Texte intégral
Interview au "Républicain lorrain"
Le républicain Lorrain : Un bataillon de 8 000 filles doit débouler samedi dans les casernes et les bases militaires françaises. Une nouvelle forme de parité?
M. Jean-Pierre Masseret : La convocation des jeunes filles aux journées d'appel et de préparation à la défense est un élément de la professionnalisation des armées. Au service militaire actuel, qui sera suspendu le 1er janvier 2002, se substitue peu à peu un service mixte universel comprenant notamment cette journée de formation et de sensibilisation. Mis en place il y a deux ans, ce rendez-vous s'impose désormais à tous, filles et garçons, au même titre que le recensement. C'est, je crois, la traduction d'une évolution profonde de la société et la réponse du ministère de la Défense à une aspiration légitime: l'égalité entre les hommes et les femmes, dans les droits et les devoirs civiques. On peut y voir aussi, comme vous le suggérez, l'expression d'une nouvelle forme de parité.
Ces journées, désormais mixtes, se dérouleront-elles dans les mêmes conditions qu'auparavant?
Absolument! Pourquoi voudriez-vous que les modules de formation ou les tests d'évaluation auxquels sont soumis les participants soient modifiés? Je dresserai un premier bilan en juin pour savoir comment les filles auront réagi. S'il le faut, nous modifierons les programmes, non pas du fait de leur présence mais parce que je suis sûr qu'elles porteront un nouveau regard, peut-être plus curieux et plus incisif, sur les questions liées à la défense.
Les possibilités offertes aux garçons en matière de volontariat, de préparation militaire ou de réserve sont-elles accessibles aux filles dans les mêmes conditions?
Évidemment! Aujourd'hui, les forces sont féminisées à hauteur de 12%. Et il est probable que les filles qui participeront aux journées d'appel et de préparation seront, à l'avenir, mieux informées sur les métiers des armes. L'égalité d'accès à ces métiers est respectée, elle concerne tous les emplois et tous les grades, même si quelques bastions masculins demeurent, je pense en particulier aux sous-marins ou à certaines missions très exposées confiées à l'armée de Terre. Les quotas au recrutement féminin ont été supprimés en 98. Et les femmes revendiquent aujourd'hui le droit d'aller partout, à commencer par les théâtres d'opérations. Elles sont prêtes à encourir les mêmes risques que les hommes: mourir au combat ou se faire capturer par l'ennemi. C'est une révolution culturelle, le pays doit l'accepter.
Reste les jeunes garçons nés avant le 1er janvier 1979, contraints de faire leur paquetage pour une durée de dix mois... Une obligation vécue souvent comme une injustice.
Le service militaire étant maintenu jusqu'au 31 décembre 2001, les jeunes garçons remplissant les conditions que vous venez d'évoquer continuent en effet d'être appelés sous les drapeaux en fonction des besoins. Les armées ne sauraient accepter de voir leurs capacités réduites, ne serait-ce que sur une période transitoire. Pour ceux-là, il faut maintenir une égalité de traitement. Trouveriez-vous normal que les jeunes chômeurs soient les seuls assujettis à cette obligation? Moi, non. Reste que toutes les demandes d'exemption et de report sont examinées à la loupe. C'est tout le problème des limites, lesquelles contiennent toujours une part d'arbitraire: pourquoi voter à 18 ans et non 17? Rendre sa déclaration d'impôt le 31 mars et non le 1er avril? Il faut bien fixer la frontière quelque part."
Propos recueillis par Nicolas BASTUCK
(source http://www.defense.gouv.fr, le 10 avril 2000)
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Interview à "L'Est républicain"
L'Est Républicain : Samedi, la Journée d'appel de préparation à la défense (ou JAPD), instaurée en octobre 1998, s'ouvrira pour la première fois aux jeunes filles. C'est symbolique ?
M. Jean-Pierre Masseret : C'est le reflet de la société et de la parité ! Autrement dit, de l'égalité des hommes et des femmes devant les droits et les devoirs. A l'inverse du service national, réservé aux hommes et qui sera bientôt suspendu, ce " parcours citoyen" concernera tous les jeunes. C'est une authentique révolution culturelle...
Le président de la République, Jacques Chirac, se rendra à cette occasion au Fort de Vincennes en compagnie du ministre de la Défense, Alain Richard. Et vous-même serez à Besançon, puis à Colmar et Illkirch. Qu'espérez-vous découvrir ?
Je crois qu'il y aura beaucoup plus de vie, que les jeunes filles seront plus curieuses, qu'elles oseront poser plus de questions que les garçons. Lesquels ont parfois du mal à le faire. Ce regard neuf sera, pour nous, un apport intéressant et très utile. Et j'envisage, dès l'été, de tirer un premier bilan de cette ouverture.
Et d'apporter des modifications ?
S'il le faut, oui. Quand ces Journées ont été conçues, fin 1997 et début 1998, nous savions déjà qu'elles deviendraient mixtes et les modules ont été élaborés dans cet esprit, par anticipation. Nous allons désormais voir s'ils correspondent aux attentes des jeunes filles et comparer leurs réactions à celles des garçons puis, en fonction de leurs jugements et remarques, décider s'il convient, ou non, d'en améliorer le contenu pédagogique.
