Texte intégral
Q - A quoi servez-vous ?
R - Mon travail consiste à représenter la France à l'étranger, à défendre ses intérêts et à promouvoir, lorsque la situation l'exige, la question des Droits de l'Homme. Je sais bien que vous ne voyez que l'aspect Droits de l'Homme. Mais c'est une erreur. En Tunisie, par exemple, j'ai été amenée à signer des accords économiques et financiers, et ce n'est pas sale ! Même en matière de Droits de l'Homme, dans la mesure où je suis chargée des affaires de l'Etat, je suis naturellement tenue par un principe de responsabilité. Je ne suis pas une ONG. Quand on est aux responsabilités, l'indignation ne peut tenir lieu de politique. Le choix n'est jamais entre le bien et le mal, mais, comme le disait Aron, entre le "détestable" et le "préférable". "Les choses étant ce qu'elles sont !" ajouterait de Gaulle... Mais je me bats pour qu'il y ait ce supplément d'âme dans la diplomatie de la France. Je voudrais qu'on dise : "Dans le sarkozysme, il y a de l'humanisme." Alors je suis parfois obligée d'être en avance sur la ligne réaliste.
Q - En Tunisie, Nicolas Sarkozy a accordé un satisfecit au régime en place. Votre présence est apparue comme un gadget et votre discrétion, comme une faiblesse - d'autant que vous avez annulé certains rendez-vous...
R - La Tunisie est l'un des Etats du Maghreb les moins dotés en richesses naturelles ; et pourtant elle a éradiqué la grande pauvreté. Les femmes ont un statut plus enviable que dans le reste du Maghreb. Si tout n'est pas parfait - loin de là - les Tunisiens peuvent être légitimement fiers de leur bilan économique. Par ailleurs, quand un président se déplace dans un pays, ce n'est pas pour l'insulter. J'ai été discrète ? C'était un voyage présidentiel : l'usage est que les ministres ne s'expriment pas. Dans une visite d'Etat, le président est le seul porte-parole de la France. Mais, rassurez-vous, j'ai agi. La rencontre avec la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme, l'ONG la plus activiste du Maghreb, a été obtenue à la suite d'une très difficile négociation. C'est le premier voyage où j'ai tant parlé des Droits de l'Homme avec les autorités et les associations. Torture, peine de mort, censure, demande d'explications sur la grève de la faim des journalistes tunisiens, je n'ai rien esquivé, et ce n'est pas parce qu'une rencontre (avec l'Association tunisienne des femmes démocrates) n'a pu avoir lieu que cela change quoi que ce soit. J'ai été chaudement félicitée par les ONG tunisiennes. Il aurait été convenable que vous le signaliez.
Q - Est-ce que l'on s'habitue facilement à la langue de bois ?
R - Je n'ignore pas les règles. Rama Yade ce n'est pas "de la cité au Quai d'Orsay", même si ce ne serait pas déshonorant. Je vais vous décevoir : je suis un pur produit du système. Je suis diplômée de Sciences po et administratrice au Sénat. Je n'ignore rien des codes de la vie politique. La difficulté est liée au décalage entre les attentes très fortes, mes moyens d'action et les contraintes diplomatiques. Je le dis clairement : on ne fonde pas une politique étrangère uniquement sur des valeurs. On peut être intransigeant sans sacrifier ses intérêts. Tout est dans le dosage. Quand je ne dis rien, je suis critiquée. Quand je prends position, ce n'est jamais assez ou bien cela crée des histoires. Je ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. Alors je creuse mon sillon. A l'ONU, je m'exprime au nom de la France, et laissez-moi vous confier que c'est émouvant ! Un honneur inestimable.
Q - Le candidat Sarkozy affirmait, le 14 janvier 2007 : "Je ne crois pas à la realpolitik, qui fait renoncer à ses valeurs sans gagner des contrats." Le président s'est-il renié ?
