Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Avant de parler de culture, de communication, je voudrais qu'on parle politique. J'ai juste une question à vous poser, avec une intervention d'A. Juppé, qui a marqué. Voilà ce qu'a dit A. Juppé avant-hier : "J. Chirac avait dit qu'il était "prêt à entrer dans l'OTAN si les Américains partageaient le pouvoir et si l'Europe construisait une défense". Aujourd'hui, dit A. Juppé, je crains que le "si" ait disparu. Si on entre dans l'OTAN sans conditions, ce sera un marché de dupes". Vous êtes d'accord ou pas ?
Je crois que je fais confiance à N. Sarkozy sur un sujet à ce point sensible. Il a une volonté européenne, très, très forte, c'est évident. Et c'est vrai qu'on s'apprêtait à donner beaucoup de sens à cette présidence européenne, vraiment dans tous les secteurs...
Mais là, ce n'est pas une volonté européenne que d'entrer dans l'OTAN...
Si, parce qu'il y a l'idée, si on construit une défense...
A. Juppé dit le "si" n'est pas là...
De toute façon, il y a tout un processus quand même, qui est en train, malgré tout, de se construire dans beaucoup de secteurs, je le vois dans mon secteur, où nous travaillons avec les ministres de la Culture, de l'audiovisuel. Il est vrai que le "non" irlandais crée un halo de doutes actuellement sur l'Europe et sur tout ce que peut faire l'Europe, ça c'est vrai.
Alors, vous n'êtes pas d'accord avec A. Juppé ?
Non, je ne suis pas d'accord avec A. Juppé.
Regardons ces chaînes de télévisions pour enfants de moins de trois ans, il y en a deux en France qui diffusent : "Baby first" et "Baby TV". Vous dites, "alerte, attention, faisons très attention" ?
Oui, je dis faisons très attention parce que, au temps des programmes pour des jeunes, jeunes, ados, vous pouvez avoir des programmes de qualité, faire passer des quantités de messages, et d'ailleurs nous avons beaucoup d'idées sur ce point, on peut d'ailleurs être fiers dans notre industrie de programmes. Pour les bébés, on voit bien, c'est une façon probablement de les garder, de les matraquer d'images, les matraquer de sons. On ne pas d'ailleurs quels effet ça peut avoir sur des tout petits êtres en formation...
La Direction générale de la santé dit "attention !".
Oui, je pense qu'il faut vraiment être très prudents, c'est actuellement...
C'est une "baby sitter" gratuite ?
C'est un peu ça, oui, c'est-à-dire qu'on se débarrasse, on met le bébé, qui est complètement ahuri, alors qu'on sait que c'est un moment où il faut tout de même s'en occuper, où il faut lui faire découvrir tout son environnement, tous ses sens en quelque sorte, où quelques objets d'ailleurs suffisent à le distraire et à le développer.
Mais vous n'êtes que le ministre de la Culture et de la Communication. Que pouvez-vous faire, pas grand-chose ?
On peut alerter, et on peut en appeler à la responsabilité, et on peut naturellement discuter avec les diffuseurs. Parce que...
Allez-vous convoquer les responsables de ces chaînes ?
Je vais en tout cas en discuter effectivement avec eux très, très vite, parce qu'il y a quand même... Je pense qu'il y a un vrai sujet. Ce sont deux chaînes anglo-saxonne en réalité, évidemment ce ne sont pas des chaînes terroristes, ce ne sont pas des chaînes à caractère, je ne sais pas quoi...pornographiques, ou je ne sais quoi. Il n'y a pas de possibilité de faire tomber des foudres...
Vous ne pouvez pas les interdire ?
Non, on ne peut pas les interdire, mais...
Vous ne voulez pas d'ailleurs ?
De toute façon, on ne peut pas, ce n'est pas Al-manar, on n'est pas dans le même cas de figure. Par contre, je crois qu'on peut dire, "attention, attention !" aux parents, naturellement, quand même. Il y a une responsabilité d'abord des familles. Et puis, évidemment, en parler avec les diffuseurs, parce qu'on peut s'interroger aussi sur leur présence dans ces bouquets.
La publicité dans les programmes pour les enfants ?
La publicité, je dirais que je partage... Evidemment, on est tous soucieux des objectifs de santé publique, c'est évident. Et on se dit, quand même, comment les porter aux mieux ? Et je pense que la Charte...
Je parle de publicité alimentaire, évidemment.
Oui, bien sûr, alimentaire. Il faut se méfier de la démagogie, de tomber dans les caricatures. C'est-à-dire que je pense que la charte qu'ont établie en ce moment les professionnels, où ils sont allés, ils ont fait vraiment de très gros efforts, ils ont fait des propositions fortes, avec des programmes spécifiques, des spots, en utilisant les héros positifs pour faire passer les messages, en acceptant de vendre beaucoup moins cher les publicités pour les bons produits. Je crois que tout cela a une valeur pédagogique qui peut être très importante.
Pas d'interdiction, donc ?
Vous savez, la logique de l'interdiction, il faut voir...
