Texte intégral
N. Iannetta et L. Bazin N. Iannetta : L. Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi est notre invité politique, ce matin. On va bien sûr parler de ce nouveau dispositif adopté en Conseil des ministres hier. Mais d'abord, deux petits mots d'actualité. Si je vous dis : 3,3%, vous me répondez quoi ?
Alors c'est d'une part la hausse du pouvoir d'achat, mais c'est aussi, en partie l'inflation, ce qui est une grosse préoccupation. Cette hausse d'inflation, eh bien elle est due...
L. Bazin : C'est bien d'entendre ça, parce qu'on pourrait penser : cela s'annule. Enfin certains pourraient dire : 3 % de hausse du pouvoir d'achat, 3 % d'inflation, match nul. Or ceux qui font leurs courses tous les jours savent bien que ce n'est pas le cas, ceux qui font le plein aussi.
Bien sûr. Et puis, surtout ce que je pense, enfin heureusement que le Gouvernement et le président de la République avaient anticipé dès juillet, en disant : il faut que l'on se préoccupe de l'évolution des prix. Alors, il y a d'une part, ce qu'on a essayé de faire pour relancer les salaires - ça, on voit que cela marche - mais il y a d'autre part ce qu'on doit...
N. Iannetta : On va en reparler de ça, je ne suis pas sûre que cela marche beaucoup, mais on va en reparler !
En tout cas, sur l'évolution du pouvoir d'achat telle qu'elle est constatée par l'Insee, on voit qu'il y a un impact. Après, il reste le deuxième sujet, que je ne veux pas du tout minimiser, qui est celui de l'inflation. Alors là, on a affaire à des tendances qui sont des tendances mondiales. Le fait que les Chinois achètent plus de matières premières, qu'ils fassent booster les prix du pétrole, ça, ce sont des tendances face auxquelles on ne peut pas faire des choses. Par contre il y a des points sur lesquels on peut agir au niveau de l'Union européenne - et c'est les initiatives qui sont portées par le Président : veiller à ce que les taxes, les sur taxations par rapport au prix du pétrole n'aboutissent pas à faire un effet boule de neige. Ça, c'est un domaine sur lequel on peut investir. De la même manière, essayer de faire en sorte qu'il y ait plus de concurrence sur les grandes et moyennes surfaces pour tirer les prix vers le bas, là aussi ce sont des actions que le Président avait déjà prises dès juillet. Je crois que la force qu'on a aujourd'hui par rapport à ça, c'est qu'on a anticipé, après c'est les tendances mondiales, il faut que l'on voie ce que cela donner !
N. Iannetta : Mais on maintient 2,2 % d'inflation pour 2008 ?
Oui, c'est pour ça qu'heureusement qu'on a anticipé, parce sinon, je pense qu'aujourd'hui on serait vraiment dans une situation très difficile.
L. Bazin : Les Français ne vous sont pas reconnaissants de ça en ce moment. J'imagine que vous l'entendez dans votre municipalité.
Oui, bien sûr, je m'en rends compte.
L. Bazin : J'imagine que tous les téléspectateurs d'iTélé l'entendent autour d'eux ou le pensent. En ce moment, on se dit, il y a un problème, que fait le Gouvernement ? La réponse qui vient vite c'est : il ne peut rien faire, de toute façon ou alors, il ne fait rien.
Je ne suis pas si sûr, c'est-à-dire... Enfin, j'ai rarement entendu à tel point une inquiétude s'exprimait sur le terrain, notamment par cette évolution du prix du pétrole... L. Bazin : (...) Ça, j'en suis très conscient. Après ce que j'entends aussi, voilà c'est que les Français ont beaucoup plus de bon sens et de lucidité que parfois, on leur prête. Ils savent très bien que ce sont des facteurs qui sont des facteurs mondiaux. Et je crois que ce qu'ils voient quand même, c'est que le gouvernement est sur le pont et essaye de faire, à son niveau, ce qu'il peut faire. L'initiative qui est portée par le Président au niveau de l'Union européenne pour dire : essayons de voir ensemble comment on peut mieux gérer les excédents d'impôts que produit la hausse du pétrole, ça c'est une initiative dont on me parle beaucoup sur le terrain et les gens trouvent que c'est bien.
