Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation et porte-parole du gouvernement, à "RFI" le 16 avril 2008, sur la prise d'otages du "Ponant" au large de la Somalie, le projet de loi sur les OGM, la préparation de mesures anti-chômage.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

F. Rivière.- De nombreux sujets, puisque l'actualité est riche. Alors, on va commencer par les six pirates somaliens arrêtés après la prise d'otage sur "le Ponant". Ils sont arrivés il y a quelques heures en France. Est-ce que ça signifie que la France a obtenu l'autorisation de la Somalie de les juger sur son territoire ?

R.- Les discussions sont en cours entre le Gouvernement français et le gouvernement somalien, mais effectivement, l'idée c'est que pour la première fois il y a eu plus de 300 prises d'otages, je le rappelle, sur ces côtes somaliennes, eh bien pour la première fois, on puisse juger de tels actes. Je rappelle que les forces françaises ont permis à la fois de récupérer une partie de la rançon et en même temps d'arrêter les auteurs de cette prise d'otage. C'est un précédent et donc c'est important que la justice puisse aller jusqu'au bout.

Q.- Et pourquoi est-il important qu'ils soient jugés en France ?

R.- Parce que ces pirates se sont attaqués dans les eaux internationales, à un navire français et à des ressortissants français. Donc il est légitime que le Gouvernement français défende ces ressortissants, c'est pour ça qu'il a mobilisé un certain nombre de moyens très importants, loin de notre Hexagone, et il veut aller jusqu'au bout, c'est-à-dire que justice soit faite pour les familles, notamment, de ceux qui pendant huit jours ont été les otages.

Q.- Ce sont six pirates qui ont été arrêtés sur les douze qui étaient à l'origine de la prise d'otages. Est-ce que vous savez si aujourd'hui les forces spéciales françaises sont à la recherche des six qui manquent ?

R.- Pour des raisons que vous comprendrez aisément, vous me permettrez de rester discret sur cela.

Q.- Mais, c'est une hypothèse que l'on ne peut pas exclure ?

R.- Que l'on ne peut pas exclure, oui.

Q.- L'actualité, c'est aussi la victoire de S. Berlusconi en Italie, une large victoire, puisqu'il dispose de la majorité dans les deux chambres. Mais il va devoir compter avec U. Bossi, son allié de la Ligue du Nord, un parti situé très à droite, sur l'échiquier politique et pas très européen, c'est le moins que l'on puisse dire. Est-ce que vous ne craignez pas que l'Italie soit un partenaire un peu contraignant, un peu renâclant, au cours de la présidence française de l'Union européenne à partir du 1er juillet prochain ?

R.- Je ne crois pas, dans la mesure où cette alliance avait déjà exercé des responsabilités au pouvoir, jusqu'en 2006, donc il n'y a pas de précédent en la matière. Ce que je retiens des l'élections italiennes, c'est que d'abord, comme en France l'année dernière, il y a eu une large mobilisation des électeurs italiens, cela veut dire que le gouvernement italien nouveau, il est légitime, comme l'est le Gouvernement français et c'est un choix voulu de la part de nos amis italiens. Ensuite, il y a des accords de coopération très étroits entre la France et l'Italie et j'imagine qu'en préparation de la présidence de l'Union européenne, cette coopération va se renforcer, compte tenu des liens qui unissent nos deux pays.

Q.- U. Bossi au gouvernement, ce n'est pas, selon vous, un handicap dans la marche européenne ?

R.- Non. Vous savez, je crois que l'Italie a montré ces dernières années, que ce soit les gouvernements d'alliance de centre-gauche ou les gouvernements dirigés par S. Berlusconi, sa volonté et sa détermination à développer l'Union européenne. Donc, nous, nous sommes confiants dans cette alliance entre l'Italie et la France. La France a besoin de l'Italie comme partenaire fondateur de l'Europe, pour exercer la présidence de l'Union européenne.

Q.- Un morceau de choix, maintenant, dans l'actualité pour la majorité, c'est le projet de loi sur les OGM, qui est examiné en deuxième lecture à partir d'aujourd'hui au Sénat. Les discussions à l'Assemblée nationale ont provoqué une belle polémique à droite après l'adoption d'un amendement déposé par un député communiste, qui visait à mieux encadrer les OGM, et en particulier dans les zones dites "AOC", c'est-à-dire d'Appellation d'origine contrôlée et les déclarations de la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, N. Kosciusko-Morizet, sur "le concours de lâcheté". Que va faire le Sénat ? Est-ce qu'il va s'employer à vider ce fameux amendement, le 252 ou amendement Chassaigne, de sa substance ?

R.- D'abord, on a un petit peu oublié l'objectif de ce texte, si vous voulez. On est tellement rentré dans le détail d'un amendement que l'on en a oublié la substance même de ce projet de loi. Je rappelle qu'il y a un certain nombre de directives, deux directives européennes, qui ont été adoptées par la France en 1998 et en 2001. Depuis, c'est-à-dire depuis près de dix ans, aucun gouvernement n'avait eu, j'allais dire, le courage, et je plaide coupable puisque c'est aussi bien de la gauche que de la droite, de mettre à l'ordre du jour du Parlement, un projet de loi de transposition de cette directive. Et cette directive, elle avait pour objet d'avoir de la transparence. Aujourd'hui, on pouvait cultiver, sans le dire, des OGM, les Français n'étaient pas au courant, tout cela n'était pas encadré par des chercheurs, par des scientifiques. Dorénavant, ce sera possible, il y aura de la transparence, on saura qui cultive où quel type d'OGM et puis tout cela sera encadré dans le cadre d'un Haut conseil scientifique. Donc c'est une avancée très importante, et il ne faut pas l'oublier. Alors, ensuite, ce texte a fait l'objet de nombreux débats dans le cadre du Grenelle de l'environnement, il faisait l'objet d'un équilibre, il a été adopté comme tel par l'Assemblée nationale. Un amendement, que vous avez indiqué, est venu un petit peu modifier cet équilibre global, eh bien il est prévu à la suite des réunions qui sont intervenues hier au sein de la majorité, que, au Sénat, on modifie légèrement cet amendement, on le précise, de manière à ce qu'on revienne à un équilibre global, qui avait été prévu par la majorité. Donc ce que nous voulons, c'est à la fois de la transparence, mais il faut un test d'équilibre entre les partis.

