Texte intégral
B. Toussaint, C. Roux et L. Mercadet.- C. Roux : Y. Jégo, le nouveau ministre de l'Outre-Mer. Ses dossiers : Mayotte, la continuité territoriale, la réforme de l'Etat. Mais, son activité de ministre ne l'empêche pas de garder un oeil sur la région Ile-de-France et sur le dossier du Grand Paris. Paris qui reçoit aujourd'hui la flamme olympique avec déploiement exceptionnel des forces de l'ordre - 3 000 policiers pour encadrer le symbole de l'olympisme. B. Toussaint : Bonjour Y. Jégo.
R.- Bonjour.
B. Toussaint : Merci d'être avec nous ce matin.
R.- Merci de m'avoir invité.
B. Toussaint : La flamme olympique est à Paris. Elle a dormi à l'hôtel, elle se réveille, là, en ce moment, elle nous regarde probablement d'ailleurs dans sa très belle suite junior qui lui a été réservée par le Gouvernement français. Non, plus sérieusement, elle va passer là, tout à l'heure, devant les studios de Canal, cette flamme. Qu'est-ce qu'on fait ? Hier, F. Bayrou a dit : « il faut manifester », il appelle tous les partisans du MoDem à manifester pour le passage de la flamme. Qu'est-ce qu'on fait ?
R.- D'abord, je crois qu'il faut soutenir le mouvement olympique, c'est quand même une idée qui est née en France, qui est une grande idée, qui est le grand rassemblement des sportifs de la planète dans un affrontement pacifique. Il y a là, derrière ce qui se passe autour du mouvement olympique, quelque chose qui mérite d'être préservé. Alors, ensuite, il y a la question du Tibet parce que derrière c'est cette question qui se pose. La France a une position qui est assez claire, qui consiste à garder les options ouvertes, à demander...
B. Toussaint : ... ce n'était pas clair ce week-end, je suis désolé de vous dire ça mais...
R.- Mais, je vais essayer de la clarifier si ça ne l'était pas...[position qui consiste] à demander à la Chine, comme le Président de la République l'a fait d'ailleurs dans un courrier il y a quelques jours, que des progrès soient faits pour que la question du Tibet soit une question qui se solde de façon très positive et de façon très humanitaire, et de faire en sorte qu'on adapte la position de la France vis-à-vis de notre présence à la cérémonie d'ouverture, vis-à-vis de toute une série de choses qui circulent aujourd'hui, en fonction de l'évolution de la situation pour que cette situation soit une situation de progrès, voilà. Voilà la position française.
C. Roux : Donc, ça veut dire que vous êtes sur la ligne R. Yade ou pas du tout, qui avait évoqué trois conditions, puisque que vous dites : « en fonction de ce qui va se passer » ?
R.- Moi, je suis sur la ligne du Gouvernement, il n'y a pas de condition de fixée, il y a une position qui reste ouverte, de la France, pour en faire en sorte qu'on aille vers ce que, je crois, souhaitent la plupart de ceux qui nous écoutent, c'est-à-dire que le Tibet retrouve une situation tout à fait acceptable, qu'il n'y ait plus de violence et qu'on n'ajoute pas de la violence à la violence. Voilà la stratégie française qui est somme toute une stratégie clairement définie à Tarbes par le Président de la République le 24 mars ou le 25 mars.
C. Roux : R. Yade avait évoqué des conditions. Vous dites quoi, c'est une erreur de jeunesse ou est-ce que c'est, je ne sais pas, un cafouillage ?
R.- Ecoutez, moi, j'ai lu son communiqué où elle dit qu'elle n'a pas parlé de « conditions » et qu'on lui a mis dans la bouche un mot qu'elle n'avait pas prononcé. Je crois qu'il faut écouter ce que dit le Dalaï-lama en l'occurrence, il est quand même le premier concerné. Le Dalaï-lama dit : « je souhaite que la Chine ait les Jeux Olympiques, je ne veux pas priver la Chine des Jeux Olympiques, la Chine mérite les Jeux Olympiques ». Eh bien, je crois qu'il faut essayer de se cadrer sur cette position pour faire en sorte qu'on fasse des progrès, qu'il y ait une exigence de progrès en matière de gestion du Tibet par la Chine, mais que cette exigence de progrès elle se fasse en cohérence avec aussi l'exigence olympique. Vous savez, en 1980, il y a eu un boycott des Jeux Olympiques à Moscou, ça n'a rien donné.
