Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Deng Alor, ministre soudanais des affaires étrangères, sur le problème du Darfour, notamment la levée par le Soudan des obstacles au déploiement de la force hybride, à la reprise des pourparlers de paix et à la pacification de la région, Paris le 19 juin 2008.

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Circonstance : Visite en France du ministre soudanais des affaires étrangères Deng Alor et entretien avec Bernard Kouchner le 19 juin 2008 à Paris

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, bonjour,
J'ai reçu la délégation soudanaise conduite par le ministre soudanais des Affaires étrangères, M. Deng Alor, avec lequel nous avons de nombreux sujets d'intérêt communs.
Nous avons abordé le problème du Darfour que j'avais déjà eu l'occasion d'aborder avec M. Mustafa Osman Ismaïl, également présent aujourd'hui, que je connais bien et avec qui j'ai dialogué pour la dernière fois il y a seulement quelques jours. Nous avons abordé avec franchise la question du Darfour et de la nécessité, de part et d'autre, de faire des efforts et en particulier du côté du Soudan. Depuis un an, la France a donc fait tout ce qui a été possible de faire, en particulier concernant le Tchad.
Vous savez que l'idée était d'avoir deux protections pour les populations déplacées sans que la mission de l'EUFOR soit chargée des frontières. Cette mission n'est donc pas chargée des frontières mais de la sécurité des camps et des personnes déplacées.
Nous avons rappelé que le Soudan et les autorités soudanaises doivent faire plus pour que la Force hybride soit déployée. Elles doivent faire plus pour que les pourparlers de paix reprennent et nous sommes, je le crois, en accord sur ce point.
Les obstacles au déploiement de la MINUAD doivent être levés et il me semble que se serait pour le bénéfice de toutes les populations. Je sais que, parallèlement aux attaques rebelles qui concernent les deux côtés de la frontière, la situation est très compliquée.
Nous avons également évoqué les décisions de la Cour pénale internationale. Nous avons discuté des accords de paix entre le Nord et le Sud et nous nous en sommes félicités. Nous avons souligné l'importance des élections qui auront lieu en 2009 et nous tenons à ce que ces élections soient évidemment transparentes et que les Accords d'Abyei soient respectés.
Nous avons aussi parlé de l'aide à la reconstruction : la France fera un effort particulier dans la mise en oeuvre de cette aide qui s'étale sur plusieurs années.
Voilà pour l'essentiel ce que nous avons évoqué ce matin, avec une attention particulière sur la pacification de la région.
Je laisse au ministre des Affaires étrangères soudanais M. Deng Alor, vous préciser tout cela, après quoi nous répondrons à quelques-unes de vos questions.
Nous avons été assistés par notre excellente ambassadrice à Khartoum, que vous pouvez également interroger, et bien sûr par toute la délégation.
Q - Hier, vous avez déclaré que le rôle de l'EUFOR n'est pas vraiment de protéger les frontières. Mais, aujourd'hui, face aux attaques des rebelles, quelle est la position de la France et que comptez-vous faire ?
R - La position de la France n'est pas d'intervenir. L'EUFOR est sous mandat européen et il est très clair que son mandat n'est pas de protéger les frontières mais de sécuriser les camps - lorsque l'on peut les qualifier ainsi -, ce sont plutôt des regroupements de personnes déplacées, à savoir des Tchadiens déplacés au sein même du Tchad.
Lorsque la sécurité de ces personnes déplacées ou de ces réfugiés est menacée, cette force doit intervenir, ce qu'elle a fait il y a deux jours. Mais la frontière n'est pas défendue par l'EUFOR, elle est défendue d'un côté par les troupes tchadiennes et de l'autre côté, par les troupes soudanaises.
Le mandat est très précis. La France n'a donc pas à intervenir et, d'ailleurs, elle n'est pas intervenue. Il y a eu une réaction de l'EUFOR parce qu'un camp de personnes déplacées était menacé. Nous sommes très bien informés de tout cela.