R - Je suis la preuve vivante que Nicolas Sarkozy n'a pas renoncé aux Droits de l'Homme. On n'aura jamais autant parlé des Droits de l'Homme sous une présidence que depuis son élection. Ce ne sera pas mon bilan sur les Droits de l'Homme, ce sera celui du président. L'opposition s'est tellement habituée à une droite coupable et honteuse qu'elle ne peut supporter que Nicolas Sarkozy soit allé sur son terrain. Tous ces hauts responsables socialistes qui passent leurs vacances en Tunisie, je ne les ai pas vus recevoir les ONG ou, entre deux séances de bronzage, critiquer le régime de Ben Ali. Ségolène Royal, qui vient d'être condamnée par la justice pour violation du droit social, est mal placée pour nous donner des leçons sur les Droits de l'Homme.
Q - Après le remplacement de Jean-Marie Bockel par Alain Joyandet à la Coopération, êtes-vous résignée à la poursuite de la "Françafrique" ?
R - Le système de la Françafrique dure depuis l'indépendance des anciennes colonies. On ne peut pas demander au président de l'enterrer en un an, alors que personne, pas même les socialistes, sous François Mitterrand, ne s'était ému quand Jean-Pierre Cot avait été sèchement limogé pour cause de contestation de la Françafrique. Par ailleurs, pour la rupture, il faut être deux. La France ne la décrétera pas. La rupture se fera en Afrique par les Africains, ou ne se fera pas. L'Afrique de papa, c'est terminé.
Q - L'absence de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques vous paraît-elle encore envisageable ?
R - Il y a eu une ouverture de Pékin sur le Tibet. La reprise du dialogue entre la Chine et le dalaï-lama est un geste important que nous avions souhaité. Les autorités chinoises ont envie que les JO se passent bien, et nous aussi.
Q - Qui va payer les 6,3 millions d'euros que les membres de l'Arche de Zoé doivent verser aux familles des enfants qu'ils voulaient exfiltrer ?
R - Les membres de l'Arche de Zoé ont été condamnés à payer. C'est à eux de le faire. Je ne vois pas au nom de quoi ce serait aux contribuables français de payer pour les actes de ces gens. M. Breteau n'a qu'à utiliser les droits d'auteur de son livre pour payer.
Q - Eric Breteau, le patron de l'association, dit justement avoir déposé plainte contre vous...
R - Je n'ai pas connaissance de sa plainte. C'est l'opération, et non les personnes, que nous avons dénoncée. Ce monsieur me reproche de l'avoir fait échouer ? C'est le meilleur hommage qu'il pouvait me rendre et la confirmation de ce que j'ai toujours dit : c'est moi qui ai empêché ce groupe d'agir. S'il me diffame, je porterai plainte.
Q - Depuis un an, vous vous êtes surtout fait remarquer par des coups médiatiques. Est-ce le seul moyen pour un responsable politique d'exister ?
R - Je n'ai fait que mon travail. Libre à vous d'appeler " coups " l'expression d'une conviction forte, en accord avec ma fonction. Et je vous invite à regarder au-delà de l'affaire Kadhafi. Vous verrez le travail de fourmi, parfois ingrat, mais indispensable, or vous n'en parlez pas. Enfin, je ne considère pas mes prises de position comme de vulgaires coups. On bâtit une vie politique non sur des coups, mais sur de la durée.
Q - Vous vous êtes démarquée de manière tonitruante de la ligne officielle, lors de la venue de Kadhafi. Jusqu'où va la liberté de parole d'un ministre ?
R - Il ne s'est jamais agi pour moi de me démarquer. On m'a confié la charge des Droits de l'homme ; il est normal que j'en parle. Si j'étais en charge de l'Equipement, je construirais des routes. Et, tous les jours, vous entendriez parler des routes ! C'est mon rôle de promouvoir les Droits de l'Homme ; le président lui-même me l'a répété à plusieurs reprises. "Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche", disait Aimé Césaire. Par ailleurs, nous avons tous un devoir de solidarité gouvernementale.
Q - A vos débuts, vous vous présentiez comme "femme, noire, musulmane". Au gouvernement, sont-ce des atouts ou des failles ?
