Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à France Info le 4 juin 2008, sur le projet de réforme de la télévision publique.

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Média : France Info

Texte intégral

R. Duchemin.- La "Question du jour" concerne une commission qui porte son nom. Bonjour J.-F. Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée. Avant d'y venir, dites-moi, j'ai quand même envie de vous demander : vous êtes vraiment l'homme qui agace N. Sarkozy, comme le dit ce matin le Parisien ?
 
En bien, je n'espère pas ! En tout cas, ce n'est vraiment pas mon souhait. J'essaye de faire mon travail le plus utilement possible. Vous savez, quand vous présidez un groupe parlementaire de près de 320 personnalités, vous veillez à ce que nous soutenions à 100 % le président de la République dans son action. Et en même temps, moi je veille à ce qu'il y ait 100 % de liberté de débat, parce qu'on est en 2008 et que nous souhaitons un Parlement moderne qui soit en situation de proposer et pas simplement de voter des textes en appuyant sur le bouton sans regarder. Je crois que c'est cela qui est nouveau, qui est important, et puis c'est cela la modernité en politique.
 
C'est aujourd'hui que les députés socialistes vont quitter officiellement la commission sur l'audiovisuel public, c'est la dernière réunion. Ils l'ont d'ailleurs annoncé dès la semaine dernière. Vous dites qu'ils ont une consigne d'en haut et eux disent justement qu'en fait c'est vous qui avez une consigne et que tout se décide à l'Elysée, que c'est pour cela qu'ils claquent la porte. Qui a raison ?
 
Moi je vais vous dire, je regrette beaucoup que les députés socialistes partent de cette commission, pas parce qu'ils sont de tel bord ou de tel autre mais parce que c'est des gens bien, parce qu'on a travaillé ensemble depuis trois mois, et que cette commission, elle est formidable, parce qu'elle est composée de professionnels de l'audiovisuel mais aussi de parlementaires de tous les bords, qui, depuis la première minute, ont une idée en tête : imaginer ce que sera la télé publique de demain. Parce qu'on veut la moderniser, on veut un modèle qui soit original, qui plaise au Français ; d'ailleurs on les consultent beaucoup par Internet les Français là-dessus. Donc, les voir partir aujourd'hui, cela me désole un peu d'autant que je comprends que c'est à la suite du fait que N. Sarkozy a dit qu'il ne souhaitait pas l'augmentation de la redevance. Moi je voudrais m'assurer quand même que s'ils parlent, cela veut dire qu'ils sont pour l'augmentation de la redevance, et je voudrais savoir ce que pense leurs électeurs, parce que leurs électeurs c'est le même que les nôtres. Et je sais que les Français aujourd'hui ils souhaitent que l'on finance bien sûr la télévision publique. Et nous notre objectif, c'est de trouver d'autres ressources, on est en train de le faire et pas une augmentation de la redevance alors même qu'il y a des problèmes de pouvoir d'achat.
 
Justement, effectivement, ce qui est sûr, c'est qu'on a le sentiment, nous, aujourd'hui, que N. Sarkozy vous a quand même sacrément réduit la marge de manoeuvre avec cette histoire de redevance, en disant que c'était non. Est-ce qu'il y a finalement d'autres solutions auxquelles on n'aurait pas pensé ?
 
Bien sûr, il y en a un certain nombre qu'on a évoquées. D'abord, je voudrais vous dire que...
 
Par exemple sur cette question de la réforme.
 
Je voudrais vous dire que moi j'ai toujours dit qu'à titre personnel je n'étais pas favorable à l'augmentation de la redevance. En revanche il y a un point - d'ailleurs, nous allons l'aborder tout à l'heure avec la commission où je réunis - c'est qu'il ne faut pas l'augmenter la redevance, du moins de mon point de vue, d'autres ont un avis contraire, donc on aura deux scénarios. Mais moi je suis partisan qu'au moins elle soit indexée sur, par exemple, l'évolution des prix de telle sorte que si on ne l'indexe pas, à ce moment-là elle diminue tous les ans, donc ça ce n'est pas possible. Donc, ça je pense que c'est une piste sur laquelle nous nous retrouverons de manière unanime dans la commission. Comme aussi l'idée de dire que ceux qui regardent la télévision par d'autres moyens que par l'écran classique, voyez par exemple par leur ordinateur uniquement, ce n'est pas normal qu'ils ne payent pas la redevance. Donc, là il y a peut-être à élargir un petit peu l'assiette sachant qu'il n'est pas question qu'un Français paie deux fois la redevance.
 