L. Mercadet : Juste un truc, c'est, a contrario, dans ce que vous dites, s'il y a 300 morts au Tibet en juillet parce que les Tibétains en remettent un coup, ça veut dire que la France ne participe pas à la cérémonie d'ouverture ? C'est clair, c'est ça que vous venez de dire, en fait ?
R.- Ca veut dire que nous adopterons notre position en fonction de la situation.
L. Mercadet : Ben voilà !
R.- Et que dans la gestion de ce dossier, dont chacun comprend bien qu'il est extrêmement délicat, la France laisse toutes les options ouvertes.
L. Mercadet : Donc, si ça tourne mal... B. Toussaint : Y. Bego, alors juste un mot sur ce... on a vu ce qui s'est passé, hier, à Londres, des petits mouvements, c'était compliqué, il y a eu pas mal de manifestants arrêtés. Est-ce que vous comprendriez qu'aujourd'hui, à Paris, il y ait des manifestations autour de la flamme, des manifestations pacifiques ?
R.- Oui, quand on est dans un pays libre, il faut comprendre tous ceux qui souhaitent s'exprimer. Je crois qu'il n'y a pas d'ambiguïté, ce qui vient d'ailleurs démentir ceux qui disaient « il faut boycotter », parce que si nous avions par avance boycotté, ça veut dire que la flamme ne serait pas venue ici et que ceux qui souhaitent s'exprimer à l'occasion du passage de la flamme n'auraient pas pu le faire. Donc, vous voyez qu'il y a là une réflexion qu'il faut avoir. Moi, ce que je souhaite, et j'ai vu les images qui ont circulé sur le Tibet, c'est qu'on n'ajoute pas de la violence à la violence, et que le passage de la flamme ne soit pas le moment d'actions violentes.
C. Roux : Mais, c'est malgré tout l'occasion de faire passer un message à Pékin ?
R.- Je ne sais pas si c'est un message à Pékin, un message au monde. Vous avez vu que les sportifs ont souhaité s'exprimer, qu'ils vont porter un badge. Que chacun peut profiter de cette occasion pour s'exprimer et l'expression qu'on doit avoir c'est effectivement de mettre ces forces dans la bataille pour faire en sorte que la situation entre le Tibet et la Chine soit une situation qui s'apaise et que ni les Chinois, ni les Tibétains n'en soient victimes.
C. Roux : Que pensez-vous de l'attitude de S. Royal qui dit : « il est encore temps de décréter le boycott pur et simple des JO » ?
R.- C'est la même S. Royal qui nous disait il y a quelques mois que la justice chinoise était un exemple pour le monde entier. Je crois que dans cette affaire, S. Royal essaie de surfer sur l'émotion mais elle n'a pas de stratégie visant à aboutir à un résultat.
C. Roux : Ce qui est étonnant c'est qu'on entend assez peu la diplomatie française parler d'une éventuelle solution européenne. Est-ce que la solution ne viendra pas des Vingt-sept ?
R.- Mais, sans doute ! Vous savez qu'au moment de l'ouverture des Jeux Olympiques c'est la France qui présidera l'Union européenne, N. Sarkozy sera le Président de l'Union européenne, et je crois que dans ce qui a été affirmé par le président de la République, il y a aussi cette vision de dire le moment voulu, ce sera aussi à l'Europe à trouver les voies et moyens pour engager avec la Chine un dialogue constructif qui fasse qu'on arrive à trouver une solution pour le Tibet et qu'on arrive à répondre à l'émotion de ceux qui s'expriment au vu des images qu'on a vues il y a quelques jours. Mais, dans cette stratégie-là, il y a, je crois, une position du Gouvernement qui est à la fois ouverte et qui se laisse toutes les armes en main. Eh bien, c'est bien comme ça qu'on est le plus efficace, quand jusqu'au dernier moment, on a toutes les armes en main.
C. Roux : Alors, l'Outre-Mer, vos dossiers, on y vient. Alors, la réforme de l'Etat, vous avez vous-mêmes participé à l'effort collectif, vous allez le faire : suppression progressive sans discernement du supplément de pension accordé aux fonctionnaires qui s'installent dans les territoires d'Outre-Mer pour leur retraite.