R - Ce sont les observateurs qui m'ont regardée, hélas ! comme telle, au lieu de me prendre dans ma banalité, si je puis dire. Lorsque j'ai débuté, ils s'adressaient à moi comme à un martien. Que ce fut épuisant ! Au gouvernement, je veux que l'on me juge sur mes résultats, et non sur des questions de nature qui n'apportent rien au débat. A l'étranger, je représente non les beurs ou les femmes, mais la France. Je souhaite que, quand on pense "Rama Yade", on pense "Droits de l'Homme" ou, mieux encore, "France".
Q - A vos débuts, vous vous présentiez comme "femme, noire, musulmane". Au gouvernement, sont-ce des atouts ou des failles ?
R - Ce sont les observateurs qui m'ont regardée, hélas ! comme telle, au lieu de me prendre dans ma banalité, si je puis dire. Lorsque j'ai débuté, ils s'adressaient à moi comme à un martien. Que ce fut épuisant ! Au gouvernement, je veux que l'on me juge sur mes résultats, et non sur des questions de nature qui n'apportent rien au débat. A l'étranger, je représente non les beurs ou les femmes, mais la France. Je souhaite que, quand on pense "Rama Yade", on pense "Droits de l'Homme" ou, mieux encore, "France".
Q - "La gauche s'en prend à moi parce que je suis noire", avez-vous déclaré, lors de votre campagne à Colombes. Etait-ce un dérapage ?
R - Non. J'en avais assez que la gauche répète que, si j'étais là, c'était pour rapporter les voix des quartiers dans le giron de l'UMP. Elle n'a vu en moi qu'une étiquette, cela m'a déplu. C'est une régression. Je ne veux pas qu'on me résume à des questions ethniques, je veux être jugée sur mes résultats.
Q - A 31 ans, qu'est-ce qu'être de droite ?
R - Dans les temps que nous vivons, c'est être sarkozyste ! C'est-à-dire choisir la modernité, chercher l'efficacité de l'action, prendre à bras-le-corps un héritage lourd, souvent fait de renoncements, et essayer d'enclencher le mouvement. Aujourd'hui, la droite défend le progrès ; la gauche, les acquis. C'est cela, le vrai clivage. Un bouleversement historique.
Q - Oui ou non, faudrait-il un peu plus d'inégalité pour un peu plus d'efficacité économique ?
R - Non. Il faut chercher à combattre les inégalités et à atteindre l'efficacité. Je n'ai pas envie de demi-mesure, j'aime les idéaux. Plus d'inégalité n'est pas un principe que peuvent accepter les Français. Il faut faire preuve du maximum de volontarisme, et ne pas se résigner en déclarant que "l'Etat ne peut pas tout", comme Lionel Jospin l'avait fait.
Q - Oui ou non, faudrait-il un peu moins de liberté pour un peu plus de sécurité ?
R - Le monde dans lequel nous vivons est dangereux ; le terrorisme est une menace constante. Le premier des droits fondamentaux, c'est la sécurité. En quoi des hommes ou des femmes qui auraient peur, par exemple de se déplacer, seraient-ils libres ?
Q - Avez-vous une image positive de Mai 68 ?
R - Un mouvement de jeunesse qui bouscule les carcans familiaux et politiques traditionnels, c'est toujours attendrissant. Socialement, c'était sympathique. Politiquement, ce fut un échec. Le problème, c'est que les soixante-huitards sont toujours dans la place. Ils occupent le haut du pavé après en avoir jeté sur les CRS ; ils empêchent ma génération d'apporter sa pierre à la société. Ils s'accrochent, alors que leur système de pensée est à bout de souffle. A nous désormais de faire notre Mai 68 !
Q - Quelles sont les limites de vos ambitions en politique ?
R - J'irai là où mon chemin me conduira. Je sais seulement qu'il faut aller de l'avant.
Q - Un mot, un seul, pour résumer Nicolas Sarkozy ?
R - Courage.
Q - Avez-vous un modèle en politique ?
