Texte intégral
Mesdames et messieurs les députés,
Cher Dominique Richard, cher David Kessler,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Je suis très heureuse d'être parmi vous pour ce séminaire consacré à l'économie de l'audiovisuel. Je tiens tout d'abord à remercier Dominique Richard et David Kessler de l'avoir organisé et d'avoir réuni des professionnels connaissant bien le secteur, mais avec un regard extérieur, un regard d'expert, un regard d'analyste. C'est très vivifiant pour nous tous qui sommes immergés en permanence dans le grand bain de l'audiovisuel, sa loi, ses décrets, sa réglementation, sa régulation.
Les éclairages que vous nous apportez sont essentiels pour repenser l'économie de l'audiovisuel dans son ensemble, pour trouver la meilleure réglementation possible, susceptible de préserver le pluralisme, de maintenir la diversité et en même temps de créer les conditions de l'émergence de grands groupes de médias français, capables d'entrer en compétition avec leurs concurrents internationaux, mais aussi avec les nouveaux entrants du marché audiovisuel, les opérateurs de télécommunication.
Pour toutes ces raisons je me réjouis que ce séminaire se tienne à l'Assemblée nationale, tout un symbole. Un symbole car c'est avec le Parlement et les parlementaires que nous préparerons le prochain projet de loi qui modernisera en profondeur l'audiovisuel français. Un symbole encore car ce sont les parlementaires membres de la Commission pour une nouvelle télévision publique, au premier rang desquels Jean-François Copé qui la préside, qui ont largement contribué à préparer le service public audiovisuel de demain. D'ici deux semaines, vous rendrez au Président de la République les conclusions de la commission. En trois mois de travail, la commission aura balayé tous les sujets, traité toutes les problématiques, apporté une contribution riche et innovante au débat sur l'avenir de France Télévisions.
Je veux profiter de ma présence parmi vous pour vous faire partager quelques unes de mes convictions sur l'avenir de l'audiovisuel en France.
* Le financement de France Télévisions
Tout d'abord, l'avenir du service public. La commission présidée par Jean-François Copé a avancé de nombreuses propositions. La plus significative est la suppression de la publicité sur France Télévisions en deux étapes : après 20h, sur toutes les chaînes, dès 2009, puis une suppression totale à compter de 2012, au moment où l'on arrêtera la diffusion analogique. C'est une mesure de bon sens et j'y suis très favorable. Par ailleurs, je crois que cette réforme importante doit être mise en oeuvre dès le 1er janvier 2009, soit un an après son annonce par le Président de la République. Les esprits sont prêts, tout le monde attend que ce changement majeur dans l'économie de France Télévisions se traduise à l'antenne. Les Français l'attendent désormais.
Pour compenser cette suppression de la publicité, la commission a établi plusieurs scénarios de financement. Nous le savons, le financement, c'est le nerf de la guerre. Nous avons les moyens de financer 450 Meuros de compensations liées à l'arrêt de la publicité en soirée sur France Télévisions. La commission a ainsi apporté un démenti formel à ceux qui en doutaient.
Parmi toutes les solutions proposées - le Président de la République l'a rappelé et je partage son point de vue - l'augmentation de la redevance est d'ores et déjà écartée, même si je sais que les professionnels du secteur plaident en sa faveur. La défense du pouvoir d'achat des Français est une priorité.
Toutefois, l'assiette de calcul de la redevance pourrait être repensée. Compte tenu de l'évolution des technologies, on regarde la télé de plus en plus souvent par des moyens autres que les téléviseurs classiques, je pense par exemple aux ordinateurs. Cette mesure d'extension de la redevance aux ordinateurs pourrait être expertisée à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2009.
Je pense aussi qu'il ne faut pas s'interdire de faire de la redevance une recette dynamique et donc de l'indexer sur l'inflation. La redevance, en l'absence de toute évolution depuis 2002, a baissé en France. Nous ne pourrons pas continuer ainsi, sauf à compenser le manque de dynamisme de cette recette essentielle pour l'audiovisuel par un abondement toujours plus important du budget général de l'Etat, ce qui n'est pas sain. La question de l'indexation sur le coût de la vie devra être tranchée prochainement.
Par ailleurs, la commission Copé l'a bien montré et je l'en félicite : nous n'avons pas besoin d'augmenter la redevance pour financer la réforme de France Télévisions. Parmi les scénarios proposés par la commission, l'un me semble particulièrement pertinent : c'est la taxe sur les chaînes privées ainsi que sur les opérateurs de télécom. Ces deux pistes avaient d'ailleurs été évoquées par le Président de la République dès le 8 janvier.
Il me semble tout à fait normal que les chaînes privées qui bénéficieront des transferts de publicité soient mises à contribution, même de façon modeste.
Et il me semble également logique que les opérateurs télécom, au moment même où ils investissent de plus en plus massivement dans les contenus audiovisuels, contribuent eux aussi au financement de l'audiovisuel public.