L. Bazin : Oui, sauf que pour l'instant cela ne débouche pas. C'est-à-dire, Bruxelles a dit : c'est plutôt non et du côté des Vingt-sept, il n'y a pas franchement d'ouverture.
On va voir notamment ce que cela va donner dans le cadre...
L. Bazin : Vous êtes très optimiste sur la présidence française de ce point de vue là.
Non, je ne suis pas optimiste sur ces sujets, parce que je comprends, enfin ce sont des sujets qui sont sources d'inquiétude pour tout le monde. Après, quand on est en politique, on n'agit pas forcément pour avoir de la reconnaissance et je crois que ce n'est pas parce que la tâche est difficile qu'il ne faut pas l'entreprendre.
N. Iannetta : 60.000 créations nettes d'emplois, annonce ce matin C. Lagarde pour le premier trimestre 2008. Elles sont dues à quoi ?
Eh bien d'abord, je voudrais quand même un peu insister dessus. Parce qu'il n'y a pas que les mauvaises nouvelles, le taux de l'emploi en France est aujourd'hui le meilleur depuis 25 ans. Dans un contexte qui est quand même très difficile, avec l'économie internationale et avec cette hausse du pétrole et des matières premières. Donc, qu'est-ce qu'on s'aperçoit ? Eh bien tout simplement les réformes qu'on a commencé à enclencher apportent des résultats. Donc ces chiffres-là ils sont intéressants, parce que, ce qu'attendaient les économistes et les experts c'était 30 000. On a 60 000 créations nettes d'emploi. On nous disait qu'on avait un taux de chômage de 7,5, on est à 7,2. Alors grâce à quoi ? Eh bien d'abord on a les heures sup qui commencent à produire leurs effets. C'est-à-dire qu'on a une augmentation de l'activité et du coup, cela crée derrière une augmentation des emplois qui sont créés. Je pense qu'il y a aussi tout l'investissement qu'on a fait sur le développement des emplois de services.
L. Bazin : Pardon, mais c'est un paradoxe, de dire que les heures sup entraînent des créations d'emploi, non pas forcément - parfois même c'est une idée de ne pas embaucher, puisqu'on peut faire faire des heures sup à ses salariés...
Ça si vous me permettez L. Bazin, c'est du vieux raisonnement !
L. Bazin : C'est peut-être du raisonnement économique, un peu de base, mais...
N. Iannetta : De vieux, il a dit.
...Je n'ai pas dit que c'était un raisonnement de vieux, j'ai dit que c'était un vieux raisonnement, c'est-à-dire que c'est le raisonnement 35 heures, qui consistait à dire qu'il faut que tout le monde baisse son temps de travail pour qu'on puisse continuer à créer de l'emploi. Non, le raisonnement qu'on essaye au contraire de développer.
L. Bazin : D'où 300 000 emplois créés à peu près.
Oui, mais uniquement sur les allègements de charge.
L. Bazin : Mais on ne va pas re-rentrer dans le débat des 35 heures, c'est juste pour donner des éléments.
Juste, il y a ce premier point, c'est les heures sup qui commencent à produire leurs effets. Après, je crois qu'il y a toutes les mesures aussi qu'on a essayé de faire pour accompagner tout le développement de l'activité. La loi de modernisation de l'économie qui est en cours. Donc, je pense que ce qui est intéressant, c'est que cela permet aux Français de voir, quand on fait les réformes, cela a un effet positif et que cet effet positif vient plus vite que ce que l'on pense.
N. Iannetta : Alors la fameuse "offre raisonnable d'emploi", ce dispositif a été donc adopté, hier, en Conseil des ministres. B. Thibault parle de pression sociale il dit ; avec un dispositif comme celui -là, dans la tête des gens, chômeur égal fraudeur.
