision thérapeutique. De même, le versant psychologique de la prise en charge est encore trop inégalement reconnu. * Bien sûr, nous ne disposons pas encore du bilan complet du plan cancer précédent. Une chose est sûre, cependant. Il est absolument nécessaire de veiller à l'effectivité des mesures du plan 2003-2007. L'opérationnalité du dispositif mis en oeuvre reste encore, en effet, très hétérogène.
Certes, le bilan est très positif, dans la mesure où notre ambition était de couvrir le champ de la maladie sur l'ensemble de ses aspects : depuis sa prévention jusqu'à l'accompagnement des malades, en passant par la formation des professionnels, l'organisation des soins, les campagnes d'information, la recherche... Cependant, les disparités territoriales sont bien trop prononcées. La généralisation des consultations d'annonce prévue dans le plan Cancer, reste, à mes yeux, encore beaucoup trop théorique. Faute de moyens, parfois matériels, et surtout humains, en termes d'effectifs et de formation, seuls 40 à 80% des patients et de leurs proches en bénéficient.
La promulgation d'une mesure ne suffit pas. Elle ne saurait nous dédouaner de son insuffisante application. Dans cet esprit, l'effectivité des mesures déjà prises constituerait un réel progrès. Pour l'avenir, je m'engage à ce que les décisions que je prendrai soient concrètement opérationnelles. Il en va de notre crédibilité. Il en va, surtout, de l'intérêt des patients.
Le cancer n'est pas qu'une affaire médicale. L'amélioration de la qualité de vie des patients, comme le confirme l'enquête, est l'affaire de tous. A cet égard, il apparaît que cette maladie reste encore mal connue ou mal perçue. Le cancer est encore trop souvent stigmatisé, s'agissant en particulier des jeunes qui en sont atteints. Plus généralement, c'est une personne sur cinq qui déclare avoir été victime d'attitudes discriminatoires sur leur lieu de travail. Ainsi, le regard porté sur le cancer doit changer. En ce sens, il revient sans conteste d'inclure davantage, dans les campagnes d'information que nous préparons, de manière explicite, et à des fins pédagogiques, des messages de tolérance, invitant à comprendre plutôt qu'à juger.
Le combat contre le cancer est donc un combat pour la vie, mais aussi pour la liberté. Ce combat est le mien. Je ne le poursuivrai pas sans penser à tous ceux que la honte isole ou que le préjugé stigmatise. Je n'oublierai pas, surtout, de veiller à ce que soit assurée, au-delà de la prise en charge médico-technique, une prise en charge globale des patients.
La lecture de cette enquête nous y invite.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 31 mars 2008