Texte intégral
Mesdames et Messieurs les ministres
Mesdames et Messieurs
Mesdames et Messieurs les étudiants.
L'Ecole supérieure algérienne des affaires a beau être jeune, elle a déjà la réputation d'être l'une des meilleures écoles de sa catégorie sur le continent africain. Je veux en rendre hommage à la Chambre algérienne de commerce et d'industrie, à son président, Monsieur Brahim Bendjaber, qui préside aussi le conseil d'administration de l'école, et qui a guidé le décollage de cette institution. Mais je veux aussi saluer la contribution à ce succès des grandes écoles, des universités et des chambres de commerce françaises qui sont ses partenaires, 480 étudiants ont déjà ici bénéficié de trois programmes de formations, dont les diplômes sont reconnus dans nos deux pays. La formation des étudiants, c'est le symbole de la relation que les présidents Sarkozy et Bouteflika ont entrepris de cimenter entre l'Algérie et la France.
Cette relation, en effet, dessine d'abord un partenariat pour la jeunesse, elle dessine aussi un partenariat politique rénové, et plus largement, elle dessine les voies d'une action commune possible dans le monde.
Mesdames et Messieurs, depuis son élection, le président de la République française s'est déjà rendu deux fois ici, en décembre dernier, sa visite d'Etat a ouvert entre nos deux pays des perspectives de coopération qui sont d'une ampleur et d'une diversité inégalées. La convention de partenariat qui a été signée à l'occasion de cette visite d'Etat profite des relations anciennes qu'entretiennent nos universités, nos collectivités locales, nos élus, nos associations, nos intellectuels et nos entreprises. Cette convention, elle cristallise l'ambition et le dynamisme de l'amitié franco-algérienne. Nous voulons la mettre en oeuvre sans tarder, et c'est une des raisons principales de la visite que j'effectue ici, accompagné de nombreux membres du gouvernement français.
L'axe principal de l'effort que nous voulons faire ensemble, c'est la formation des cadres. Christine Lagarde, le ministre de l'Economie et des Finances, a signé ce matin avec son homologue, monsieur Karim Djoudi, un mémorandum de coopération financière, qui prévoit un échange d'expertises entre nous, dans le domaine des douanes, dans celui des ports ou pour la création d'une école du Trésor algérien. Dans le domaine universitaire, et je suis accompagné de Valérie Pecresse, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, plusieurs filières d'excellence franco-algériennes reçoivent depuis cette année des moyens supplémentaires, dans le domaine des biotechnologies, du droit des affaires ou encore de la formation des médecins spécialistes.
Ces actions viennent toutes compléter les moyens importants qui accompagnent déjà plusieurs grands programmes algériens, la réforme des universités, la réforme de onze écoles supérieures professionnelles ou encore la création d'une école supérieure de technologie. La coopération franco-algérienne, c'est beaucoup plus que des discours et des déclarations d'intention, c'est 2.000 boursiers chaque année, c'est 600 projets de recherche conjoints, c'est 200 conventions de coopération interuniversitaire en cours de réalisation, et un nombre croissant de visas de circulation, accordés aux universitaires algériens.
