Conférence de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et interview à la télévision, sur les relations entre la France et les Emirats arabes unis, le différend frontalier avec l'Iran, la situation en Irak et l'état du processus de paix au Proche-Orient, Abou Dhabi le 6 mars 1999.

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Circonstance : Voyage de M. Védrine dans les Emirats arabes unis et au Qatar le 6 mars 1999, au Koweit le 7

Média : Presse étrangère - Télévision

Texte intégral

CONFERENCE DE PRESSE A ABOU DHABI LE 6 MARS 1999

Avant de commencer, je voudrais dire que j'ai appris pendant le déjeuner avec une grande tristesse le décès de l'Emir de Bahreïn, Cheikh Issa bin Salmane al Khalifa. C'était une personnalité dont la sagesse était reconnue. Il existait des liens étroits entre la France et Bahreïn depuis longtemps. J'ai eu personnellement l'occasion d'être reçu par lui il y a de nombreuses années. Naturellement la France s'associe à la tristesse du peuple du Bahreïn dans ce moment douloureux.
Je suis venu à Abou Dabi pour procéder à des consultations politiques dans le cadre des relations très étroites qui existent entre la France et la Fédération des Emirats arabes unis, relations très étroites qui constituent un véritable partenariat. Je voudrais rendre hommage à Cheikh Zayed et à l'action qu'il mène à la tête de cette Fédération depuis longtemps, avec des résultats spectaculaires. Le développement de la Fédération, aussi bien à travers ce que l'on peut voir en circulant, ce que l'on peut observer quand on revient dans ce pays - j'y suis déjà passé trois fois dans le passé -, qu'à travers ce que l'on peut lire quand on étudie les données économiques et politiques de ce pays, est impressionnant. Vous savez que cette amitié, ce partenariat, se concrétisent à travers une amitié personnelle forte entre les deux chefs d'Etat de la France et de la Fédération des Emirats arabes unis.
J'ai été longuement reçu par Cheikh Zayed ce matin. Nous avons abordé les grands sujets qui, je crois, intéressent en commun les deux pays. Nous avons fait le point des relations bilatérales, et nous avons surtout parlé de la situation dans la région et confronté les analyses en ce qui concerne l'Iraq, naturellement et nous avons également parlé des relations respectives de nos deux pays avec l'Iran. Cheikh Zayed, le ministre des Affaires étrangères, ainsi que le chef d'Etat-major et le vice-président avec lesquels jai eu également des conversations mont longuement parlé des îles de Tomb et d'Abou Moussa. Je leur ai rappelé la position de la France à ce sujet en faveur d'un règlement pacifique. Comme lavait indiqué le président de la République française ici même en décembre 1997, à nos yeux ce règlement pacifique peut résulter soit de négociations bilatérales que nous encourageons, ou, sil le faut, dun recours à la Cour internationale de Justice. J'ai indiqué dans quel esprit la France avait décidé d'accompagner les développements récents de la politique iranienne, et pourquoi j'étais allé à Téhéran en août dernier, pourquoi javais reçu le ministre des Affaires étrangères iranien à Paris, et pourquoi le président de la République iranienne allait se rendre prochainement à Paris. L'échange sur ce point ma paru particulièrement important dans le cadre du dialogue franco-émirien.
Nous avons ensuite parlé de la question iraquienne. J'ai rappelé l'attention très grande de la France pour ce problème. J'ai redit l'attachement de la France à des solutions politiques préservant la stabilité de la région, ainsi que notre attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Iraq. J'ai estimé que les développements militaires récents ne servaient pas ces objectifs. J'ai rappelé les idées françaises qui ont été présentées le mois dernier au Conseil de sécurité et qui gardent naturellement toute leur valeur et toute leur actualité. Ce sont des idées qui prennent en compte le besoin régional de sécurité, qui sont fondées sur la mise en place d'un système de surveillance pour empêcher tout nouveau développement en Iraq de programme d'armement prohibé et dangereux pour ses voisins. Ce sont des idées qui sont également complétées par un dispositif visant à empêcher que les revenus financiers de la vente de pétrole puissent être détournés à des fins de réarmement. Ces idées permettraient selon nous de lever l'embargo qui ne correspond plus à aucune nécessité stratégique, et qui ne fait souffrir que la population iraquienne. Nos idées sont connues, nous en parlons avec nos partenaires au sein du Conseil de sécurité. J'en ai reparlé ici comme j'en reparlerai à mes autres interlocuteurs dans la région. Jai rencontré ici un grand intérêt sur le sujet. J'ajoute que le dialogue franco-americain se poursuit également de façon dense et nourrie.
J'ajouterai également deux sujets sur lesquels nous avons eu des échanges avec mes interlocuteurs, notamment avec Cheikh Zayed : le premier est le Kossovo. J'ai informé mes interlocuteurs de l'action menée par la co-présidence franco-britannique dans le cadre du Groupe de contact à ce sujet. J'ai souligné l'extrême difficulté de ce dossier en rappelant que nous restions et que nous allions rester très mobilisés.
Enfin, nous avons eu des échanges de vues sur la situation au Proche-Orient, et sur les espérances de voir reprendre dans quelques semaines le processus de paix.
Voila, Mesdames et Messieurs, le résumé des conversations que j'ai eues ici.