Et cette piste que vous évoquez, l'indexation justement sur l'inflation, N. Sarkozy y est favorable ?
 
Je n'en sais rien. On le verra bien.
 
Vous n'en avez pas discuté avec lui ?
 
Si, bien sûr, mais je ne veux pas parler en son nom. Je suis membre de la commission, je la préside, je suis là pour être le garant de la liberté des débats.
 
S'il l'a proposé, c'est que probablement il est d'accord ?
 
Ecoutez, en tout cas, ce que je peux vous dire, c'est que ça ne sera pas l'essentiel. L'essentiel, pour ce qui me concerne, pour ceux qui ne sont pas favorables à une augmentation de la redevance, dont je suis, là il y a une autre piste : c'est de faire une taxe sur les fournisseurs d'accès Internet, également sur les téléphones mobiles, parce que ce sont des acteurs économiques qui ont un poids considérable dans notre économie - ils font 42 milliards de chiffres d'affaires, un développement extrêmement fort, ils diffusent de l'image télévisée, et que demain ils s'intéressent de plus en plus à la télé et notamment à la télé publique - pourquoi ne pas imaginer qu'alors ils puissent payer une petite taxe, qui ne se répercutera jamais sur les consommateurs, d'ailleurs, puisqu'en fait c'est un marché très concurrentiel, et que le triple play à 29,9.euro, on sait très bien qu'ils ne vont pas l'augmenter. Par contre, ce qui est important, c'est qu'on voit demain est-ce que ces acteurs entrent sur le marché de la télé, parce que cela amènera plus de moyens pour financer la création française, pour financer les auteurs, pour financer la production, et donc ce sont des choses formidables sur lesquelles, en réalité, moi je vois les choses de manière très positive, pour la télé publique en particulier, et puis même pour la télévision française en général.
 
Justement, vous aviez proposé de taxer les télévisions privées sur la publicité et leurs recettes. Evidemment, ça a fait un tollé. En revanche, le cadeau, en tout cas vécu comme tel par certains parce que synonyme de beaucoup d'argent pour ces mêmes chaînes, c'est la deuxième coupure de pub rallongée de 6 à 9 minutes. C'est quand même le jackpot pour les chaînes privées.
 
J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre ce procès d'intention. Je voudrais d'abord appeler chacun à un aspect de logique. A partir du moment où on supprime la publicité sur la télévision publique, elle va donc aller forcément, pour tout ou partie, tout au moins en partie, au privé. Si dans le même temps, vous n'augmentez pas un peu la taille des minutes de publicité, où est-ce que vous la mettez la publicité supplémentaire ? Vous ne la mettez pas, donc c'est un jeu de dupes.
 
Pour reverser du coup aux télévisions publiques ?
 
Ecoutez, ça, depuis le début, on trouve que c'est quand même assez normal. Là, ce n'est plus un cadeau puisque notre idée, c'est qu'on fasse une taxation sur les chaînes privées.
 
Cadeau parce que ça va avoir une incidence évidemment sur le cours des actions des télévisions privées.
 
Non, mais attendez, comme on leur donne cette recette, enfin comme ils vont récupérer cette recette publicitaire supplémentaire, il est normal qu'on fasse une taxe dessus qui aille financer la télévision publique. Tout ça est quand même assez logique. Et dans le même temps, il est logique d'avoir une deuxième de publicité pour leur permettre d'accueillir cette publicité supplémentaire. La seule chose que je veux quand même dire, c'est que l'objectif n'est pas d'appauvrir la télévision française. Donc d'un côté, on trouve des recettes supplémentaires pour la télévision publique et, croyez-moi, on la trouve non seulement pour financer la perte de la publicité mais aussi pour développer France Télévisions, parce ce qu'elle va beaucoup se développer cette entreprise dans les années qui viennent, et de l'autre, on permet à la télévision privée de continuer de financer des productions, des créations françaises.
 
