Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur la prise en charge de l'autisme, la lutte pour la bientraitance et la qualité de vie des autistes, la prévention des maltraitances et l'information sur les maladies mentales dans le cadre du "2ème Plan autisme", Nantes le 4 avril 2008.

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Circonstance : Colloque de la Fédération Sésame Autisme à Nantes le 4 avril 2008

Texte intégral


Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je vous remercie d'avoir bien voulu me convier, Monsieur le Président, à ce colloque organisé par la Fédération française Sésame Autisme.
Je remercie également M. le Président de Sésame Autisme 44, M. Bécart, de nous accueillir ici à Nantes et d'avoir pris en charge le bon déroulement de ce colloque.
Je suis particulièrement honorée d'être parmi vous, parents, familles, professionnels et bénévoles au service d'une cause qui mérite d'être défendue. Mais je veux tout d'abord vous dire que je viens parmi vous avec beaucoup de modestie, car vous êtes nombreux ici à être confrontés à travers l'un de vos proches, l'un de vos enfants, au lourd problème de l'autisme. Beaucoup ont cherché et continuent à rechercher des solutions et ce depuis de longues années.
Devant la complexité de la maladie, vous vous interrogez sur la meilleure prise en charge pour votre parent, pour votre enfant. C'est votre quête qui permet aussi aux pouvoirs publics de progresser et d'identifier par la concertation et par le dialogue les meilleures voies et moyens d'offrir à toutes les personnes touchées par l'autisme ou un trouble envahissant du développement une solution appropriée à sa situation.
Je voudrais tout d'abord avant de revenir sur cette question vous exprimer toute ma reconnaissance et celle du Gouvernement, à vous les familles et à vous Sésame autisme car c'est grâce à vous, grâce à votre engagement, grâce à votre détermination que notre société va pouvoir faire un pas, je l'espère décisif pour une prise en charge enfin efficace de l'autisme. J'y reviendrai.
Je sais que la Loire-Atlantique, et plus largement la région des Pays de Loire, sont des territoires où Sésame Autisme a déjà effectué un long et patient travail de 20 années d'accompagnement des personnes autistes et de leurs familles.
Ce travail s'effectue en partenariat avec l'ensemble des acteurs régionaux de l'autisme, dans le cadre du Comité technique régional autisme (CTRA).
Et ce travail, la région en recueille aujourd'hui les fruits, puisque le Centre Ressources Autisme a pu, en 2007, trouver son rythme de croisière.
Je sais qu'il sera officiellement inauguré la semaine prochaine [vendredi 11 avril 2008] à Angers. Cette inauguration témoigne de l'importance de la collaboration entre acteurs sur le sujet de l'autisme en Pays-de-Loire : il permettra d'améliorer à la fois le diagnostic, l'information des familles, le travail en réseau des professionnels, la formation et la recherche, afin d'accroître et diffuser les connaissances sur l'autisme et les troubles envahissants du développement.
Elle montre plus largement l'appropriation par les acteurs de terrain de la région du premier plan autisme 2005-2007 et la façon dont ils le font vivre.
Vous avez souhaité consacrer ce colloque à un thème particulièrement important : celui de la bientraitance et la qualité de vie des personnes autistes.
Comme vous le savez, c'est un sujet qui me tient à coeur : au mois de février dernier, j'ai souhaité développer et aller au delà du plan de développement de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance lancé en mars 2007. A cette occasion, il m'a semblé nécessaire de renforcer ce dispositif sur quatre points :
- j'ai demandé à l'Agence nationale de l'évaluation sociale et médico-sociale (ANESMS) d'élaborer recommandations de bonnes pratiques professionnelles, afin d'accompagner les établissements et services dans une démarche d'amélioration continue de la qualité des prestations. Je l'ai chargée d'un travail tout particulier, et j'y reviendrai tout à l'heure, dans le domaine des bonnes pratiques de prise en charge de l'autisme ;
- afin de poursuivre la lutte contre la maltraitance dans les établissements, j'ai également voulu doubler le nombre des inspections dans les établissements. Leur nombre va ainsi passer 400 à 800 en 2008 ;
- j'ai ensuite demandé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie de nous aider à mieux cerner le phénomène de la maltraitance à domicile. Sur la base des résultats qu'elle nous communiquera, nous allons élaborer un guide destiné aux intervenants à domicile et aux familles, afin de les aider à identifier les situations de maltraitance et leur apporter des conseils ;
- enfin, nous avons lancé un numéro d'appel national à quatre chiffres, le 39.77, destiné à recueillir les signalements de maltraitance. Plus simple à utiliser et à mémoriser, il permet en outre de répondre aux besoins des appelants sur une amplitude horaire plus importante.
