Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et messieurs,
Le sida, parlons-en ! Parlons-en sans plus attendre, pour en parler autrement.
En terre de Guyane, en effet, c'est moins le sida que le silence qui emporte des vies, aujourd'hui. Qu'il recouvre la honte, ou qu'il trahisse l'ignorance, le silence autour du VIH est meurtrier.
S'il faut parler du sida, aujourd'hui, c'est d'abord pour dire qu'il existe ; et continue de se répandre à travers le monde, fléau impitoyable, frappant en premier les plus pauvres, les plus fragiles, et les femmes les plus vulnérables.
S'il faut parler du sida, c'est que depuis l'arrivée de nouveaux traitements, la vigilance de notre société a baissé, les comportements à risque se multiplient. Comme si la maladie n'était pas l'affaire de tous, et qu'une invisible armure protégeait certains d'entre nous de la contagion. Comme si un passeport, une origine ethnique, une réputation de notable suffisaient à empêcher tout risque d'infection. Comme si le Sida n'était jamais que la maladie de l'autre, la maladie de l'étranger, de gens qui ne sont pas nés ici et qui ne resteront pas chez nous.
Il y a une vingtaine d'années, ce n'est pourtant pas si loin, l'épidémie, en son premier âge, faisait beaucoup parler d'elle, parfois d'ailleurs à tort et à travers. Chacun se rappelle les propos abjects qui ont pu être, à l'occasion, formulés par ceux qui souvent d'ailleurs avaient choisi de faire de la haine ordinaire leur fond de commerce.
Ainsi, il a fallu combattre l'ignorance et le préjugé, au moment même où la recherche tentait de mettre au point les tout premiers traitements d'une maladie qui suivait de près les premiers temps de la séropositivité et dont l'évolution tragique et douloureuse reste encore dans nos mémoires.
Je ne voudrais pas ici évoquer les progrès accomplis depuis, sans rendre d'abord hommage à toutes celles et à tous ceux, proches ou familles, associations de malades, qui nous ont montré le chemin, et sur les traces desquels je veux aujourd'hui poursuivre la lutte.
Bien avant d'être ministre de la santé, je me suis personnellement engagée : j'ai milité et je militerai toujours contre toutes les formes de discriminations dont les malades ont pu faire l'objet. Là où je me trouve à présent, j'assurerai, soyez en bien persuadés, un service maximum.
Le combat est loin d'être achevé. Ce n'est pas ma doctrine de taire ce qui doit être dit et de fuir les questions qui appellent des réponses audacieuses. Mon action ministérielle sera donc portée par l'intangible conviction qu'on ne saurait transformer la réalité sans avoir le courage de la regarder en face, sans avoir le courage de prendre des mesures adaptées à la culture, à l'histoire, à l'identité singulières des Guyanais. Je veux en finir avec le temps des mesures prises depuis la métropole, dans le confort de bureaux parisiens, et qui ne tiennent pas compte de ce fait évident : si la Guyane, c'est la France, la Guyane n'est pas l'Île de France.
La politique de prévention que je poursuivrai sera frappée au coin du réalisme, et tiendra le plus grand compte de l'évolution des moeurs et des paroles. Mon éthique est celle de la responsabilité. Nous ne sommes pas là pour juger mais pour comprendre et agir de telle sorte que les mesures nécessaires puissent produire tous leurs effets en termes de santé publique.
Les données épidémiologiques que le Conseil National de la Santé nous a rappelées dans un rapport récent sont éloquentes. La Guyane demeure le département français le plus touché par le sida. Depuis plusieurs années, le taux de séropositifs est supérieur à 1%. Concrètement, cela signifie qu'une personne sur soixante environ est touchée par le VIH en Guyane.
Les homosexuels sont, aujourd'hui encore, les personnes les plus exposées à la maladie. Plus d'un homosexuel sur deux, en Guyane, est séropositif. A Cayenne, plus d'une prostituée sur vingt est infectée par le VIH. Et si, pour des raisons évidentes, nous ne disposons pas de statistiques précises pour celles qui travaillent aux abords des zones d'orpaillage clandestin, nous savons que les chiffres sont encore plus alarmants.
