Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à RFI le 6 mai 2008, sur les grands axes du plan "Hôpital - santé - Outre-mer".

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral

F. Rivière.- Bonjour R. Bachelot. Nous allons parler du Plan Hôpital et santé pour l'outre-mer dont vous avez dévoilé les grands axes ce week-end en Guyane. Mais quelques mots tout d'abord sur ce 6 mai 2008. C'est une date qui doit vous évoquer quelque chose ?

R.- Oui, c'est l'élection en 2007 de N. Sarkozy.

Q.- Un an après son élection, les Français ne sont plus qu'autour de 35 % - cela varie de 32 à 38 selon les instituts de sondages - à lui faire confiance. Comment expliquez vous cette désaffection ?

R.- Je constate qu'effectivement nous traversons une crise internationale extrêmement grave d'une part, ce qui suscite de l'inquiétude, de l'anxiété chez les Français. C'est normal, parce que je crois que cette crise n'est pas conjoncturelle ; c'est une crise structurelle de redistribution des cartes à l'échelle planétaire. Un moyen de communication comme le vôtre connaît bien les attendus de cette crise planétaire, avec le renchérissement des matières premières, avec un certain nombre de redistributions des cartes sur le plan géopolitique. Le deuxième élément c'est qu'en face de cet enjeu considérable, nous n'avons pas choisi la voie de l'immobilisme, nous avons choisi la voie des réformes. Nous sommes en train de les mettre en oeuvre. Donc, c'est des réformes de structures importantes. Je vois par exemple dans le secteur qui est le mien avec l'hôpital, la médecine de ville, comment rééquilibrer la démographie médicale, comment transférer des lits du court séjour vers le traitement de la prise en charge des personnes âgées. Tout cela ce sont des enjeux de réformes tout à fait considérables. On a les réformes, mais évidemment, bien entendu, il y a un certain nombre de résultats de ces réformes qui seront attendus mais qui ne sont pas encore là. Les textes ils datent de quelques mois, pour ne pas dire pour certains de quelques semaines.

Q.- Si je comprends bien, N. Sarkozy est en partie victime des cours du pétrole et des matières premières ?

R.- Globalement oui, il y a une crise internationale effectivement. La réduire d'ailleurs au coût des matières premières ou au coût du pétrole serait un peu simpliste. La crise elle est beaucoup plus grave que cela sur le plan international.

Q.- Est-ce que, pour en finir sur ce sujet, la rupture dans le style de N. Sarkozy est-ce que vous pensez que cela va dans le bon sens, ce style moins clinquant depuis quelques semaines maintenant ?

R.- J'avoue avoir beaucoup de mal à faire des commentaires politiques sur des critères aussi superficiels et, si vous me pardonnez, aussi people. Ce que je vois dans N. Sarkozy, c'est que c'est un homme qui aime profondément son pays et qui est, oui, dévoré par l'amour de la France. Il a envie que son pays soit à la hauteur de l'amour qu'il lui porte dans le concert international, c'est surtout cela que je vois.

Q.- Vous étiez ce week-end en Guyane, vous avez donc lancé un plan baptisé "Hôpital - Santé - Outre-mer". Vous souhaitez, je vous cite, que "tous les Français de métropole et d'Outre-mer bénéficient de la même qualité et de la même sécurité des soins". Est-ce que cela veut dire que pour l'instant ce n'est pas le cas ?

R.- Il y a des problèmes de santé considérables en Guyane et comment en serait-il autrement devant un territoire immense occupé à plus de 90 % par une forêt amazonienne extrêmement dense, soumis à des mouvements de migration des populations qu'il est évidemment très difficile de sécuriser. Si vous êtes allé en pirogue sur le Maroni ou sur l'Oyapock comme je l'ai fait, vous imaginez tout de suite les difficultés, d'où une immigration illégale massive avec prise en charge de populations extrêmement fragilisées, une prévalence du VIH Sida dix fois plus importante qu'en métropole touchant particulièrement les femmes. On a un taux de prévalence du sida chez les femmes enceintes de plus de 1 %. Donc, un certain nombre également de maladies tropicales, des intoxications spécifiques à la Guyane comme l'intoxication au méthyle mercure, donc on a des problèmes de santé considérables avec un territoire extrêmement difficile à structurer sur le plan de la santé. Donc, effectivement, c'est à tout cela que je me suis attachée. D'abord en présentant un plan spécifique sur l'hôpital mais aussi sur les soins de santé primaire. Je me suis rendu compte qu'on avait besoin de ces centres de santé. Je suis allée apporter l'assurance par exemple que le centre communautaire de la Croix-Rouge sur les rives du Maroni serait soutenu financièrement et puis une action particulière en ce qui concerne le VIH Sida. Il y avait sans doute...