R.- Je n'ai pas vu le mot « sans discernement » dans la volonté. Il s'agit de quoi ? Il s'agit de corriger quelque chose dont tout le monde reconnaît qu'il est une injustice, qui fait qu'un fonctionnaire même s'il n'a jamais mis les pieds de sa vie en Outre-Mer, peut aller s'installer en fin de carrière dans un de nos territoires d'Outre-Mer, qui sont beaux et accueillants, et toucher à ce titre une surretraite - surretraites qui ont été mises en place à l'époque pour compenser les différentiels de coût de la vie entre ces territoires et la métropole.
C. Roux : Donc, ça c'est fini ?
R.- Il y a des exagérations, chacun les a reconnues, dénoncées, je crois même que vous en avez parlez sur votre plateau.
L. Mercadet : Oui, il faut y aller pendant six mois, non, et donc ça suffit pour...
R.- Non, il faut s'y installer pour toucher une surretraite.
L. Mercadet : Voilà !
R.- Donc, on va mettre fin à ce dispositif, mais on va mettre fin à ce dispositif...
C. Roux : « avec discernement », ça veut dire quoi alors ?
R.- Avec deux objectifs. Le premier c'est de mettre fin à ce qui est inacceptable et que chacun reconnaît comme étant inacceptable. Et le second, c'est que ça ne pénalise pas les originaires d'Outre-Mer qui sont fonctionnaires, qui peuvent être fonctionnaires aussi, qui peuvent avoir travaillé toute leur vie dans cette perspective-là et sur lequel il faut trouver un moyen de ne pas mettre en cause cet avantage. C'est une réforme qui est une réforme difficile, mais si elle avait été facile, elle aurait été faite depuis longtemps, et donc mon souci...
C. Roux : C'est-à-dire « réforme difficile », vous vous attendez à une forme de résistance de la part des fonctionnaires qui sont éventuellement concernés ?
R.- Je pense qu'il faut qu'il n'y ait pas d'incompréhension, qu'il faut qu'il y ait du dialogue, qu'il faut qu'il y ait de l'explication, qu'il faut qu'on explique aux fonctionnaires que ceux qui bénéficient aujourd'hui de ce dispositif ne vont pas se le voir priver comme ça, brutalement, que c'est une réforme aussi qui va jouer dans l'avenir, pour les générations qui viennent.
C. Roux : Ah, ça veut dire que ceux qui sont en poste aujourd'hui ne seraient pas concernés, par exemple ?
R.- Ca veut dire que ceux qui sont en poste aujourd'hui, en tout cas pour les petites retraites, ne sont pas concernés par le dispositif et que c'est un dispositif qui doit mettre en place une gestion vertueuse des retraites en Outre-Mer pour l'avenir, gestion vertueuse des retraites...
C. Roux : ... pourquoi on ne le fait pas dès maintenant ? Parce qu'il faut faire des économies et plus encore des rigueurs.
R.- Gestion vertueuse des retraites... je crois que j'entendais votre débat sur la rigueur, je crois qu'il ne s'agit pas de faire des économies pour faire des économies ou pour se faire plaisir, il s'agit de dire : le monde a changé, il faut adapter la France et réformer le pays, et à cette occasion de réforme du pays il faut que tout le monde sorte gagnant. Les caisses de l'Etat parce que ça fait effectivement trente ans qu'on dépense plus qu'on encaisse ; les fonctionnaires eux-mêmes, c'est ce que je veux faire pour l'Outre-Mer pour démontrer aux retraités ultramarins qu'ils peuvent sortir gagnants de cette réforme.
C. Roux : La question était : pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?
R.- Mais, on va le faire dès maintenant, mais son application ne doit pas être ni brutale, ni incompréhensible, et moi j'ai à coeur d'avoir le souci des retraités modestes qui ne peuvent pas payer pour le compte des gros retraités qui, eux, bénéficient du système.
B. Toussaint : La question de Léon. L. Mercadet : On va parler des Comores où on a un souci à cause de l'immigration comorienne dans l'Ile de Mayotte. Alors, votre prédécesseur au Secrétariat d'Etat, Monsieur Estrosi, avait parlé d'instaurer le droit du sang pour les immigrés comoriens à Mayotte. Vous l'avez, semble-t-il désavoué. On fait quoi maintenant, notamment avec tous les Anjouanais qui sont à Mayotte ? On régularise massivement ? C'est quoi l'avenir là-bas ?