Q - Allez-vous, tout d'abord Monsieur le Ministre, changer le programme de votre visite dans la région afin de pouvoir aller présenter vos condoléances à la famille royale de Bahreïn ?
Par ailleurs, quelle a été la réaction émirienne à vos vues sur l'Iraq ? S'y sont-ils montrés sensibles ?
R - Sur le premier point, je ne puis pas encore vous répondre, car nous ne savons rien à la minute où je vous parle de ce qui est organisé ni des horaires. Pour le moment, mon programme se poursuit comme prévu. Je vais partir tout à l'heure pour le Qatar, mais mon programme peut naturellement être adapté sil le faut.
Sur l'Iraq, j'ai rencontré un grand intérêt, et je crois, une réelle compréhension pour nos idées. Dans la mesure où nos idées étaient, je le répète, de concilier la nécessité d'alléger les souffrances du peuple iraquien, tout en préservant les précautions et la vigilance nécessaires pour la sécurité de la région. Mais je ne veux pas répondre plus à la place des autorités émiriennes.

Q - (A propos de l'Iraq - propositions françaises et frappes aériennes actuelles)
R - Sur le second point, j'ai dit tout à l'heure que les actions militaires récentes, les développements militaires récents, ne servent pas l'objectif que nous recherchons.
Sur le premier point, j'ai effectivement donné quelques indications à mes interlocuteurs sur les mécanismes que nous avons à l'esprit. En ce qui concerne la vigilance nécessaire pour éviter tout réarmement dangereux de l'Iraq, il y a plusieurs procédés possibles. Mais en tout cas on ne peut plus se fonder maintenant sur les anciens mécanismes qui étaient en place jusqu'il y a quelques semaines et qui sont maintenant périmés. Même remarque sur les éventuels revenus financiers qui seraient tirés de la vente de pétrole dans l'hypothèse dune levée de l'embargo, il y a plusieurs dispositifs envisageables. Nos amis émiriens connaissent nos différentes idées, mais je rappelle que nous n'avons pas voulu présenter au Conseil de sécurité un plan bouclé dans ses moindres détails. Nous avons voulu indiquer une direction politique pour une sortie de la crise. Ce sont d'ailleurs, à ma connaissance, les seules idées qui ont été présentées qui permettent d'avoir une vision de l'avenir. Nous n'avons pas voulu trancher seuls entre les différents dispositifs possibles, sur chacun des deux points évoqués, puisque cela ne peut que découler de la discussion. Pour le moment, nous sommes en train de faire au Conseil de sécurité un travail dévaluation, que vous connaissez, sur trois grands dossiers. Mais le travail d'échanges de vues se poursuit sur nos idées en même temps. Je me suis senti encouragé par les réactions que j'ai recueillies ici.

