Déclaration de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur les mutations du tourisme avec le développement d'un tourisme low cost, les nouvelles préoccupations écologiques, et sur le lancement de la marque "Rendez-vous en France", Paris le 19 juin 2008.

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Circonstance : Assises du tourisme à Paris, les 18 et 19 juin 2008

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le ministre, cher Hervé,
Mesdames et Messieurs,
Le tourisme est désormais rattaché au ministère de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi : nous avons pris conscience qu'il constitue un gisement de richesses essentiel pour notre pays, fournissant un emploi à 1,8 millions de nos concitoyens, et représentant plus de 6 % du PIB, soit presque autant que le secteur automobile : le tourisme est un des premiers secteurs de l'économie française. Il doit donc être traité avec autant de sérieux et de détermination que la banque, l'agroalimentaire ou le luxe. C'est pourquoi je tenais aujourd'hui à clore en personne ces Assises nationales, qui sont justement intitulées : « le tourisme au coeur de notre croissance », et à porter devant vous l'engagement fort du président de la République et de l'ensemble du gouvernement en faveur de ce secteur d'activité. Hervé Novelli vient de vous présenter quelques mesures concrètes. J'aimerais à présent vous donner une vision plus générale de notre action.
On pourrait penser, en voyant les cars qui s'arrêtent ici même au Palais des Congrès, et qui bien souvent repartent vers les prestigieux monuments de notre capitale, que le tourisme en France est une évidence : il suffit de compter tous les ans le nombre d'arrivées sur notre sol pour constater, sans surprise, que nous sommes toujours numéro 1 dans le monde. À quoi bon, alors, déployer tant d'efforts ?
Comme toute évidence, celle-ci mérite d'être bousculée. Ces dix dernières années, le tourisme est passé de 7,3 % à 6,3 % du PIB, plaçant la France seulement au troisième rang mondial pour les recettes touristiques. Pareillement, nous perdons régulièrement des parts de marché dans le domaine des foires, congrès et salons, qui me tient particulièrement à coeur : certains salons déménagent à l'étranger, ce qui nous a fait régresser à la troisième place en Europe.
Vous connaissez tous les atouts de la France. Et pourquoi ne pas s'offrir le luxe de les rappeler encore une fois ? On nous envie nos bouteilles de champagne dont un bouton saute dans le monde toutes les 30 secondes ; nos châteaux on l'on vient tourner les grandes productions cinématographiques mondiales ; nos grands restaurants qui essaiment leurs chefs dans le monde entier ; nos couturiers qui habillent les élégantes des grandes capitales ; le plus grand domaine skiable du monde ; la côte la plus longue d'Europe ; et bien sûr, moi qui aie lancé la fête du pain le mois dernier, comment ne citerai-je pas notre artisanat, nos métiers, qui contribuent à la magie, à la culture, à la diversité de la France ?
Le Gouvernement s'est engagé dans une politique de réformes structurelles visant à redynamiser notre économie. Il n'est donc pas question de laisser une activité économique symbolique comme l'est le tourisme courir le moindre risque.
(I) Les mutations du tourisme
C'est pourquoi nous avons décidé l'année dernière, avec Luc Chatel, de faire du tourisme une priorité d'action à Bercy. Nous avons entrepris en décembre dernier une réflexion autour de l'accueil en France, en réunissant les différents professionnels concernés autour d'une table ronde. Dès son arrivée sur notre sol, le touriste doit se sentir, comme disent les Allemands, « comme un Dieu en France » (wie Gott in Frankreich). Puis nous avons installé en février le comité stratégique du tourisme, instance de coordination des différents groupes de travail qui ont présenté aujourd'hui leurs conclusions. Tout cela fait partie d'un vaste plan « Destination France 2020 », dont Hervé Novelli a aujourd'hui la responsabilité, et qui doit adapter la France aux mutations de la demande mondiale.
Quelles sont ces mutations ? J'en vois au moins trois :
- l'émergence d'un tourisme low cost qui n'est pas seulement la recherche des meilleurs prix - je pense que ce phénomène a toujours existé... - mais véritablement une nouvelle manière de voyager, qui remet en cause les structures d'accueil traditionnelles.
- une exigence d'authenticité que la France est bien placée pour relever, mais qui nous impose de mieux valoriser notre patrimoine, qu'il soit historique ou géographique, culturel ou naturel.
- une prise de conscience écologique qui suppose de redéfinir certaines zones et de revoir certains aménagements.
En clair, la vision caricaturale des troupeaux de touristes que l'on conduit par la main d'un lieu à un autre sur des itinéraires balisés appartiendra bientôt au passé : après le tourisme de masse, nous entrons dans l'ère du tourisme sur-mesure, plus difficile à gérer sans doute, mais combien plus gratifiant !