R.- C'est un petit peu plus compliqué que ça.
L. Mercadet : Je sais que c'est très compliqué, oui.
R.- Je n'ai désavoué personne. La question qui se pose c'est que nous avons une pression migratoire qui vient des trois îles des Comores sur l'Ile de Mayotte qui est une île française, qui est restée française et qui souhaite s'inscrire d'ailleurs dans un processus de départementalisation pour s'inscrire pleinement dans la République. Cette pression migratoire crée beaucoup de problèmes de déséquilibre : 14 000 reconduites à la frontière l'année dernière sur une île somme toute modeste. Donc, il faut trouver les solutions pour mettre fin à cette pression migratoire.
L. Mercadet : Ben, c'est quoi ? C'est quoi, c'est ça que je vous demande, c'est quoi la solution ?
R.- C'est trois choses, d'abord ce qu'on fait en matière d'équipement, notamment radar, et on va installer un nouveau radar pour essayer de mieux surveiller nos frontières. C'est compliqué quand il s'agit d'une île dans l'Océan Indien. La deuxième solution, c'est la perspective de faire appliquer les lois de la République le plus fermement possible et les reconduites à la frontière en sont une preuve, pour qu'on ne pense pas que parce que ce territoire est éloigné de la métropole, les lois ne s'appliquent pas. Et puis, la troisième, enfin, et là c'est l'actualité, c'est que j'espère que le rétablissement de légalité dans toutes les Comores et en particulier à Anjouan, rétablissement auquel la France a participé, va permettre un dialogue renforcé avec le Gouvernement des Comores et donc que le gouvernement des Comores fasse aussi les surveillances voulues de ses propres plages pour éviter que les Comoriens ne viennent trop facilement sur les bords de Mayotte.
L. Mercadet : Mais, en attendant, on a 50 000 Comoriens sans papiers à Mayotte sur 180 000 Mahorais, qu'est-ce qu'on en fait ? On les régularise ou on les vire ces 50 000 ?
R.- Aujourd'hui, on imagine que c'est plutôt près de 30 000 que 50 000. On fait appliquer les lois de la République pour les reconduire à la frontière, c'est là où on a besoin d'une discussion fructueuse avec l'Union des Comores et puis on fait en sorte que on puisse par les moyens de protection éviter des arrivées nouvelles. Sur la question du droit du sol et du droit du sang, il a été évoqué la perspective éventuelle de faire une modification pour ce territoire de ce dispositif. La question que je me pose c'est que si on change les choses, est-ce que ça va tarir le flux d'immigrations irrégulières ? Je n'ai pas encore la réponse. Le jour où on aura les réponses, il faut savoir si c'est efficace. Vous savez, moi, en tant que ministre j'ai le souci de savoir si les mesures qu'on prend sont efficaces ou pas.
B. Toussaint : Il nous reste une minute. Le j'aime/j'aime pas, vous connaissez le principe, je vous demande des réponses courtes comme ça on en fait un maximum.
R.- On va essayer !
B. Toussaint : Allez, c'est parti !
C. Roux : J'aime/j'aime pas J. Arthuis qui quitte le MoDem ?
R.- C'est sa liberté, je n'ai pas à juger.
B. Toussaint : J'aime/j'aime pas la motion de censure du PS sur l'Afghanistan ?
R.- Oh, c'est démago et, à l'époque où F. Mitterrand voyait lui aussi des troubles dans un certain nombre de pays, le PS semblait moins effrayé par cette action internationale de la France. A croire que les socialistes préfèrent les Talibans au pouvoir en Afghanistan que la situation que nous sommes en train de préserver.
C. Roux : J'aime/j'aime pas la phrase de D. de Villepin sur l'UMP, il veut un président élu à la tête de l'UMP ?
R.- Moi, j'aime l'idée que D. de Villepin découvre les vertus du suffrage universel et qu'il nous explique qu'on est légitime seulement quand on est élu.
B. Toussaint : Et enfin, j'aime/j'aime pas, « Bienvenue chez les Ch'tis » qui atteindra aujourd'hui le score de « La grande vadrouille » ? Vous l'avez vu ou pas ?
R.- Alors, mon fils l'a vu deux fois, j'aimerais aller le voir, je n'ai pas encore trouvé le temps d'aller le voir.