Q - Monsieur le Ministre, quelle est la position française vis à vis de la déclaration palestinienne, de l'Etat palestinien le 4 mai prochain ? Par ailleurs, la politique arabe de la France semble avoir échoué dans le règlement des conflits de la région, pour la contribution à ses règlements, notamment pour la Palestine, le Liban, l'Iraq, le Soudan, la Libye. Quelles en sont les raisons, à votre avis ?
R - Sur le premier point, c'est à dire la déclaration du 4 mai, nous considérons que les autorités palestiniennes ont le droit de procéder éventuellement à cette proclamation. Mais nous pourrions comprendre que les autorités palestiniennes elles-mêmes voudraient le faire dans des conditions qui servent leur cause, et qui entraînent des résultats concrets et positifs. L'idéal serait d'arriver à combiner l'expression de ce droit et d'autre part à un accord dans le cadre de négociations relancées. Nous sommes dans une phase de consultations intenses avec les autorités palestiniennes - vous savez que nous avons des relations très étroites avec elles -, mais ce sera à elles de déterminer la ligne quelle veut suivre.
Sur le second point, je ne comprends pas très bien votre question, à vrai dire. Sil y a des problèmes dans la région qui n'ont pas encore trouvé de solution, je pense que c'est un échec pour l'ensemble de ceux qui sen sont occupés. Je pense que c'est très négatif pour ceux qui ne sen sont pas occupés. Je ne vois pas très bien quel problème particulier pourrait avoir connu un échec du fait de la politique française. On sait que sur à peu près tous les problèmes de la région, la France est très active : elle a des relations continues et denses avec tous les protagonistes d'à peu près tous les conflits. On sait que la France fait des propositions différentes.
A propos du processus de paix dont on parlait tout à l'heure, on ne compte plus les propositions françaises depuis une vingtaine d'années, qui ont joué un rôle considérable pour qu'il y ait finalement un processus de paix, et pour qu'il redémarre à chaque fois qu'il était bloqué. La France ne peut pas à elle seule se substituer à tous ceux qui ne cherchent pas assez activement des solutions aux problèmes, ni écarter à elle seule l'ensemble des obstacles que les autres n'arrivent pas à écarter. Cela ne nous empêchera pas de rester très engagés et très persévérants.

Q - Avec vos relations avec les Emirats et avec l'Iran, pensez-vous que la France peut proposer une mission de bons offices, une médiation politique sur la question des îles ? Que pensez-vous, par ailleurs, des derniers exercices militaires de l'Iran dans la région ?
Pensez-vous que cela menace la stabilité et la sécurité de la région ?
R - A propos du contentieux sur les îles Tomb et Abou Moussa, j'en ai parlé tout à l'heure. Je ne compte pas proposer de médiation particulière, mais dans nos contacts avec l'Iran comme dans nos contacts avec la Fédération des Emirats arabes unis, comme dans tous nos contacts, chaque fois qu'il y a un contentieux ou un problème qui oppose tel ou tel de nos partenaires ou de nos amis, nous cherchons toujours à être positifs. Dans l'espèce, nous regrettons la persistance de cette tension, récemment réactivée. Jai dit que nous étions en faveur de négociations bilatérales, ou d'un recours à la Cour internationale de justice. Cette tension nous la regrettons, surtout quant elle traverse des pics.

Q - L'Iraq a semblé indiquer récemment qu'il refusait l'initiative française. Nous savons par ailleurs que la diplomatie française a été très active lors des crises successives concernant l'Iraq. Allez-vous parler avec les Iraquiens de la question des disparus et prisonniers koweïtiens ? L'Iraq a boycotté récemment les réunions du Comité qui est saisi de ce dossier, allez-vous entreprendre une initiative également sur cette affaire ?
R - Je voudrais vous dire que dans le cadre des discussions que nous avons avec les autorités iraquiennes par l'intermédiaire de notre chargé d'affaires à Bagdad, tous les problèmes qui se posent encore sont abordés. Deuxième remarque, les idées qui ont été présentées l'ont été au Conseil de sécurité parce que, ce qui est en jeu, c'est de savoir si le Conseil de sécurité peut définir un nouveau cadre qui permette de sortir de la situation actuelle tout en assurant de façon convaincante la sécurité régionale. Les réactions quil faut regarder en priorité sont celles des membres du Conseil de sécurité sur ce sujet pour que s'élève le débat.
Je voudrais vous dire pour conclure que la relation franco-émirienne est un élément important de la politique étrangère française. Je voudrais dire que nous sommes très satisfaits du dialogue politique qui se poursuit dans ce cadre, ainsi que de l'accord de défense. Tout ce que nous regroupons sous le terme de « partenariat » sont des relations qui sont placées sous le signe de la confiance mutuelle. Enfin, j'ai rencontré des représentants de la communauté d'affaires française présente ici, et j'en retire une impression d'optimisme, quant à la poursuite dune présence française de haut niveau, dans tous les grands projets de développement de la Fédération. Merci.


ENTRETIEN AVEC LA TELEVISION LE 6 MARS 1999
Q - Monsieur le Ministre, vous savez que les Iraniens viennent de terminer leurs manoeuvres maritimes autour des îles émiriennes ; ils ont même violé les eaux territoriales émiriennes. Cela crée une tension dans la région. Comme vous le savez, la France est un partenaire important des Emirats et nous savons que le président Khatami se rendra à Paris prochainement, est-ce que la question des îles émiriennes pourrait être posée pendant cette visite afin de trouver une solution négociée entre les deux pays ?
R - D'abord, nous regrettons naturellement cette tension qui existe autour des îles contestées, les îles Tomb et Abou Moussa. Cette tension, qui existe depuis de longues années, vient de connaître à nouveau pic récemment. Nous souhaitons, bien sûr, qu'une solution négociée puisse être trouvée. Nous sommes favorables à des négociations directes entre les deux parties. Il est tout à fait probable que ce sujet fasse partie des entretiens.

