Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur le système de santé et d'accès aux soins, les disparités territoriales et l'organisation sanitaire, Paris le 11 juin 2008.

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Circonstance : Colloque sur les maisons de santé pluri-disciplinaires et l'approche sanitaire territoriale à Paris le 11 juin 2008

Texte intégral


Monsieur le président, cher Martial Olivier Koehret,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs,
Les Français sont fiers de leur système de santé, et à juste titre.
Pour autant, nul n'ignore ici les difficultés que connaît aujourd'hui notre organisation sanitaire.
Ainsi, en dépit des dépenses bien supérieures à celles qui sont consacrées à l'hôpital dans les autres pays de l'OCDE, les personnels hospitaliers sont sous pression.
De même, en dépit du fait que notre tissu hospitalier soit un des plus denses, les usagers se plaignent de ne pas toujours disposer des structures hospitalières nécessaires.
S'agissant du nombre de médecins de proximité, les données chiffrées révèlent, là encore, de réels problèmes et d'éloquents paradoxes.
En dépit de la forte densité de médecins dans notre pays, une des plus élevée de l'OCDE, densité par habitant jamais encore atteinte en France, des zones entières du territoire souffrent d'une cruelle carence de médecins. Dans les campagnes et dans les banlieues les moins favorisées, la désertification médicale avance.
Les disparités territoriales se creusent. Cela n'est pas acceptable : trouver un médecin près de chez soi, cela ne peut devenir un luxe, un privilège !
Le moment est donc venu de rénover en profondeur notre organisation sanitaire.
Si, raisonnablement, personne ne peut remettre en cause les fondements mêmes de notre système, personne ne peut laisser non plus se dégrader les soubassements de notre maison commune.
Aussi, la réforme que je conduirai ne poursuit qu'un seul but : moderniser notre système de soins pour garantir dans l'avenir, sur tout le territoire, l'accès à des soins de qualité.
Ma politique obéit clairement à une triple exigence : égalité, responsabilité, solidarité.
Pour que vivent ces principes, pour préserver le pacte de 1945, nous devons mener une réforme qui permette aux plus démunis mais aussi aux classes moyennes de ne pas redouter pour eux-mêmes et pour leurs enfants la perspective d'une médecine à deux vitesses.
Ma méthode, vous la connaissez, puisque nombreux d'entre vous ont participé activement aux concertations que j'ai mises en place, que ce soit la commission Larcher ou les EGOS, ou encore la mission conduite par André Flajolet.
La loi Santé, patients et territoires que je défendrai devant le Parlement à l'automne, après des mois d'échanges fructueux, procède ainsi d'une volonté partagée.
Naturellement, les soins de premier recours occupent dans ce dispositif une place centrale.
Ils répondent, en effet, aux demandes les plus fréquentes et finalement les plus essentielles : il s'agit, en effet, de prévenir, de détecter, de diagnostiquer une éventuelle pathologie grave, mais également de soigner, de suivre une pathologie complexe ou chronique et finalement d'accompagner une personne et une population dans son ensemble, dans la gestion de sa santé, depuis la naissance jusqu'à la fin de vie.
Les soins de premiers recours sont la porte d'entrée dans notre système de santé.
Un premier recours performant, ce sont, concrètement, des services d'urgences qui peuvent assurer leurs missions spécifiques, des admissions et des sorties d'hospitalisation optimisées et des patients âgés maintenus à domicile dans de meilleures conditions.
Aucun système de santé performant au monde ne peut faire l'économie d'une offre de soins de premier recours efficiente et bien organisée.
Le projet de loi "Santé, patients et territoires", incorpore l'impératif, depuis si longtemps énoncé, de la rénovation tant attendue de l'offre de soins de premier recours.
La réforme portera aussi bien sur les formations initiale et continue que sur les conditions de travail, les modalités de collaboration entre professionnels de santé, ou sur l'intégration du premier recours à l'offre globale de santé.
Les maisons de santé constituent une pièce maîtresse du nouveau dispositif.
Ces structures sont plébiscitées par les professionnels eux-mêmes qui se sont déjà regroupés ou qui souhaitent le faire.
L'exercice regroupé et coordonné permet non seulement d'améliorer la qualité des soins prodigués aux patients mais aussi la qualité de vie des praticiens.
Les professionnels de santé ambulatoires sont des libéraux et à ce titre indépendants.
Je n'ai donc nullement l'intention de les contraindre dans leur mode d'exercice.
