Texte intégral
R. Sicard.- Cela fait un an que N. Sarkozy est à l'Elysée. Ce soir, il intervient à la télévision. Qu'est-ce que vous, responsable d'un des principaux syndicats, vous attendez de cette intervention ?
R.- J'attends trois choses en fait, en partant du plus large au plus précis. Le président de la République, dans quelques jours, quelques semaines, il va être président de l'Europe...
Q.- Au mois de juillet.
R.- Au mois de juillet. Face à la crise financière internationale, face à la crise alimentaire internationale et ses conséquences en France en termes d'économie mais aussi en termes de pouvoir d'achat, j'aimerais bien savoir qu'est-ce qu'il va faire, qu'est-ce qu'il va proposer avec ses collègues européens, pour essayer de maîtriser les finances internationales, mais aussi de relancer l'économie pour faire augmenter le pouvoir d'achat. La deuxième chose, le président de la République a lancé une réforme de l'Etat dans un bazar monstrueux. On voit bien : on supprime la carte transports, on la recrée, on modifie les allocations familiales...
Q.- La carte famille nombreuse, vous voulez dire ?
R.- Oui, oui, la carte famille nombreuse. On modifie les allocations familiales, on revient dessus, on fait une réforme des armées, on fait une réforme de l'éducation nationale...
Q.- Vous dites qu'il y a des cafouillages, il faut éclaircir tout cela ce soir ?
R.- Je dis d'abord : donnez du sens. Qu'est-ce qu'il veut faire avec l'Etat ? Quel est le service qu'il veut rendre à la Nation ? Et puis, qu'il parle aux fonctionnaires qui sont inquiets, où il y a beaucoup de mécontentements. Qu'est-ce qu'il attend des fonctionnaires ? Et puis, le troisième sujet, c'est les sujets sociaux d'actualité : qu'est-ce qu'il va garder des retraites et quel est le message qu'il va faire passer aux lycéens. Qu'est-ce qu'il propose aux lycéens pour leur avenir ?
Q.- On va reprendre ça dans l'ordre. Commençons par le pouvoir d'achat. Qu'est-ce que vous attendez de lui sur ce point ? Est-ce que, par exemple, vous souhaitez qu'on lie les aides aux entreprises à l'engagement de négociations sur les salaires ?
R.- S'il y a un débat qu'on a actuellement avec le Gouvernement, nous, ce qu'on a toujours souhaité, et j'espère qu'ils vont le mettre en oeuvre, c'est qu'on donne une partie de conditions aux allègements de charges, et les conditions c'est des négociations dans les entreprises et des résultats. Mais on voudrait aussi que le président de la République nous parle de ce qu'il peut faire en tant que chef d'Etat. Sur les transports, on a beaucoup parlé de carte Transports. On a les gens d'Ile-de-France, quand ils voyagent, ils ont une carte de chemin de fer qui est payé en particulier par l'employeur. Ceux qui prennent leur voiture... On est en train de dire : un chômeur doit reprendre un emploi à une heure de trajet. Mais une heure de voiture en province, cela coûte très cher. Donc, comment on aide les gens dans les transports ?
Q.- Donc, il faut subventionner les transports en commun, davantage ?
R.- On a proposé depuis longtemps une carte Transports, pour avoir des aides financières pour aller travailler, parce qu'aujourd'hui, ça sanctionne certaines personnes, les transports, quand ils vont travailler, en particulier les bas salaires. Puis, on a aussi le problème d'accès au logement. Le président de la République nous dit : on va faire sortir des HLM une partie des classes moyennes, parce qu'ils gagnent trop. Mais si on ne construit pas des logements, qu'ils n'ont pas d'accès au logement, ils vont rester dans les HLM et il y a des personnes qui auront des difficultés. Les transports, le logement, ça coûte très cher aujourd'hui dans le budget des ménages. Il faut qu'il nous dise quelle est la politique de l'Etat sur ces sujets-là.
Q.- Sur les fonctionnaires, l'objectif reste de ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, est-ce que là-dessus, vous êtes prêt à discuter ?
R.- Nous, l'objet c'est qu'est-ce qu'on attend de l'Etat, qu'est-ce qu'on attend de la fonction publique pour pouvoir rendre un service aux citoyens. C'est cela la fonction publique. Et en fonction de cela, on attaque le nombre de fonctionnaires. On n'a pas de tabou sur le nombre de fonctionnaires. Nous, ce qui est important, c'est le service qu'on rend à la population. Et sur ce sujet-là, il me semble qu'il doit y avoir un débat public, en particulier, un débat au Parlement, parce que c'est quand même le service de la nation. Et ça ; il faut en débattre.
Q.- Sur le Smic, est-ce qu'il faut un coup de pouce ?