Côté garçons, le taux de satisfaction était bon ?
Je le pense. A cette date, 982.000 d'entre eux ont répondu à la convocation et 80 % se sont déclarés " satisfaits " des informations fournies sur les enjeux et les intérêts vitaux de la défense, le devoir de mémoire, etc. Les tests nous ont permis d'identifier ceux qui ont des difficultés de lecture et d'écriture, puis de leur proposer de prendre contact avec des organismes compétents pour réduire leur handicap et les aider à mieux s'insérer socialement et professionnellement.
Et ils les prennent, ces contacts ?
C'est un peu faible. D'où cette idée de Ségolène Royal de solliciter un millier de retraités de l'Education nationale, pour venir en soutien. Le dossier est en cours, il faudra le reprendre avec le nouveau ministre...
Avec le service militaire, il était possible d'aider tous ces jeunes en difficulté, puisqu'ils devenaient "population captive ". Aujourd'hui,comment faire ?
Il y avait, effectivement, dans le service, toute une part de " structuration sociale " des gens désemparés, qui n'est plus assumée. Maintenant, quand on décèle un cas à problème, on fait des propositions au jeune qui choisit librement d'y donner suite ou pas. Il faudra que L'Etat, pour continuer à assurer cette mission, mette en place d'autres dispositifs, en lien avec l'Education nationale, les milieux associatifs et les collectivités locales.
A l'heure de la professionnalisation, les Journées d'appel favorisent-elles le recrutement ?
Environ 30 % des garçons rencontrés sont intéressés par un second contact. A l'arrivée, quelques-uns sont tentés par le volontariat, mais il est difficile de quantifier ceux qui sautent réellement le pas. A l'avenir, ce sera encore moins aisé puisque, après avoir travaillé sur les classes d'âge de 20 et 21 ans, nous allons accueillir les 17-18 ans, donc des garçons et filles qui seront encore dans des incertitudes de vie et d'itinéraires. Notre information pourra les amener à réfléchir sur ces métiers, mais nous ignorons comment cela se concrétisera.
Le cap du millionième jeune sera franchi samedi... par une fille ?
Qui sait ? Seule certitude, il figurera dans la masse des appelés convoqués ce jour-là. Mais je crains qu'il ne reste à jamais un millionième " anonyme " !
Propos recueillis par Jean-Pierre TENOUX
(source http://www.defense.gouv.fr, le 10 avril 2000)
Le républicain Lorrain : Un bataillon de 8 000 filles doit débouler samedi dans les casernes et les bases militaires françaises. Une nouvelle forme de parité?
M. Jean-Pierre Masseret : La convocation des jeunes filles aux journées d'appel et de préparation à la défense est un élément de la professionnalisation des armées. Au service militaire actuel, qui sera suspendu le 1er janvier 2002, se substitue peu à peu un service mixte universel comprenant notamment cette journée de formation et de sensibilisation. Mis en place il y a deux ans, ce rendez-vous s'impose désormais à tous, filles et garçons, au même titre que le recensement. C'est, je crois, la traduction d'une évolution profonde de la société et la réponse du ministère de la Défense à une aspiration légitime: l'égalité entre les hommes et les femmes, dans les droits et les devoirs civiques. On peut y voir aussi, comme vous le suggérez, l'expression d'une nouvelle forme de parité.
Ces journées, désormais mixtes, se dérouleront-elles dans les mêmes conditions qu'auparavant?
Absolument! Pourquoi voudriez-vous que les modules de formation ou les tests d'évaluation auxquels sont soumis les participants soient modifiés? Je dresserai un premier bilan en juin pour savoir comment les filles auront réagi. S'il le faut, nous modifierons les programmes, non pas du fait de leur présence mais parce que je suis sûr qu'elles porteront un nouveau regard, peut-être plus curieux et plus incisif, sur les questions liées à la défense.
Les possibilités offertes aux garçons en matière de volontariat, de préparation militaire ou de réserve sont-elles accessibles aux filles dans les mêmes conditions?
Évidemment! Aujourd'hui, les forces sont féminisées à hauteur de 12%. Et il est probable que les filles qui participeront aux journées d'appel et de préparation seront, à l'avenir, mieux informées sur les métiers des armes. L'égalité d'accès à ces métiers est respectée, elle concerne tous les emplois et tous les grades, même si quelques bastions masculins demeurent, je pense en particulier aux sous-marins ou à certaines missions très exposées confiées à l'armée de Terre. Les quotas au recrutement féminin ont été supprimés en 98. Et les femmes revendiquent aujourd'hui le droit d'aller partout, à commencer par les théâtres d'opérations. Elles sont prêtes à encourir les mêmes risques que les hommes: mourir au combat ou se faire capturer par l'ennemi. C'est une révolution culturelle, le pays doit l'accepter.
Reste les jeunes garçons nés avant le 1er janvier 1979, contraints de faire leur paquetage pour une durée de dix mois... Une obligation vécue souvent comme une injustice.