Alors d'abord, je suis très clair : c'est un discours que je ne tiendrai jamais. Je ne suis pas là pour stigmatiser les demandeurs d'emploi. Quelqu'un qui cherche un emploi, c'est d'abord quelqu'un qui est victime d'une situation dure. Très au clair là-dessus. La deuxième chose, c'est que ma première priorité c'est d'améliorer le service public de l'emploi. Les agents de l'ANPE sont parfois un peu trop caricaturés, c'est-à-dire qu'au cours des trois dernières années, ils ont quand même fait énormément d'efforts. Mais il y a un système qui n'est pas bon en France, qui ne leur permet pas d'être véritablement sur un accompagnement sur-mesure de chaque demandeur d'emploi. C'est ce qu'on est en train de changer, avec des points très concrets : revoir les horaires d'ouverture, revoir les moyens informatiques qui sont mis à disposition, améliorer par exemple les aides pour le permis de conduire, ou la mobilité.
L. Bazin : Passer du sur-mesure à la carte, autrement dit.
Voilà, au lieu d'un traitement anonyme - tout le monde sous la même toise et d'indemnisation du chômage - on veut faire du sur-mesure dans l'accompagnement pour le retour à l'emploi, ça c'est la première chose. Mais la deuxième chose aussi, c'est que dans le même temps, où on améliore, il faut qu'on ait aussi un meilleur équilibre entre les droits et les devoirs.
N. Iannetta : Donc c'est du donnant-donnant !
Oui, mais c'est aussi pour moi une conviction très profonde. On ne peut pas avoir un système de protection sociale généreux, si derrière, il n'y a pas un contrôle un tout petit peu des abus ou de ceux qui tirent sur le système...
N. Iannetta : Donc, du donnant-donnant. L. Bazin : Il s'agit quand même de fraudeurs, ceux qui rechignent...
...qui sont une minorité. Et si jamais je devais le résumer simplement, je dirais : mieux accompagner ceux qui cherchent un emploi, mieux contrôler ceux qui ne jouent pas le jeu. Tous les pays européens ont ça, on est le seul pays européen à ne pas en avoir.
L. Bazin : Je vous prends un exemple, un ancien travailleur manuel, qui, par exemple, mettons dans l'Aude, à côté de Carcassonne, à une dizaine de kilomètres. Il trouve un emploi chez un maçon, qui est prêt à l'embaucher pour le Smic, puisque c'est un travail sans qualification dans la première définition. C'est à Limoux, on est à 37 kilomètres, c'est par l'ANPE qu'il a cette proposition, mettons. Et il dit : ce n'est pas possible : 37 kilomètres matin et soir, cela fait 74 kilomètres dans la journée, je n'ai pas fait maths sup mais j'y arrive à peu près.
Moi non plus !
L. Bazin : Avec le prix de l'essence...attendez, vous avez fait Normale sup vous, avec le prix de l'essence, avec le prix que je paie à la pompe, je ne peux pas, il vaut mieux que je reste avec mon allocation chômage, je vais perdre de l'argent...Or avec l'offre raisonnable, si j'étais descendu à 30 kilomètres, on serait dans les clous, il était obligé d'accepter... ?
Je réponds à votre exemple précis : 37 kilomètres on ne l'obligera pas. Par contre, si moi j'ai un conseil à lui dire, c'est qu'il vaut mieux le prendre.
L. Bazin : Quitte à perdre de l'argent, vous vous rendez compte quand même !
Non, non pas du tout, pas, quitte à perdre de l'argent. Quand vous avez votre indemnisation chômage, vous êtes à 85 % à peu près, 75, 85 % de votre salaire. Si jamais vous attendez deux ans, vous n'aurez plus rien à l'arrivée. Donc il vaut mieux quand même prendre un travail qui est à 35 kilomètres plutôt que de rester chez soi avec l'indemnisation chômage. Mais je vais aller jusqu'au bout de la réponse, ce n'est pas donnant, c'est-à-dire qu'on ne va obliger personne à faire ça. Parce que je n'ai pas voulu élargir le périmètre. Certains dans mon administration disaient : il faut mettre 50, il faut mettre 70 kilomètres. Je viens d'un département rural où je sais très bien ce que cela signifie les coûts de transport que vous mettez tous les jours dans le plein de votre voiture.