R - Lui. J'aime son côté "quand on veut, on peut", "même quand on part de loin, c'est réalisable". Pour moi, c'est une leçon de vie permanente. Souvent, il me dit que la notoriété est éphémère, que la seule chose qui compte est le travail, le travail et encore le travail. On explique, par exemple, qu'il parle comme les Français, mais c'est parce qu'il a beaucoup travaillé. Etre compris, cela ne s'improvise pas.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2008
R - Mon travail consiste à représenter la France à l'étranger, à défendre ses intérêts et à promouvoir, lorsque la situation l'exige, la question des Droits de l'Homme. Je sais bien que vous ne voyez que l'aspect Droits de l'Homme. Mais c'est une erreur. En Tunisie, par exemple, j'ai été amenée à signer des accords économiques et financiers, et ce n'est pas sale ! Même en matière de Droits de l'Homme, dans la mesure où je suis chargée des affaires de l'Etat, je suis naturellement tenue par un principe de responsabilité. Je ne suis pas une ONG. Quand on est aux responsabilités, l'indignation ne peut tenir lieu de politique. Le choix n'est jamais entre le bien et le mal, mais, comme le disait Aron, entre le "détestable" et le "préférable". "Les choses étant ce qu'elles sont !" ajouterait de Gaulle... Mais je me bats pour qu'il y ait ce supplément d'âme dans la diplomatie de la France. Je voudrais qu'on dise : "Dans le sarkozysme, il y a de l'humanisme." Alors je suis parfois obligée d'être en avance sur la ligne réaliste.
Q - En Tunisie, Nicolas Sarkozy a accordé un satisfecit au régime en place. Votre présence est apparue comme un gadget et votre discrétion, comme une faiblesse - d'autant que vous avez annulé certains rendez-vous...
R - La Tunisie est l'un des Etats du Maghreb les moins dotés en richesses naturelles ; et pourtant elle a éradiqué la grande pauvreté. Les femmes ont un statut plus enviable que dans le reste du Maghreb. Si tout n'est pas parfait - loin de là - les Tunisiens peuvent être légitimement fiers de leur bilan économique. Par ailleurs, quand un président se déplace dans un pays, ce n'est pas pour l'insulter. J'ai été discrète ? C'était un voyage présidentiel : l'usage est que les ministres ne s'expriment pas. Dans une visite d'Etat, le président est le seul porte-parole de la France. Mais, rassurez-vous, j'ai agi. La rencontre avec la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme, l'ONG la plus activiste du Maghreb, a été obtenue à la suite d'une très difficile négociation. C'est le premier voyage où j'ai tant parlé des Droits de l'Homme avec les autorités et les associations. Torture, peine de mort, censure, demande d'explications sur la grève de la faim des journalistes tunisiens, je n'ai rien esquivé, et ce n'est pas parce qu'une rencontre (avec l'Association tunisienne des femmes démocrates) n'a pu avoir lieu que cela change quoi que ce soit. J'ai été chaudement félicitée par les ONG tunisiennes. Il aurait été convenable que vous le signaliez.
Q - Est-ce que l'on s'habitue facilement à la langue de bois ?
R - Je n'ignore pas les règles. Rama Yade ce n'est pas "de la cité au Quai d'Orsay", même si ce ne serait pas déshonorant. Je vais vous décevoir : je suis un pur produit du système. Je suis diplômée de Sciences po et administratrice au Sénat. Je n'ignore rien des codes de la vie politique. La difficulté est liée au décalage entre les attentes très fortes, mes moyens d'action et les contraintes diplomatiques. Je le dis clairement : on ne fonde pas une politique étrangère uniquement sur des valeurs. On peut être intransigeant sans sacrifier ses intérêts. Tout est dans le dosage. Quand je ne dis rien, je suis critiquée. Quand je prends position, ce n'est jamais assez ou bien cela crée des histoires. Je ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité. Alors je creuse mon sillon. A l'ONU, je m'exprime au nom de la France, et laissez-moi vous confier que c'est émouvant ! Un honneur inestimable.
Q - Le candidat Sarkozy affirmait, le 14 janvier 2007 : "Je ne crois pas à la realpolitik, qui fait renoncer à ses valeurs sans gagner des contrats." Le président s'est-il renié ?