Le service militaire étant maintenu jusqu'au 31 décembre 2001, les jeunes garçons remplissant les conditions que vous venez d'évoquer continuent en effet d'être appelés sous les drapeaux en fonction des besoins. Les armées ne sauraient accepter de voir leurs capacités réduites, ne serait-ce que sur une période transitoire. Pour ceux-là, il faut maintenir une égalité de traitement. Trouveriez-vous normal que les jeunes chômeurs soient les seuls assujettis à cette obligation? Moi, non. Reste que toutes les demandes d'exemption et de report sont examinées à la loupe. C'est tout le problème des limites, lesquelles contiennent toujours une part d'arbitraire: pourquoi voter à 18 ans et non 17? Rendre sa déclaration d'impôt le 31 mars et non le 1er avril? Il faut bien fixer la frontière quelque part."
Propos recueillis par Nicolas BASTUCK
(source http://www.defense.gouv.fr, le 10 avril 2000)
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Interview à "L'Est républicain"
L'Est Républicain : Samedi, la Journée d'appel de préparation à la défense (ou JAPD), instaurée en octobre 1998, s'ouvrira pour la première fois aux jeunes filles. C'est symbolique ?
M. Jean-Pierre Masseret : C'est le reflet de la société et de la parité ! Autrement dit, de l'égalité des hommes et des femmes devant les droits et les devoirs. A l'inverse du service national, réservé aux hommes et qui sera bientôt suspendu, ce " parcours citoyen" concernera tous les jeunes. C'est une authentique révolution culturelle...
Le président de la République, Jacques Chirac, se rendra à cette occasion au Fort de Vincennes en compagnie du ministre de la Défense, Alain Richard. Et vous-même serez à Besançon, puis à Colmar et Illkirch. Qu'espérez-vous découvrir ?
Je crois qu'il y aura beaucoup plus de vie, que les jeunes filles seront plus curieuses, qu'elles oseront poser plus de questions que les garçons. Lesquels ont parfois du mal à le faire. Ce regard neuf sera, pour nous, un apport intéressant et très utile. Et j'envisage, dès l'été, de tirer un premier bilan de cette ouverture.
Et d'apporter des modifications ?
S'il le faut, oui. Quand ces Journées ont été conçues, fin 1997 et début 1998, nous savions déjà qu'elles deviendraient mixtes et les modules ont été élaborés dans cet esprit, par anticipation. Nous allons désormais voir s'ils correspondent aux attentes des jeunes filles et comparer leurs réactions à celles des garçons puis, en fonction de leurs jugements et remarques, décider s'il convient, ou non, d'en améliorer le contenu pédagogique.
Côté garçons, le taux de satisfaction était bon ?
Je le pense. A cette date, 982.000 d'entre eux ont répondu à la convocation et 80 % se sont déclarés " satisfaits " des informations fournies sur les enjeux et les intérêts vitaux de la défense, le devoir de mémoire, etc. Les tests nous ont permis d'identifier ceux qui ont des difficultés de lecture et d'écriture, puis de leur proposer de prendre contact avec des organismes compétents pour réduire leur handicap et les aider à mieux s'insérer socialement et professionnellement.
Et ils les prennent, ces contacts ?
C'est un peu faible. D'où cette idée de Ségolène Royal de solliciter un millier de retraités de l'Education nationale, pour venir en soutien. Le dossier est en cours, il faudra le reprendre avec le nouveau ministre...
Avec le service militaire, il était possible d'aider tous ces jeunes en difficulté, puisqu'ils devenaient "population captive ". Aujourd'hui,comment faire ?
Il y avait, effectivement, dans le service, toute une part de " structuration sociale " des gens désemparés, qui n'est plus assumée. Maintenant, quand on décèle un cas à problème, on fait des propositions au jeune qui choisit librement d'y donner suite ou pas. Il faudra que L'Etat, pour continuer à assurer cette mission, mette en place d'autres dispositifs, en lien avec l'Education nationale, les milieux associatifs et les collectivités locales.
A l'heure de la professionnalisation, les Journées d'appel favorisent-elles le recrutement ?
Environ 30 % des garçons rencontrés sont intéressés par un second contact. A l'arrivée, quelques-uns sont tentés par le volontariat, mais il est difficile de quantifier ceux qui sautent réellement le pas. A l'avenir, ce sera encore moins aisé puisque, après avoir travaillé sur les classes d'âge de 20 et 21 ans, nous allons accueillir les 17-18 ans, donc des garçons et filles qui seront encore dans des incertitudes de vie et d'itinéraires. Notre information pourra les amener à réfléchir sur ces métiers, mais nous ignorons comment cela se concrétisera.
Le cap du millionième jeune sera franchi samedi... par une fille ?
Qui sait ? Seule certitude, il figurera dans la masse des appelés convoqués ce jour-là. Mais je crains qu'il ne reste à jamais un millionième " anonyme " !
Propos recueillis par Jean-Pierre TENOUX
(source http://www.defense.gouv.fr, le 10 avril 2000)