Donc vous nous assurez aujourd'hui, pour rassurer peut-être ceux qui nous écoutent ce matin et qui travaillent dans les chaînes publiques, qu'il y aura un financement public pour les chaînes publiques ?
 
Non seulement je le dis et je le confirme. Vous savez, pourquoi je veux continuer d'aller jusqu'au bout dans cette commission avec l'ensemble de mes collègues de la commission, à l'exception des députés socialistes et communistes qui nous laissent ainsi travailler seuls alors qu'on aurait bien aimé les avoir parce que c'est la télévision de tous les Français, c'est parce que je pense aussi à l'ensemble du service public de la télévision, à l'ensemble de ses salariés. Nous sommes en responsabilité vis-à-vis d'eux. Cela fait des années que par lâcheté ou par absence de courage politique, personne n'a osé toucher ce secteur audiovisuel. Cela fait 20 ans qu'on n'y a pas touché et donc, ça veut dire quoi ? C'est comme un château de cartes. Comme on ne touche à rien parce qu'on a eu peur, on dit "oh la, la, s'il y a une carte qui bouge, ça va faire tout tomber", et c'est normal qu'on ait cette inquiétude. Et bien moi, je suis là aussi pour assumer, d'être garant qu'on va mettre en oeuvre ce développement. D'ailleurs, je serai rapporteur de la loi moi-même, ce n'est pas rien, ça veut dire que, sur ce sujet, je m'engage à fond.
 
J.-F. Copé, hier, la journée a été pas mal mouvementée pour R. Dati à l'Assemblée, grosse passe d'armes avec les socialistes notamment. Elle a eu raison de dire ce qu'elle a dit la garde des Sceaux ? Parce qu'il y a deux problèmes : le problème de droit pur et puis le problème de société derrière.
 
Oui, mais je pense que c'est important d'aborder les deux sujets. Je pense qu'elle l'a fait avec beaucoup de courage. Vous savez, j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour elle pour son parcours, pour ce qu'elle est aujourd'hui. Vous dites qu'elle a été mouvementée la journée, je voudrais dire aussi qu'elle a été heureuse la journée. Parce que je voudrais vous rappeler que là où on prédisait que la majorité était divisée sur le vote de la Constitution, eh bien nous l'avons adoptée à une écrasante majorité. Qui a présenté ce texte à l'Assemblée ? C'est R. Dati tout au long de la semaine. Donc vous savez, il y a des moments où je sais qu'il est bon de crier haro sur tel ou tel, ça nous est arrivé à tous, on connaît ça bien. Il faut donc être solide dans ces moments-là et Rachida, elle l'est.
 
Et vous pensez qu'il faut légiférer sur cette question ou pas ?
 
Je pense que ce serait pas mal, au-delà de l'ébullition médiatique du moment, d'imaginer par exemple - en tout cas c'est ce que je propose - qu'un groupe de députés, de droite et de gauche d'ailleurs, se réunissent de manière sereine pour évoquer cette question. C'est une question de société qui n'a jamais été abordée jusqu'à présent. Le fait que les députés puissent le faire de manière un peu dépassionnée, dans le cadre d'un groupe de travail, serait peut-être une belle idée.
 
Il nous reste quelques secondes, juste pour évoquer vos ambitions personnelles, J. F. Copé, je sais que ça fait court : 2012, après. Vous aimez dire que vous avez toujours été ambitieux et que vous ne le cachez pas. Alors ces ambitions, elles vont jusqu'où ?
 
D'abord, c'est gentil de vous intéresser à moi comme ça, ça me touche beaucoup sur France Info si tôt le matin, mais pour ce qui concerne cet aspect des choses, j'ai déjà eu l'occasion d'en parler ; aujourd'hui je pense que ce qui compte, c'est que je fasse mon travail et je le dis sans langue de bois, je pense que l'engagement politique pour son pays, c'est un parcours initiatique.
 
On n'aime pas la langue de bois sur France Info.
 
J'ai toujours dit que je n'en faisais plus depuis longtemps donc je suis très à l'aise avec vous. Je pense que c'est un parcours initiatique le parcours politique. On franchit des haies successivement et aujourd'hui, celles qui me préoccupent, c'est que nos réformes passent.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 juin 2008