Texte intégral
Madame la Présidente, Madame la Directrice Générale Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs,
C'est avec un très sincère plaisir que je m'exprime devant vous ce matin pour introduire vos Assises nationales. J'en suis d'autant plus heureuse que vous les organisez sur la question des discriminations sexistes. Comme vous le savez, c'est un sujet qui me tient à coeur, je m'efforce d'y oeuvrer depuis ma prise de fonction.
Je tenais à être parmi vous car votre réseau occupe une place toute particulière dans le champ de l'égalité entre les femmes et les hommes et je souhaite souligner l'importance et la qualité de notre partenariat. En témoigne le renouvellement de votre convention d'objectifs et de moyens (2008-2010) qui vise à renforcer votre rôle de tête de réseau et à soutenir vos actions pour mettre en oeuvre la politique d'information des femmes sur leurs droits, pour contribuer à la promotion de l'égalité et à la lutte contre les discriminations dans la cadre d'une approche interministérielle. A ce titre, je me réjouis de pouvoir signer avec vous dans un instant cette convention qui scelle pour trois ans la confiance renouvelée du Gouvernement en direction de votre réseau. Je tiens à rendre hommage à Madame Jacqueline PERKER, Présidente du CNIDFF ainsi qu'à Madame Annie GUILBERTEAU, Directrice générale et à tous ceux et toutes celles qui ont mobilisé leurs efforts pour préparer cette journée. Je salue également praticiens et universitaires qui interviendront au cours de cette journée.
Si l'égalité est désormais acquise en droit dans notre pays et si de nombreux progrès sont constatés, elle ne s'est pas encore totalement concrétisée dans les faits. Vous pouvez le mesurer chaque jour dans votre action. L'égalité homme - femme est un principe fondamental solidement ancré dans l'histoire de la construction européenne. Elle est placée au coeur de l'action gouvernementale et doit être prise en compte dans toutes nos politiques publiques. C'est pourquoi, j'ai exprimé ma consternation face à l'annulation par le tribunal de Lille du mariage d'une femme qui avait menti sur sa virginité. Comment l'interprétation du Code civil peut-elle déboucher sur un tel recul, sur une véritable régression du statut de la femme, sur l'atteinte à son intégrité ? Ce fait montre combien il existe un décalage entre notre volonté de modernité et l'interprétation qui peut être faite de certaines de nos dispositions. Tandis que le Gouvernement se mobilise pour faire avancer l'égalité, des décisions telles que celles-là sont de nature à troubler les esprits et risquent de remettre en cause la liberté de la femme tout en créant des situations de discriminations dont les femmes sont victimes. La ministre de la justice a demandé au Parquet de faire appel du jugement de grande instance de Lille. Je m'en félicite mais la bataille est loin d'être gagnée. C'est dire aussi comment les Assises que vous organisez aujourd'hui sont au coeur de l'actualité et de nos préoccupations.
Ces dernières années, la France s'est dotée d'un arsenal juridique très complet pour protéger les femmes contre les pratiques et les comportements discriminatoires. Ce dispositif vient d'être complété, avec l'adoption le 27 mai 2008 de la loi portant diverses transpositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Ce texte précise notamment les définitions de la discrimination, directe et indirecte. Il condamne explicitement les faits de harcèlement moral liés au sexe de la victime et assimile le harcèlement sexuel à la discrimination. Enfin, la loi renforce les garanties accordées aux victimes de discriminations et aménage les règles de charge de la preuve au profit des personnes qui engagent une action en justice. C'est une étape primordiale dans la lutte contre les discriminations. Elles sont encore nombreuses, parfois difficiles à identifier, malgré une prise de conscience de plus en plus forte de la part des acteurs socio-économiques. Dès 2004, une nouvelle autorité administrative indépendante, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité, a été créée. Elle peut être saisie par toute personne qui s'estime victime de discrimination. Elle dispose de pouvoirs importants d'investigation, de médiation et de recommandation. Je ne les déclinerai pas puisque plusieurs de ses représentants vont intervenir au cours de vos assises. En quelques années, cette nouvelle autorité s'est imposée comme un acteur clef de la lutte contre les discriminations, même si les femmes ne l'utilisent sans doute pas encore assez. (D'après le rapport 2007, 6% des réclamations sont fondées sur le sexe)
Le 18 janvier dernier lors de l'audition de la France devant le comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), à Genève, - j'en profite pour saluer ici la présence de Françoise GASPARD -, j'ai pu témoigner des efforts accomplis dans notre pays pour répondre à ses obligations dans le cadre de la ratification de la Convention des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Des progrès incontestables ont été réalisés mais il reste des défis à relever.
Un préalable me semble indispensable. Les stéréotypes auxquels nous sommes confrontés ont la vie dure. Nous devons les combattre avec une résolution sans faille. C'est pourquoi, j'ai installé une « Commission de réflexion sur l'image de la femme dans les médias », dont j'ai confié la présidence à la réalisatrice Michèle Reiser. La commission qui rassemble des professionnels de la publicité, de la presse, de l'audiovisuel, de l'Internet et des experts issus du monde de l'éducation nationale, du droit, du spectacle et du milieu associatif nous proposera des solutions pour améliorer l'image des femmes et l'associer à la pluralité de leurs rôles, de leurs fonctions et de leurs aspirations.
