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NVO - La CGT appelle à un référendum sur ce qu'on appelle le « mini-traité » européen. Une ratification parlementaire est cependant prévue dans quelques semaines...
Bernard Thibault - Il est pour nous anormal que, sur un sujet qui a passionné, qui a été dans le pays un sujet de polémique démocratique, qui a valu un référendum, qu'après une négociation intergouvernementale et l'élaboration d'un traité révisé, on ne réinterroge pas les citoyens à son sujet. Quant au contenu, nous sommes de ceux qui considèrent que, loin d'avoir réglé les problèmes ou atténué les critiques qui avaient valu un rejet majoritaire du projet de traité initial, la nouvelle mouture présentée, qui est tout sauf un traité simplifié, non seulement ne règle pas la situation, mais aurait au contraire tendance à entretenir le fossé entre le texte et les attentes, notamment au plan social. Au point que la charte des droits sociaux fondamentaux n'est pas intégrée dans le texte, et que certains pays obtiennent des dérogations à son application.
La CGT avait une appréciation négative à la séquence précédente, c'est le cas aussi pour cette séquence-ci. Même si ce n'est pas l'avis majoritaire du syndicalisme européen. Je constate, toutefois, que bien des syndicalistes remarquent l'écart entre les attentes sociales et syndicales d'une part et ce qu'est susceptible de générer l'Union européenne comme vision d'avenir d'autre part. Ce qui explique que, dans bien des pays, on hésite à donner la parole à la population pour savoir ce qu'elle en pense, ou on la lui refuse.
Il reste, c'est vrai, quelques semaines avant la ratification parlementaire, et le calendrier se resserre, mais des organisations ont pris des initiatives publiques pour rappeler l'appréciation de la CGT et militer en faveur de l'organisation d'un nouveau référendum dans le pays. On peut encore prendre des initiatives, ne serait-ce que pour sensibiliser tant sur la procédure que sur le fond. Pour notre part, nous sommes de ceux qui sont porteurs de démocratie, également pour ce qui concerne les choix politiques européens.
NVO - Vous avez participé au conseil général de la Confédération syndicale internationale (CSI) en décembre à Washington. Quels en étaient les enjeux ?
Bernard Thibault - Nous avons fait le point sur notre activité. Nous sommes encore dans la phase d'installation de cette nouvelle Internationale, notamment pour ce qui est des structures continentales. Cela a progressé, mais reste encore relativement lent au regard des urgences. Parmi les décisions politiques importantes, nous avons finalisé la perspective d'une journée mondiale d'action - qui était une décision de congrès - le 7 octobre 2008, dans le monde entier, sur le thème du travail décent : lutte contre le travail informel, pour des salaires décents, pour des conditions de travail décentes... Nous allons regarder comment sera organisée cette journée en France, avec les autres syndicats également membres de la CSI.
Autre axe de travail concret : la structuration d'interventions syndicales coordonnées à l'intérieur de groupes multinationaux. C'était d'ailleurs l'un des objectifs sur lequel nous avons travaillé lors de notre séjour au Brésil à l'invitation de la CUT. Nous avons convenu de l'accroissement de coopérations syndicales franco-brésiliennes dans une dizaine de multinationales françaises présentes au Brésil, en termes revendicatifs.
NVO - Vous étiez donc au Brésil en décembre, vous y avez rencontré la centrale brésilienne, la CUT, mais aussi le président Lula, syndicaliste aujourd'hui à la tête de l'État.
Bernard Thibault - La CUT est la première confédération syndicale nationale, avec 17 millions d'adhérents pour un pays d'un peu plus de 180 millions d'habitants. C'est une grande organisation, pour laquelle la lutte pour faire reculer les inégalités tient une place centrale. Et ce, dans une configuration politique singulière, puisqu'effectivement le président Lula est issu des rangs de la CUT. J'ai eu l'occasion de le croiser rapidement, à l'issue d'une marche des travailleurs brésiliens à laquelle a participé la délégation CGT. À la grande différence de la France, le président Lula a reçu le soir même les dirigeants syndicaux pour leur annoncer que trois de leurs revendications importantes seraient satisfaites. Il s'agissait notamment que le Brésil adhère à deux conventions internationales de l'OIT, concernant la liberté syndicale et les droits à la négociation collective.Source http://www.cgt.fr, le 20 mai 2008