Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres, mes Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Chers Amis,
Cher Dan Price,
Cher Brice,
Le président de la République m'a demandé d'ouvrir et de conduire ces travaux, en l'absence de Jean-Louis Borloo et de Nathalie Kosciusko-Morizet retenus au Sénat pour un important débat national. J'espère que l'un ou l'autre pourront nous rejoindre pour la séance de conclusions.
Le sujet qui est traité aujourd'hui m'est en effet particulièrement cher - car, en tant que secrétaire d'état chargé des Affaires européennes, je prépare la Présidence française de l'Union européenne qui fera de l'énergie et du climat une de ses premières priorités.
Un mot tout d'abord pour vous remercier d'être présents ici, aujourd'hui, à Paris, pour cette troisième rencontre - après Washington (27 et 28 septembre 2007) et Honolulu (30 et 31 janvier 2008) - des 16 plus grandes économies, correspondant à 80% des émissions mondiales. Au fond, notre point commun à tous, au-delà de nos différences, ce qui nous rassemble ici en dépit de tout ce qui nous sépare, c'est que nous sommes à la fois le coeur du problème et une grande partie de la solution. Le sort du monde, le sort de 6 milliards d'êtres humains et, demain, de 9 milliards, dépend directement de notre capacité à dépasser nos différences et à créer entre nous, les conditions d'un dialogue confiant et constructif. Cette réunion constitue donc une étape importante de ce long chemin (mais en un temps si court) qui, de Bali, en passant par Bangkok puis par Poznan en décembre 2008, doit nous conduire à un accord final sur le climat, à Copenhague en décembre 2009. Copenhague qui est, pour nous tous, le rendez-vous final, le point de convergence de toutes les initiatives et de toutes les volontés.
Depuis sa création par le président Bush, en 2007, à la suite du G8 de Heiligendamm, vous participez au rapprochement des points de vue entre grandes économies, ainsi qu'à l'émergence d'un consensus planétaire autour des moyens de lutter contre le changement climatique. Vous permettez surtout de désamorcer, le plus en amont possible, les risques de défiance, qui sont à la fois normaux et légitimes dans un contexte de mondialisation et de forte concurrence internationale. Au fond, la première condition pour parvenir à un accord à Copenhague en décembre 2009, c'est l'instauration d'un climat de confiance entre les principales économies. Et cette confiance ne peut se fonder que sur une approche équilibrée, tenant compte des contraintes et de l'histoire de chacun, des responsabilités passées et à venir, des attentes de tous. D'où la nécessité d'organiser des rendez-vous réguliers, à la fois souples et informels, permettant de préparer les grandes négociations à venir. Je suis convaincu qu'un accord est possible.
Mais, il ne le sera qu'à une seule condition, c'est que nous décidions de tous travailler dans la même direction. Et cette direction, ce fil rouge universel, c'est le processus engagé dans le cadre de l'ONU qui est l'enceinte à la fois naturelle et légitime de la future gouvernance climatique. Nous ne pouvons répondre à un défi planétaire que dans le cadre d'une instance planétaire, reconnue de tous et donnant la parole à chacun.
Je tiens à insister sur ce point : notre attachement commun, tous, autour de la table, au processus soumis au plan d'action de Bali est le point de départ de nos discussions.
Mais si un accord est possible, c'est surtout parce qu'une économie à bas carbone est possible. A l'issue d'un grand débat national, lancé sous l'impulsion du président de la République par Jean-Louis Borloo, la France a résolument fait le choix d'un autre modèle de croissance, une croissance durable : transports (réalisation de 2000 km de lignes TGV trains à grande vitesse supplémentaires), construction (généralisation de la basse consommation en 2012 et enfin des constructions à énergie positive en 2020), rénovation thermique (réduction de -12% de la consommation du parc existant d'ici 2012, -38% d'ici 2020), énergies renouvelables (objectif de 23% de la consommation à l'horizon 2020)... Il ne s'agit pas d'un choix idéologique ou philosophique mais d'une stratégie économique qui répond à notre intérêt de long terme et à une exigence de croissance durable. Toutes les études montrent que notre modèle de croissance actuel, fondé sur l'illusion de ressources illimitées, n'est pas viable sur le long terme ; l'inaction nous coûterait 5 à 10 fois plus cher que l'investissement requis. La raréfaction des ressources fait peser une menace sans précédent sur la paix mondiale et sociale. On le voit bien avec tous les événements qui ont trait aujourd'hui à la crise de l'alimentation.
La France veut porter cette ambition au niveau européen. Elle le fera dans le cadre de la future Présidence française de l'UE avec un objectif, un accord politique sur le Paquet Energie Climat avant décembre 2008. Concrètement, ce "paquet", que la Commission a proposé sous l'impulsion du Commissaire Dimas que je salue, et déjà étudié sous Présidence slovène, se compose de quatre textes qui constituent, en quelque sorte, le mode opératoire d'une stratégie européenne de développement durable :
- extension du champ d'application du schéma européen d'échanges de quotas d'émission à d'autres secteurs et à d'autres gaz ;
- partage de l'effort de réduction des émissions entre tous les Etats européens ;
- directive cadre sur les énergies renouvelables pour porter leur part à 20% à l'horizon 2020
- directive sur le stockage géologique et la capture de carbone...
