Texte intégral
Le message du Président de la République que nous venons d'entendre est un message clair et puissant. Le 9 juin 2007, le Président avait annoncé son intention de mobiliser toute la société pour qu'elle fasse une place à l'ensemble de ses citoyens. C'était un engagement qu'il nous a confié à Xavier Bertrand et moi-même pour le porter et le faire avancer avec ardeur et détermination.
Un an après presque jour pour jour, nous venons de l'entendre : les engagements se traduisent par de premières annonces. Et je suis fière que nous nous trouvions aujourd'hui réunis pour la tenue de la première Conférence Nationale du Handicap.
C'est un moment important pour nous tous, institutionnels, familles et associations, qui sommes engagés résolument dans la mise en oeuvre de la politique du handicap. Je souhaite vous remercier de votre présence : Ministres, Parlementaires, Présidents de conseil Général, Présidents et membres d'associations représentant tous les grands acteurs de cette politique comme le sont aussi les responsables d'entreprise, les responsables des caisses d'assurance maladie et d'allocations familiales, les dirigeants de la CNSA, de l'AGEFIPH et du FIPHFP et leurs équipes. Le fait que vous ayez accepté de venir partager cette journée et dialoguer les uns avec les autres fait, à n'en pas douter, de cette journée un temps fort de l'action en faveur des personnes handicapées.
Je tiens à remercier également Paul Blanc et Jean-Marie Schléret qui ont bien voulu se charger de vous présenter, de manière très synthétique, le bilan de l'application de la loi du 11 février 2005, trois ans après son entrée en vigueur. Le constat qu'ils ont dressé est contrasté, comme il fallait s'y attendre. Il est à la fois très positif : jamais l'effort de solidarité consenti envers les personnes handicapées n'a été aussi important. Pour ne citer que 2 chiffres, depuis 2005, plus de 30 000 places ont été créées pour accueillir les personnes les plus lourdement handicapées ou pour les accompagner à domicile. Pour la seule année 2008, nous en avons créé plus de 9 000. Cela représente un effort total de 1,9 milliards d'euros. Quant à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, elle a versé 1,3 milliard d'euros aux départements depuis trois ans pour leur permettre de verser la nouvelle prestation de compensation du handicap. Cela a permis de doubler les sommes consacrées jusque-là au financement des aides humaines et techniques rendues nécessaires par le handicap. Il faut le reconnaître : en trois ans la politique du handicap a avancé à pas de géant.
En participant à ce deuxième temps de la journée, il me revient à mon tour d'apporter une analyse du bilan de la loi de 2005, du point de vue gouvernemental. Et pour cela, il faut à mon avis, revenir aux sources et comprendre pourquoi cette loi a été élaborée.
La loi fondatrice de 1975 avait trente ans et son contenu n'était plus adapté aux évolutions du handicap, aux attentes d'une nouvelle génération de parents et à la nécessité pour la société de s'ouvrir davantage aux personnes handicapées. Notre organisation sociale a trop longtemps laissé à part le monde du handicap. Si la loi de 1987 a permis de franchir un premier pas en fixant un taux d'emploi des personnes handicapées de 6 %, il faut bien reconnaître que les résultats n'ont pas été au rendez-vous. Et que dire de l'aménagement des villes, du manque d'accessibilité des équipements publics et des entreprises ?
C'est pourquoi, là où la loi d'orientation du 30 juin 1975 parlait de prise en charge et d'intégration, la loi de 2005 fait référence au projet de vie de la personne et au principe de non-discrimination. Car la loi de 2005 n'est pas, à mes yeux une loi tout à fait comme les autres. Cette loi va bien au-delà des dispositions particulières qui la composent. Elle traite avant tout d'humain, de dignité et de respect. Pour le Gouvernement et le législateur, il fallait désormais reconnaître la pleine citoyenneté des personnes handicapées et ce dans tous les champs de la vie d'un citoyen ordinaire : l'école, le logement, l'emploi, la culture. Il fallait aussi impérativement prendre en compte toutes les formes de handicap : le handicap mental, le handicap physique, le handicap sensoriel, le handicap psychique et le handicap cognitif, ce que la loi a fait.
