Texte intégral
Le 30 janvier dernier, en réponse à la question d'un député à l'Assemblée nationale, j'annonçais ma volonté de lancer les Etats généraux de l'arbitrage. Nous voici, quatre mois plus tard - quatre mois d'intenses travaux, d'échanges et de concertation, au terme de ce 29 mai qui fera date, et il me revient de faire la synthèse de vos travaux dont je souhaite que l'on retienne 10 priorités d'action pour l'arbitrage français.
Je ne reviens ni sur les motifs qui nous ont conduits à lancer ces Etats généraux de l'arbitrage, ni sur l'état des lieux qui, très vite, a fait l'objet d'un consensus dès le début de vos travaux. Mais enfin ! Doit-on trouver normal qu'aucun arbitre français de champ ne soit sélectionné pour l'Euro 2008 qui commence le 7 juin prochain ? L'arbitrage est traversé en France par des difficultés réelles qui ne concernent pas seulement le football mais l'ensemble de nos cinq grands sports collectifs français, même si c'est à un degré moindre pour le hand ball et le volley ball. Au point que l'on me parle même d'une crise des vocations : il y a de plus en plus de matchs et de compétitions sportives, et de moins en moins d'arbitres ! Par ailleurs, et cela se passe autant dans le monde amateur que dans ceux professionnel et du haut niveau, on entend régulièrement pendant et à l'issue d'une rencontre sportive, les uns et les autres remettre en cause les décisions de l'arbitre ou la qualité de l'arbitrage. Enfin, doit-on accepter que nos arbitres restent, comme c'est trop souvent le cas, l'objet d'insultes verbales, quand on ne s'en prend pas à leur intégrité physique ?
Face à une telle situation, et pour la première fois, ces Etats généraux ont permis de mettre tout le monde autour de la table : les arbitres bien sur, mais aussi les fédérations de nos cinq sports collectifs (le football, le rugby, le basket, le hand et le volley ball), les ligues, les clubs, les joueurs, les éducateurs, les supporters, les associations de lutte contre le racisme également, et jusqu'aux commentateurs sportifs. Multi-sports, associant monde amateur et professionnels, ces Etats généraux ont été marqués par une mobilisation sans précédant ! Pour exemples, les initiatives prises par les fédérations et ligues de football avec leur Task force sur l'arbitrage, ou encore par la FFF avec cette campagne de communication sur la préservation de l'intégrité physique des arbitres... Dans ce travail de fond, les fédérations ont été comme si souvent aux avant-postes, jouant ce rôle d'aiguillon qui leur fait honneur. Merci à tous ! Car il y a dans cette mobilisation le gage de la qualité de vos réflexions, de vos travaux et surtout de vos propositions.
Précisément, de ces travaux se sont très rapidement dégagées trois grandes orientations qui devront guider notre action :
- La première : Assurer le respect des arbitres et de l'arbitrage ;
- La deuxième : Mieux recruter, mieux former et mieux évaluer les arbitres ;
- Et la troisième enfin : Viser l'excellence pour l'arbitrage dans le monde professionnel.
A travers ces trois grandes orientations se dégagent ce que j'appellerais « 10 priorités pour l'arbitrage français ». Ce sera notre feuille de route. Je vais vous en exposer les grandes lignes et, pour chacune des trois grandes orientations que je viens d'évoquer, je présenterai également les chantiers de réflexion que nous devrons ouvrir.
Alors, concrètement, sur notre première orientation, « Assurer le respect des arbitres et de l'arbitrage », quelles vont être nos priorités ?
Première priorité : créer un observatoire interdisciplinaire des incivilités et des violences. Un tel outil existe déjà pour le football avec des résultats remarquables : parce que pour agir, il nous faut une connaissance précise de la réalité et des faits. Mais il faut dire la vérité : la violence - tout particulièrement, la violence à l'égard des arbitres-, existent dans les autres sports. Alors, dotons-nous d'un instrument interdisciplinaire qui nous permette de disposer de toutes les données quantitatives et qualitatives. C'est là une condition indispensable pour une prévention et une répression efficaces contre les violences dont sont trop régulièrement victimes les arbitres.
Deuxième priorité : créer, sur le modèle du permis de conduire, la « licence à points ». Comme pour le permis de conduire, la suspension de la licence doit être une épée de Damoclès au dessus de la tête de tous les licenciés aux comportements inappropriés. C'est d'ailleurs un principe qui a déjà fait l'objet d'expérimentations ici ou là. Bien entendu, chacun connait ici ma position : pour les cas les plus graves, je le répète, la licence doit être purement et simplement retirée ! Mais les incivilités du quotidien, les violences verbales et tout particulièrement celles adressées aux arbitres, doivent elles aussi être prises en compte et entrainer la suppression de points sur la licence comme autant d'avertissements avant la suspension.