B. Toussaint : Bon ben, écoutez, nous non plus, mais on va s'y mettre aussi. On va y aller ensemble.
R.- Oui, si vous voulez.
B. Toussaint : On va faire une projo. Merci Y. Jégo, bonne journée, à bientôt dans « La matinale ».
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 avril 2008
R.- Bonjour.
B. Toussaint : Merci d'être avec nous ce matin.
R.- Merci de m'avoir invité.
B. Toussaint : La flamme olympique est à Paris. Elle a dormi à l'hôtel, elle se réveille, là, en ce moment, elle nous regarde probablement d'ailleurs dans sa très belle suite junior qui lui a été réservée par le Gouvernement français. Non, plus sérieusement, elle va passer là, tout à l'heure, devant les studios de Canal, cette flamme. Qu'est-ce qu'on fait ? Hier, F. Bayrou a dit : « il faut manifester », il appelle tous les partisans du MoDem à manifester pour le passage de la flamme. Qu'est-ce qu'on fait ?
R.- D'abord, je crois qu'il faut soutenir le mouvement olympique, c'est quand même une idée qui est née en France, qui est une grande idée, qui est le grand rassemblement des sportifs de la planète dans un affrontement pacifique. Il y a là, derrière ce qui se passe autour du mouvement olympique, quelque chose qui mérite d'être préservé. Alors, ensuite, il y a la question du Tibet parce que derrière c'est cette question qui se pose. La France a une position qui est assez claire, qui consiste à garder les options ouvertes, à demander...
B. Toussaint : ... ce n'était pas clair ce week-end, je suis désolé de vous dire ça mais...
R.- Mais, je vais essayer de la clarifier si ça ne l'était pas...[position qui consiste] à demander à la Chine, comme le Président de la République l'a fait d'ailleurs dans un courrier il y a quelques jours, que des progrès soient faits pour que la question du Tibet soit une question qui se solde de façon très positive et de façon très humanitaire, et de faire en sorte qu'on adapte la position de la France vis-à-vis de notre présence à la cérémonie d'ouverture, vis-à-vis de toute une série de choses qui circulent aujourd'hui, en fonction de l'évolution de la situation pour que cette situation soit une situation de progrès, voilà. Voilà la position française.
C. Roux : Donc, ça veut dire que vous êtes sur la ligne R. Yade ou pas du tout, qui avait évoqué trois conditions, puisque que vous dites : « en fonction de ce qui va se passer » ?
R.- Moi, je suis sur la ligne du Gouvernement, il n'y a pas de condition de fixée, il y a une position qui reste ouverte, de la France, pour en faire en sorte qu'on aille vers ce que, je crois, souhaitent la plupart de ceux qui nous écoutent, c'est-à-dire que le Tibet retrouve une situation tout à fait acceptable, qu'il n'y ait plus de violence et qu'on n'ajoute pas de la violence à la violence. Voilà la stratégie française qui est somme toute une stratégie clairement définie à Tarbes par le Président de la République le 24 mars ou le 25 mars.
C. Roux : R. Yade avait évoqué des conditions. Vous dites quoi, c'est une erreur de jeunesse ou est-ce que c'est, je ne sais pas, un cafouillage ?
R.- Ecoutez, moi, j'ai lu son communiqué où elle dit qu'elle n'a pas parlé de « conditions » et qu'on lui a mis dans la bouche un mot qu'elle n'avait pas prononcé. Je crois qu'il faut écouter ce que dit le Dalaï-lama en l'occurrence, il est quand même le premier concerné. Le Dalaï-lama dit : « je souhaite que la Chine ait les Jeux Olympiques, je ne veux pas priver la Chine des Jeux Olympiques, la Chine mérite les Jeux Olympiques ». Eh bien, je crois qu'il faut essayer de se cadrer sur cette position pour faire en sorte qu'on fasse des progrès, qu'il y ait une exigence de progrès en matière de gestion du Tibet par la Chine, mais que cette exigence de progrès elle se fasse en cohérence avec aussi l'exigence olympique. Vous savez, en 1980, il y a eu un boycott des Jeux Olympiques à Moscou, ça n'a rien donné.
L. Mercadet : Juste un truc, c'est, a contrario, dans ce que vous dites, s'il y a 300 morts au Tibet en juillet parce que les Tibétains en remettent un coup, ça veut dire que la France ne participe pas à la cérémonie d'ouverture ? C'est clair, c'est ça que vous venez de dire, en fait ?