Par ailleurs, comme vous le savez, l'état-major de l'EUFOR est basé au Mont Valérien, et le général qui commande l'EUFOR avec une chaîne de 17 pays, est irlandais, il s'agit du général Nash. Ce n'est pas nous qui intervenons, mais nous suivons tout cela de très près.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit que vous n'avez pas une vocation à intervenir militairement au Tchad mais, en même temps, vous indiquez que vous appuyez les autorités légitimes du Tchad. De quel appui s'agit-il ? Est-ce uniquement un appui politique ou bien, comme pour la dernière fois, un appui logistique ?
R - Nous avons un accord de coopération et nous le respectons. Il ne s'agit pas d'un appui militaire avec les forces françaises. Que ce soit dans le passé ou actuellement, nous n'avons pas eu et nous n'avons pas d'opérations militaires de soutien. Je parle du passé en pensant particulièrement à la dernière crise puisque ce fut une longue histoire. En effet, nous avons un soutien qui doit être interprété comme un soutien de coopération pour la logistique et pour un certain nombre de missions que nous avons faites par le passé. C'est très clair, mais nous n'avons pas d'opération militaire de soutien.
Q - Le problème est qu'un certain nombre de choses sont faites.
R - Non, vous n'avez qu'à lire l'accord de coopération. Si on nous le demande pour des raisons précises, il y a des fournitures, par exemple de l'essence, un soutien logistique. Mais il faudrait voir, une par une, ces demandes.
En tout état de cause, je vous assure qu'il n'y a pas eu de soutien militaire apporté au Tchad durant cette dernière période.
Le soutien diplomatique nécessaire et constant s'adresse, je le répète, aux autorités légales du Tchad. Ces autorités sont le parlement, le gouvernement et M. Idriss Déby qui a été élu. Tout le monde le fait. L'Union africaine le fait en publiant encore dernièrement une déclaration. Avec le soutien de la France, une déclaration présidentielle du Conseil de sécurité des Nations unies affirme qu'il faut soutenir les autorités légales du Tchad. Cela franchement, ce n'est pas nouveau et nous l'avons fait. Nous soutenons le gouvernement mais nous ne participons pas aux opérations militaires.
Q - Attendez-vous une réponse militaire comme la dernière fois ?
R - Je n'attends rien du tout, je pense que les choses se sont apaisées pour l'heure. Je n'attends pas d'intervention.
Q - Et si les autorités tchadiennes sont menacées ?
R - Elles le sont en permanence, elles viennent encore de l'être et nous n'avons pas procédé autrement qu'habituellement, en respectant la légalité. L'action diplomatique va du Conseil de sécurité des Nations unies jusqu'à l'Union africaine, en passant par le soutien de la France. C'est comme si vous nous demandiez si nous soutenions le gouvernement légal du Soudan. Oui, nous le soutenons.
Q - Les rebelles tchadiens affirment que l'armée française est intervenue par le biais d'hélicoptères et a menacé ceux qui sont en train d'attaquer. Ces rebelles ont déclaré que la France ne devait pas intervenir cette fois-ci sous peine d'attaquer les hélicoptères français. Votre déclaration à l'instant signifie-t-elle que vous niez ces accusations des rebelles comme quoi la France intervient ?
R - Je ne comprends pas. Je viens de vous dire la vérité. De quels hélicoptères parlez-vous ? Pour soutenir qui ? Comme vous le savez, il y a des hélicoptères de l'EUFOR, dont, pour être précis, certains sont français. Nous sommes chargés de défendre les personnes déplacées qui sont entre 400.000 et 500.000. La tâche est noble, il faut le faire. Nous pouvons répondre aux rebelles qui, comme vous le savez, de part et d'autres de la frontière mènent des attaques croisées. Nous ne participons ni à la défense des frontières, ni à la défense d'un territoire. Nous protégeons les personnes déplacées et les réfugiés, telle est notre mission.
Q - Je parlais de l'Opération Epervier, non pas de l'EUFOR. Donc, c'est bien de l'armée française qu'il s'agit.
R - Je n'ai pas vu l'armée française engagée dans quoi que ce soit ces derniers temps. Non, l'armée française n'a pas été engagée. Même si vous parlez de l'Opération Epervier parce que certaines personnes font partie de cette Opération et ne participent pas à l'EUFOR, il n'y pas eu du tout d'engagement de cette armée.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juin 2008