C'est le ministère de la Santé qui veut l'interdiction, vous n'êtes pas d'accord, mais ça arrive de ne pas être d'accord...
Il faut voir que la logique de l'interdiction, s'agissant encore une fois d'enfants qui peuvent être très bien éduqués, que l'on peut former à certaines choses, c'est quand même un danger aussi considérable. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous portez, vous allez soutenir les télés étrangères qui, elles, n'auront aucune interdiction - par exemple Disney, Fox TV, etc. -, et vous allez tuer nos chaînes françaises pour enfants, qui sont des chaînes de grande qualité. Nous avons la première industrie de l'animation d'Europe et même au monde, nous sommes les meilleurs ; nous faisons des dessins animés de grande qualité. Et résultat, eh bien, vont déferler les chaînes étrangères au détriment de toute notre industrie de programmes, avec tous les professionnels passionnés par leur métier, c'est pour cela qu'il faut faire attention. Je pense qu'il faut choisir la meilleure arme.
L'arrêt de la publicité sur les chaînes de télévision publiques maintenant. La publicité serait supprimée après 20 heures de septembre 2009 à janvier 2012, avant l'arrêt total de la publicité. On attend le texte définitif, le texte rendu à N. Sarkozy, le financement. Alors le débat sur la redevance : indexation de la redevance sur les prix ?
Moi, c'était ce que j'ai toujours souhaité, je souhaitais que la redevance ne baisse pas. Pour qu'elle ne baisse pas, il faut au moins qu'elle soit indexée, c'est quand même normal.
Et la redevance sur les télévisions dans les résidences secondaires ?
Après, il y a une discussion disant "indexer et puis on bouge sur l'assiette". Je crois qu'il faut voir il n'y a pas de décision... On va discuter. Il y a plusieurs possibilités de bouger sur l'assiette, et d'ailleurs la décision n'est pas entièrement prise de le faire. Par contre, l'indexation je pense qu'elle acquise actuelle.
Paiement d'une redevance pour les propriétaires d'un ordinateur ou d'un téléphone portable ?
Voilà, ce sont les pistes.
Vous êtes favorables ou pas ?
C'est-à-dire que dès l'instant qu'on regarde la télé sur beaucoup de supports, la difficulté, évidemment, ce sera de dire "est-ce que telle personne regarde ou pas la télé sur l'ordinateur ?", par exemple.
Donc, vous dites "pourquoi pas" ?
Je dis "pourquoi pas ?". C'est pour cela que maintenant il faut en discuter, expertiser. D'abord, il faut savoir il y a un principe : est-ce qu'on élargit l'assiette ? Ça, c'est à décider également.
C'est-à-dire, "élargir l'assiette" ?...
Justement, est-ce qu'on indexe, ça c'est une chose, mais est-ce qu'après, on dit plus les résidences secondaires, plus les ordinateurs, etc. ?
Vous êtes favorable à une redevance sur les ordinateurs ou les téléphones portables sur lesquels on pourrait regarder la télévision ?
Je pense que ce serait plutôt oui. Mais cela mérite quand même d'être expertisé, parce qu'il y a une décision à prendre, c'est ce qu'on élargit l'assiette de la redevance ? Ce qui est logique, c'est que, comme dans d'autres pays, c'est la redevance qui soutient un peu plus qu'en France, ou beaucoup plus qu'en France, l'audiovisuel public. Ceci étant, il y a d'autres pistes. Et ces autres pistes sont aussi, je crois, très intéressantes, que ce soit la taxe sur les télévisions privées...
Vous y êtes favorable aussi, vous êtes comme la commission Copé là ?
Oui, parce que je pense qu'en effet, il y a une forte logique. Il va y avoir quand même des transferts de publicité. Il est normal qu'il y ait en effet une taxe sur la télévision privée. Et une taxe sur les télécoms me semble aussi normale.
Les télécoms ? Expliquez-nous...
Les télécoms, puisqu'on regarde actuellement...
C'est-à-dire les portables, les abonnements Internet ?
Voilà, puisque actuellement, on voit bien que c'est une industrie qui se sert de plus en plus de programmes justement, et de contenus.
Donc, pour financer l'audiovisuel public, on taxe tout ce qui est privé ?
D'abord la redevance, ce qui est quand même normal, et après, je suis favorable à un système le plus simple possible, le plus lisible possible. C'est-à-dire peut être pas ajouter des quantités de taxations un peu de tout côté, essayer d'avoir un système un petit peu simple et en même temps, suffisamment léger, puisqu'on avait parlé de taxes très faibles sur tout le secteur des télécommunications.
Ce pourrait être quoi ces taxes, d'ailleurs ?
Là, la discussion se situe entre 0,5 ou 0,8 %.
0,8 % du prix de l'abonnement par exemple ?
Du chiffre d'affaires.
Donc ce sera forcément répercuté sur le client...
Dans un contexte de concurrence et dans un contexte aujourd'hui de déficits...
Concurrence pas suffisante dans la téléphonie mobile...
Elle sera suffisante.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 juin 2008