N. Iannetta : Il n'y a pas de transport en commun en plus.
Donc, on a voulu, pour faire une petite allusion à votre propos d'entrée, être raisonnable. 30 kilomètres c'est la réalité de plus de 65 % des Français chaque jour qui vont travailler, en allant à 30 kilomètres de chez eux. Je n'ai pas voulu faire quelque chose de déraisonnable en obligeant les gens à prendre un emploi à 50, 70 kilomètres. Voire même, un pays, je le cite quand même comme l'Allemagne ou la Suède qui disent à un demandeur d'emploi : vous prenez un emploi, n'importe où dans le pays. Donc je crois qu'on a essayé de garder un point d'équilibre, qui est moins exigent que ce que l'on a dans d'autres pays, mais où on essaye quand même de ne pas avoir un système qui soit en roue libre, où on ait un peu de contrôle.
L. Bazin : Mais les abus c'est terminé, voilà ce que vous dites.
Oui, mais je crois que c'est équitable.
L. Bazin : Et ça c'est abuser, refuser un emploi à moins de 30 kilomètres de chez soi, sous prétexte qu'on va dépenser beaucoup d'argent en essence, pour vous ?
Oui, je trouve que quand on a la possibilité de prendre un emploi, qui est dans un périmètre qui correspond aux efforts que font une très grande majorité des Français tous les jours, c'est abuser de le refuser.
N. Iannetta : Encore faut-il, L. Wauquiez, qu'il y ait des emplois qui correspondent à la demande. 500 000 emplois non pourvus dit le patron - je voudrais que l'on termine, il ne nous reste pas beaucoup de temps, je voudrais votre avis là-dessus - le patron du groupe du travail sur les chiffres du chômage, il dit : "il y a 500 000 emplois non fournis, mais ça ce n'est pas du tout un indicateur statistique, c'est juste une estimation. Il faut que l'on travaille là-dessus réellement pour connaître réellement le marché du travail". Vous êtes d'accord avec ça ou pas ?
Alors juste deux points, le premier, à côté de ça, il faut que l'on travaille sur le covoiturage, les aides à la mobilité, les aides au déménagement quand vous prenez un emploi. Parce qu'on ne peut pas se contenter de la réponse consistant à dire : il n'y a qu'à prendre le travail, ça c'est le premier point. Le deuxième point par rapport à ce que vous avez dit ; je ne fais pas partie de ces politiques qui vont vous dire, s'il y a 500 000 offres d'emploi non pourvues, c'est qu'un demandeur d'emploi qui veut travailler, il n'a qu'à le faire !
N. Iannetta : Ce n'est pas si simple.
Ce n'est pas si simple. Le problème c'est qu'on a des demandeurs d'emploi qui sont dans des secteurs où il n'y a pas d'emploi à l'arrivée. Et à côté de ça, on a des entreprises qui ne trouvent pas des demandeurs d'emploi formés. C'est pour ça qu'il faut que l'on fasse la réforme de la formation professionnelle, pour aider des gens, par exemple qui sont dans un secteur de sous-traitance métallurgique, pour pouvoir se réorienter dans un secteur par exemple de manutentionnaires sur des machines où là, ils vont trouver un emploi et ça il faut une formation.
N. Iannetta : Cela prend du temps ça !
Non, sur des formations comme ça... Par exemple, chez moi, on a mis en place des formations de soudeurs qui ont permis en six mois de commencer à former un soudeur, qui ensuite va continuer à se former sur le terrain.
N. Iannetta : Donc, on peut considérer qu'on aura des effets quand même assez rapidement.
C'est pour ça en tout cas que je veux bouger. Le cap c'est le plein emploi, on voit qu'on a déjà des résultats, il faut continuer.