R.- Ca veut dire que nous adopterons notre position en fonction de la situation.
L. Mercadet : Ben voilà !
R.- Et que dans la gestion de ce dossier, dont chacun comprend bien qu'il est extrêmement délicat, la France laisse toutes les options ouvertes.
L. Mercadet : Donc, si ça tourne mal... B. Toussaint : Y. Bego, alors juste un mot sur ce... on a vu ce qui s'est passé, hier, à Londres, des petits mouvements, c'était compliqué, il y a eu pas mal de manifestants arrêtés. Est-ce que vous comprendriez qu'aujourd'hui, à Paris, il y ait des manifestations autour de la flamme, des manifestations pacifiques ?
R.- Oui, quand on est dans un pays libre, il faut comprendre tous ceux qui souhaitent s'exprimer. Je crois qu'il n'y a pas d'ambiguïté, ce qui vient d'ailleurs démentir ceux qui disaient « il faut boycotter », parce que si nous avions par avance boycotté, ça veut dire que la flamme ne serait pas venue ici et que ceux qui souhaitent s'exprimer à l'occasion du passage de la flamme n'auraient pas pu le faire. Donc, vous voyez qu'il y a là une réflexion qu'il faut avoir. Moi, ce que je souhaite, et j'ai vu les images qui ont circulé sur le Tibet, c'est qu'on n'ajoute pas de la violence à la violence, et que le passage de la flamme ne soit pas le moment d'actions violentes.
C. Roux : Mais, c'est malgré tout l'occasion de faire passer un message à Pékin ?
R.- Je ne sais pas si c'est un message à Pékin, un message au monde. Vous avez vu que les sportifs ont souhaité s'exprimer, qu'ils vont porter un badge. Que chacun peut profiter de cette occasion pour s'exprimer et l'expression qu'on doit avoir c'est effectivement de mettre ces forces dans la bataille pour faire en sorte que la situation entre le Tibet et la Chine soit une situation qui s'apaise et que ni les Chinois, ni les Tibétains n'en soient victimes.
C. Roux : Que pensez-vous de l'attitude de S. Royal qui dit : « il est encore temps de décréter le boycott pur et simple des JO » ?
R.- C'est la même S. Royal qui nous disait il y a quelques mois que la justice chinoise était un exemple pour le monde entier. Je crois que dans cette affaire, S. Royal essaie de surfer sur l'émotion mais elle n'a pas de stratégie visant à aboutir à un résultat.
C. Roux : Ce qui est étonnant c'est qu'on entend assez peu la diplomatie française parler d'une éventuelle solution européenne. Est-ce que la solution ne viendra pas des Vingt-sept ?
R.- Mais, sans doute ! Vous savez qu'au moment de l'ouverture des Jeux Olympiques c'est la France qui présidera l'Union européenne, N. Sarkozy sera le Président de l'Union européenne, et je crois que dans ce qui a été affirmé par le président de la République, il y a aussi cette vision de dire le moment voulu, ce sera aussi à l'Europe à trouver les voies et moyens pour engager avec la Chine un dialogue constructif qui fasse qu'on arrive à trouver une solution pour le Tibet et qu'on arrive à répondre à l'émotion de ceux qui s'expriment au vu des images qu'on a vues il y a quelques jours. Mais, dans cette stratégie-là, il y a, je crois, une position du Gouvernement qui est à la fois ouverte et qui se laisse toutes les armes en main. Eh bien, c'est bien comme ça qu'on est le plus efficace, quand jusqu'au dernier moment, on a toutes les armes en main.
C. Roux : Alors, l'Outre-Mer, vos dossiers, on y vient. Alors, la réforme de l'Etat, vous avez vous-mêmes participé à l'effort collectif, vous allez le faire : suppression progressive sans discernement du supplément de pension accordé aux fonctionnaires qui s'installent dans les territoires d'Outre-Mer pour leur retraite.
R.- Je n'ai pas vu le mot « sans discernement » dans la volonté. Il s'agit de quoi ? Il s'agit de corriger quelque chose dont tout le monde reconnaît qu'il est une injustice, qui fait qu'un fonctionnaire même s'il n'a jamais mis les pieds de sa vie en Outre-Mer, peut aller s'installer en fin de carrière dans un de nos territoires d'Outre-Mer, qui sont beaux et accueillants, et toucher à ce titre une surretraite - surretraites qui ont été mises en place à l'époque pour compenser les différentiels de coût de la vie entre ces territoires et la métropole.