R - Je suis la preuve vivante que Nicolas Sarkozy n'a pas renoncé aux Droits de l'Homme. On n'aura jamais autant parlé des Droits de l'Homme sous une présidence que depuis son élection. Ce ne sera pas mon bilan sur les Droits de l'Homme, ce sera celui du président. L'opposition s'est tellement habituée à une droite coupable et honteuse qu'elle ne peut supporter que Nicolas Sarkozy soit allé sur son terrain. Tous ces hauts responsables socialistes qui passent leurs vacances en Tunisie, je ne les ai pas vus recevoir les ONG ou, entre deux séances de bronzage, critiquer le régime de Ben Ali. Ségolène Royal, qui vient d'être condamnée par la justice pour violation du droit social, est mal placée pour nous donner des leçons sur les Droits de l'Homme.
Q - Après le remplacement de Jean-Marie Bockel par Alain Joyandet à la Coopération, êtes-vous résignée à la poursuite de la "Françafrique" ?
R - Le système de la Françafrique dure depuis l'indépendance des anciennes colonies. On ne peut pas demander au président de l'enterrer en un an, alors que personne, pas même les socialistes, sous François Mitterrand, ne s'était ému quand Jean-Pierre Cot avait été sèchement limogé pour cause de contestation de la Françafrique. Par ailleurs, pour la rupture, il faut être deux. La France ne la décrétera pas. La rupture se fera en Afrique par les Africains, ou ne se fera pas. L'Afrique de papa, c'est terminé.
Q - L'absence de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques vous paraît-elle encore envisageable ?
R - Il y a eu une ouverture de Pékin sur le Tibet. La reprise du dialogue entre la Chine et le dalaï-lama est un geste important que nous avions souhaité. Les autorités chinoises ont envie que les JO se passent bien, et nous aussi.
Q - Qui va payer les 6,3 millions d'euros que les membres de l'Arche de Zoé doivent verser aux familles des enfants qu'ils voulaient exfiltrer ?
R - Les membres de l'Arche de Zoé ont été condamnés à payer. C'est à eux de le faire. Je ne vois pas au nom de quoi ce serait aux contribuables français de payer pour les actes de ces gens. M. Breteau n'a qu'à utiliser les droits d'auteur de son livre pour payer.
Q - Eric Breteau, le patron de l'association, dit justement avoir déposé plainte contre vous...
R - Je n'ai pas connaissance de sa plainte. C'est l'opération, et non les personnes, que nous avons dénoncée. Ce monsieur me reproche de l'avoir fait échouer ? C'est le meilleur hommage qu'il pouvait me rendre et la confirmation de ce que j'ai toujours dit : c'est moi qui ai empêché ce groupe d'agir. S'il me diffame, je porterai plainte.
Q - Depuis un an, vous vous êtes surtout fait remarquer par des coups médiatiques. Est-ce le seul moyen pour un responsable politique d'exister ?
R - Je n'ai fait que mon travail. Libre à vous d'appeler " coups " l'expression d'une conviction forte, en accord avec ma fonction. Et je vous invite à regarder au-delà de l'affaire Kadhafi. Vous verrez le travail de fourmi, parfois ingrat, mais indispensable, or vous n'en parlez pas. Enfin, je ne considère pas mes prises de position comme de vulgaires coups. On bâtit une vie politique non sur des coups, mais sur de la durée.
Q - Vous vous êtes démarquée de manière tonitruante de la ligne officielle, lors de la venue de Kadhafi. Jusqu'où va la liberté de parole d'un ministre ?
R - Il ne s'est jamais agi pour moi de me démarquer. On m'a confié la charge des Droits de l'homme ; il est normal que j'en parle. Si j'étais en charge de l'Equipement, je construirais des routes. Et, tous les jours, vous entendriez parler des routes ! C'est mon rôle de promouvoir les Droits de l'Homme ; le président lui-même me l'a répété à plusieurs reprises. "Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche", disait Aimé Césaire. Par ailleurs, nous avons tous un devoir de solidarité gouvernementale.
Q - A vos débuts, vous vous présentiez comme "femme, noire, musulmane". Au gouvernement, sont-ce des atouts ou des failles ?