N. Iannetta : 2012, merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin - on se retrouve pour le Zapping. ..Mais si vous êtes quelque de raisonnable !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 juin 2008
Alors c'est d'une part la hausse du pouvoir d'achat, mais c'est aussi, en partie l'inflation, ce qui est une grosse préoccupation. Cette hausse d'inflation, eh bien elle est due...
L. Bazin : C'est bien d'entendre ça, parce qu'on pourrait penser : cela s'annule. Enfin certains pourraient dire : 3 % de hausse du pouvoir d'achat, 3 % d'inflation, match nul. Or ceux qui font leurs courses tous les jours savent bien que ce n'est pas le cas, ceux qui font le plein aussi.
Bien sûr. Et puis, surtout ce que je pense, enfin heureusement que le Gouvernement et le président de la République avaient anticipé dès juillet, en disant : il faut que l'on se préoccupe de l'évolution des prix. Alors, il y a d'une part, ce qu'on a essayé de faire pour relancer les salaires - ça, on voit que cela marche - mais il y a d'autre part ce qu'on doit...
N. Iannetta : On va en reparler de ça, je ne suis pas sûre que cela marche beaucoup, mais on va en reparler !
En tout cas, sur l'évolution du pouvoir d'achat telle qu'elle est constatée par l'Insee, on voit qu'il y a un impact. Après, il reste le deuxième sujet, que je ne veux pas du tout minimiser, qui est celui de l'inflation. Alors là, on a affaire à des tendances qui sont des tendances mondiales. Le fait que les Chinois achètent plus de matières premières, qu'ils fassent booster les prix du pétrole, ça, ce sont des tendances face auxquelles on ne peut pas faire des choses. Par contre il y a des points sur lesquels on peut agir au niveau de l'Union européenne - et c'est les initiatives qui sont portées par le Président : veiller à ce que les taxes, les sur taxations par rapport au prix du pétrole n'aboutissent pas à faire un effet boule de neige. Ça, c'est un domaine sur lequel on peut investir. De la même manière, essayer de faire en sorte qu'il y ait plus de concurrence sur les grandes et moyennes surfaces pour tirer les prix vers le bas, là aussi ce sont des actions que le Président avait déjà prises dès juillet. Je crois que la force qu'on a aujourd'hui par rapport à ça, c'est qu'on a anticipé, après c'est les tendances mondiales, il faut que l'on voie ce que cela donner !
N. Iannetta : Mais on maintient 2,2 % d'inflation pour 2008 ?
Oui, c'est pour ça qu'heureusement qu'on a anticipé, parce sinon, je pense qu'aujourd'hui on serait vraiment dans une situation très difficile.
L. Bazin : Les Français ne vous sont pas reconnaissants de ça en ce moment. J'imagine que vous l'entendez dans votre municipalité.
Oui, bien sûr, je m'en rends compte.
L. Bazin : J'imagine que tous les téléspectateurs d'iTélé l'entendent autour d'eux ou le pensent. En ce moment, on se dit, il y a un problème, que fait le Gouvernement ? La réponse qui vient vite c'est : il ne peut rien faire, de toute façon ou alors, il ne fait rien.
Je ne suis pas si sûr, c'est-à-dire... Enfin, j'ai rarement entendu à tel point une inquiétude s'exprimait sur le terrain, notamment par cette évolution du prix du pétrole... L. Bazin : (...) Ça, j'en suis très conscient. Après ce que j'entends aussi, voilà c'est que les Français ont beaucoup plus de bon sens et de lucidité que parfois, on leur prête. Ils savent très bien que ce sont des facteurs qui sont des facteurs mondiaux. Et je crois que ce qu'ils voient quand même, c'est que le gouvernement est sur le pont et essaye de faire, à son niveau, ce qu'il peut faire. L'initiative qui est portée par le Président au niveau de l'Union européenne pour dire : essayons de voir ensemble comment on peut mieux gérer les excédents d'impôts que produit la hausse du pétrole, ça c'est une initiative dont on me parle beaucoup sur le terrain et les gens trouvent que c'est bien.