Pour faire connaître ce nouveau numéro et permettre une prise de conscience collective, nous avons également lancé une campagne de communication grand public.
Nous disposons à ce jour d'un premier bilan de la mise en place du 39.77 : en moins de trois mois, ce ne sont pas moins de 10 500 appels qui ont été reçu par la plate-forme. Et parmi eux, 25 % concernent les personnes handicapées.
Sur 460 dossiers ouverts, 6 seulement concernent des personnes autistes. Ca peut paraître très peu. Mais c'est encore beaucoup trop. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il nous faut agir de façon encore plus résolue sur l'amont, en réfléchissant, comme vous le faites aujourd'hui, sur la qualité de vie offerte aux personnes autistes.
Mieux former, diffuser les bonnes pratiques professionnelles, encadrer et évaluer les expérimentations autour de nouvelles méthodes de prise en charge : autant d'axes du futur plan autisme qui rejoignent votre préoccupation sur le sujet de la Bientraitance, autant de mesures qui doivent contribuer à prévenir la maltraitance.
Comme vous le savez sans doute, nous avons, avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot, dévoilé il y a deux jours les grandes orientations de ce qui sera le deuxième plan Autisme. Il sera présenté dans sa totalité lors de la journée nationale de l'autisme le 16 mai prochain.
Je voudrais m'arrêter sur la méthode que nous avons retenue pour l'élaboration de ce plan, car elle a toute son importance.
En effet, nous avons souhaité travailler en partenariat avec l'ensemble des acteurs du monde de l'autisme, et notamment avec les associations qui représentent les personnes autistes et leurs familles. C'est la raison pour laquelle nous avons confié au comité de réflexion et de proposition sur l'autisme et les TED la mission de nous faire des propositions pour alimenter ce plan.
Le comité a fait un travail approfondi et, pour la première fois, un climat apaisé de dialogue a pu s'instaurer entre tenants d'approches différentes. Et chacun a pu ainsi s'enrichir et enrichir le plan de ses différences.
Pour que ce travail de consensus se poursuive, nous avons d'ailleurs d'ores et déjà décidé d'associer étroitement le comité Autisme au suivi du futur plan.
Compte tenu de la richesse de ce dialogue, nous avons tout à fait conscience du niveau des exigences auquel devra répondre le plan autisme et c'est pour qu'il soit à la hauteur de vos attentes que nous prenons le temps, jusqu'au 16 mai, de nourrir encore son contenu.
Sans dévoiler le contenu du plan, je souhaite néanmoins m'arrêter avec vous sur ses grandes orientations.
Vos préoccupations seront les nôtres à travers ce plan.
Ainsi, les 4 principes fondamentaux que vous défendez : la protection des personnes, l'éducation, le soin et l'accompagnement seront au coeur du plan qui sera présenté le 16 mai.
En premier lieu, au moment où vous vous interrogez sur la Bientraitance et la qualité de vie des personnes autistes, parler de la protection des personnes, c'est pour moi aborder la question des différentes méthodes de prise en charge.
Qu'elles soient éducatives ou thérapeutiques, je ne veux en privilégier aucune. Il est temps, en effet, de sortir de l'exclusive qui a prévalu jusqu'ici. Car ce dont ont besoin vos enfants, c'est souvent du « cousu-main ».
Ce qui doit être recherché dans chaque méthode, c'est le respect de l'intégrité et de la dignité des personnes autistes. C'est aussi le respect de leurs familles. Il s'agit à la fois d'une exigence morale et légale.
Le travail que nous avons mené avec les associations au sein du comité Autisme a ainsi permis de mettre fin à une approche exclusivement sanitaire de l'autisme. C'est d'ailleurs une approche que nous partageons totalement avec le ministère de la santé. Roselyne Bachelot l'a clairement exprimé mercredi dernier.
Nous voulons ainsi avoir une nouvelle vision :
* Car il faut en finir avec les informations erronées qui courent sur l'autisme ;
* Car il faut cesser de culpabiliser les parents - et tout particulièrement les mères - dans leur façon d'accompagner leur enfant ;
* Car il faut nous détacher d'une approche purement psychanalytique de la prise en charge de l'autisme.