Q.- Vous voulez faire un effort particulier sur le sida en Guyane. Sur quoi cela va porter ?

R.- J'allais dire sur l'ensemble du spectre des actions possibles. J'ai d'abord suite à l'avis du Conseil national du sida qui remarquait l'absence de coordination des politiques antisida en Guyane nommé le préfet comme responsable de la lutte anti-sida avec à ses cotés le docteur M. Nacher qui est le président du COREVIH - la Coordination régionale contre le sida - pour faire une équipe vraiment qui coordonne les soins. Bien entendu, j'ai délégué un million d'euros de crédits supplémentaires dans le cadre des politiques de santé publique pour soutenir l'action des associations. Je suis en train de mettre en place avec l'aide des associations de lutte contre le sida, mettre en place les tests rapides et là il y aura vraiment une action tout à fait spécifique sur les tests rapides, sur le dépistage en Guyane, et puis renforcer également les moyens de recherche et je souhaite faire de la Guyane à travers ses chercheurs, ses médecins, un pôle d'excellence de la lutte contre le sida. J'étais d'ailleurs accompagnée dans ce déplacement en Guyane par le professeur Yasdanpanah qui à mes cotés met en place ces tests rapides et qui est un de nos plus grands spécialistes du sida.

Q.- Vous souhaitez également mettre, au-delà de la Guyane, en valeur les atouts des DOM-TOM, notamment sur des maladies particulières comme la dingue, le paludisme, le chikungunya, des domaines dans lesquels la médecine locale, enfin locale, oui, sur place, a développé des compétences pointues ?

R.- C'est tout à fait remarquable ! Je mène cette politique avec mon collègue Y. Jégo, secrétaire d'Etat d'outre-mer et M. Alliot-Marie, la ministre de l'Outre-mer. Nous voulons qu'on abandonne cette notion misérabiliste souvent qu'on a de l'Outre-mer. Moi j'ai rencontré au Centre hospitalier Andrée Rosemon mais également, dans les autres secteurs de santé de l'Outre-mer, des médecins magnifiques, une capacité à la recherche et ce territoire, il faut le considérer, il faut considérer que ses particularités, son identité est une chance et en particulier dans cet arc caraïbe, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique doivent se coordonner en particulier sur des programmes de recherche dont bénéficiera l'ensemble de la population de cette zone du monde.

Q.- D'un mot, vous n'êtes pas ministre des Affaires étrangères mais vous êtes ministre de la Santé. Une situation sanitaire catastrophique est en train de se présenter en Birmanie. Le bilan du cyclone s'aggrave d'heure en heure ; on parle maintenant de plus de 15.000 morts, de 30.000 disparus, selon les chiffres officiels. Que va faire, que peux faire la France ?

R.- Il semble bien qu'on soit devant une catastrophe humaine de très, très grande ampleur. Les dépêches qui se succèdent montrent une amplification. Le chiffre des morts et des blessés sera peut-être encore plus élevé que ce que vous signalez. La France est fidèle à sa tradition humanitaire ; elle sera aux côtés des organisations pour se déployer. Nous avons besoin évidemment d'un tout petit peu plus de renseignements, d'abord à cause du régime birman qui est ce que nous savons. Nous avons besoin d'interlocuteurs et d'opérateurs sur le terrain pour que cette aide humanitaire soit utilisée de la meilleure façon, ne soit pas gâchée et qu'elle soit bien fléchée vers les populations. On sait que dans ces zones, c'est extrêmement difficile de mener une action humanitaire qui ne soit pas pervertie.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 6 mai 2008