L. Bazin : Oui, sauf que pour l'instant cela ne débouche pas. C'est-à-dire, Bruxelles a dit : c'est plutôt non et du côté des Vingt-sept, il n'y a pas franchement d'ouverture.
On va voir notamment ce que cela va donner dans le cadre...
L. Bazin : Vous êtes très optimiste sur la présidence française de ce point de vue là.
Non, je ne suis pas optimiste sur ces sujets, parce que je comprends, enfin ce sont des sujets qui sont sources d'inquiétude pour tout le monde. Après, quand on est en politique, on n'agit pas forcément pour avoir de la reconnaissance et je crois que ce n'est pas parce que la tâche est difficile qu'il ne faut pas l'entreprendre.
N. Iannetta : 60.000 créations nettes d'emplois, annonce ce matin C. Lagarde pour le premier trimestre 2008. Elles sont dues à quoi ?
Eh bien d'abord, je voudrais quand même un peu insister dessus. Parce qu'il n'y a pas que les mauvaises nouvelles, le taux de l'emploi en France est aujourd'hui le meilleur depuis 25 ans. Dans un contexte qui est quand même très difficile, avec l'économie internationale et avec cette hausse du pétrole et des matières premières. Donc, qu'est-ce qu'on s'aperçoit ? Eh bien tout simplement les réformes qu'on a commencé à enclencher apportent des résultats. Donc ces chiffres-là ils sont intéressants, parce que, ce qu'attendaient les économistes et les experts c'était 30 000. On a 60 000 créations nettes d'emploi. On nous disait qu'on avait un taux de chômage de 7,5, on est à 7,2. Alors grâce à quoi ? Eh bien d'abord on a les heures sup qui commencent à produire leurs effets. C'est-à-dire qu'on a une augmentation de l'activité et du coup, cela crée derrière une augmentation des emplois qui sont créés. Je pense qu'il y a aussi tout l'investissement qu'on a fait sur le développement des emplois de services.
L. Bazin : Pardon, mais c'est un paradoxe, de dire que les heures sup entraînent des créations d'emploi, non pas forcément - parfois même c'est une idée de ne pas embaucher, puisqu'on peut faire faire des heures sup à ses salariés...
Ça si vous me permettez L. Bazin, c'est du vieux raisonnement !
L. Bazin : C'est peut-être du raisonnement économique, un peu de base, mais...
N. Iannetta : De vieux, il a dit.
...Je n'ai pas dit que c'était un raisonnement de vieux, j'ai dit que c'était un vieux raisonnement, c'est-à-dire que c'est le raisonnement 35 heures, qui consistait à dire qu'il faut que tout le monde baisse son temps de travail pour qu'on puisse continuer à créer de l'emploi. Non, le raisonnement qu'on essaye au contraire de développer.
L. Bazin : D'où 300 000 emplois créés à peu près.
Oui, mais uniquement sur les allègements de charge.
L. Bazin : Mais on ne va pas re-rentrer dans le débat des 35 heures, c'est juste pour donner des éléments.
Juste, il y a ce premier point, c'est les heures sup qui commencent à produire leurs effets. Après, je crois qu'il y a toutes les mesures aussi qu'on a essayé de faire pour accompagner tout le développement de l'activité. La loi de modernisation de l'économie qui est en cours. Donc, je pense que ce qui est intéressant, c'est que cela permet aux Français de voir, quand on fait les réformes, cela a un effet positif et que cet effet positif vient plus vite que ce que l'on pense.
N. Iannetta : Alors la fameuse "offre raisonnable d'emploi", ce dispositif a été donc adopté, hier, en Conseil des ministres. B. Thibault parle de pression sociale il dit ; avec un dispositif comme celui -là, dans la tête des gens, chômeur égal fraudeur.