Nos politiques de prévention ne peuvent ignorer ces données. Aussi convient-il de prendre en compte désormais l'augmentation préoccupante des pratiques à risques, notamment dans la mise en oeuvre de nos campagnes de prévention.
Les campagnes de communication générales, à spectre excessivement large, ont fait leur temps. Comme vous le savez, L'INPES a décidé de s'adresser directement aux Guyanais et aux Antillais par le biais d'une campagne qui leur est réservée, et dont je tiens à souligner d'une part la vraie beauté visuelle, et d'autre part la saine franchise : « arrêter le préservatif avant d'avoir fait le test, n'y pense même pas ».
C'est avec la même franchise, avec la même approche directe que je veux vous parler aujourd'hui de notre politique de prévention en Guyane.
Si nous voulons éviter que le discours moralisateur ne se substitue à l'efficacité préventive, les vraies questions devront être bien posées : posées de manière réfléchie, informée. A cet égard, il paraît nécessaire de déterminer précisément les causes qui expliquent l'avènement d'une « culture du risque », faite parfois de défi et de provocation, parfois d'insouciance, et beaucoup plus souvent de crainte et d'ignorance.
Sur ce sujet, nous avons la chance de pouvoir bénéficier de l'expérience des associations qui travaillent, depuis tant d'années, à la diffusion, au plus près des populations les plus exposées, d'outils de prévention. Et je sais combien ce bâton de pèlerin, en Guyane, est difficile à porter, tant il y a parfois de difficultés à atteindre les personnes les plus exposées au risque.
Je pense à l'éloignement géographique, bien sûr, mais aussi à la barrière culturelle et linguistique qui peut s'élever aussi. C'est donc avec les associations, dans un esprit de dialogue constructif, que je souhaite réfléchir aux moyens d'établir les conditions qui permettront de susciter l'adoption et le maintien de comportements préventifs par tous ceux, notamment les homosexuels, les immigrés de fraîche date, et les plus précaires d'entre les Guyanais.
Je pense aussi aux transsexuels dont l'image est trop souvent réduite à celle de la prostitution, et dont on connaît la vulnérabilité face à l'infection au VIH.
Enfin, je souhaite tout particulièrement que des actions adaptées puissent être menées en direction des femmes car elles présentent des spécificités vis-à-vis du VIH dont nous devons tenir compte dans un souci d'efficacité.
Nous avons tous conscience qu'en Guyane, 80% des séropositifs sont étrangers. C'est pourquoi il convient d'engager des politiques de prévention et de suivi adaptées à cette population particulière.
Ainsi, les publics peu scolarisés et les personnes en situation de précarité, ceux-là même qui sont les moins bien informés sur les modes de contamination, les moyens de se protéger, mais aussi les possibilités d'accès au dépistage et aux soins, doivent pouvoir bénéficier de programmes renforcés de manière à améliorer substantiellement les conditions d'accessibilité au dépistage et à mieux faire entendre les messages de prévention qui leur sont destinés.
Cette politique de prévention dynamique et ciblée doit se doubler d'une lutte vigoureuse contre toutes les formes de discrimination dont pourraient être victimes en Guyane celles et ceux qui ont été infectés par le VIH.
Nous devons lutter contre les discriminations parce que la loi nous l'impose.
Nous devons lutter contre les discriminations parce que le bons sens et la santé publique l'exigent.
En effet, tant que le sida restera marqué du sceau de l'opprobre, tant qu'on n'osera pas aller à l'hôpital se faire dépister, de peur d'y rencontrer un cousin ou un ami, tant qu'on n'osera pas en parler à son conjoint, dans la crainte d'être rejeté, on continue à prendre un risque considérable, pour soi et pour autrui.
Vous savez par ailleurs que la France accorde un droit au séjour pour les étrangers en situation irrégulière atteints par le VIH. Des officines particulièrement condamnables ont fait courir le bruit que certains immigrés s'inoculaient volontairement le VIH pour obtenir le droit de rester en Guyane. Selon elles, le sida vaudrait passeport.