Enfin, concernant le financement de France Télévisions en 2009, le Gouvernement s'engage à respecter sa parole en donnant au service public tous les moyens prévus par le Contrat d'Objectifs et de Moyens pour 2009, dont 800 Meuros qui étaient attendus au titre des recettes publicitaires. Quelles que soient les modalités qui seront in fine choisies pour compenser les recettes publicitaires : tout le COM sera respecté. Je tiens à le dire devant vous aujourd'hui et à délivrer ce message au groupe public et à ses salariés. L'Etat sera aux côtés de France Télévisions et jouera pleinement son rôle d'actionnaire.
* La réforme des décrets Tasca
Autre sujet que je souhaitais aborder aujourd'hui devant vous, et tout particulièrement en présence de Dominique Richard et de David Kessler : la réforme du financement de la production audiovisuelle.
Je l'ai annoncé en octobre 2007 au MIP COM et je le redis avec force aujourd'hui : la réforme des décrets Tasca est nécessaire pour redonner des moyens au système de financement de la production audiovisuelle. C'est une mesure très importante pour les scénaristes, les comédiens, les producteurs, et les chaînes de télévision bien sûr.
Je souhaite que la mission Kessler/Richard reprenne ses travaux dès aujourd'hui, maintenant que nous disposons de plusieurs pistes pour assurer la compensation intégrale la suppression de la publicité sur France Télévisions, et alors que les chaînes privées, qui vont bénéficier des transferts de revenus et des assouplissements de la réglementation, seront en mesure de faire face à un marché publicitaire déprimé.
Il faut faire en sorte que les chaînes s'engagent encore plus dans la création mais qu'en retour elles puissent bénéficier des recettes proportionnelles au niveau de leur engagement. Un retour sur investissement pour les chaînes, dès lors qu'il représente une part significative du financement d'une oeuvre audiovisuelle, ne me choque pas.
Par ailleurs, d'ici trois ans, nous aurons basculé dans le tout numérique. Je trouve intéressante, dans cette perspective, l'idée de repenser les obligations de production non plus par chaîne mais par groupe audiovisuel. Je demande à David Kessler et Dominique Richard d'approfondir et d'expertiser cette piste qui nécessitera une modification législative. Cette réflexion devient d'autant plus urgente que de nouveaux acteurs, comme Orange avec son bouquet de six chaînes (sport, cinéma, série), investissent aujourd'hui massivement dans les contenus audiovisuels. Il est logique que les règles soient les mêmes pour tous, qu'elles s'adaptent à cette nouvelle donne, afin de garantir la pérennité de notre système de financement de la création et de la production.
Par ailleurs, les obligations de production pourraient être recentrées sur la production patrimoniale, et seulement cette production, c'est-à-dire les fictions, les documentaires, l'animation. Ce sont les genres qui nécessitent légitimement un soutien des diffuseurs nationaux face à la concurrence mondiale. Ces investissements sont tout à fait nécessaires à la vitalité de la création française.
Je pense enfin qu'une piste de travail devrait être creusée : comme c'est le cas pour le cinéma, avec des accords interprofessionnels pluriannuels, ne pourrait-on pas fixer le niveau des obligations de production en valeur absolue (XXX millions d'euros) plutôt que de les exprimer en pourcentage du chiffre d'affaires ? Cette réforme pourrait être envisagée pour France Télévisions. Pourquoi ne pas ouvrir aussi cette possibilité aux chaînes privées ? J'y verrais une manière de donner de la visibilité aux producteurs, sur plusieurs années, mais aussi aux chaînes qui pourraient prévoir, en amont, dans leur plan d'affaires, les dépenses qu'elles devront affecter à la production audiovisuelle. Les accords pourraient être signés pour 3 ou 4 ans, avec des clauses de rendez-vous au cas où la situation économique des groupes audiovisuels changerait lourdement (forte dégradation du chiffre d'affaires, acquisition ou vente d'une chaîne...).
Je souhaite que David Kessler et Dominique Richard reprennent leurs négociations avec les créateurs, les producteurs et les diffuseurs afin de déterminer les modalités des accords interprofessionnels avant la trêve de l'été. A défaut d'accord, au moins sur les grands principes de la réforme, je suis prête à légiférer pour intégrer ces modifications dans le projet de loi sur l'audiovisuel que nous allons rédiger pendant l'été et qui sera débattu cet automne.
Voilà les quelques idées que je voulais partager avec vous aujourd'hui.
Je souhaite que nous préparions l'avenir de l'audiovisuel français ensemble, avec les professionnels de l'audiovisuel, avec le Parlement, à l'occasion du projet de loi audiovisuelle que le Gouvernement présentera cet automne : clarification des missions et des moyens du service public qui devra être davantage encore la télévision de tous les publics ; soutien à la création audiovisuelle par le renforcement des groupes audiovisuels français afin que le cercle vertueux de financement que nous avons créé soit prolongé et pérennisé.
Je vous remercie d'avance pour les contributions que vous pourrez apporter à ce grand chantier par vos échanges et vos débats de cet après-midi.
Je vous remercie.