Q - Deuxième question importante et pour les Emiriens et pour la région, bien sûr, c'est la question iraquienne. En ce moment, M. le ministre de la Défense américain est en tournée dans la région afin d'expliquer la stratégie américaine aux chefs d'Etat du Golfe. Y a-t-il une stratégie spécifique de la France sur cette question-là ?
R - II y a en tous cas des propositions qui ont été faites en janvier au Conseil de sécurité pour essayer de sortir de l'impasse dans laquelle on se trouve dans l'affaire iraquienne. Nous avons fait des propositions. A ma connaissance ce sont les seules propositions qui ont été présentées et qui couvrent l'ensemble du sujet. Elles sont débattues et il y a des échanges importants. Ce sont des propositions qui visent à la fois à garantir la sécurité pour la région pour faire en sorte que le régime iraquien ne puisse pas redevenir dangereux, - ce qui suppose un système de contrôle, de surveillance, de monitoring dans le long terme. Naturellement ce ne peut pas être l'ancien système de l'UNSCOM, qui ne marche plus, qui est évidemment périmé. Il faut un nouveau système et, un contrôle de l'utilisation des revenus tirés potentiellement de l'exportation de pétrole dans l'hypothèse où l'embargo serait levé.
Contrôle du réarmement, contrôle des revenus financiers. et levée de l'embargo parce que si nous arrivons à bâtir ce contrôle, l'embargo na plus d'objet stratégique, - il ne sert à rien, pour dire les choses simplement. Faire souffrir la population iraquienne est politiquement absurde et humainement très choquant. Il y déjà trop de dégâts sur cette société iraquienne qui souffre dans tous les cas de figure. Nous avons présenté ces idées et ces propositions qui permettraient d'évoluer, encore une fois, en partant de lidée prioritaire de la sécurité régionale. C'est une donnée très importante. Voilà nos idées... J'ajoute que nous parlons avec les Américains de ces idées et que les Américains nous parlent.

Q - Donc, il y a un accord franco-américain sur ce sujet ?
R - Il ny a pas encore d'accord franco-américain, ce sont des idées qui sont débattues au sein du Conseil de Sécurité. Il ny a pas de consensus. A ce stade, le Conseil de sécurité a décidé dévaluer la situation actuelle et a créé des comités un peu en réponse à notre initiative. Mais notre initiative va plus loin, elle est plus complète, elle est à plus long terme, elle résoudrait plus complètement le sujet.

Q - Vous avez quand même parlé de la sécurité de la région, et la sécurité de la région est aussi la sécurité de l'Iraq. Je voudrais m'expliquer sur ce point : en ce moment, de facto, avec les zones d'exclusion aériennes, il y a une division de l'Iraq. Maintenant toute la région est un peu plus ou moins soucieuse de ces zones d'exclusion. En ce moment, il y a des frappes aériennes tous les jours ou presque, et parfois sur des buts plus ou moins civils ou pétroliers.
R - Je peux vous redire à ce sujet que la France est tout à fait attachée à l'intégrité territoriale de l'Iraq et donc que la France n'est pas favorable à une politique qui fragmenterait l'Iraq.

Q - Vous êtes donc contre les zones d'exclusion aériennes ?
R - Les zones d'exclusion, c'est autre chose. Certaines d'entre elles ont été décidées à la fin de la guerre du Golfe pour protéger certaines populations qui étaient particulièrement réprimées. Dans ce contexte, cela peut se comprendre. Il y a des résolutions du Conseil de sécurité auxquelles mon pays avait participé.
Mais il s'agit de savoir quel est l'objectif : s'il s'agit de protéger des populations ou daller vers quelque chose qui serait un démembrement. Nous sommes tout à fait hostiles à tout démembrement de ce pays. Nous pensons qu'il faut préserver son intégrité, que c'est une composante importante de l'équilibre dans la région. Nous lavons dit régulièrement, je le redis. Quant aux développements militaires récents, je peux redire qu'ils ne nous paraissent pas servir les objectifs, comme je viens de le rappeler, pour une solution durable du conflit.