Troisième priorité : assurer la formation des éducateurs à l'arbitrage. Bien sûr nos éducateurs sont initiés aux règles. Mais, les arbitres le savent bien : entre la connaissance des règles indispensables au jeu et l'arbitrage en tant que tels, la nuance est de taille ! Comment sensibiliser nos jeunes à l'arbitrage si les connaissances de leurs éducateurs en la matière se réduisent à la question des règles du jeu ? Comment empêcher les débordements de certains éducateurs qui éructent contre l'arbitre au bord du terrain, sans une formation de cette nature ? Il s'agira donc d'introduire dans la formation des éducateurs des séquences consacrées à l'arbitrage et plus particulièrement des mises en situations. Je vais mobiliser les DTN sur ce sujet.
Enfin, au-delà de ces trois premières priorités, toujours sur cette première orientation liée au respect des arbitres et de l'arbitrage, je souhaite qu'un certains nombre de chantiers de travail soient ouverts. Premier chantier : je souhaite que l'on engage un travail de démultiplication dans tous les sports collectifs, à tous les niveaux, des protocoles d'avant-match : un arbitre doit être accueilli, accompagné et raccompagné par un membre du club accueillant. C'est la moindre des choses. Le dialogue avec les dirigeants, entraîneurs et capitaines avant pendant et après le match doit être formalisé et respecté. Ce devrait être élémentaire pour s'assurer d'un arbitrage respecté et compris. Ce n'est que trop peu fait encore. Dans la même logique, ce sera notre deuxième chantier de réflexion ici, je souhaite que les fédérations recommandent à l'ensemble de leurs clubs d'intégrer un arbitre dans les instances dirigeantes des associations. C'est aussi comme cela que le dialogue et le respect seront restaurés. L'arbitre doit devenir un membre à par entière du club.
Enfin, et j'y tiens tout particulièrement, troisième chantier de réflexion et de travail, je ferai en sorte que l'on étudie la question de la nécessaire représentation de la diversité de la société dans les effectifs des arbitres français : l'enjeu de la féminisation comme de la représentation des minorités apparentes est central. Ce ressenti, qui n'existe pas dans la pratique des sports en question, est particulièrement troublant quand on se penche sur l'arbitrage : dans certaines disciplines, il faut plus de femmes et plus de Français d'origine étrangère qui arbitrent.
Sur la deuxième orientation de nos travaux maintenant, « Mieux recruter, mieux former et mieux évaluer les arbitres » : Pour valoriser et attirer de nouveaux arbitres, il faut que cette pratique soit mieux reconnue. Cette reconnaissance et cette valorisation passent notamment par la validation des acquis de l'expérience, la VAE : c'est notre quatrième priorité : c'est un travail que j'engagerai en collaboration avec les ministères concernés. On doit de plus pouvoir valoriser au bac et dans le cursus universitaire la pratique de l'arbitrage avec, par exemple, par des points acquis aux examens.
Cinquième priorité : travailler progressivement à une politique d'initiation systématique à l'arbitrage dès le plus jeune âge, dans le cadre des entraînements. Il faut définitivement ancrer dans les mentalités que l'arbitre est aussi un joueur. Parce qu'on est d'abord un sportif et un joueur avant d'être arbitre. Cela contribuera à la fois à ancrer dans les gênes le respect de l'arbitre et de l'arbitrage et à mieux détecter les futurs talents de l'arbitrage. De plus, il faut permettre aux jeunes arbitres de continuer à pratiquer leur sport en tant que joueur le plus longtemps possible. Pratiquer soi-même un sport est essentiel pour bien l'arbitrer.
Sixième priorité : la mise en place de passerelles entre l'activité de joueurs et d'entraîneurs de haut niveau et celle d'arbitre. Il s'agit de décloisonner là encore une activité qui doit s'ouvrir à son environnement pour gagner en compétences et en valorisation. Il n'est pas normal que de bons entraîneurs ou de bons joueurs ne deviennent pas plus souvent de bons arbitres. On doit faciliter ce passage.
Septième priorité : la création d'un véritable statut de l'arbitre de haut niveau. Je ne vois vraiment pas pourquoi un arbitre de haut niveau ne pourrait pas bénéficier, au même titre qu'un sportif de haut niveau, d'aménagements et d'avantages liés à son statut.
Concernant les chantiers complémentaires sur cette deuxième orientation, je mettrai plus particulièrement en avant celui de l'évaluation des arbitres de haut niveau et professionnels. Nous devons oeuvrer pour aller vers une évaluation moins arithmétique et plus complète, notamment en football. La sérénité des arbitres passe sans doute par une évaluation objective et complète sur l'ensemble d'une saison. Par ailleurs, l'appréciation de la qualité d'un arbitre pourrait aussi reposer sur des analyses extérieures au corps arbitral. L'expérience du basketball qui a mis en place un système d'évaluation par les entraîneurs est à cet égard une piste intéressante à creuser.
