Déclaration de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur les aides accordées par l'Etat au secteur de la presse et de la distribution de la presse, Paris le 29 mai 2008.

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Circonstance : Assemblée générale de la Société professionnelle des papiers de presse (SPPP) et de la Compagnie française des papiers de presse (CFPP) à Paris le 29 mai 2008

Texte intégral

Je suis très heureuse d'ouvrir le traditionnel déjeuner de votre Assemblée générale. J'ai tenu à être présente pour vous signifier le soutien de l'Etat dans la période cruciale que vous êtes en train de traverser.
Je salue chaleureusement Monsieur Jean GELAMUR, président d'honneur de la SPPP, et Jean-Claude BROGNAUX, président du conseil de surveillance, et Gérard DEMOCRATE, président du directoire de la Société professionnelle des papiers de presse (SPPP) et de la Compagnie française des papiers de presse (CFPP).
Je veux souligner votre rôle éminent dans l'économie générale du secteur de la presse. C'est grâce à vous que les mots s'incarnent et se transmettent. C'est grâce à vous que les idées prennent corps et s'échangent, que le débat public prend vie. C'est grâce à vous que le journal, conçu et pensé par la rédaction, est réalisé, acheminé et distribué partout en France.
Nous le savons, la presse en France traverse une crise profonde. Elle doit prendre dès aujourd'hui les mesures nécessaires pour assurer son évolution, mettre en place de nouveau dispositifs dans tous les maillons de la chaîne de sa fabrication et de sa distribution.
Il vous revient au premier chef, à vous tous ici, d'être les moteurs de ces changements. Vous en avez déjà pris la mesure.
L'Etat accompagne ces évolutions avec beaucoup de détermination. Le Président de la République a encore rappelé cette semaine l'engagement du gouvernement à vous accompagner dans cette phase importante de mutation économique.
Le budget dédié à la presse a tout d'abord été sensiblement augmenté, avec une attention particulière portée aux efforts de modernisation : ce sont ainsi 285 millions d'euros, soit une augmentation de 5 % qui ont été consacrés à la presse écrite cette année. Cette augmentation, dans le contexte budgétaire que nous connaissons tous, montre bien que ce secteur représente une priorité très forte pour le gouvernement.
Nous avons également lancé un certain nombre de chantiers, un certain nombre de réflexions pour accompagner au mieux les mutations de la presse :
- Soucieux des questions posées par l'évolution du réseau de distribution, l'Etat s'est engagé à soutenir l'effort de restructuration que poursuivent les nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP). Le but est de ramener les coûts de distribution à un niveau économique et financier raisonnable. L'Etat a donc augmenté de 50 % en 2008 le budget du fonds de modernisation de la distribution. Le nouveau plan stratégique dit « Défi 2010 » visant à la réorganisation de la presse au numéro, se donne pour objectif d'atteindre le nombre de 33 000 points de vente à cet horizon. Je me félicite déjà que l'année 2007 se soit conclue sur une note positive avec, pour la première fois depuis 15 ans, l'ouverture de nouveaux points de vente, plus de 500. Ce plan doit se poursuivre sans attendre car il y a urgence à moderniser notre système de distribution à la vente.
- Toujours s'agissant de la distribution de la presse, le Gouvernement a confié une mission à Marc Schwartz sur l'acheminement des abonnements de presse par postage et portage. J'attache une grande importance à la mise au point d'un dispositif qui permette à chacun des partenaires concernés de développer ses activités avec une visibilité économique suffisante et dans un contexte juridique sécurisé.
Cette mission a démarré dans de bonnes conditions : les travaux se poursuivent à un rythme soutenu et dans un excellent climat. Marc Schwartz m'a déjà présenté son bilan des précédents accords. Il doit désormais ouvrir plusieurs pistes permettant d'aboutir à des propositions concrètes qu'il présentera au Gouvernement d'ici la fin du mois de juin et je crois important que ces délais soient tenus. L'esprit de concertation qui anime cette mission augure bien de la prise en compte des spécificités de chacune des catégories de presse, et je pense particulièrement à la presse d'information politique et générale, qui contribue à la vitalité du débat démocratique.