Avec mes collègues du Gouvernement, j'entends agir autour de quatre priorités :
. favoriser l'accès des femmes aux postes de responsabilité ;
. parvenir à l'égalité professionnelle et salariale ;
. offrir aux femmes la maîtrise de la santé génésique ;
. et lutter contre toutes formes de violences faites aux femmes.
Ma première priorité est l'accès des femmes aux postes de responsabilité tant dans la sphère politique que dans la sphère économique Dans le champ politique, nous disposons d'un ensemble de textes qui permettent de progresser. Les résultats des élections municipales de mars 2001 et 2008 marquent une évolution sans précédent, puisque le pourcentage global de femmes conseillères municipales, toutes communes confondues, est passée de 21,7 % en 1995, à 33 % en 2001, pour atteindre 35 % en 2008. Dans les communes de moins de 3 500 habitants qui constituent 88,8 % des communes, on ne recense que 32 % de conseillères municipales. L'effet d'entraînement favorable qui avait eu lieu entre 1995 et 2001 (passant de 21 à 31 %) n'a visiblement pas été conforté en 2008. Force est de constater que quand la loi n'est pas directement contraignante, les avancées de la parité restent limitées. La faible proportion de femmes élues maires (13,8 %) est liée au faible pourcentage de femmes têtes de liste (22,7 %). Quant à la loi du 31 janvier 2007 qui impose la parité dans les exécutifs des conseils municipaux, nous en mesurerons prochainement l'impact. Par ailleurs, la récente loi du 26 février 2008 rend pleinement effective l'institution du ticket paritaire et permet au suppléant d'un conseiller général démissionnaire de remplacer ce dernier en situation de cumul avec un mandat de député ou de sénateur. Cette nouvelle mesure apporte une pierre supplémentaire à notre édifice. La volonté affirmée du Président de la République de compléter le Préambule de la Constitution par des dispositions permettant de « garantir l'égalité de l'homme et de la femme » nous ouvre de nouvelles perspectives pour l'accès des femmes aux responsabilités dans tous les domaines. Le vote de l'amendement présenté par Madame ZIMMERMANN inscrivant dans le projet de loi constitutionnelle l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales est certes une avancée appréciable. D'un côté, comme vous le savez, nous attendons les conclusions du comité présidé par Madame Simone VEIL qui a reçu mission de travailler sur ce sujet. Je serai pour ma part auditionnée par Madame Veil à ce sujet la semaine prochaine.
Ma deuxième priorité est l'égalité professionnelle et salariale Malgré la croissance de l'activité féminine et la progression du niveau d'éducation des femmes qui a rejoint, voire dépassé, celui des hommes, des inégalités persistent entre hommes et femmes sur le marché du travail. Parce que les femmes accèdent moins que les hommes aux postes les plus élevés dans les secteurs les plus rémunérateurs, et parce qu'elles subissent, plus que les hommes, le temps partiel, l'écart entre les salaires mensuels moyens des femmes et des hommes reste de 19 % si l'on regarde le salaire horaire brut total hors temps partiel. Le Gouvernement veut mettre un terme à cette situation. Le 26 novembre dernier, avec Xavier BERTRAND, nous avons réuni une Conférence sociale tripartite sur l'égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes. En accord avec les partenaires sociaux, nous avons décidé qu'un plan de résorption des écarts salariaux entre les femmes et les hommes devrait être mis en place, d'ici le 31 décembre 2009, dans toutes les entreprises où des écarts sont constatés. Passée la date du 31 décembre 2009, une sanction financière sera encourue par les entreprises qui n'auront pas établi ce plan. Le produit de cette sanction financera des aides pour l'égalité professionnelle dans certaines entreprises. Par ailleurs, une table ronde avec les branches professionnelles les plus concernées est prévue dans les prochains mois pour faire reculer le temps partiel subi et éclaté. En ce qui concerne l'articulation entre les vies familiale et professionnelle, il a été proposé aux partenaires sociaux un assouplissement du temps partiel familial, ainsi que l'engagement d'une réflexion sur l'amélioration du congé parental. A l'avenir, ce congé devra mieux s'articuler avec les aides existantes, notamment le congé de paternité et la prestation d'accueil du jeune enfant. Les questions relatives à l'accueil des enfants seront étudiées dans le cadre de la mise en oeuvre du droit opposable à la garde d'enfants que le Président de la République souhaite instaurer. Ce droit sera l'aboutissement des politiques menées depuis plusieurs années pour développer les capacités d'accueil en crèches et améliorer le statut des assistantes maternelles. Il a été enfin souligné que tous les choix possibles devaient être offerts aux jeunes dans leur orientation scolaire et professionnelle. La déclinaison régionale de la Convention interministérielle pour l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif doit y contribuer.