Pour relever ce défi, vous avez proposé 4 grandes orientations stratégiques, qui me semblent tout à fait adaptées. Permettez-moi de les rappeler brièvement. Il s'agit de :
- conquérir les segments en croissance, comme les seniors ou les nouveaux pays (Chine, Inde, Brésil...) : ne laissons pas la France passer à côté des centaines de millions de touristes chinois potentiels !
- augmenter la dépense par touriste, en développant des offres plus complètes et en reprenant la main sur le tourisme d'affaires : n'hésitons pas à monter en gamme quand cela est nécessaire, car il y a des clientèles qui volent sur un low cost et qui dorment dans un 4 - ou plutôt aujourd'hui - dans un 5 étoiles !
- développer un tourisme durable, respectueux non seulement de l'environnement, mais aussi des personnes : pour que les touristes aiment la France, il faut que les Français aiment les touristes !
- multiplier les actions de communication pour faire du tourisme une véritable priorité collective.
(II) Après la réflexion, l'action.
Hervé Novelli vient de vous présenter une série de mesures concrètes. Permettez-moi d'insister sur certains points.
Dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, nous allons appliquer la même recette au tourisme que pour le reste de l'économie : libérer les énergies, faciliter les procédures. C'est pourquoi les hôtels ont été sortis du champ de l'urbanisme commercial, et pourront désormais être ouverts sans passer par l'autorisation de la Commission départementale (CDAC), quelle que soit leur surface : un simple permis de construire suffit !
Je souhaite aussi que la réflexion sur l'accueil que j'ai lancée en décembre dernier porte ses fruits. Je sais que des mesures seront prises rapidement afin que Paris ne soit plus synonyme, pour les étrangers, de queues de taxi et de labyrinthes de couloirs. Car l'accueil est un élément non négligeable de l'attractivité du territoire : « un sourire est souvent l'essentiel, écrivait Antoine de Saint-Exupéry. On est payé par un sourire. »
Dans le tourisme, n'oublions pas le tourisme d'affaires : car un professionnel peut très vite se transformer en vacancier. Je suis donc avec attention la naissance d'une filière à part entière, celle des foires, salons et congrès. J'avais déjà initié, en tant que ministre délégué au Commerce Extérieur, la création d''un comité de pilotage dans ce domaine. Le rapport qui m'a été remis il y a quelques mois m'a montré que des initiatives très intéressantes, comme la mise en place d'un dispositif d'accueil adapté aux événements internationaux par Aéroports de Paris et la SNCF.
(III) Mais ce que j'aimerais annoncer aujourd'hui, c'est surtout le lancement d'une marque « Rendez-vous en France »
Je suis convaincue que l'on peut « vendre » un pays auprès des étrangers comme l'on vend des vêtements : je vois d'ailleurs tout à l'heure la Fédération du Prêt-à-Porter Féminin, et je suis certaine qu'ils ne me contrediront pas... Nous possédons des techniques commerciales et marketing très au point : pourquoi ne pas les utiliser, comme l'a fait l'Espagne avec succès, pour ce qui nous tient le plus à coeur, notre propre pays ?
Je vais dévoiler dans quelques minutes la nouvelle marque France. C'est une Marianne très moderne, les cheveux au vent, à l'image de cette France en mouvement que nous construisons jour après jour - j'aimerais même dire : une Marianne dans le vent. Il est écrit : « Rendez-vous en France » : une phrase que tous les étrangers peuvent comprendre, car le rendez-vous est une idée si française, que le mot est passé tel quel dans la langue anglaise... « Rendez-vous en France », cela signifie aussi que la France n'attend pas, et qu'elle vous attend.
Ce logo pourra être utilisé par les institutions officielles, dans les campagnes de presse ou par les entreprises privées... Quand on sait quel poids a le mot « France » dans l'esprit de nombreux étrangers, qui l'associent immédiatement au raffinement, à l'élégance, à l'art de vivre, il semble ingénieux d'associer ce mot à une image. On associe souvent la France aux ergots d'un coq ; elle va désormais devenir une griffe - et une griffe impossible à contrefaire...
Bien sûr, une marque, il faut la faire vivre ; et pour la faire vivre, il faut la promouvoir : ce sera le rôle de Maison de la France. Je demande à Maison de la France de faire de notre marque sa priorité numéro 1, et de se transformer en une formidable agence de communication à son service.
Vous le voyez, il est aussi question d'amour dans notre « rendez-vous en France », mais pourquoi pas : comme l'écrivait Paul Morand, « en amour, être français, c'est la moitié du chemin »...
Voilà l'essentiel de ce que je tenais à vous dire, Mesdames et Messieurs : le tourisme est pour moi une vraie priorité, et nous avons de nombreuses actions en cours : c'est le début d'une vaste opération de modernisation de notre économie touristique.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 20 juin 2008