Q.- Donc il va quand même s'agir de vider en partie l'amendement 252 de sa substance ?

R.- Nous allons préciser les choses de manière à ce que l'on puisse, conformément au texte, avoir une vraie transparence sur les OGM, qu'on puisse savoir exactement en quoi ça consiste cultiver des OGM ou ne pas en cultiver dans les zones d'appellation contrôlée, d'origine contrôlée. Donc ce sera l'objet d'un amendement du rapporteur au Sénat.

Q.- Oui, et il n'est pas prévu de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur quelques votes que ce soit. Trop dangereux, non ?

R.- Il y a eu des réunions hier au sein de la majorité, et donc, le Sénat qui avait beaucoup travaillé ce texte en première lecture, puisque je rappelle que c'était le Sénat qui avait d'abord débattu en première lecture, il avait beaucoup amendé, et donc le Sénat a fait beaucoup de travail en première lecture. Donc il est prévu simplement d'amender sur la base que je viens de vous indiquer.

Q.- Le Sénat qui avait rendu le texte moins contraignant que dans la mouture du Gouvernement...

R.- Oui, mais encore une fois, le travail parlementaire a fait son devoir, c'est-à-dire la navette, le droit d'amendement qui est nécessaire, il faut en permanence que le Parlement soit là pour améliorer les textes du Gouvernement.

Q.- A propos de texte, est-ce que le gouvernement prépare aujourd'hui des mesures très répressives contre les chômeurs ? On a parlé de l'interdiction de refuser plus de deux offres d'emploi valables - avec la question de savoir ce que c'est qu'une offre valable - pour lesquelles le trajet n'excèderait pas deux heures par jour et la baisse de salaire n'excèderait pas plus de 30 %. Est-ce que, effectivement, c'est ce qui se prépare ?

R.- L'objectif du Gouvernement, c'est le plein emploi. Vous savez, nous sommes dans un pays qui depuis vingt-cinq ou trente ans essaie de lutter contre le chômage sans beaucoup de succès. Nous sommes en train de gagner un certain nombre de points sur la bataille de l'emploi. Nous avons le taux de chômage le plus bas depuis vingt-cinq ans, il faut aller plus loin, et notre engagement, c'est le plein emploi à la fin de la législature. Pour cela, ça passe par des mesures volontaristes. Nous avons créé un vrai service public de l'emploi, en regroupant l'ANPE et les Assedic ; nous travaillons sur la formation professionnelle, nous avons mis en place le RSA à titre expérimental pour inciter ceux qui sont sur le bord du chemin, à reprendre une activité. Et puis, c'est vrai, N. Sarkozy l'avait annoncé dans sa campagne électorale, oui, nous réfléchissons sur un fléau dans notre pays, c'est-à-dire que l'on a 500.000 offres d'emploi non pourvues, et de l'autre on a 7 % de chômeurs. Donc il faut que l'on essaie de faire regrouper ces offres...

Q.- Oui, mais est-ce que ça coïncide toujours ?

R.- Alors, justement, ce sera l'objet du texte sur lequel nous travaillons. Il va être soumis demain aux partenaires sociaux, c'est-à-dire que L. Wauquiez et C. Lagarde vont avoir demain des rencontres avec les partenaires sociaux, pour évoquer cette question. Mais effectivement, l'idée c'est que pour que l'on ait une vraie solidarité nationale au niveau des Assedic, eh bien on ait aussi... On doit avoir des droits et des devoirs en la matière, il faut simplement affiner en quoi cela consiste, une offre, refuser deux offres ; tout cela va être détaillé avec les partenaires sociaux.

Q.- Mais, enfin, les mesures finales pourraient ressembler à cela, quand même ?

R.- Elles pourraient, c'est le principe général, le contenu doit en être débattu avec les représentants des salariés et des entreprises.

Q.- Une dernière chose. Au-delà de la polémique sur le badge des sportifs français aux Jeux Olympiques, des appels au boycott sont en train d'apparaître, sur les sites Internet chinois, sur des sites Internet chinois, au boycott des produits français. Le groupe Carrefour est nommément cité, est-ce que cela ne vous inquiète pas ? Conséquence du fiasco de la cérémonie de la flamme à Paris ?

R.- Vous savez, sur ce sujet, je crois qu'il faut garder la tête froide et rester fidèle à nos convictions. Nos convictions, c'est quoi ? C'est que nous, nous souhaitons, nous avons alerté la Chine sur les violences qui se sont passées au Tibet, nous avons demandé à ce que toute la lumière soit faite et qu'il y ait une vraie transparence, c'est-à-dire un accès des journalistes au Tibet. Et puis, nous avons surtout fait acte de candidature pour que la France joue un rôle de reprise du dialogue entre les autorités chinoises et le Dalaï Lama. Donc nous restons sur cette ligne-là et c'est à partir de cela que la France se prononcera...

Q.- En en assumant les conséquences économiques éventuelles ?

R.- En assumant les conséquences éventuelles sur sa participation ou non à la cérémonie d'ouverture. Donc nous restons fidèles à cette ligne-là.

Source : Premier ministre, Service d'Information du 16 avril 2008