Je veux m'arrêter un instant sur ce dernier point, parce que je connais toute l'importance de la question de la circulation des personnes. La France qui - vous le savez - va dans quelques jours présider l'Union européenne a trois raisons fortes d'inscrire cette question parmi ses priorités. La première, c'est que la circulation des personnes conditionne l'échange des compétences. Les étudiants, les hommes d'affaires, les scientifiques, les artistes sont les vecteurs de la relation privilégiée entre nos pays, et donc leur circulation doit être facilitée. La deuxième, c'est la densité des relations personnelles entre nos deux pays. Nous devons permettre qu'elles continuent à s'enrichir. La troisième, c'est l'attachement de la France à la mise en place d'une immigration professionnelle, organisée, qui soit à la fois profitable à notre pays, comme au vôtre, et qui prenne en compte les besoins des pays d'origine. Ai-je besoin de préciser que les facilités ouvertes aux déplacements légitimes ne remettent pas en cause la lutte que mon gouvernement, comme le gouvernement algérien, mène contre l'immigration illégale. L'immigration illégale, c'est le circuit de la détresse, c'est une source de souffrances et de déceptions, et c'est aussi une raison de déséquilibre et une source de déséquilibres pour le pays d'accueil. L'Algérie connaît cette préoccupation, puisque, après avoir été longtemps pays de départ et de transit, l'Algérie devient à son tour un pays d'accueil de l'immigration. Elle comprendra d'autant mieux les efforts du gouvernement français pour empêcher une immigration clandestine difficilement gérable. Je sais aussi que l'Algérie apprécie, et je viens d'en avoir à l'instant la démonstration, l'importance de retenir sur son sol des populations jeunes, compétentes et volontaires.
C'est en investissant là, c'est en investissant dans votre pays, c'est en investissant au plus près de vos efforts que la France pourra, de la façon la plus intelligente, accompagner la croissance algérienne. L'Algérie a l'ambition de prendre toute sa place dans l'économie mondiale, c'est votre souhait et c'est aussi le nôtre. C'est aussi le nôtre parce que les entreprises françaises sont sensibles aux atouts de votre pays et à son potentiel. Sur 300 entreprises présentes, françaises, présentes en Algérie, une cinquantaine se sont implantées au cours des derniers mois. C'est le témoignage solide de leur confiance à l'égard de l'Algérie. Les représentants d'ailleurs des entreprises françaises - qui m'accompagnent - partagent ce sentiment. Présentes dans des secteurs essentiels, nos entreprises prêtent ici leurs compétences aux grands projets d'infrastructures, et en particulier aux transports publics, c'est la RATP française qui a remporté le contrat du métro et du tramway d'Alger, c'est l'entreprise ALSTOM qui construira les rames de ce tramway.
Mais les groupes français souscrivent également des accords très importants de reprise dans le cadre des privatisations qui sont conduites dans votre pays. Le groupe LAFARGE vient tout juste d'acquérir 35 % de la Société des Ciments de la Mitidja, c'est une acquisition qui va renforcer son rang de deuxième opérateur dans le secteur cimentier algérien. La société SCHNEIDER ELECTRIC va créer une entreprise commune avec l'entreprise AMC pour fabriquer des appareils électriques. La société AIR LIQUIDE, présente en Algérie depuis 1907, est en pourparlers pour racheter la totalité de la SIDAL, une entreprise publique de soudure et de froid industriel. Mais nous pensons avec le gouvernement algérien que les grands contrats, l'implantation des grandes entreprises françaises en Algérie, les investissements des grandes entreprises françaises ne suffisent pas à accroître de façon considérable le volume de nos échanges. Il faut aussi que les entreprises moyennes, les petites et moyennes entreprises viennent ici investir en Algérie, et c'est la raison pour laquelle nous avons mis en place, avec le ministère de l'Economie et des finances, un programme de compagnonnage, qui va permettre à brève échéance, à une cinquantaine d'entreprises algériennes, d'être associées à des PME européennes, et notamment à des PME françaises.
L'enjeu, c'est d'ouvrir au secteur privé algérien des débouchés extérieurs, c'est de l'aider à gagner en taille, de l'inciter à créer des emplois nouveaux, et d'amener des entreprises de petite et de moyenne dimension françaises à investir ou à conclure des accords commerciaux avec l'Algérie. Les atouts de l'Algérie, nous les connaissons tous, il y a évidemment cette proximité géographique qui vous place à une heure d'avion de Marseille, il y a cette présence si vivante de la langue française, que l'Algérie a su conserver à côté de la langue arabe, dont vous savez qu'elle touche profondément nos coeurs, elle est pour nous beaucoup plus qu'un simple outil de travail et de communication, c'est l'occasion d'un véritable partage culturel.