Les mesures développées dans le projet de loi autour de l'aménagement de l'offre de soins de premier recours sont des mesures incitatives, respectueuses du principe de liberté consubstantiel au fonctionnement de ces professions libérales.
Je veux simplement donner à ceux qui le souhaitent les moyens d'évoluer vers ce mode d'exercice.
En aucun cas, je n'ai à l'esprit de concevoir ou de fabriquer un quelconque "gosplan", comme j'ai pu l'entendre à de nombreuses reprises.
Le second principe que j'entends respecter est ce que l'on pourrait appeler la politique par la preuve.
Je souhaite que les mesures de ce projet de loi, et notamment l'aide au déploiement des maisons de santé, fassent l'objet d'une évaluation rigoureuse et continue.
Le développement de maisons de santé ou de pôles de santé, ou de tout autre type d'exercices regroupés et coordonnés, est une mesure majeure d'attractivité de la profession de médecin généraliste.
C'est un fait : l'isolement constitue la principale difficulté par les médecins généralistes libéraux. Les plus jeunes, notamment, ne souhaitent plus travailler seuls.
C'est également un moyen de garantir à la population une continuité et une permanence de réponse, grâce à une meilleure répartition de la charge de travail et des horaires de présence.
L'exercice regroupé permet également de développer et de mutualiser ce que l'on appelle les fonctions support comme la logistique, ou le secrétariat.
Du "temps médical" sera ainsi libéré pour le médecin, du temps utile pour les professionnels de santé.
Les maisons de santé permettront de faire évoluer les pratiques des professionnels et d'améliorer la qualité de la réponse apportée aux demandes de soins de la population.
A plusieurs, il devient plus simple d'organiser la permanence des soins.
Les maisons de santé faciliteront le développement d'activités nouvelles comme la prévention et l'éducation thérapeutique.
Enfin, la formation médicale initiale des médecins généralistes et la formation continue, professionnelle ou interprofessionnelle, pourront trouver dans les maisons de santé des lieux de stages et des espaces propices à l'échange entre praticiens.
Pour toutes ces raisons, je souhaite faire du développement de ces maisons de santé un point cardinal de mon projet de loi "santé, patients et territoires".
La répartition de ces structures sur le territoire doit être déterminée par un principe d'efficience et d'équité.
C'est dans cet esprit que je souhaite promouvoir le principe du SROS ambulatoire. Dans chaque bassin de vie, les professionnels de santé, les patients et les élus établiront un diagnostic santé.
Ils en déduiront un projet de santé qui pourra être consolidé au niveau de l'ARS, de manière à assurer sa cohérence avec les autres schémas d'organisation hospitalier et médico social.
Ainsi, la répartition de l'offre de soins ambulatoire sera l'expression de la volonté des acteurs locaux et tiendra précisément compte de leur capacité.
Ce schéma ne sera pas opposable. Les professionnels qui ne souhaiteront pas s'y conformer seront tout à fait libres de s'installer où bon leur semble, mais ils ne bénéficieront pas des aides publiques qui iront renforcer le fonctionnement et la création de ces structures.
Cette mesure traduit parfaitement l'esprit de la réforme que je conduis : pragmatique, cohérente, efficiente, et surtout fondée sur la responsabilisation de chacun.
Je sais que certains départements ont d'ors et déjà travaillé à la réalisation de projets de santé de territoire très proches de ce que pourraient être les SROS ambulatoires.
Cette nouvelle organisation de l'offre de soins ambulatoire repose sur un important travail de concertation et de réflexion régional entre les élus, les professionnels, les patients et l'administration.
Les ARS vont jouer un rôle central dans ce dispositif et il est fondamental que ce maillage de premier recours s'intègre dans l'offre de santé régionale. Il constitue un axe important d'aménagement du territoire.
Dans l'immédiat, et pour ne pas devoir attendre les quelques mois qui nous séparent de la mise en oeuvre de ces SROS ambulatoires, j'ai souhaité favoriser le développement ou la création de 100 projets de maisons de santé.
Un cahier des charges vient d'être envoyé aux MRS qui auront la charge, répartir ces aides en 2008 en fonction des besoins de nos concitoyens et dans une logique d'aménagement de l'offre de soins ambulatoire sur le territoire.
Cette réforme est nécessaire. Elle est attendue.
Vous pouvez compter sur moi pour la conduire avec détermination et conviction.
Je vous remercie.Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 12 juin 2008