Il va de soi que ces rumeurs ne correspondent à aucune réalité. La réalité, la voici : beaucoup d'immigrés - près de la moitié d'entre eux-n'apprennent leur séropositivité qu'une fois arrivés en Guyane, et à un stade où la maladie s'est déjà déclarée.
Je veux dire et répéter ici avec force que la France continuera à offrir le droit de séjour à ces malades. Il en va ici du respect que nous nous devons, non seulement à ceux qui sont dans la souffrance, mais à nous-mêmes, en tant que nation, fiers d'avoir reçus les droits de l'homme en héritage.
S'il convient de s'adresser de manière plus efficace aux publics prioritaires, notre politique préventive, de manière plus générale, poursuit deux grands objectifs : favoriser une large accessibilité aux préservatifs et aux moyens de dépistage, d'une part, et promouvoir une action continue d'information, de communication et d'éducation à la santé en direction de la population générale qui intègre aussi la nécessité de mieux prévenir les autres infections sexuellement transmissibles.
Ainsi, je souhaite rendre le préservatif encore plus accessible à tous.
Le préservatif à 20 centimes d'euros doit pouvoir être disponible de manière plus systématique en grandes surfaces. Mes discussions avec la grande distribution avance, et je viens de nouer une série de partenariats prometteurs.
Il convient également de faciliter la mise en place effective des distributeurs de préservatifs dans les lycées par des actions d'accompagnement.
La distribution gratuite de préservatifs par l'INPES, via les DDASS, aux associations et organismes menant des actions de prévention auprès des publics les plus exposés et les plus précaires, doit être encouragée.
L'accès au préservatif féminin, sur le marché français depuis le début de l'année, doit être facilité.
En matière de dépistage, notre stratégie doit évoluer. Les tests rapides devront être expérimentés dans diverses situations en Guyane, notamment hors les murs pour aller à la rencontre des publics qui ont moins recours au dépistage.
Si les données épidémiologiques donnent des signes d'espoir, elles nous incitent à poursuivre notre politique suivant une approche pragmatique et évolutive.
C'est bien le pragmatisme de cette politique qui nous a permis, par exemple, de mieux maîtriser la transmission du VIH chez les usagers de drogues en métropole, population désormais moins touchée que dans les années quatre-vingt. Gageons que nous pourrons, dans les années qui viennent, obtenir des résultats aussi encourageants, concernant les personnes les plus exposées et qui doivent être prioritaires !
Si les institutions nationales, les associations locales et les décideurs publics ont un grand rôle à jouer, cette action collective ne sera efficace que si elle est coordonnée depuis la Guyane, par quelqu'un qui connaît cette terre, qui connaît ses problématiques les plus complexes.
En un mot, nous avons besoin en Guyane d'un pilote, qui coordonnera toutes les actions de lutte contre le sida.
En accord avec ma collègue du ministère de l'Intérieur, Michel Alliot-Marie, et Yves Jégo, secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer j'ai choisi de nommer Monsieur le Préfet Laflaquière à la tête de nos politiques de lutte contre le SIDA. La responsabilité que nous lui confions aujourd'hui est considérable, et je souhaite que les résultats qu'il obtiendra nous encouragent à reproduire ce modèle aux Antilles, où, vous le savez, la question du Sida se pose selon des termes similaires.
Monsieur le Préfet Laflaquière sera assisté dans cette charge par le Docteur Mathieu Nacher, médecin à Cayenne, Président du Corevih, que je remercie d'avoir accepté cette lourde responsabilité.
En complément, nous allons recentrer nos efforts sur ce sujet en redéployant 1Meuros de crédits pour la mise en oeuvre de cette nouvelle mission.
La lutte contre le sida en Guyane appelle désormais une prise de conscience et une mobilisation collective de toutes celles et tous ceux qui font vivre ce département.
Je travaillerai en ce sens, avec la plus grande détermination, fidèle aux convictions qui sont les miennes, désireuse de nouer avec nos partenaires associatifs, et avec les représentants locaux, les liens privilégiés qui nous permettront de poursuivre efficacement le combat.
Je vous remercie.Source http://www.guyane.pref.gouv.fr, le 15 mai 2008
Monsieur le Directeur,
Mesdames et messieurs,
Le sida, parlons-en ! Parlons-en sans plus attendre, pour en parler autrement.