Nous souhaitons donc que l'accent mis sur la recherche et notamment sur l'épidémiologie puisse conduire à tirer les leçons de ce qui se fait à l'étranger.
J'ai d'ailleurs bien pris connaissance de votre proposition de recenser et évaluer les recherches-actions menées en la matière et je vous en remercie.
Ce travail de recherche doit permettre de définir un corpus commun de connaissances. Ce travail sera bien évidemment mené en partenariat avec le groupe de suivi scientifique mis en place au sein du comité autisme.
Nous souhaitons également que les professionnels puissent parvenir à un consensus sur la reconnaissance de bonnes pratiques. Il s'agit bien d'un enjeu majeur pour garantir le respect de la dignité et les droits fondamentaux de la personne et de sa famille.
En outre, si nous souhaitons que l'expérimentation dans les secteurs éducatif et médico-social soit encouragée dans ce nouveau plan, celle-ci ne pourra avoir lieu sans définir au préalable un encadrement juridique et sans recueillir l'avis des personnes autistes et de leur famille.
Ainsi, nous allons donner un cadre à l'expérimentation, grâce à un cahier des charges précis prenant en compte des critères de qualité et une évaluation des résultats.
Je formule le voeu que ces expérimentations et évaluations offriront une garantie supplémentaire quant au respect des droits fondamentaux des personnes autistes et de leur famille.
En second lieu, nous voulons que l'éducation soit au coeur des préoccupations.
Notre objectif, c'est que chaque personne autiste, chaque personne souffrant de troubles envahissants du développement, même adulte et dépendant, puisse apprendre, changer, accéder à des choses nouvelles, se former.
Pour cela, nous retiendrons toutes les propositions visant à favoriser la scolarisation en établissement scolaire, en établissement médico-social, la formation professionnelle des jeunes en veillant à améliorer la prise en charge des adolescents, et également l'insertion professionnelle des adultes.
En troisième lieu, nous souhaitons conforter l'attention portée aux soins dans les structures afin de répondre aux besoins fondamentaux des personnes autistes mais aussi d'améliorer leur bien-être.
Ainsi, s'agissant de la connaissance de l'autisme et de son diagnostic précoce, nous privilégierons des mesures visant à rendre plus pertinente la formation initiale et tout au long de la vie de tous les professionnels : médicaux et non médicaux, professionnels du secteur médico-social, enseignants en établissement scolaire ou adapté.
Pour cela, nous avons déjà un outil : le plan des métiers que nous avons lancé le 12 février dernier. Dans ce cadre, nous allons d'ailleurs également ouvrir une réflexion sur les nouveaux métiers susceptibles de mieux prendre en charge les spécificités de l'autisme.
En dernier lieu, nous voulons mieux accompagner les personnes autistes, afin de leur permettre de s'insérer dans la vie de la cité.
C'est pourquoi, au-delà de l'amélioration du dépistage, nous souhaitons que faire du moment de l'annonce du diagnostic un moment clé pour l'accompagnement de la personne et de sa famille.
Car diagnostiquer, c'est bien, mais accompagner, c'est mieux et nécessaire. Il n'est plus possible de laisser les familles désemparées après le diagnostic. Il faut que les familles puissent disposer, dès ce moment de tous les éléments d'information nécessaires pour s'orienter et qu'elles puissent être immédiatement mises en contact avec les professionnels susceptibles de les soutenir.
Aider les familles, c'est aussi leur offrir un accès à la formation : nous devons donner aux parents des clés pour comprendre le fonctionnement de leur enfant et pour être acteurs de ses progrès. Car il n'y a pas de raison que les parents d'enfants autistes ne puissent pas être, pour leur enfant, les premiers éducateurs, comme le sont tous les parents.
Afin d'appuyer ces priorités, le plan autisme 2008-2010 viendra conforter l'effort de créations de places soutenu lors du précédent plan. Ainsi, sur les trois dernières années, 2 800 places ont été financées et installées, soit 850 de plus que le nombre initialement programmé.
Nous souhaitons poursuivre cet effort sur la période 2008-2010 et un état des lieux des besoins non satisfaits, en cours de finalisation avec la CNSA, nous aidera à mieux définir le nombre de places à créer.
A travers ce futur plan, nous voulons donner un nouveau souffle à la politique en faveur des personnes autistes, en laissant notre porte ouverte à des solutions nouvelles, avec une exigence constante : privilégier toujours l'intérêt de la personne et de sa famille.
Je vous remercie.Source http://www.loire-atlantique.pref.gouv.fr, le 28 avril 2008