Eh bien, nous devons à partir de ces atouts travailler ensemble à aller plus loin.
Nous devons faire en sorte que les conditions d'installation proposées aux investisseurs étrangers augmentent encore l'attrait de votre pays ; vous menez depuis plusieurs années des réformes que la France reconnaît, vous réfléchissez aux manières d'alléger progressivement les procédures administratives, de moderniser le secteur bancaire, la France salue ces tendances, elle espère comme un signal de première importance la création d'une zone franche, dotée d'un port en eaux profondes, elle espère l'adhésion prochaine de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce, qui scellera l'accession de votre pays au rang de pays émergent.
Chaque occasion doit être saisie pour bâtir entre nous un partenariat politique solide. Une relation dense, nouée dans des domaines stratégiques et bénéficiant à nos deux pays, voilà ce que nous recherchons ensemble. Aujourd'hui même, l'énergie et la défense ont fait l'objet d'accords sans précédent entre nos deux pays ; nous avons signé ce matin deux textes qui scellent un vrai brevet de confiance à long terme.
Chacun a pu constater que la France, non seulement a de l'avance dans le domaine de la maîtrise de l'énergie nucléaire, mais qu'il s'agit d'un domaine dans lequel nous voulons, avec l'Algérie, réfléchir ensemble à la mise en place de structures de long terme. Face à la crise énergétique, que le monde doit affronter, nous devons réfléchir pour doter nos pays des moyens d'assurer la transition énergétique.
Aujourd'hui, la conclusion d'accords à longue portée sur les hydrocarbures fait partie de cette stratégie, aujourd'hui, le niveau et la volatilité des prix du pétrole représentent un défi pour nous tous, à terme, les menaces de l'énergie chère sont lourdes, l'éviction hors des marchés pour les pays les plus pauvres, l'interruption de la croissance pour les autres.
Je crois qu'il faudra absolument mettre à profit la réunion qui va avoir lieu demain à Djedda, pour instaurer une forme de cogestion des déséquilibres actuels, parce que ces déséquilibres ne disparaîtront pas tout seuls. La seule issue profitable à tous, c'est la transformation du dialogue producteurs/consommateurs en un partenariat pour le développement durable. A court terme, l'augmentation de la production saoudienne, une meilleure transparence de la formation des prix pour éviter les spéculations, et de vrais efforts d'efficacité énergétique peuvent nous donner un répit.
Mais nous le savons bien, à moyen terme, il faudra réfléchir à de nouvelles conduites de solidarité pétrolière internationale.
Mais le rôle - je le disais il y a un instant - d'un pays comme la France, c'est aussi de voir au-delà du pétrole, et c'est d'aider des pays comme l'Algérie à développer les sources d'énergies alternatives, et au premier rang d'entre elles, le nucléaire civil pour satisfaire la demande croissante d'énergies, c'est appuyer dès maintenant l'essor des énergies renouvelables, le solaire, l'éolien, pour préparer les transitions énergétiques à venir. Demain, ces énergies seront disponibles partout où le coût et la rareté du pétrole pèseront sur les populations les plus fragiles. Il y a trois semaines, lors de sa visite ici, Jean-Louis Borloo, le ministre en charge de l'Environnement et de l'Energie, a proposé d'établir un groupe de travail commun sur l'énergie solaire, qui est une évidence dans un pays comme le vôtre.
Depuis trente ans, vous avez consenti les investissements considérables qui assurent aujourd'hui à votre pays une place majeure parmi les fournisseurs énergétiques de l'Europe, et bien, nous devons prendre ensemble le plus tôt possible le tournant de la prochaine révolution énergétique. Au nom du même raisonnement, nous devons coordonner l'action de nos deux pays dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Vous savez que le continent africain subit de plein fouet les conséquences de ce réchauffement climatique, alors même qu'il est probablement celui qui y contribue le moins. Le continent africain doit participer, de manière plus audible, aux négociations internationales sur cette question.
