Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur le sport et la santé, la prévention et l'activité physique, Paris le 4 avril 2008.

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Circonstance : Installation de la commission "sport/santé" à Paris le 4 avril 2008

Texte intégral


Mesdames et messieurs,
Pour la première fois dans l'histoire de nos institutions, sport et santé sont réunis sous l'égide d'un même ministère.
En jetant cette passerelle inédite entre le sport et la santé, le Président de la République semble, a posteriori, avoir inscrit dans notre culture institutionnelle une affinité qui s'imposait depuis longtemps déjà comme une évidence.
Sport et santé ont, en effet, indubitablement partie liée.
Le bon sens nous l'enseigne. La science nous le confirme un peu plus chaque jour.
Est-il vraiment besoin de vous répéter ces chiffres, de reprendre devant vous ces constats que tous, vous avez été amenés à faire et à refaire déjà, dans les fonctions qui sont les vôtres ?
Il est désormais établi qu'une demi-heure quotidienne d'activité physique modérée permet de gagner jusqu'à 14 années d'espérance de vie.
L'activité physique divise aussi par deux les risques de maladies coronariennes.
Elle augmente le taux de bon cholestérol.
Evidence entre toutes les évidences, l'activité physique permet de lutter contre le surpoids.
Non seulement les effets de l'activité ont été prouvés contre certains cancers, mais elle a une incidence très nette sur le psychisme : bouger, marcher, et se dépenser, même modérément, permet de mieux résister au stress et à la pression sociale.
Enfin, l'activité physique retarde les effets du vieillissement, et améliore nettement la qualité de vie des personnes âgées.
Je pourrais développer sans fin chacune de ces propositions. Je pourrais ajouter, également, que si l'ensemble de notre population pratiquait cette activité physique modérée mais régulière, nous pourrions espérer diminuer nos dépenses de santé de près de 20%. Ces évidences maintes fois redites, reprises, martelées, nous conduisent pourtant aujourd'hui à un constat : les vertus pédagogiques de la répétition ont leurs limites.
Elles désignent en creux, Monsieur le Professeur Toussaint, les enjeux auxquels la commission Prévention, Sport et Santé devra se mesurer pour mettre en place une politique globale et volontariste de prévention et de santé publique par l'activité physique.
Ces dernières années, les campagnes d'information récurrentes portant sur les bienfaits de l'activité physique ont en effet démontré une efficacité paradoxale.
Les Français sont aujourd'hui majoritairement conscients qu'une activité modérée, mais régulière, leur permet de préserver leur capital santé. Mais ces campagnes ont aussi démontré qu'en matière d'activité physique et de santé, savoir ne veut pas dire vouloir. Savoir ne veut pas dire agir.
La plupart des Français ont compris que marcher un peu chaque jour était essentiel pour leur santé.
Et pour autant, la plupart n'ont rien changé à leurs habitudes de vie quotidiennes.
Mon rôle, à la tête du ministère de la santé et des sports, n'est pas de poser en Caton d'Utique, d'enjoindre tout un chacun à une rigueur romaine, d'en appeler à la discipline ou à la vertu sanitaire.
Magnifiant la performance, dressant un culte à l'apparence, les civilisations modernes relaient déjà bien assez de ces messages qui entretiennent le contresens selon lequel il faudrait être Stéphane Diagana, ou rien.
Mon rôle, à la tête du ministère de la santé et des sports, est de donner aux Français les moyens de tirer le meilleur parti des bienfaits d'une activité physique pour leur bien être. Mon rôle, avec votre aide, est de faire en sorte que les Français comprennent que leur santé dépend aussi d'eux-mêmes, repose pour une large part entre leurs mains.
Le rapprochement des mondes du sport et de la santé dans un même ministère a pu sembler, à première vue, frappé au coin du bon sens. Il relève, en réalité, moins d'un constat, que d'une ambition, voire d'un audacieux changement de paradigme.
Nous sommes en effet invités à inventer une culture et un dialogue nouveaux, auxquels ce plan de prévention viendra donner des contours tangibles.
Je vous ai confié la mission de me faire des propositions pour que j'élabore un Programme national de prévention par les activités physiques et sportives.
Vous allez vous confronter à la difficulté d'articuler deux ensembles qui, s'ils s'intéressent tous les deux à l'homme dans sa dimension physique et morale, ont encore peu de points de contacts dans la réalité.
Afin de proposer des solutions que j'espère nombreuses et innovantes, vous aurez, à définir ce que recouvrent précisément ces vastes entités que sont le sport et la santé.