Alors d'abord, je suis très clair : c'est un discours que je ne tiendrai jamais. Je ne suis pas là pour stigmatiser les demandeurs d'emploi. Quelqu'un qui cherche un emploi, c'est d'abord quelqu'un qui est victime d'une situation dure. Très au clair là-dessus. La deuxième chose, c'est que ma première priorité c'est d'améliorer le service public de l'emploi. Les agents de l'ANPE sont parfois un peu trop caricaturés, c'est-à-dire qu'au cours des trois dernières années, ils ont quand même fait énormément d'efforts. Mais il y a un système qui n'est pas bon en France, qui ne leur permet pas d'être véritablement sur un accompagnement sur-mesure de chaque demandeur d'emploi. C'est ce qu'on est en train de changer, avec des points très concrets : revoir les horaires d'ouverture, revoir les moyens informatiques qui sont mis à disposition, améliorer par exemple les aides pour le permis de conduire, ou la mobilité.
L. Bazin : Passer du sur-mesure à la carte, autrement dit.
Voilà, au lieu d'un traitement anonyme - tout le monde sous la même toise et d'indemnisation du chômage - on veut faire du sur-mesure dans l'accompagnement pour le retour à l'emploi, ça c'est la première chose. Mais la deuxième chose aussi, c'est que dans le même temps, où on améliore, il faut qu'on ait aussi un meilleur équilibre entre les droits et les devoirs.
N. Iannetta : Donc c'est du donnant-donnant !
Oui, mais c'est aussi pour moi une conviction très profonde. On ne peut pas avoir un système de protection sociale généreux, si derrière, il n'y a pas un contrôle un tout petit peu des abus ou de ceux qui tirent sur le système...
N. Iannetta : Donc, du donnant-donnant. L. Bazin : Il s'agit quand même de fraudeurs, ceux qui rechignent...
...qui sont une minorité. Et si jamais je devais le résumer simplement, je dirais : mieux accompagner ceux qui cherchent un emploi, mieux contrôler ceux qui ne jouent pas le jeu. Tous les pays européens ont ça, on est le seul pays européen à ne pas en avoir.
L. Bazin : Je vous prends un exemple, un ancien travailleur manuel, qui, par exemple, mettons dans l'Aude, à côté de Carcassonne, à une dizaine de kilomètres. Il trouve un emploi chez un maçon, qui est prêt à l'embaucher pour le Smic, puisque c'est un travail sans qualification dans la première définition. C'est à Limoux, on est à 37 kilomètres, c'est par l'ANPE qu'il a cette proposition, mettons. Et il dit : ce n'est pas possible : 37 kilomètres matin et soir, cela fait 74 kilomètres dans la journée, je n'ai pas fait maths sup mais j'y arrive à peu près.
Moi non plus !
L. Bazin : Avec le prix de l'essence...attendez, vous avez fait Normale sup vous, avec le prix de l'essence, avec le prix que je paie à la pompe, je ne peux pas, il vaut mieux que je reste avec mon allocation chômage, je vais perdre de l'argent...Or avec l'offre raisonnable, si j'étais descendu à 30 kilomètres, on serait dans les clous, il était obligé d'accepter... ?
Je réponds à votre exemple précis : 37 kilomètres on ne l'obligera pas. Par contre, si moi j'ai un conseil à lui dire, c'est qu'il vaut mieux le prendre.
L. Bazin : Quitte à perdre de l'argent, vous vous rendez compte quand même !
Non, non pas du tout, pas, quitte à perdre de l'argent. Quand vous avez votre indemnisation chômage, vous êtes à 85 % à peu près, 75, 85 % de votre salaire. Si jamais vous attendez deux ans, vous n'aurez plus rien à l'arrivée. Donc il vaut mieux quand même prendre un travail qui est à 35 kilomètres plutôt que de rester chez soi avec l'indemnisation chômage. Mais je vais aller jusqu'au bout de la réponse, ce n'est pas donnant, c'est-à-dire qu'on ne va obliger personne à faire ça. Parce que je n'ai pas voulu élargir le périmètre. Certains dans mon administration disaient : il faut mettre 50, il faut mettre 70 kilomètres. Je viens d'un département rural où je sais très bien ce que cela signifie les coûts de transport que vous mettez tous les jours dans le plein de votre voiture.