En terre de Guyane, en effet, c'est moins le sida que le silence qui emporte des vies, aujourd'hui. Qu'il recouvre la honte, ou qu'il trahisse l'ignorance, le silence autour du VIH est meurtrier.
S'il faut parler du sida, aujourd'hui, c'est d'abord pour dire qu'il existe ; et continue de se répandre à travers le monde, fléau impitoyable, frappant en premier les plus pauvres, les plus fragiles, et les femmes les plus vulnérables.
S'il faut parler du sida, c'est que depuis l'arrivée de nouveaux traitements, la vigilance de notre société a baissé, les comportements à risque se multiplient. Comme si la maladie n'était pas l'affaire de tous, et qu'une invisible armure protégeait certains d'entre nous de la contagion. Comme si un passeport, une origine ethnique, une réputation de notable suffisaient à empêcher tout risque d'infection. Comme si le Sida n'était jamais que la maladie de l'autre, la maladie de l'étranger, de gens qui ne sont pas nés ici et qui ne resteront pas chez nous.
Il y a une vingtaine d'années, ce n'est pourtant pas si loin, l'épidémie, en son premier âge, faisait beaucoup parler d'elle, parfois d'ailleurs à tort et à travers. Chacun se rappelle les propos abjects qui ont pu être, à l'occasion, formulés par ceux qui souvent d'ailleurs avaient choisi de faire de la haine ordinaire leur fond de commerce.
Ainsi, il a fallu combattre l'ignorance et le préjugé, au moment même où la recherche tentait de mettre au point les tout premiers traitements d'une maladie qui suivait de près les premiers temps de la séropositivité et dont l'évolution tragique et douloureuse reste encore dans nos mémoires.
Je ne voudrais pas ici évoquer les progrès accomplis depuis, sans rendre d'abord hommage à toutes celles et à tous ceux, proches ou familles, associations de malades, qui nous ont montré le chemin, et sur les traces desquels je veux aujourd'hui poursuivre la lutte.
Bien avant d'être ministre de la santé, je me suis personnellement engagée : j'ai milité et je militerai toujours contre toutes les formes de discriminations dont les malades ont pu faire l'objet. Là où je me trouve à présent, j'assurerai, soyez en bien persuadés, un service maximum.
Le combat est loin d'être achevé. Ce n'est pas ma doctrine de taire ce qui doit être dit et de fuir les questions qui appellent des réponses audacieuses. Mon action ministérielle sera donc portée par l'intangible conviction qu'on ne saurait transformer la réalité sans avoir le courage de la regarder en face, sans avoir le courage de prendre des mesures adaptées à la culture, à l'histoire, à l'identité singulières des Guyanais. Je veux en finir avec le temps des mesures prises depuis la métropole, dans le confort de bureaux parisiens, et qui ne tiennent pas compte de ce fait évident : si la Guyane, c'est la France, la Guyane n'est pas l'Île de France.
La politique de prévention que je poursuivrai sera frappée au coin du réalisme, et tiendra le plus grand compte de l'évolution des moeurs et des paroles. Mon éthique est celle de la responsabilité. Nous ne sommes pas là pour juger mais pour comprendre et agir de telle sorte que les mesures nécessaires puissent produire tous leurs effets en termes de santé publique.
Les données épidémiologiques que le Conseil National de la Santé nous a rappelées dans un rapport récent sont éloquentes. La Guyane demeure le département français le plus touché par le sida. Depuis plusieurs années, le taux de séropositifs est supérieur à 1%. Concrètement, cela signifie qu'une personne sur soixante environ est touchée par le VIH en Guyane.
Les homosexuels sont, aujourd'hui encore, les personnes les plus exposées à la maladie. Plus d'un homosexuel sur deux, en Guyane, est séropositif. A Cayenne, plus d'une prostituée sur vingt est infectée par le VIH. Et si, pour des raisons évidentes, nous ne disposons pas de statistiques précises pour celles qui travaillent aux abords des zones d'orpaillage clandestin, nous savons que les chiffres sont encore plus alarmants.
