Texte intégral
R. Sicard.- Bonjour B. Thibault. Mobilisation aujourd'hui pour la défense des retraites, contre le passage aux 41 ans de cotisation. Mobilisation apparemment plus faible que prévue. Est-ce que vous êtes déçu ?
Non, non, je ne crois pas.
Dans les transports en tout cas.
Non, non, je ne crois pas. Moi, je vous demande de ne pas considérer la journée de mobilisation d'aujourd'hui comme étant d'abord et uniquement une journée de mobilisation dans le seul secteur des transports. Ce serait totalement faux. C'est une journée de mobilisation interprofessionnelle, avec l'objectif, notamment, d'avoir le maximum de salariés intervenant dans cette journée pour dire leur désaccord. Cela peut prendre différentes formes. Il va y avoir des débrayages d'une heure, de deux heures, dans les entreprises, et dans le secteur privé comme dans le secteur public. L'objectif n'est pas, aujourd'hui, d'avoir tout le monde en grève, qu'il s'agisse des transports ou des autres activités. Et vous verrez, je l'espère, puisque les indications que nous avons sont plutôt prometteuses, que nous aurons confirmation, notamment par l'ampleur des manifestations, que le gouvernement devra revoir sa copie sous la pression.
Alors, justement, hier soir, sur France 2, F. Fillon disait qu'il n'était pas question de revenir sur les 41 ans de cotisation. Vous espérez quand même le faire changer d'avis ?
Bien sûr, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec l'ensemble des syndicats... Moi, je remarque que, contrairement à ce qui a pu se passer en d'autres séquences, aujourd'hui, tous les syndicats demandent au gouvernement qu'il revoit sa copie sur les perspectives concernant les retraites. Parce que le droit au départ à 60 ans n'est pas assuré, parce que le niveau des retraites à l'avenir ne sera pas assuré par les réformes qu'envisage le gouvernement, parce qu'on ne reconnaît toujours pas la pénibilité du travail - et je rappelle, de ce point de vue là que nous sommes face à une position intransigeante du Medef, qui considère aujourd'hui que pour avoir le droit au départ anticipé dans les travaux pénibles, il faudrait passer devant une commission médicale qui constaterait en quelque sorte que vous êtes à demi-mort et que cela vous autorise à ce moment-là à cesser votre activité professionnelle. C'est donc inacceptable. Faire reculer les inégalités hommes-femmes à la retraite, voilà autant de sujets sur lesquels l'approche gouvernementale, non seulement n'apporte pas de solutions satisfaisantes, mais va dégrader la situation.
Mais sur les 41 ans, les syndicats ne sont pas tous d'accord. Par exemple, la CFDT dit : "si le travail des seniors s'améliorait, si les gens pouvaient travailler plus longtemps, les 41 ans pourraient être envisagés".
Moi, je remarque aujourd'hui que tous les syndicats disent que le gouvernement doit revoir sa copie. Il y a des nuances sur ce qu'il conviendrait de faire à l'avenir. Pour l'instant, et c'est le point commun de cette mobilisation d'aujourd'hui, aucun syndicat n'est satisfait par l'approche que fait le gouvernement de l'avenir des retraites.
Mais vous, sur les 41 ans, il n'y a aucune négociation possible ?
Mais nous considérons, et nous sommes à avoir le débat public dans le pays, et nous voyons bien que le gouvernement ne veut pas créer les conditions d'un vrai débat sur les options possibles. Il y a une possibilité, des possibilités d'envisager d'autres sources de financement que de demander aux salariés qui sont au travail de continuer à travailler plus longtemps. Le premier facteur de déséquilibre sur les moyens financiers, c'est qu'on demande à une population réduite, au travail, de subvenir au financement des retraites, sur une population qui va sans arrêt d'étendre. On ne pourra pas demander à ceux qui sont au travail de continuer à travailler à 75 ans alors que les jeunes ne parviennent pas à entrer dans les entreprises...
On n'en est pas encore là !
Eh bien, écoutez, j'entends dire, dès lors qu'il y a un accroissement de l'espérance de vie, il faudrait automatiquement passer cette séquence là au travail. On va nous expliquer qu'il va falloir accepter de travailler à 75 ans pour avoir un revenu décent. Parce qu'une des conséquences, c'est que votre durée d'activité entraîne le montant de votre future retraite. Or, ce que nous constatons, c'est que nous avons de plus en plus de retraités salariés pauvres.
Mais quand même, sans aller jusqu'à 75 ans, est-ce que l'allongement de la durée de la vie, cela n'implique pas, comme le dit le gouvernement, de travailler un petit peu plus longtemps, un an de plus, deux ans de plus ?