R.- On va avoir une augmentation du Smic normale, mécanique, là, le 1er mai. Ce qui veut dire que le pouvoir d'achat, [ou plutôt] l'inflation augmentation d'une façon importante. Ce n'est pas arrivé depuis pratiquement une vingtaine d'années. Il faut avoir un débat sur le montant du Smic pour le mois de juillet, pour le coup de pouce, mais il faut aussi avoir un débat sur...
Q.- Vous réclamez combien ? Quel coup de pouce ?
R.- Mais le vrai débat qu'il y a, c'est faire en sorte que les salariés ne restent pas au Smic toute leur vie, et qu'il y ait un déroulement de carrière. On peut toujours augmenter le Smic, mais si les personnes restent au Smic toute leur vie, ce n'est pas cela qui leur donne une perspective de carrière. Donc, il faut débattre avec les allègements de charges, et débattre dans les négociations pour que les salariés ne restent pas au Smic.
Q.- Sur les retraites, on va passer sans doute à 41 ans, peut-être même 42 ans dans l'avenir. Est-ce que sur ce point-là, il y a une négociation possible ?
R.- Oui, il y a une négociation possible, parce que c'est la loi qui exige cette négociation. La loi que j'ai soutenue...
Q.- Les autres syndicats disent non, pas question.
R.- Attendez ! La loi de 2003, que j'ai soutenue, dit : passage à 41 ans mais avec des conditions. Et une des conditions c'est l'emploi des seniors, c'est-à-dire l'emploi des salariés de 55 à 65 ans. En France, on est très faible. Donc, nous, on souhaite un report de cette décision-là, et qu'on travaille sur le fait que les seniors restent en emploi jusqu'à l'âge de la retraite. Autrement, on fait financer ce passage à 41 ans par une minorité.
Q.- Et l'idée d'obliger justement les seniors à rechercher un emploi, cela vous paraît une bonne idée ? C'est ce que demande C. Lagarde.
R.- Mais vous savez, les seniors, ils reprennent un emploi si on leur en propose un. Il faut les aider, il faut les accompagner.
Q.- Mais est-ce qu'ils doivent chercher un travail ?
R.- Tous les chômeurs doivent chercher un travail.
Q.- Obligatoirement ?
R.- Tous les chômeurs doivent chercher un travail. Mais l'objet du débat avec Mme Lagarde, c'est de faire en sorte que le service public de l'emploi les accompagne pour chercher un travail. C'est très compliqué pour trouver un travail. On a une difficulté entre l'employeur, qui a un emploi disponible, et le chômeur. Donc, il faut travailler sur ce sujet-là. Après, on parlera du reste...
Q.- Sur le dossier des salariés sans-papiers, ils sont très aidés par la CGT. On vous a moins entendu.
R.- La CFDT travaille tous les jours sur ce problème des sans-papiers avec les associations. Alors, avec moins de visibilité, je le reconnais. La CGT fait une action très visible. Et aujourd'hui...
Q.- B. Hortefeux dit que ce sera du cas par cas.
R.- Nous, la proposition qu'on fait, avec les associations, en particulier la Cimade - la Cimade c'est une association qui aide les sans-papiers dans les centres de rétention, c'est eux qui font ce travail-là - donc, on propose et ils proposent, eux, qu'on fasse une réunion avec le Gouvernement et le Premier ministre, avec les syndicats, les associations qui font un travail énorme au quotidien sur ce sujet-là, et les employeurs, pour décider des règles de régularisation de ces sans-papiers. Donc, on a besoin de cette conférence pour qu'on aide ces personnes qui travaillent, qui payent des impôts...
Q.- Régularisation générale, selon vous, ou pas ?
R.- Nous ne sommes pas sur une régularisation générale. Mais là, on a des salariés qui sont embauchés avec un contrat de travail, avec un salaire en fonction de la convention collective, qui payent des impôts. On ne trouve personne pour faire leur emploi. C'est normal qu'ils soient régularisés.
Q.- Sur un autre dossier, la représentativité des syndicats, jusqu'ici, depuis 1966, tout était bloqué. Là, on remet tout à zéro. Qu'est-ce que cela va changer pour les Français ?
R.- Cela va changer d'abord pour les salariés une chose essentielle : ce n'est plus le Gouvernement qui décidera, ou la loi qui décidera, qui c'est qui négociera dans leur entreprise, ce sera eux, par leur vote, qui vont désigner en quelque sorte les syndicats qui négocient, et il faudra faire plus de 10 % dans l'entreprise pour négocier et signer un accord. Cela veut dire qu'il y aura une maîtrise de la part des salariés, qui désigneront les négociateurs et ceux qui négocient. Et ensuite, plus de transparence dans nos comptes. C'est normal qu'on rende des comptes sur l'argent qu'on utilise.
Q.- Juste un mot sur le 1er mai, c'est la semaine prochaine, y aura-t-il unité syndicale ?
R.- En tout cas, pour ce qui est de a CFDT, je manifesterai à Paris avec d'autres syndicats, en particulier la CGT, la FSU et l'Unsa.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 24 avril 2008