Comme nous le savons tous, il y a, dans ce texte, une grande ambition : donner à chaque personne handicapée les outils nécessaires à la maîtrise de son choix de vie et obliger la collectivité à tirer toutes les conséquences de ce changement de perspective, en partant du principe que la société en tirera autant de bénéfice que l'individu. Car elle y gagnera en tolérance et en apprentissage du vivre ensemble.
Ce changement de perspective nous le devons à la conjonction de deux facteurs : les formes du handicap qui ont beaucoup évolué en trente ans et le débat suscité autour de l'arrêt Perruche qui a conduit chacun à prendre conscience du drame vécu par des milliers de familles d'enfants ou d'adultes handicapés, confrontées à l'exclusion, faute de moyens d'existence décents.
C'est la raison pour laquelle, lors du vote de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, le Parlement a solennellement affirmé le droit, pour chaque personne handicapée « à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie d'un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie courante ». Tirant les conséquences de cette affirmation, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a choisi de confier la responsabilité de la compensation des conséquences du handicap à la solidarité nationale. Et je tiens ici à saluer les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat qui, sous la houlette de son Président, Nicolas About, a très largement contribué à définir les contours de ce droit à compensation. Ce choix a été fondateur. Toute la nouvelle politique du handicap repose désormais sur les deux piliers qui en découlent :
- le droit à compensation : qu'il s'agisse d'une compensation individuelle à travers la Prestation de Compensation du Handicap ou d'une compensation collective par la création de places en nombre suffisant pour couvrir les besoins. Les efforts consentis par la collectivité sont conséquents. Le montant moyen de la PCH est de 1300 euros, soit le double du montant de l'ACTP. Et le nombre de créations de places en établissements continue de progresser. Le prochain plan prévoit ainsi la création de plus de 50 000 places nouvelles, vous venez de l'entendre.
- l'accès de tout à tous : en 2005, la collectivité s'est engagée à donner aux personnes handicapées l'accès à tous les droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens. C'est bien entendu d'abord le droit à la scolarisation, que le Président de la République a souhaité rendre opposable. Mais ce sont aussi l'accès à l'emploi, l'accessibilité du cadre bâti, l'accès à la culture et à la vie sociale et politique. C'est au tour de ces deux grands principes que la loi a été bâtie lors de débats parlementaires d'une grande intensité et je tiens pour ma part à saluer Marie-Thérèse Boisseau et Marie-Anne Montchamp, les deux ministres qui se sont succédées pour la porter au Parlement.
Je crois très sincèrement que ces deux orientations ont toujours été au coeur des préoccupations de ceux qui ont été ensuite chargés d'en effectuer la traduction réglementaire d'une part et la traduction concrète, sur le terrain d'autre part pour les handicapés et leurs familles. Je pense en particulier aux agents de l'Etat, à ceux des collectivités départementales, aux personnels de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et à ceux des maisons départementales pour les personnes handicapées, deux des principales institutions créées par la loi de 2005 avec le Fonds pour l'intégration des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Le but de cette journée est précisément de se pencher sur le fonctionnement de ces institutions et d'en examiner les voies d'amélioration.
Dans le cadre de la préparation de la conférence, tous ces sujets ont fait l'objet de 7 groupes d'appui technique thématiques du comité de suivi de la nouvelle politique du handicap qui se sont mis en place à partir du mois d'octobre dernier. Les travaux de ces groupes feront l'objet d'un compte-rendu tout au long de la journée à l'occasion des débats des différentes tables rondes. Il sera alors temps d'aborder, point par point, les avancées mais aussi les difficultés d'application et les propositions d'aménagements qui ont émergé de ces échanges.