N. Iannetta : Il n'y a pas de transport en commun en plus.
Donc, on a voulu, pour faire une petite allusion à votre propos d'entrée, être raisonnable. 30 kilomètres c'est la réalité de plus de 65 % des Français chaque jour qui vont travailler, en allant à 30 kilomètres de chez eux. Je n'ai pas voulu faire quelque chose de déraisonnable en obligeant les gens à prendre un emploi à 50, 70 kilomètres. Voire même, un pays, je le cite quand même comme l'Allemagne ou la Suède qui disent à un demandeur d'emploi : vous prenez un emploi, n'importe où dans le pays. Donc je crois qu'on a essayé de garder un point d'équilibre, qui est moins exigent que ce que l'on a dans d'autres pays, mais où on essaye quand même de ne pas avoir un système qui soit en roue libre, où on ait un peu de contrôle.
L. Bazin : Mais les abus c'est terminé, voilà ce que vous dites.
Oui, mais je crois que c'est équitable.
L. Bazin : Et ça c'est abuser, refuser un emploi à moins de 30 kilomètres de chez soi, sous prétexte qu'on va dépenser beaucoup d'argent en essence, pour vous ?
Oui, je trouve que quand on a la possibilité de prendre un emploi, qui est dans un périmètre qui correspond aux efforts que font une très grande majorité des Français tous les jours, c'est abuser de le refuser.
N. Iannetta : Encore faut-il, L. Wauquiez, qu'il y ait des emplois qui correspondent à la demande. 500 000 emplois non pourvus dit le patron - je voudrais que l'on termine, il ne nous reste pas beaucoup de temps, je voudrais votre avis là-dessus - le patron du groupe du travail sur les chiffres du chômage, il dit : "il y a 500 000 emplois non fournis, mais ça ce n'est pas du tout un indicateur statistique, c'est juste une estimation. Il faut que l'on travaille là-dessus réellement pour connaître réellement le marché du travail". Vous êtes d'accord avec ça ou pas ?
Alors juste deux points, le premier, à côté de ça, il faut que l'on travaille sur le covoiturage, les aides à la mobilité, les aides au déménagement quand vous prenez un emploi. Parce qu'on ne peut pas se contenter de la réponse consistant à dire : il n'y a qu'à prendre le travail, ça c'est le premier point. Le deuxième point par rapport à ce que vous avez dit ; je ne fais pas partie de ces politiques qui vont vous dire, s'il y a 500 000 offres d'emploi non pourvues, c'est qu'un demandeur d'emploi qui veut travailler, il n'a qu'à le faire !
N. Iannetta : Ce n'est pas si simple.
Ce n'est pas si simple. Le problème c'est qu'on a des demandeurs d'emploi qui sont dans des secteurs où il n'y a pas d'emploi à l'arrivée. Et à côté de ça, on a des entreprises qui ne trouvent pas des demandeurs d'emploi formés. C'est pour ça qu'il faut que l'on fasse la réforme de la formation professionnelle, pour aider des gens, par exemple qui sont dans un secteur de sous-traitance métallurgique, pour pouvoir se réorienter dans un secteur par exemple de manutentionnaires sur des machines où là, ils vont trouver un emploi et ça il faut une formation.
N. Iannetta : Cela prend du temps ça !
Non, sur des formations comme ça... Par exemple, chez moi, on a mis en place des formations de soudeurs qui ont permis en six mois de commencer à former un soudeur, qui ensuite va continuer à se former sur le terrain.
N. Iannetta : Donc, on peut considérer qu'on aura des effets quand même assez rapidement.
C'est pour ça en tout cas que je veux bouger. Le cap c'est le plein emploi, on voit qu'on a déjà des résultats, il faut continuer.
N. Iannetta : 2012, merci beaucoup d'avoir été notre invité ce matin - on se retrouve pour le Zapping. ..Mais si vous êtes quelque de raisonnable !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 12 juin 2008