C. Roux : Donc, ça c'est fini ?
R.- Il y a des exagérations, chacun les a reconnues, dénoncées, je crois même que vous en avez parlez sur votre plateau.
L. Mercadet : Oui, il faut y aller pendant six mois, non, et donc ça suffit pour...
R.- Non, il faut s'y installer pour toucher une surretraite.
L. Mercadet : Voilà !
R.- Donc, on va mettre fin à ce dispositif, mais on va mettre fin à ce dispositif...
C. Roux : « avec discernement », ça veut dire quoi alors ?
R.- Avec deux objectifs. Le premier c'est de mettre fin à ce qui est inacceptable et que chacun reconnaît comme étant inacceptable. Et le second, c'est que ça ne pénalise pas les originaires d'Outre-Mer qui sont fonctionnaires, qui peuvent être fonctionnaires aussi, qui peuvent avoir travaillé toute leur vie dans cette perspective-là et sur lequel il faut trouver un moyen de ne pas mettre en cause cet avantage. C'est une réforme qui est une réforme difficile, mais si elle avait été facile, elle aurait été faite depuis longtemps, et donc mon souci...
C. Roux : C'est-à-dire « réforme difficile », vous vous attendez à une forme de résistance de la part des fonctionnaires qui sont éventuellement concernés ?
R.- Je pense qu'il faut qu'il n'y ait pas d'incompréhension, qu'il faut qu'il y ait du dialogue, qu'il faut qu'il y ait de l'explication, qu'il faut qu'on explique aux fonctionnaires que ceux qui bénéficient aujourd'hui de ce dispositif ne vont pas se le voir priver comme ça, brutalement, que c'est une réforme aussi qui va jouer dans l'avenir, pour les générations qui viennent.
C. Roux : Ah, ça veut dire que ceux qui sont en poste aujourd'hui ne seraient pas concernés, par exemple ?
R.- Ca veut dire que ceux qui sont en poste aujourd'hui, en tout cas pour les petites retraites, ne sont pas concernés par le dispositif et que c'est un dispositif qui doit mettre en place une gestion vertueuse des retraites en Outre-Mer pour l'avenir, gestion vertueuse des retraites...
C. Roux : ... pourquoi on ne le fait pas dès maintenant ? Parce qu'il faut faire des économies et plus encore des rigueurs.
R.- Gestion vertueuse des retraites... je crois que j'entendais votre débat sur la rigueur, je crois qu'il ne s'agit pas de faire des économies pour faire des économies ou pour se faire plaisir, il s'agit de dire : le monde a changé, il faut adapter la France et réformer le pays, et à cette occasion de réforme du pays il faut que tout le monde sorte gagnant. Les caisses de l'Etat parce que ça fait effectivement trente ans qu'on dépense plus qu'on encaisse ; les fonctionnaires eux-mêmes, c'est ce que je veux faire pour l'Outre-Mer pour démontrer aux retraités ultramarins qu'ils peuvent sortir gagnants de cette réforme.
C. Roux : La question était : pourquoi ne pas le faire dès maintenant ?
R.- Mais, on va le faire dès maintenant, mais son application ne doit pas être ni brutale, ni incompréhensible, et moi j'ai à coeur d'avoir le souci des retraités modestes qui ne peuvent pas payer pour le compte des gros retraités qui, eux, bénéficient du système.
B. Toussaint : La question de Léon. L. Mercadet : On va parler des Comores où on a un souci à cause de l'immigration comorienne dans l'Ile de Mayotte. Alors, votre prédécesseur au Secrétariat d'Etat, Monsieur Estrosi, avait parlé d'instaurer le droit du sang pour les immigrés comoriens à Mayotte. Vous l'avez, semble-t-il désavoué. On fait quoi maintenant, notamment avec tous les Anjouanais qui sont à Mayotte ? On régularise massivement ? C'est quoi l'avenir là-bas ?
R.- C'est un petit peu plus compliqué que ça.