R - Ce sont les observateurs qui m'ont regardée, hélas ! comme telle, au lieu de me prendre dans ma banalité, si je puis dire. Lorsque j'ai débuté, ils s'adressaient à moi comme à un martien. Que ce fut épuisant ! Au gouvernement, je veux que l'on me juge sur mes résultats, et non sur des questions de nature qui n'apportent rien au débat. A l'étranger, je représente non les beurs ou les femmes, mais la France. Je souhaite que, quand on pense "Rama Yade", on pense "Droits de l'Homme" ou, mieux encore, "France".
Q - A vos débuts, vous vous présentiez comme "femme, noire, musulmane". Au gouvernement, sont-ce des atouts ou des failles ?
R - Ce sont les observateurs qui m'ont regardée, hélas ! comme telle, au lieu de me prendre dans ma banalité, si je puis dire. Lorsque j'ai débuté, ils s'adressaient à moi comme à un martien. Que ce fut épuisant ! Au gouvernement, je veux que l'on me juge sur mes résultats, et non sur des questions de nature qui n'apportent rien au débat. A l'étranger, je représente non les beurs ou les femmes, mais la France. Je souhaite que, quand on pense "Rama Yade", on pense "Droits de l'Homme" ou, mieux encore, "France".
Q - "La gauche s'en prend à moi parce que je suis noire", avez-vous déclaré, lors de votre campagne à Colombes. Etait-ce un dérapage ?
R - Non. J'en avais assez que la gauche répète que, si j'étais là, c'était pour rapporter les voix des quartiers dans le giron de l'UMP. Elle n'a vu en moi qu'une étiquette, cela m'a déplu. C'est une régression. Je ne veux pas qu'on me résume à des questions ethniques, je veux être jugée sur mes résultats.
Q - A 31 ans, qu'est-ce qu'être de droite ?
R - Dans les temps que nous vivons, c'est être sarkozyste ! C'est-à-dire choisir la modernité, chercher l'efficacité de l'action, prendre à bras-le-corps un héritage lourd, souvent fait de renoncements, et essayer d'enclencher le mouvement. Aujourd'hui, la droite défend le progrès ; la gauche, les acquis. C'est cela, le vrai clivage. Un bouleversement historique.
Q - Oui ou non, faudrait-il un peu plus d'inégalité pour un peu plus d'efficacité économique ?
R - Non. Il faut chercher à combattre les inégalités et à atteindre l'efficacité. Je n'ai pas envie de demi-mesure, j'aime les idéaux. Plus d'inégalité n'est pas un principe que peuvent accepter les Français. Il faut faire preuve du maximum de volontarisme, et ne pas se résigner en déclarant que "l'Etat ne peut pas tout", comme Lionel Jospin l'avait fait.
Q - Oui ou non, faudrait-il un peu moins de liberté pour un peu plus de sécurité ?
R - Le monde dans lequel nous vivons est dangereux ; le terrorisme est une menace constante. Le premier des droits fondamentaux, c'est la sécurité. En quoi des hommes ou des femmes qui auraient peur, par exemple de se déplacer, seraient-ils libres ?
Q - Avez-vous une image positive de Mai 68 ?
R - Un mouvement de jeunesse qui bouscule les carcans familiaux et politiques traditionnels, c'est toujours attendrissant. Socialement, c'était sympathique. Politiquement, ce fut un échec. Le problème, c'est que les soixante-huitards sont toujours dans la place. Ils occupent le haut du pavé après en avoir jeté sur les CRS ; ils empêchent ma génération d'apporter sa pierre à la société. Ils s'accrochent, alors que leur système de pensée est à bout de souffle. A nous désormais de faire notre Mai 68 !
Q - Quelles sont les limites de vos ambitions en politique ?
R - J'irai là où mon chemin me conduira. Je sais seulement qu'il faut aller de l'avant.
Q - Un mot, un seul, pour résumer Nicolas Sarkozy ?
R - Courage.
Q - Avez-vous un modèle en politique ?
R - Lui. J'aime son côté "quand on veut, on peut", "même quand on part de loin, c'est réalisable". Pour moi, c'est une leçon de vie permanente. Souvent, il me dit que la notoriété est éphémère, que la seule chose qui compte est le travail, le travail et encore le travail. On explique, par exemple, qu'il parle comme les Français, mais c'est parce qu'il a beaucoup travaillé. Etre compris, cela ne s'improvise pas.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2008