Alors, j'en termine avec notre troisième orientation, « Viser l'excellence pour l'arbitrage dans le monde professionnel ». Qui dit matchs professionnels et matchs de haut niveau, dit comportements professionnels et de haut niveau. L'exigence pour tous les acteurs y compris les arbitres doit être maximum. Cela se traduit tout d'abord par une huitième priorité : la mise en place d'une plateforme de formation commune aux 5 grands sports collectifs afin de former les arbitres concernés à la gestion des hommes, des conflits, et de la pression, à la résistance au stress, à la communication et à la psychologie. Et pourquoi ne pas y associer un diplôme d'arbitre de haut niveau attestant de cette formation indispensable ? Il y a déjà des expériences en la matière qui méritent d'être développées : je pense au Diplôme Universitaire de Clermont-Ferrand financé par La Poste, le partenaire des arbitres. Il faudra oeuvrer dans ce sens.
Neuvième priorité : la fin du devoir de réserve pour les arbitres de football. C'est quelque chose d'extraordinaire : les arbitres français dans ce sport sont les seuls ou presque à ne pas pouvoir communiquer avant ou après le match ! Chacun sait bien que les polémiques autour de l'arbitrage professionnel ne font de bien à personne et ne nuisent pas seulement aux arbitres mais aussi au sport considéré. Je propose que l'on travaille à la libération de la parole des arbitres qui doivent pouvoir expliquer la façon dont ils vont diriger la rencontre, le contexte qui a présidé à la rencontre,...Bref, un arbitre professionnel doit communiquer comme un professionnel. Si ce dialogue médias/clubs/ arbitres était établi, de nombreux malentendus seraient dissipés.
Enfin, dixième et dernière priorité : la création d'un corps d'arbitres professionnels. Je souhaite que nous y travaillions avec les fédérations et les ligues, sur la base du principe d'une mise en place progressive et d'un nombre d'arbitres concernés variable en fonction des sports considérés. Il faudra poser ici la question de la rémunération de ces arbitres professionnels. Cela ne peut plus être un sujet tabou. Cela doit désormais être un sujet de travail et de réflexion qui viendra en complément de celui sur le statut de haut niveau. Pour terminer avec cette troisième et dernière orientation, d'autres préconisations issues des groupes de travail seront suivies de près comme l'assistance vidéo en football. Là encore la vidéo n'est qu'un moyen technique au service de la prise de décision. L'outil n'est pas infaillible et ne peut pas se substituer au jugement de l'arbitre. Il peut être utilisé ponctuellement, en football par exemple, pour savoir si le ballon a ou non franchi la ligne ; cette piste ne peut être écartée. Enfin, pour conclure par la thématique sur laquelle j'ai commencée, celle du respect dû à l'arbitre. Il me paraît indispensable de faire appliquer beaucoup plus fermement et beaucoup plus systématiquement au niveau professionnel, les sanctions à l'encontre de ceux qui agressent verbalement ou physiquement les arbitres. Etre professionnel c'est être exemplaire car des enfants et des jeunes vous regardent. Il n'est pas normal de prendre des sanctions graves et lourdes au niveau amateur et de laisser s'installer le laxisme au niveau professionnel.
Voilà donc, à l'issue de ces Etats généraux les grandes lignes de notre feuille de route. Ces 10 priorités nous allons les mettre en oeuvre ensemble dans le cadre d'un calendrier qui doit être une exigence pour chacun d'entre nous. Dès la fin juin, je réunirai les 5 fédérations des sports collectifs majeurs pour poser les premiers jalons de ce nouveau travail collectif à venir.
Pour s'assurer de la mise en oeuvre effective des actions prioritaires et du suivi des chantiers complémentaires, je propose la mise en place d'un groupe de suivi des états généraux de l'arbitrage réunissant les 5 directions nationales de l'arbitrage et les 5 fédérations des sports collectifs majeurs. L'objectif est clair : aboutir à la mise en oeuvre complète des principales préconisations des groupes de travail avant août 2009 afin que de nouveaux dispositifs soient opérationnels pour la saison 2009-2010.
Je suggère que nous fassions, avec ce groupe de suivi, un point d'avancement de mi-parcours en janvier 2009. Un peu plus d'un an pour transformer l'essai de ce formidable travail d'équipe, inter-fédérations, inter-acteurs, pour lequel je vous renouvelle mes remerciements et mes félicitations.
Bravo à tous.Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 2 juin 2008