Déclaration conjointe de MM. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, et Dimitrij Rupel, président slovène du CAG (Conseil affaires générales - Relations extérieures), intitulée "Balkans occidentaux : une nouvelle priorité de l'Union européenne", Paris le 2 avril 2008

Prononcé le

Auteur(s) moral(aux) : Ministère des Affaires étrangères

Texte intégral

Samedi dernier à Brdo (Slovénie), les 27 ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont réaffirmé clairement que l'avenir Balkans occidentaux est au sein de l'Union européenne ; c'était là un message tout à fait nécessaire au lendemain de la déclaration d'indépendance du Kosovo et à la veille du sommet de l'OTAN qui se tiendra à Bucarest cette semaine et des élections générales qui auront lieu en Serbie en mai.
Fait remarquable, le ministre serbe des Affaires étrangères, M. Vuk Jeremic, et le Premier ministre du Kosovo, M. Hashim Thaci, étaient tous deux présents à Brdo. L'Union européenne a admis en février que la décision de reconnaître ou non le Kosovo était laissée à chaque Etat membre, mais cela ne change pas la volonté commune d'intégrer totalement le Kosovo dans les initiatives de coopération dans cette région à laquelle il appartient.
Nous pouvons dire sans révéler de secret que la Serbie était au coeur des discussions à Brdo. Comme l'a déclaré l'un de nos collègues samedi, nous voulons tous pour la Serbie ce que la Slovénie, qui était elle aussi une république de l'ex-Yougoslavie et qui assume aujourd'hui la Présidence de l'Union européenne, a obtenu. L'accord de stabilisation et d'association avec la Serbie a été paraphé en novembre dernier et est en attente de signature. La Serbie doit incontestablement remplir ses obligations morales internationales avant de pouvoir espérer rejoindre la famille européenne. Nous comprenons qu'à la veille des élections, la Serbie demeure dans l'incertitude quant à son avenir et réticente à l'égard de l'Europe. La Présidence actuelle et la présidence future de l'Union européenne ont donc toutes les deux la conviction que nous devons trouver des moyens innovants pour donner aux forces pro-européennes de Serbie l'impulsion dont elles ont tant besoin sans pour autant sacrifier les valeurs sur lesquelles repose l'Union européenne. Comme le Kosovo, la Serbie est un cas unique à bien des égards.
C'est pourquoi nous voulons, comme cela a été envisagé à Brdo, manifester l'amitié de l'Union européenne à l'égard du peuple serbe et faire la proposition que l'Union européenne délivre gratuitement des visas aux ressortissants serbes qui se rendrent dans les Etats membres.
Cependant, nous demandons instamment à la Serbie de respecter les engagements qu'elle a pris antérieurement et de s'abstenir de tout discours incendiaire et de toutes activités provocatrices qui pourraient porter atteinte à la sécurité dans la région. Nous respectons totalement les sentiments de nos amis serbes, mais une bonne coopération régionale est une condition indispensable pour les pays qui aspirent à adhérer à l'Union européenne, et cela s'applique également à la Serbie. Les missions "Etat de droit" et du représentant spécial de l'Union européenne (RSUE) au Kosovo sont l'expression de l'engagement de l'Union européenne au Kosovo. L'on ne saurait aspirer à adhérer à l'Union européenne et refuser en même temps de parler aux membres des missions qui sont sur place avant tout pour protéger les Serbes du Kosovo. Qui plus est, la Serbie ne devrait pas laisser la question du Kosovo dicter la nature de ses relations avec l'Union européenne.
Continuer à travailler au projet de libéralisation des visas pour tous les pays de la région en finissant rapidement de mettre en oeuvre les feuilles de route et en créant des conditions concrètes et réalistes permettant, dès que ces conditions seront réunies, de circuler librement sans visa, est une mesure qui devrait être accueillie très favorablement par les habitants des Balkans. Nous ne devons pas négliger les frustrations qui résultent du fait paradoxal que les habitants des pays de l'ex-Yougoslavie ont connu la possibilité de voyager sans visa avant 1990.
Si pour des raisons évidentes, nous nous sommes concentrés ces derniers temps sur la Serbie et le Kosovo, nous ne devons pas oublier le reste de la région. Nous devons prendre acte des progrès accomplis récemment par le Monténégro et l'Albanie. En Bosnie-Herzégovine, la signature de l'accord de stabilisation et d'association est à notre portée, sous réserve que la réforme de la police soit mise en oeuvre ; dans les jours à venir, le parlement de la Bosnie-Herzégovine aura une nouvelle occasion de faire preuve d'audace et de courage pour avancer sur ce point.
Enfin, en ce qui concerne l'ex-République yougoslave de Macédoine, nous jugeons encourageants les progrès accomplis ces derniers jours sur la question du nom et nous espérons sincèrement qu'une solution mutuellement acceptable sera trouvée pour permettre à d'adhérer à l'OTAN. C'est là l'avenir du pays et de ses habitants et cette situation est à même de rendre le pays plus fort et la région plus stable.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 avril 2008