Q - L'idée d'un Etat kurde dans le nord de l'Iraq serait-elle admise ?
R - Personne, aucun pays, aucune puissance, n'est en faveur d'un Etat kurde dans le nord de l'Iraq. Ce qui s'est passé, c'est qu'à la fin de la guerre du Golfe, face à une répression particulièrement féroce contre les populations kurdes, une zone d'exclusion aérienne a été décrétée pour empêcher l'aviation iraquienne du régime du président Saddam Hussein de réprimer ces populations kurdes. Il ne s'agit pas de faire un Etat. Il s'agit de répondre, pour des raisons humanitaires d'urgence, à une situation à un moment donné. II faut savoir quel est l'objectif. L'objectif de la France n'est pas de démembrer l'Iraq et nous ne sommes pas favorables à des politiques qui iraient dans ce sens.

Q - Très bien, troisième point chaud dans la région, c'est bien sûr la négociation palestino-israélienne. Cette négociation maintenant est dans l'impasse. A votre avis, l'accord de Wye Plantation est toujours valable ou peut-être avec la nouvelle équipe après les élections israéliennes, faudrait-il faire de nouvelles négociations avec cette équipe ?
R - Le processus de paix nécessite une longue patience, beaucoup de patience. Depuis une vingtaine d'années, la France a avancé beaucoup d'idées, a pris beaucoup d'initiatives qui ont contribué de façon très utile à ce qu'il y ait un processus de paix - avant il ny en avait pas du tout. Elle a contribué à consolider le processus de paix, à le faire repartir quand il était interrompu. Nous sommes dans une situation où le processus de paix est suspendu, on ne sait plus très bien où on en est. Ce que je voudrais dire par rapport à cela, dans l'hypothèse ou le processus de paix pourrait reprendre après les prochaines élections en Israël, c'est qu'il ne faut pas écarter les acquis des négociations antérieures. Il faut garder tout ce que l'on peut garder des acquis d'Oslo et des acquis de Madrid, les acquis de Wye River, tout ce que l'on peut garder car le problème est tellement compliqué. Il est tellement difficile de bâtir des relations de confiance à l'intérieur desquelles on peut travailler. Les garanties sont elles-mêmes un sujet, il ne faut rien écarter. La question essentielle est de savoir si on retrouve un contexte politique qui est favorable à la poursuite du processus. C'est cela le point prioritaire. L'action de la France, la politique de la France dans la région a toujours été d'encourager tous ceux qui étaient en faveur d'un processus de paix quelles que soient les difficultés.

Q - Ma dernière question, et je vous remercie pour le temps que vous avez bien voulu me réserver, cest le Liban, bien sûr. Au Liban aussi, il y a maintenant une tension qui s'intensifie, à cause bien sûr de la résistance dune part, et de la réponse israélienne par des frappes aériennes dans le sud du Liban. La France en tant que partenaire important, a des relations étroites avec le Liban. Est-ce que les Israéliens vous ont demandé de jouer un rôle pour justement faire un retrait du Sud Liban dans un an ?
R - Non. La réponse est que nous jouons tous un rôle dans le cadre du Comité de surveillance des accords sur le Sud-Liban qui ont permis de faire retomber la tension à plusieurs reprises. Il na pas permis d'empêcher tous les épisodes de violence. Mais chaque fois quil y a des moments difficiles, ce comité avec les Etats-Unis, et avec la France, en travaillant avec les Israéliens, les Syriens et les Libanais, a permis de calmer les choses : ce n'est qu'une réponse momentanée. On voit bien que chaque fois qu'il y a eu des incidents graves comme ces derniers jours, ce problème est là qu'il le restera tant qu'il ne sera pas résolu (inaudible)....

Q - Vous êtes pour un retrait inconditionnel quand même du Sud-Liban ?
R - Il y a des résolutions qui ont été votées, notamment la 425, qui forment un cadre. Nous n'allons pas nous substituer aux partenaires. On ne peut pas se substituer aux Israéliens, aux Libanais, aux Syriens. En même temps, ils savent que la France est disponible pour toute action utile. La France a même indiqué que dans l'hypothèse d'un accord, d'un véritable accord entre les partenaires, nous pourrions envisager de participer à des garanties sur le terrain. Nous sommes allés très loin, aussi loin que possible pour un pays qui n'est pas un des trois protagonistes directs. La question centrale, est de savoir ce que veulent les protagonistes directs. Il faut qu'ils aient le courage d'en parler entre eux et de déterminer une solution. Ils savent que la France sera disponible, sera à leurs côtés et les aidera après. Nous ne pouvons pas remplacer un de ces trois pays.

Q - Merci monsieur le Ministre.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mars 1999)