L. Mercadet : Je sais que c'est très compliqué, oui.
R.- Je n'ai désavoué personne. La question qui se pose c'est que nous avons une pression migratoire qui vient des trois îles des Comores sur l'Ile de Mayotte qui est une île française, qui est restée française et qui souhaite s'inscrire d'ailleurs dans un processus de départementalisation pour s'inscrire pleinement dans la République. Cette pression migratoire crée beaucoup de problèmes de déséquilibre : 14 000 reconduites à la frontière l'année dernière sur une île somme toute modeste. Donc, il faut trouver les solutions pour mettre fin à cette pression migratoire.
L. Mercadet : Ben, c'est quoi ? C'est quoi, c'est ça que je vous demande, c'est quoi la solution ?
R.- C'est trois choses, d'abord ce qu'on fait en matière d'équipement, notamment radar, et on va installer un nouveau radar pour essayer de mieux surveiller nos frontières. C'est compliqué quand il s'agit d'une île dans l'Océan Indien. La deuxième solution, c'est la perspective de faire appliquer les lois de la République le plus fermement possible et les reconduites à la frontière en sont une preuve, pour qu'on ne pense pas que parce que ce territoire est éloigné de la métropole, les lois ne s'appliquent pas. Et puis, la troisième, enfin, et là c'est l'actualité, c'est que j'espère que le rétablissement de légalité dans toutes les Comores et en particulier à Anjouan, rétablissement auquel la France a participé, va permettre un dialogue renforcé avec le Gouvernement des Comores et donc que le gouvernement des Comores fasse aussi les surveillances voulues de ses propres plages pour éviter que les Comoriens ne viennent trop facilement sur les bords de Mayotte.
L. Mercadet : Mais, en attendant, on a 50 000 Comoriens sans papiers à Mayotte sur 180 000 Mahorais, qu'est-ce qu'on en fait ? On les régularise ou on les vire ces 50 000 ?
R.- Aujourd'hui, on imagine que c'est plutôt près de 30 000 que 50 000. On fait appliquer les lois de la République pour les reconduire à la frontière, c'est là où on a besoin d'une discussion fructueuse avec l'Union des Comores et puis on fait en sorte que on puisse par les moyens de protection éviter des arrivées nouvelles. Sur la question du droit du sol et du droit du sang, il a été évoqué la perspective éventuelle de faire une modification pour ce territoire de ce dispositif. La question que je me pose c'est que si on change les choses, est-ce que ça va tarir le flux d'immigrations irrégulières ? Je n'ai pas encore la réponse. Le jour où on aura les réponses, il faut savoir si c'est efficace. Vous savez, moi, en tant que ministre j'ai le souci de savoir si les mesures qu'on prend sont efficaces ou pas.
B. Toussaint : Il nous reste une minute. Le j'aime/j'aime pas, vous connaissez le principe, je vous demande des réponses courtes comme ça on en fait un maximum.
R.- On va essayer !
B. Toussaint : Allez, c'est parti !
C. Roux : J'aime/j'aime pas J. Arthuis qui quitte le MoDem ?
R.- C'est sa liberté, je n'ai pas à juger.
B. Toussaint : J'aime/j'aime pas la motion de censure du PS sur l'Afghanistan ?
R.- Oh, c'est démago et, à l'époque où F. Mitterrand voyait lui aussi des troubles dans un certain nombre de pays, le PS semblait moins effrayé par cette action internationale de la France. A croire que les socialistes préfèrent les Talibans au pouvoir en Afghanistan que la situation que nous sommes en train de préserver.
C. Roux : J'aime/j'aime pas la phrase de D. de Villepin sur l'UMP, il veut un président élu à la tête de l'UMP ?
R.- Moi, j'aime l'idée que D. de Villepin découvre les vertus du suffrage universel et qu'il nous explique qu'on est légitime seulement quand on est élu.
B. Toussaint : Et enfin, j'aime/j'aime pas, « Bienvenue chez les Ch'tis » qui atteindra aujourd'hui le score de « La grande vadrouille » ? Vous l'avez vu ou pas ?
R.- Alors, mon fils l'a vu deux fois, j'aimerais aller le voir, je n'ai pas encore trouvé le temps d'aller le voir.
B. Toussaint : Bon ben, écoutez, nous non plus, mais on va s'y mettre aussi. On va y aller ensemble.
R.- Oui, si vous voulez.
B. Toussaint : On va faire une projo. Merci Y. Jégo, bonne journée, à bientôt dans « La matinale ».
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 7 avril 2008