Texte intégral
R. Duchemin.- C'est le secrétaire général de Force Ouvrière qui répond à "Question du jour" ce matin. Bonjour J.-C. Mailly.
Bonjour.
Merci d'être avec nous en dupleix depuis Poitiers ce matin. Le Président, dites moi, vous a rendu hier un sacré hommage aux syndicats, sur pas mal de dossier d'ailleurs. C'était pourquoi, mieux faire passer la pilule des réformes qui arrivent ?
Oui parce que dans le même temps, le président de la République considère qu'il n'a pas à mener de visibilité ou de lisibilité sur la politique qui est menée. Sur la plupart des dossiers, il a confirmé ce qui se disait ou était annoncé ces dernières semaines. Et puis on peut rendre hommage aux syndicats, c'est bien, mais dans le même temps, quand on prend un dossier comme celui de l'assurance chômage, par exemple, on voit très bien que le Gouvernement veut décider de la négociation sociale. Donc il y a une contradiction en la matière.
Vous l'attendiez, je suppose, sur la question du pouvoir d'achat. Peut mieux faire visiblement, il reconnaît qu'il n'a pas de baguette magique, mais il promet par exemple de l'intéressement et vite d'ailleurs avec un texte sur la table dans les 15 jours pour les salariés. Ca c'est une bonne nouvelle ?
Ce n'est pas aussi évident que cela, parce qu'il faut bien comprendre que ce qui compte d'abord pour les salariés, ce sont les salaires en tant que tel. C'est d'ailleurs sur les salaires qu'il y a des cotisations sociales et ça garantit à la fois l'assurance maladie, l'assurance chômage ou l'assurance retraite. Donc il ne faut pas qu'il y ait de substitution de l'intéressement au salaire, c'est un élément qui apparaît essentiel. Alors sur la question salariale, le président de la République personne ne lui demande d'être un magicien, il est président de la République, mais il y a des dispositions qu'ils pourraient prendre ou qu'ils pouvaient faire prendre, notamment quand ils sont en situation d'employeur dans la fonction publique, par exemple, et qu'ils ne prennent pas. Et donc, là-dessus, c'est une déception, il n'y a rien de fondamental. Vous savez, l'intéressement ça fait quelques mois qu'on nous en parlait.
La flambée, il n'y peut pas grand-chose non plus mais il dit qu'il va s'attaquer aux grands distributeurs, ça c'est aussi une manière de rendre du pouvoir d'achat aux Français. La loi Galland et Raffarin : il faut revoir ; c'était une déclaration qui allait dans le bon sens ?
Là aussi, rien de bien nouveau. Cela fait des mois qu'on nous dit, il y a un problème de pouvoir d'achat, mais pour le régler ou vous bossez plus ou vous attendez que les prix baissent. Et moi je veux dire que sur les prix, bien sûr que ça augmente trop, tout le monde en est bien conscient, mais ce n'est pas aussi simple que ça. Vous savez une grande entreprise multinationale peut avoir du poids sur des grands groupes de distribution, mais des grands groupes de distribution peuvent aussi avoir du poids sur des PME. Donc ce n'est pas aussi simple que ça et attention non plus à ne pas trop développer le hard discount parce que le hard discount c'est aussi le hard discount en matière de salaires et de conditions de travail. Donc là-dessus aussi, j'appelle plus qu'à la prudence et c'est une manière de ne pas répondre aux questions salariales.
Beaucoup de pédagogie donc dans cette intervention télévisée du chef de l'Etat et pas forcément beaucoup de nouveautés, vous attendiez quoi précisément ?
Ecoutez j'attendais rien de particulier. Tout le monde disait il faut voir s'il va y avoir de la visibilité, de la lisibilité. Or ça a été l'addition des mesures annoncées depuis ces derniers temps avec des erreurs de conception qui ne sont pas obligatoirement celles du président de la République tout seul, celles du Gouvernement aussi. Par exemple sur le dossier retraite. Je continue à Force ouvrière à expliquer qu'on peut rester à 40 ans de cotisations pour avoir une retraite à taux plein, on n'est pas obligé de passer à 41 ans, on a fait des propositions, mais visiblement, dès qu'il faut toucher ou un peu plus d'impôts sur le capital ou autre, eh ben ! Ça gêne. On voit donc que le Gouvernement est d'une certaine manière soumis au contexte européen, soumis au contexte international avec des marges de manoeuvre très réduites, et on le voit bien qu'il n'a pas le courage de surmonter ça.
Sur cette question-là, 41 ans de cotisations, visiblement N. Sarkozy sera intraitable sur la question. Il n'y a pas vraiment de négociations possibles, tout comme d'ailleurs sur la question du conflit en ce moment en cours avec les lycéens, pas de quartier, c'est prévu, ce sera fait les suppressions de postes dans l'enseignement. C'est un dossier sur lequel, vous comptez encore vous battre vous, à FO ?
Bien sûr, bien sûr parce qu'attendez, c'est deux dossiers, deux des dossiers chauds aujourd'hui : le dossier des retraites et le dossier de l'enseignement avec les lycéens et les enseignants. Sur ces deux points, en gros il envoie bouler tout le monde. Il dit : ce sera 41 ans - d'ailleurs il connaît mal la loi de 2003, c'est une évidence. Il ne veut pas voir comme le Gouvernement qu'il y a d'autres choix possibles. Et du côté des enseignants et des lycéens, on voit très bien que les manifestations continuent, on ne peut pas avoir une réflexion, comme l'a le Gouvernement aujourd'hui, qui consiste à dire « écoutez vous manifestez, vous êtes manipulés » etc. Enfin c'est un vieux schéma qu'on connaît. Je crois que quand il y a des manifestations, quand il y a de l'inquiétude... vous savez, si le président de la République considère que quand on est jeune, on doit être inquiet, écoutez, c'est une drôle de conception de la jeunesse pour moi. La jeunesse, ça doit être aussi l'insouciance, or c'est tout le contraire aujourd'hui, il devrait faire attention.
Eh bien ! On vous attend donc sur ce dossier, sur d'autres J.-C. Mailly. Merci d'avoir été en direct avec nous ce matin sur France Info.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 25 avril 2008