Nos politiques de prévention ne peuvent ignorer ces données. Aussi convient-il de prendre en compte désormais l'augmentation préoccupante des pratiques à risques, notamment dans la mise en oeuvre de nos campagnes de prévention.
Les campagnes de communication générales, à spectre excessivement large, ont fait leur temps. Comme vous le savez, L'INPES a décidé de s'adresser directement aux Guyanais et aux Antillais par le biais d'une campagne qui leur est réservée, et dont je tiens à souligner d'une part la vraie beauté visuelle, et d'autre part la saine franchise : « arrêter le préservatif avant d'avoir fait le test, n'y pense même pas ».
C'est avec la même franchise, avec la même approche directe que je veux vous parler aujourd'hui de notre politique de prévention en Guyane.
Si nous voulons éviter que le discours moralisateur ne se substitue à l'efficacité préventive, les vraies questions devront être bien posées : posées de manière réfléchie, informée. A cet égard, il paraît nécessaire de déterminer précisément les causes qui expliquent l'avènement d'une « culture du risque », faite parfois de défi et de provocation, parfois d'insouciance, et beaucoup plus souvent de crainte et d'ignorance.
Sur ce sujet, nous avons la chance de pouvoir bénéficier de l'expérience des associations qui travaillent, depuis tant d'années, à la diffusion, au plus près des populations les plus exposées, d'outils de prévention. Et je sais combien ce bâton de pèlerin, en Guyane, est difficile à porter, tant il y a parfois de difficultés à atteindre les personnes les plus exposées au risque.
Je pense à l'éloignement géographique, bien sûr, mais aussi à la barrière culturelle et linguistique qui peut s'élever aussi. C'est donc avec les associations, dans un esprit de dialogue constructif, que je souhaite réfléchir aux moyens d'établir les conditions qui permettront de susciter l'adoption et le maintien de comportements préventifs par tous ceux, notamment les homosexuels, les immigrés de fraîche date, et les plus précaires d'entre les Guyanais.
Je pense aussi aux transsexuels dont l'image est trop souvent réduite à celle de la prostitution, et dont on connaît la vulnérabilité face à l'infection au VIH.
Enfin, je souhaite tout particulièrement que des actions adaptées puissent être menées en direction des femmes car elles présentent des spécificités vis-à-vis du VIH dont nous devons tenir compte dans un souci d'efficacité.
Nous avons tous conscience qu'en Guyane, 80% des séropositifs sont étrangers. C'est pourquoi il convient d'engager des politiques de prévention et de suivi adaptées à cette population particulière.
Ainsi, les publics peu scolarisés et les personnes en situation de précarité, ceux-là même qui sont les moins bien informés sur les modes de contamination, les moyens de se protéger, mais aussi les possibilités d'accès au dépistage et aux soins, doivent pouvoir bénéficier de programmes renforcés de manière à améliorer substantiellement les conditions d'accessibilité au dépistage et à mieux faire entendre les messages de prévention qui leur sont destinés.
Cette politique de prévention dynamique et ciblée doit se doubler d'une lutte vigoureuse contre toutes les formes de discrimination dont pourraient être victimes en Guyane celles et ceux qui ont été infectés par le VIH.
Nous devons lutter contre les discriminations parce que la loi nous l'impose.
Nous devons lutter contre les discriminations parce que le bons sens et la santé publique l'exigent.
En effet, tant que le sida restera marqué du sceau de l'opprobre, tant qu'on n'osera pas aller à l'hôpital se faire dépister, de peur d'y rencontrer un cousin ou un ami, tant qu'on n'osera pas en parler à son conjoint, dans la crainte d'être rejeté, on continue à prendre un risque considérable, pour soi et pour autrui.
Vous savez par ailleurs que la France accorde un droit au séjour pour les étrangers en situation irrégulière atteints par le VIH. Des officines particulièrement condamnables ont fait courir le bruit que certains immigrés s'inoculaient volontairement le VIH pour obtenir le droit de rester en Guyane. Selon elles, le sida vaudrait passeport.