En ce qui concerne le portage, nous savons que ce mode de distribution est insuffisamment développé en France alors qu'il présente de nombreux avantages, et au premier rang la fidélisation des lecteurs. Il représente également un gisement potentiel d'emplois de service. Je souhaite donc que la mission confiée à Marc Schwartz se poursuive, centrée cette fois sur le portage, afin de proposer d'ici septembre des dispositifs incitatifs pour développer ce mode de distribution. Je pense notamment à des avantages fiscaux et sociaux.
- Enfin, à l'heure où se déroulent les premières Assises du numérique, aujourd'hui même, l'Etat est conscient des graves interrogations du secteur confronté au développement de l'internet.
La presse traditionnelle se positionne depuis plusieurs années sur ce nouveau vecteur, prolongement semble-t-il naturel du support papier.
Pour vous, journalistes, patrons de presse et de médias, attentifs aux exigences qu'imposent les nouvelles technologies et les demandes du public, l'inquiétude demeure.
C'est un pari sur un avenir déjà présent, un investissement réalisé avant même que le bénéfice ne s'en fasse sentir, un effort d'adaptation permanent qui touche vos métiers au coeur.
L'Etat encourage et soutient ces évolutions en concertation avec l'ensemble des professionnels qui forment le monde des médias, notamment depuis la création en 2004 du fonds d'aide au développement des services en ligne des entreprises de presse. Au cours des trois dernières années, des projets de numérisation d'un montant total de plus de 50 millions d'euros ont été soutenus dans le cadre du fonds de modernisation.
Internet, aujourd'hui, n'est plus seulement perçu comme une concurrence pour la presse, mais comme une opportunité de développement bien réelle, que de très nombreux titres ont su saisir. Je salue la créativité, la réactivité avec laquelle vous délivrez l'information sur ce nouveau support, mais en gardant toujours l'exigence qui est votre marque de fabrique.
Afin que cette opportunité fonctionne à plein, vous ne devez pas être handicapés par une TVA plus pénalisante que sur votre support traditionnel. Vous le savez, le Gouvernement souhaite pouvoir harmoniser les taux de TVA entre le papier et Internet, mais il doit porter cette question au niveau communautaire. Cela ne sera pas facile de convaincre tous nos partenaires européens de l'efficacité d'une telle mesure, mais le Président de la République et le gouvernement sont déterminés à saisir l'occasion de la Présidence française pour défendre la nécessité d'un taux de TVA réduit pour l'ensemble des biens culturels.
Par ailleurs, nous devons régler également la question du statut de l'oeuvre de presse dans l'univers numérique. Après les recommandations du Conseil supérieur de la propriété intellectuelle et le rapport Tessier sur la création d'un statut de l'oeuvre multimédia, je compte faire aboutir les discussions en cours entre les organisations professionnelles. Nous pourrons ensuite élaborer, sur la base de ces négociations, un texte de loi qui garantisse une sécurité juridique tant aux éditeurs qu'aux journalistes.
Enfin, et comme le Président de la République s'y était engagé, un projet de loi portant sur la protection des sources des journalistes est en discussion au Parlement. Il a pour objet de renforcer les garanties offertes aux journalistes dans l'exercice de leur métier. Adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 15 mai, il sera très prochainement débattu au Sénat.
Voilà ce que je voulais vous dire aujourd'hui : nous sommes tous conscients que la presse est à un tournant de son histoire. C'est l'avenir même du secteur qui se joue aujourd'hui. Et ce secteur est le gisement historique de la compétence journalistique. Il est un pilier de notre vie démocratique.
A ce titre, je tiens à saluer particulièrement les journaux qui ont ouvert leurs colonnes à l'expression des jeunes, notamment lors de la semaine de la presse à l'école. L'avenir du journal, comme l'avenir d'une société, passe par la jeunesse.
Tous les sujets que je viens d'évoquer avec vous vont nous conduire jusqu'aux aux Etats Généraux de la presse que le Président de la République souhaite voir se tenir à l'automne.
Je conclurai ce propos en rendant hommage à votre activité qui fait vivre les diverses familles de presse, dans la filière papier, dans les imprimeries et les circuits de distribution. Vous pouvez en tirer une très légitime fierté.
N'oublions jamais l'importance de l'écrit dans la mémoire vivante de notre civilisation. Il en assure la pérennité des idées et des valeurs. Il est le gage de son avenir.
Sachons ce que la liberté d'expression doit à l'écrit, sachons ce que nous lui devons tous dans nos consciences de citoyens.Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 juin 2008