Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, à Europe 1 le 8 avril 2008, sur la manifestation à Paris lors du passage de la flamme olympique.

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Média : Europe 1

Texte intégral

M. You & A. Acco M. You : Comment réagissez-vous au mot "fiasco" que l'on retrouve partout dans la presse ce matin ?
 
R.- Je pense que ce mot s'adresse effectivement à la flamme, aux Jeux Olympiques et aux difficultés qui ont accompagné - tout le monde l'a vu - la flamme hier. Ceci dit, il faut savoir à quoi cela s'adresse, si c'est aux Jeux Olympiques en soi, qui sont quand même un grand et beau symbole ou si c'est une manifestation à cette occasion. Ce que je veux dire ce matin, c'est que ces manifestations se sont déroulées dans une grande difficulté pour les forces de l'ordre. Il ne faut pas oublier une chose, c'est que d'abord, c'est l'ambassade et non la préfecture de police de Paris qui avait la maîtrise du parcours et du rythme de ce parcours. C'est l'ambassade qui avait choisi ce parcours qui était à même, et nous l'avons vu à plusieurs reprises, d'annuler certaines étapes, c'est par exemple ce qui s'est passé à la ville de Paris, où, d'après ce que l'on m'a dit, monsieur Delanoë avait pris l'engagement qu'il n'y aurait aucun drapeau tibétain, et donc le représentant de l'ambassade chinoise, lorsqu'il a su qu'il y avait un drapeau tibétain sur la façade de l'Hôtel de ville a demandé l'annulation, et donc une modification du parcours. C'est également ce qui s'est passé devant France 2, c'est aussi les Chinois qui ont décidé, à un moment donné, compte tenu du retard pris par la flamme de la faire se déplacer en véhicule. La deuxième difficulté pour les policiers, c'est qu'ils avaient une double mission : mission de protéger les athlètes qui portaient la flamme et la flamme, mission de garantir la liberté de manifestation. Et il est évident que ce n'était pas au pays des droits de l'homme que l'on allait pouvoir interdire cette liberté de manifestation. Enfin, il y avait un troisième problème qui était de garantir la sécurité des manifestants dont certains, d'ailleurs, se mettaient d'eux-mêmes en danger - par exemple ceux qui sont allés sur la Tour Eiffel.
 
A. Acco : La presse chinoise, ce matin, accuse quand même la France de ne pas avoir bien protégé la flamme et elle dénonce même "l'incompétence" de la police parisienne.
 
R.- Nous savons bien que les Chinois sont très sourcilleux pour tout ce qui peut porter atteinte à leur image. Encore une fois, ce sont des réactions probablement à usage interne en Chine. Ce que je tiens à dire, c'est que les policiers, compte tenu des conditions dans lesquelles ils ont travaillé, et notamment parce qu'ils n'avaient pas la maîtrise du parcours, des étapes, de la vitesse, de la modalité du déplacement, ont très bien fait leur travail.
 
M. You : Est-ce que la police a été débordée ?
 
A. Acco : C'est le sentiment que l'on a eu en tout cas, que malgré le dispositif particulièrement impressionnant, la volonté de faire une bulle étanche, cette bulle a été percée à plusieurs reprises.
 
R.- Les policiers, comme je vous le dis, n'ont pas été débordés. Simplement, il leur fallait à la fois protéger les athlètes qui portaient la flamme mais en même temps, ne pas porter atteinte à la liberté de manifestation et garantir aussi la sécurité des manifestants. Je vous dis, encore une fois, un certain nombre d'entre eux étaient particulièrement entreprenants, voire agressifs, et cela pouvait se retourner contre eux. C'est pour cela qu'il y a eu un certain nombre de bagarres ; il y a eu d'ailleurs dix-huit interpellations qui sont intervenues, ce qui prouve aussi que la police a fait son travail et d'une façon impeccable et sereine. Il y a d'ailleurs encore une personne qui est en garde à vue encore ce matin.
 
M. You : J.-C. Lagarde vous demande de dire pourquoi les policiers français ont arraché les drapeaux tibétains aux spectateurs qui étaient dans la foule...
 
R.- Aucune instruction, je tiens à le dire, n'a été donnée ; je l'ai vérifié auprès de la préfecture de police hier soir quant à une éventuelle confiscation de drapeaux tibétains. Les seules consignes qu'il y avait, c'était la confiscation d'objets qui pourraient être utilisés comme une arme, ce qui n'est pas le cas des drapeaux. J'ai d'ailleurs, dès hier, demandé qu'il y ait une enquête administrative interne pour savoir dans quelle condition cela s'était passé.
 
A. Acco : Avez-vous parlé de cette difficile journée avec N. Sarkozy ?
 
R.- Non, nous n'avons pas parlé. C'est une journée, malheureusement, comme il y a un certain nombre, et notamment à Paris. C'est aussi ce qui justifie la présence de forces de l'ordre importante à Paris, parce que c'est un lieu où il y a souvent des manifestations, où il y a également des ambassades, où il y a des manifestations internationales.
 
M. You : Le Figaro chiffre à plus de 400.000 euros la facture le dispositif policier d'hier ; c'est énorme !
 
R.- Oui, c'est effectivement quelque chose d'important, comme souvent quand il y a des manifestations importantes ou des risques. Notre premier rôle, c'est de protéger ; de protéger nos concitoyens, de protéger les Parisiens et encore une fois, de protéger ceux qui participent à des manifestations dès lors que ce qu'ils font se fait dans un cadre légal et autorisé.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 avril 2008