La troisième priorité est d'offrir aux femmes la maîtrise de la santé génésique. Nous venons de fêter le quarantième anniversaire de l'adoption de la « loi NEUWIRTH ». Mais quarante ans après, malgré une diffusion massive de la contraception, le nombre de grossesses non désirées reste élevé. Plus de 200 000 IVG sont pratiquées chaque année dans notre pays, dont 11 500 par des mineures. Nous devons agir pour réduire ces grossesses non désirées. Je rappellerai à cet égard les actions engagées par Roselyne BACHELOT : Une campagne nationale d'information sur la contraception qui se poursuivra jusqu'en 2009 ; L'élargissement de la pratique de l'IVG médicamenteuse aux centres de planification ou d'éducation familiale et aux centres de santé ; La revalorisation récente du forfait de l'IVG chirurgicale qui devrait contribuer à répondre aux difficultés financières que rencontrent actuellement les établissements de santé pratiquant des IVG. Attention, nous devons aussi faire face à des prises de positions qui tendent à reconsidérer le droit à l'avortement ou à laisser croire que la récente jurisprudence de la Cour de Cassation serait de nature à remettre en cause ce droit. L'IVG a été autorisée par la loi VEIL « en cas de nécessité et dans les conditions définies par la loi ». Ce droit demeure inaliénable. Les textes législatifs et réglementaires qui ont suivi ont visé à améliorer l'accès à l'IVG et sa pratique pour toutes les femmes qui font ce choix, dans le respect des convictions éthiques, religieuses ou philosophiques de chacune.
La quatrième priorité, fondamentale, est la lutte contre toutes les violences faites aux femmes. Je sais que vous y contribuez largement et je vous en remercie. Le deuxième Plan d'action triennal de lutte contre les violences envers les femmes (2008-2010) que j'ai annoncé en novembre 2007 se met en place. L'une des orientations sur laquelle je voudrai assister vous concerne tout particulièrement : il s'agit de la coordination de l'ensemble des partenaires qui aident les femmes victimes de violences au sein du couple et les accompagnent dans leur parcours vers l'autonomie. Cette coordination est indispensable. C'est pourquoi, j'ai prévu la création de référents locaux. Ils seront les interlocuteurs de proximité des femmes concernées et favoriseront la mise en réseau de tous ces acteurs. Les préfets ont reçu une instruction à cet effet le 14 mai dernier et je souhaite que le maillage du territoire soit assuré d'ici 2010 pour apporter dans la durée une réponse globale et individualisée à chaque victime. Parallèlement, il est indispensable d'améliorer la protection des femmes victimes, d'agir pour prévenir. Prévenir c'est éduquer, c'est réintroduire le respect dès le plus jeune âge et prévenir les comportements violents et sexistes. Le ministère de l'éducation nationale recensera les violences subies par les filles dans l'ensemble des établissements scolaires. Sur cette base, un plan de prévention de la violence comportant un volet spécifique de prévention des violences envers les jeunes filles sera préparé dans les établissements scolaires. Prévenir les violences c'est également sensibiliser le grand public. Le Conseil de l'Europe nous y a encouragé. Une nouvelle campagne nationale de communication sera lancée à l'automne pour accompagner la mise en oeuvre des mesures de ce deuxième plan national. Prévenir c'est aussi protéger les enfants. Les violences conjugales auxquelles ils assistent peuvent laisser des traces profondes et durables. A nous de leur venir en aide. Nous diffuserons des recommandations en ce sens aux pouvoirs publics et aux professionnels. J'ajouterai enfin que nous avons aussi prévu d'agir auprès des auteurs de violences en les informant sur les conséquences de leurs actes et en leur offrant un accompagnement de nature à éviter la récidive.
Je mesure l'ampleur des chantiers ouverts dans les domaines que je viens d'évoquer, et la force des défis qui nous restent à relever mais je suis déterminée et je sais que je peux compter sur votre soutien. Avant de conclure, je souhaite vous dire combien j'apprécie l'engagement de chacun et de chacune d'entre vous et combien je me félicite du solide partenariat que vous avez noué avec le service des droits des femmes et de l'égalité, tant au niveau national qu'au niveau local. Cette dynamique nous permet de porter ensemble la politique de l'égalité. Je tiens à cet égard à saluer Joëlle VOISIN et son équipe pour leur dynamisme, leur enthousiasme et leur engagement quasi militant. Je sais aussi que nombre d'entre vous s'inquiètent du devenir des politiques publiques d'égalité et par la même occasion du sort du SDFE et de son réseau déconcentré dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Je tiens à vous rassurer sur ce point. Le Gouvernement continuera à porter la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes de manière transversale et interministérielle dans le cadre d'une structure qui restera identifiée nationalement et territorialement. Conformément au programme d'action de Pékin en 1995 et aux recommandations de l'Union européenne, elle s'exercera avec la double préoccupation de prendre en compte la démarche de l'égalité dans toutes les politiques publiques et de mettre en place des mesures positives pour réduire les inégalités dans les faits. La Présidence française de l'Union européenne sera pour nous une nouvelle occasion d'être force de proposition pour continuer à construire avec nos partenaires l'Europe de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 10 juin 2008