Le but de l'Union est de faire de l'Europe le continent le plus sobre en carbone du monde, avec un objectif de réduction de nos émissions de CO2 de 20% à l'horizon 2020, voire de 30% si les autres grandes économies consentent à accomplir des efforts comparables ou adaptés. Nous mènerons ces travaux dans la droite ligne du plan d'action arrêté sous Présidence allemande, en mars 2007 et qui avait donné une impulsion décisive à ces orientations.
Si nous sommes déterminés aujourd'hui, c'est que nous sommes à la veille de négociations capitales pour l'avenir de la planète.
Il y a eu Bali et la définition de principes d'action communs. Il y a eu Bangkok, où les 189 pays ayant ratifié la Convention cadre de l'ONU sur la lutte contre le changement climatique ont adopté un programme de travail. Cette réunion "des économies majeures" (MEM) doit nous permettre d'avancer, je le souhaite, sur plusieurs sujets de fond ayant un lien direct avec les travaux déjà engagés :
Premier sujet : la détermination d'une vision partagée de long terme, qui doit être conçue comme la vision d'un développement durable, et qui doit notamment intégrer notre vision commune des besoins d'adaptation aux effets du changement climatique et d'une solidarité des principales économies avec les pays les plus pauvres et vulnérables. Cette vision partagée doit aussi contenir un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La France et l'Europe défendent depuis longtemps le principe d'un objectif de réduction international, quantifié et contrôlable de 50% à l'horizon 2050, sur la base des conclusions des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), ce qui implique un pic des émissions au cours des 10-15 ans à venir.
Deuxième sujet : les approches sectorielles qui ont fait l'objet d'un atelier spécifique hier et je voudrais remercier ici notre ambassadeur Brice Lalonde pour son engagement. Comme vous le savez, c'est un sujet complexe puisque rien qu'à Bali, une dizaine de conceptions différentes coexistaient. Il nous reste encore un important travail de clarification à faire. Pour nous, les approches sectorielles sont utiles pour accompagner et compléter les efforts entrepris par les différents Etats, mais elles ne doivent pas remplacer les objectifs nationaux contraignants de réduction des pays développés.
Troisième sujet : la coopération technologique. Nous savons tous que le défi climatique est aussi un défi technologique : pile à combustible, filière hydrogène, capture et séquestration du gaz carbonique, énergie solaire et éolienne, géothermie, fusion nucléaire (ITER)... Nous avons tout intérêt à ce que ces technologies soient diffusées dans l'ensemble des secteurs économiques le plus tôt et le plus largement possible. L'Europe souhaite utiliser tous les outils disponibles (instruments de marché, programmes de coopération, accords entre agences publiques ou entre universités, accords spécifiques par technologies,...) pour créer les conditions d'une véritable solidarité technologique internationale. Mais je n'ignore pas que les technologies ne sont pas une solution à elles seules - tout dépend de la façon dont nous les appliquons et nous devons également examiner les questions plus larges de l'organisation de nos villes, de nos sociétés, de nos modes de production et de consommation.
Quatrième sujet : le financement. Les difficultés sont connues : multiplication des fonds, insuffisance des ressources pour faire face aux enjeux. La question principale est celle de savoir comment rediriger les flux financiers actuels, privés ou publics, vers des investissements durables. Les marchés du carbone doivent pouvoir tenir leur rôle et là aussi, en fonction des propositions de la Commission, nous nous apprêtons en Europe à les développer.
Et enfin, dernier sujet, les actions d'adaptation aux effets du changement climatique. Comme vous le savez, un des acquis de Bali a été un fonds pour l'adaptation destiné à porter secours aux pays les plus vulnérables qui sont souvent les plus fragiles (deltas, petits Etats insulaires et les pays les moins avancés). Ce fonds, financé par le marché carbone, permettra de protéger les zones côtières contre la hausse du niveau des mers, de lutter contre la désertification des sols, de modifier les pratiques agricoles...
Avant d'ouvrir officiellement cette troisième rencontre des Economies majeures avec Dan Price, je voudrais juste vous dire une dernière chose. Que l'on soit une économie anciennement industrialisée ou une économie émergente, la question pour nous, aujourd'hui, n'est plus de choisir entre moins de carbone ou plus de croissance. Avec la hausse du prix du pétrole et des matières premières, on assiste partout à une convergence progressive des stratégies économiques vers les mêmes objectifs : l'efficacité énergétique, la sobriété en carbone, le développement des énergies à bas carbone. Chacun peut et doit contribuer, à la mesure de ses responsabilités et de ses capacités, en vue de l'accord de Copenhague. C'est dans cet esprit que nous conduirons nos travaux pendant ces deux jours.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2008