Entretien de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, dans "Le Point" du 22 mai 2008, sur la crise alimentaire internationale.

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Média : Le Point

Texte intégral

Q - Quelles sont les raisons de cette crise alimentaire ?
R - Cessons de dire que cette crise est due à la demande alimentaire des pays émergents. Elle est principalement liée au déficit croissant entre la production de denrées et leur consommation. Certes, il y a la flambée des cours du pétrole, mais les stocks agricoles ont diminué et nous sommes en flux tendu dans la plupart des pays en voie de développement depuis plusieurs années. Pour 2 milliards d'individus qui vivent avec moins de deux euros par jour et dont le budget consacré à la nourriture s'élève à 70 %, c'est dramatique ! Sans parler de la population qui ne peut pas acheter de nourriture. Chaque année, notre planète compte 80 millions de personnes supplémentaires. Nous allons vers des tensions fortes.
Q - Dès lors, faut-il aller plus loin dans la libéralisation du marché des produits agricoles ?
R - Je suis pour la régulation du marché. Il y a encore deux ans, on nous expliquait que nous étions dans une situation de surproduction mondiale et que les cours chutaient. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Et, en plus, nous avons une propension à brûler de la nourriture pour fabriquer de l'énergie.
Q - Quels remèdes apporter ?
R - Beaucoup de pays ont délaissé leurs cultures vivrières parce que les prix des produits importés étaient moins élevés. Or, paradoxalement, cette hausse des prix est une formidable occasion de relancer les productions locales, qui redeviennent compétitives. J'ai vu au Sénégal des commerçants venir chercher des sacs de riz au bout du champ du paysan. La France prendra donc sa part dès qu'il s'agira de promouvoir des partenariats entre des entreprises privées et les autorités locales. Quand les initiatives seront bonnes, les financements seront là.
Q - L'aide de la France n'est-elle pas encore insuffisante ?
R - Quand je m'ausculte, je m'inquiète, mais quand je me compare, je me rassure. Nous avons doublé notre contribution au Programme alimentaire mondial, à 60 millions d'euros. Si tous les pays en faisaient autant, le problème de l'aide d'urgence serait réglé.
Q - Le président sénégalais critique la FAO, l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, accusée d'être un "gouffre financier". Qu'en pensez-vous ?
R - Personne ne peut prétendre que la distribution de l'aide internationale est d'une grande simplicité. Des crédits sont happés au passage pour faire fonctionner le système. On peut réfléchir à la manière d'améliorer les choses.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2008