Il va de soi que ces rumeurs ne correspondent à aucune réalité. La réalité, la voici : beaucoup d'immigrés - près de la moitié d'entre eux-n'apprennent leur séropositivité qu'une fois arrivés en Guyane, et à un stade où la maladie s'est déjà déclarée.
Je veux dire et répéter ici avec force que la France continuera à offrir le droit de séjour à ces malades. Il en va ici du respect que nous nous devons, non seulement à ceux qui sont dans la souffrance, mais à nous-mêmes, en tant que nation, fiers d'avoir reçus les droits de l'homme en héritage.
S'il convient de s'adresser de manière plus efficace aux publics prioritaires, notre politique préventive, de manière plus générale, poursuit deux grands objectifs : favoriser une large accessibilité aux préservatifs et aux moyens de dépistage, d'une part, et promouvoir une action continue d'information, de communication et d'éducation à la santé en direction de la population générale qui intègre aussi la nécessité de mieux prévenir les autres infections sexuellement transmissibles.
Ainsi, je souhaite rendre le préservatif encore plus accessible à tous.
Le préservatif à 20 centimes d'euros doit pouvoir être disponible de manière plus systématique en grandes surfaces. Mes discussions avec la grande distribution avance, et je viens de nouer une série de partenariats prometteurs.
Il convient également de faciliter la mise en place effective des distributeurs de préservatifs dans les lycées par des actions d'accompagnement.
La distribution gratuite de préservatifs par l'INPES, via les DDASS, aux associations et organismes menant des actions de prévention auprès des publics les plus exposés et les plus précaires, doit être encouragée.
L'accès au préservatif féminin, sur le marché français depuis le début de l'année, doit être facilité.
En matière de dépistage, notre stratégie doit évoluer. Les tests rapides devront être expérimentés dans diverses situations en Guyane, notamment hors les murs pour aller à la rencontre des publics qui ont moins recours au dépistage.
Si les données épidémiologiques donnent des signes d'espoir, elles nous incitent à poursuivre notre politique suivant une approche pragmatique et évolutive.
C'est bien le pragmatisme de cette politique qui nous a permis, par exemple, de mieux maîtriser la transmission du VIH chez les usagers de drogues en métropole, population désormais moins touchée que dans les années quatre-vingt. Gageons que nous pourrons, dans les années qui viennent, obtenir des résultats aussi encourageants, concernant les personnes les plus exposées et qui doivent être prioritaires !
Si les institutions nationales, les associations locales et les décideurs publics ont un grand rôle à jouer, cette action collective ne sera efficace que si elle est coordonnée depuis la Guyane, par quelqu'un qui connaît cette terre, qui connaît ses problématiques les plus complexes.
En un mot, nous avons besoin en Guyane d'un pilote, qui coordonnera toutes les actions de lutte contre le sida.
En accord avec ma collègue du ministère de l'Intérieur, Michel Alliot-Marie, et Yves Jégo, secrétaire d'Etat à l'Outre-Mer j'ai choisi de nommer Monsieur le Préfet Laflaquière à la tête de nos politiques de lutte contre le SIDA. La responsabilité que nous lui confions aujourd'hui est considérable, et je souhaite que les résultats qu'il obtiendra nous encouragent à reproduire ce modèle aux Antilles, où, vous le savez, la question du Sida se pose selon des termes similaires.
Monsieur le Préfet Laflaquière sera assisté dans cette charge par le Docteur Mathieu Nacher, médecin à Cayenne, Président du Corevih, que je remercie d'avoir accepté cette lourde responsabilité.
En complément, nous allons recentrer nos efforts sur ce sujet en redéployant 1Meuros de crédits pour la mise en oeuvre de cette nouvelle mission.
La lutte contre le sida en Guyane appelle désormais une prise de conscience et une mobilisation collective de toutes celles et tous ceux qui font vivre ce département.
Je travaillerai en ce sens, avec la plus grande détermination, fidèle aux convictions qui sont les miennes, désireuse de nouer avec nos partenaires associatifs, et avec les représentants locaux, les liens privilégiés qui nous permettront de poursuivre efficacement le combat.
Je vous remercie.Source http://www.guyane.pref.gouv.fr, le 15 mai 2008