Quels en sont les protagonistes ? Comment les associer en un projet commun ? Ce projet, ce n'est rien de moins que l'amélioration de la qualité de la vie de nos concitoyens.
Vous devrez éviter l'écueil auquel se sont heurtées tant de politiques précédentes de développement de l'activité physique et sportive. Il ne s'agit plus de prêcher des convaincus. Il s'agit de gagner le plus grand nombre à l'idée qu'une activité physique, modeste mais quotidienne, est essentielle à leur santé.
Le temps n'est plus aux grandes déclarations d'intention, aux généralités qui trop embrassent et mal étreignent. Nous devons désormais atteindre des publics larges, par des moyens ciblés.
Je pense notamment aux jeunes et aux femmes, dont la santé représente une des priorités de mon ministère.
Je pense aux personnes âgées, qui s'excluent souvent d'elles-mêmes des messages de promotion de l'activité physique, parce qu'elles confondent cette notion avec les contraintes du sport.
Je pense aux plus vulnérables, aux plus démunis de nos concitoyens, ceux que les campagnes médiatiques ou pédagogiques habituelles de prévention par le sport ont jusque ici trop peu touchés.
Leur bien être appelle une mobilisation active de notre part, car ils souffrent plus fréquemment de pathologies liées à la sédentarité. Plus qu'un enjeu de santé publique, c'est désormais un enjeu de solidarité nationale.
Les médecins et les soignants ont certes l'habitude de préconiser à leurs patients la pratique d'une activité physique régulière. Nous devons les aider à donner plus de force à ces prescriptions, qu'une simple et bienveillante recommandation.
Comment tirer parti de certains rendez-vous privilégiés, pour les aider à mettre en oeuvre une action efficace de conseil et de prévention ?
L'établissement du certificat médical d'aptitude au sport, par exemple, pourrait être l'occasion de dispenser une véritable éducation au sport.
De même, la consultation médicale préalable à tout départ en retraite pourrait donner lieu à une évaluation de l'activité physique journalière du patient afin que le médecin puisse l'aider à la maintenir, voire à la développer, en tenant compte de ses conditions de vie et de ses pathologies éventuelles.
Pour cela, les médecins auront besoin d'outils de référence.
Je souhaite également que vous réfléchissiez aux moyens de tisser, à l'échelon local, un véritable réseau liant les médecins et les différents centres sportifs, associations, ou représentants locaux des fédérations, afin que les soignants puissent, éventuellement, adresser leurs patients aux structures les mieux adaptées à leurs besoins.
Vous êtes, mesdames et messieurs, issus d'horizons très divers : sportifs, universitaires, médecins, membres des professions paramédicales, représentants de collectivités territoriales. La diversité de vos profils est votre atout majeur. J'attends de vous que vous montriez ambitieux, créatifs et rigoureux. Ne bridez pas votre imagination !
Le programme que je vais mettre en place jettera les fondements d'une véritable synergie entre les mondes du sport et de la santé. Les uns et les autres devront renoncer à leurs prés carrés, à leurs certitudes, pour établir ce dialogue.
Les soignants doivent prendre conscience que l'activité physique a le pouvoir de juguler l'apparition de certaines pathologies, mieux que tout traitement curatif.
A l'inverse, et le paradoxe ici n'est qu'apparent, ce programme devra également alerter les passionnés de sport contre les risques que comportent la pratique à haut niveau de quelque discipline que ce soit. Ces athlètes sont en effet loin d'être invulnérables à certains dangers pour leur santé. Je pense ici notamment à la prévalence de l'addiction chez certains sportifs, qui appelle une vigilance particulière et une politique de prévention adaptée.
Si beaucoup de solutions sont encore à inventer, je souhaite que vous puissiez vous inspirer des réussites de certains de nos voisins et amis européens, tels la Suède, par exemple.
La remise de votre rapport final, dont j'ai fixé la date au mois de septembre, nous permettra d'engager un débat européen autour de vos propositions d'action, à mi-parcours de la présidence française de l'union.
Comme vous pouvez le constater, la tâche que je vous ai confiée, et que je vous remercie d'accepter, est immense.
Immenses aussi les perspectives que vous allez tracer pour notre santé publique, en donnant aux Français les moyens de devenir acteurs de leur santé.
Je souhaite que de fructueux échanges nourrissent vos travaux, dont j'attends avec impatience de prendre connaissance.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 8 avril 2008