Dans son article 4, la loi du 11 février 2005 nous a fixé un rendez-vous tous les trois ans pour établir un bilan de sa mise en oeuvre. Je tiens à saluer, à cette occasion, Mme Marie-Thérèse Hermange, Sénateur de Paris, à qui nous devons la genèse de cette initiative tout à fait capitale. L'évaluation, à intervalles réguliers, est en effet la meilleure manière de s'assurer de l'effectivité de l'application de la loi, surtout lorsque cette dernière couvre un nombre de champs aussi vastes et aussi divers. A la demande expresse du Président de la République, le gouvernement n'a pas attendu le délai limite fixé par la loi pour procéder à cet examen. Suite au rapport demandé en mai 2007 au délégué interministériel, j'ai installé le 23 octobre dernier un comité de suivi dont les groupes d'appui technique thématiques ont constitué les « chevilles ouvrières ». Ces groupes ont eu pour thème respectif : le fonctionnement des MDPH, l'emploi et les ressources, les établissements et services spécialisés, la compensation, l'accessibilité et l'accès aux nouvelles technologies, la scolarisation, le polyhandicap et les handicaps rares.
Les groupes de travail ont activement préparé la conférence d'aujourd'hui et nourri ses tables rondes de leurs réflexions et de leurs propositions. Qu'il me soit permis de remercier collectivement toutes les personnes qui ont, semaine après semaine, sous la houlette du délégué interministériel, Patrick Gohet, apporté leurs expériences et leur contribution afin de donner de la matière à nos débats.
La conférence nationale du handicap a vocation en effet à être un lieu d'échanges et de dialogue. La loi spécifie que le rapport issu des travaux de notre journée - que le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées dans les meilleurs délais - porte sur la mise en oeuvre de la politique nationale en faveur des personnes handicapées, ... « notamment sur les actions de prévention des déficiences, de mise en accessibilité, d'insertion, de maintien et de promotion dans l'emploi, sur le respect du principe de non-discrimination et sur l'évolution de leurs conditions de vie ». Après avoir recueilli l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, ce rapport sera transmis au Parlement et pourra donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Je sais combien le Parlement est mobilisé sur la question du handicap. La table ronde sur l'autisme organisée par la Commission des affaires sociales du Sénat, après l'annonce du plan autisme par Xavier Bertrand, Roselyne Bachelot et moi-même le 16 mai dernier, en est une illustration toute récente. Je ne doute pas que le Parlement se saisira de cette opportunité dès le dépôt du rapport et je m'en réjouis.
Nous sommes sur des questions qui engagent notre société toute entière. Comme j'ai régulièrement l'occasion de le rappeler, l'accès de tout à tous ne concerne pas seulement les personnes handicapées : il touche aussi les personnes âgées dont le vieillissement diminue l'autonomie et toutes les personnes fragiles. Nous ne sommes donc pas arc-boutés sur des préoccupations catégorielles, mais bien dans un grand débat de société que notre dialogue d'aujourd'hui a vocation à faire encore fructifier.
Je le dis toutefois sans naïveté, car je suis loin d'ignorer combien la liste des demandes est longue et les attentes fortes. Les courriers reçus au ministère, à eux seuls, suffisent à me le rappeler constamment.
Mais une révolution culturelle aussi importante que celle induite par la loi de 2005 ne s'accomplit pas en un jour. Si le travail de production de textes a été considérable, et réalisé dans un va-et-vient tout à fait remarquable de concertation entre les pouvoirs publics et les représentants du monde associatif au travers du CNCPH, dont je veux saluer ici la qualité du travail accompli, je sais les impatiences et les espérances à ne pas décevoir.
Mais je sais pouvoir compter également sur l'esprit de responsabilité de chacun d'entre vous pour apporter à nos débats une contribution constructive et raisonnée. En trois ans, nous avons déjà fait beaucoup. A nous tous en conjuguant nos efforts, et l'Etat ne relâchera pas le sien, de faire aussi bien, si ce n'est mieux pour les trois ans à venir.
C'est cette feuille de route que je vous invite à remplir en ouvrant la première de nos tables rondes thématiques.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 12 juin 2008