Mais il y a déjà plusieurs problèmes. Les jeunes voudraient commencer à travailler très tôt. Ils ne peuvent pas. Alors, plutôt que de demander à ceux qui sont dans l'entreprise de rester au travail, regardons les actions qui permettent d'étendre la population en âge de travailler qui soit effectivement au travail. Et ce débat là, nous ne l'avons pas. Nous considérons donc que l'allongement de la durée de cotisation qui fixe le montant de la retraite que toucheront les salariés est une fausse solution qui entraîne d'ailleurs aujourd'hui une diminution du niveau des retraites versées pour ceux qui sont déjà partis.
Mais qu'est-ce que vous proposez vous pour rééquilibrer le système ? Il faut taxer les stock-options. Que faut-il taxer ?
Il faut revoir l'assiette de financement, nous l'avons toujours dit. Et plusieurs syndicats l'ont dit. La Cour des comptes l'a dit. Il y a des éléments aujourd'hui de rémunération qui ne sont pas soumis à cotisation. Il faut donc envisager cela. Le Gouvernement - ce gouvernement - refuse toujours que l'on débatte d'un autre partage des richesses produites. On demande uniquement aux salariés de faire les efforts. On nous dit : travaillez plus pour gagner plus. Ce n'est absolument pas automatique. Les salariés peuvent faire le constat qu'ils travaillent plus, que des entreprises peuvent s'enrichir mais qu'ils n'ont pas retour sur la richesse qu'ils produisent. Et nous considérons donc qu'il faut accepter ce débat sur un nouveau partage de la richesse produite.
Aujourd'hui, dans les transports, il y a le service ou service garanti, qui s'applique. Vous étiez contre. Est-ce que vous avez le sentiment que cela change la donne ?
Non, je ne crois pas. Chacun s'aperçoit de ce qui se passe. Pour les agents concernés...
Ça roule plutôt bien, apparemment ?
Ça, ce n'est pas le service minimum. C'est le nombre de grévistes déclarés. Dès lors que nous ne nous sommes pas donné comme objectif la grève à tout prix, ce sont les agents qui décident à quel niveau ils participent à cette journée d'action. Et ça a été principalement des préavis de grève pour couvrir ceux voulant aller aux manifestations, et encore une fois, j'espère qu'il y aura beaucoup de monde dans les manifestations.
Sur les 35 heures, l'UMP veut les supprimer, le Gouvernement dit qu'il n'en est pas question. Comment vous analysez cette divergence ?
Il y a, là encore, de la polémique, de la cacophonie. On ne sait pas exactement à quoi s'en tenir pour l'instant. C'est forcément très curieux d'entendre un secrétaire général de parti majoritaire, aujourd'hui au pouvoir, avoir une position...
P. Devedjian...
... Et le secrétaire général adjoint...
X. Bertrand...
... Parallèlement ministre, avoir une autre position. Une chose est sûre, et je tiens à le dire, la CGT n'acceptera pas de voir détourné l'accord que nous avons approuvé pour modifier les règles de la négociation, de la représentativité syndicale, pour permettre au Gouvernement d'avoir une autre approche sur le temps de travail. Si Gouvernement veut ouvrir un débat sur le temps de travail, qu'il l'accepte de le faire avec les organisations syndicales et les organisations patronales. Je veux dire au passage qu'il est faux de considérer que tous les salariés sont aux 35 heures dans notre pays, près d'un salarié sur deux, n'est toujours pas aux 35 heures. Mais pour ce qui est de la CGT, il est hors de question que cette réforme de la représentativité syndicale soit en quelque sorte prise en otage pour une approche politique que nous connaissons, qui n'est pas très originale, qui consisterait à remettre en cause l'acquis que représentent les 35 heures.
La durée légale, ça doit rester 35 heures ?
La durée légale évidemment doit rester 35 heures. Et je rappelle que cela fait partie des revendications au niveau européen pour l'ensemble du mouvement syndical que de parvenir à cette durée légale du temps de travail.
Sur le dossier des travailleurs sans-papiers, la CGT était très en pointe sur ce dossier. Où est-ce qu'on en est ? Cela avance, cela n'avance pas ?
Nous continuons de l'être et, manifestement le Gouvernement ne fait pas ce qu'il faut pour prendre au sérieux cette situation. Il y a eu plusieurs centaines de travailleurs sans-papiers qui ont collectivement décidé, dans un cadre syndical, de dévoiler leur situation et d'avoir recours à l'arrêt de travail, en occupant y compris les entreprises dans lesquelles ils travaillent. Manifestement, le Gouvernement veut tergiverser et je dis que s'il tergiverse, il va être sur ce sujet-là de nouveau confronté à une multiplication des conflits. Il serait donc temps qu'il nous prenne vraiment au sérieux sur cette situation.
N. Sarkozy est depuis un an à l'Elysée. Quelle note vous lui donnez ?
Il n'y a pas la moyenne. Et je ne suis pas sûr même qu'il serait apte à un redoublement.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 22 mai 2008