Cette année, la France prendra la présidence de l'Union européenne au moment où l'Algérie présidera le groupe africain au sein de la Convention des nations unies sur le réchauffement climatique, eh bien, c'est une bonne occasion d'avancer ensemble sur cette voie. L'énergie, le climat, nous partageons sur ces points le même désir d'un monde plus sûr et d'un monde plus durable, nous voulons que notre force serve notre prospérité et notre sécurité. Et nous avons, depuis plusieurs années, engagé une politique exemplaire en matière de lutte contre le terrorisme. Après la visite du ministre de l'Intérieur, madame Alliot-Marie, à Alger, le mois dernier, nous avons décidé de prolonger par des actions complémentaires cet engagement au service de la lutte contre le terrorisme. Le 09 juin, devant la gare de Beni Amrane, à l'Est d'Alger, un attentat abject et lâche a mêlé le sang français et le sang algérien. Ceux qui font couler le sang de l'Algérie et celui de ses amis doivent le savoir, leur combat est cruel, il est injustifiable et il est vain. Et je sais que l'Algérie ne laissera pas le fanatisme dépouiller la paix et la prospérité auxquelles elle aspire ; contre votre soif d'avenir, contre votre respect de la vie, que les étudiants, ici, rassemblés, symbolisent mieux que tout, ni les bombes, ni la peur ne prévaudront.
Mesdames et Messieurs, je suis fier de compter mon pays parmi les amis du vôtre. Si nous renforçons les liens de cette amitié, c'est pour que l'idéologie de la haine vienne s'y briser. Travailler ensemble, c'est déjà lutter contre le fanatisme armé, construire ensemble, c'est faire barrage au terrorisme et à l'obscurantisme.
Un des privilèges de la relation franco-algérienne, c'est que l'oeuvre de paix n'est pas un vain mot pour nous. Nous savons dépasser le ressentiment. Quarante-six ans après l'Indépendance de l'Algérie, nous ne prétendons pas oublier notre passé commun, mais nous refusons de le porter comme un fardeau. Nous savons qu'une mémoire apaisée laissera la parole à l'avenir. Et en l'espace de quelques mois, la France et l'Algérie ont franchi dans cette direction des étapes très importantes, à Constantine, puis à Paris, le 05 décembre dernier, le président Sarkozy a condamné, comme aucun dirigeant français ne l'avait fait avant lui, la nature injuste du système colonial. L'an dernier, nous avons remis à l'Algérie les plans de mines de ligne "Challe et Morice", ainsi que des copies que toutes les archives de l'Institut national audiovisuel concernant l'Algérie.
Parallèlement, nous venons de voter une nouvelle législation sur les archives, qui va permettre une meilleure communicabilité de tous les documents concernant notre passé, en particulier pour les chercheurs algériens. L'objectif, c'est d'encourager les historiens de nos deux pays à travailler ensemble, à travailler sur des bases documentaires ouvertes, et pour aboutir autant que possible à une reconnaissance dépassionnée des faits. J'ai annoncé dans cet esprit la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, je veux dire ici très clairement que cette fondation sera au service d'une mémoire partagée, c'est-à-dire qu'elle devra associer des historiens, des chercheurs, des enseignants des deux rives de la Méditerranée. Le chemin qui est devant nous, c'est de forger une vision pacifiée de l'histoire franco-algérienne, nous travaillons à en créer les conditions dans un esprit de confiance mutuelle et de fraternité.
Nous y parviendrons - j'en suis convaincu - grâce à l'extraordinaire familiarité qui existe entre nous, grâce à l'intime connaissance que vous avez de nous, comme celle que nous avons de vous, grâce à cette affection, souvent non avouée, mais réelle qui existe entre nos deux pays.
C'est ainsi, Mesdames et Messieurs, que je vois la France et l'Algérie, comme des acteurs du monde, comme des intervenants de cet immense espace commun, qu'est le XXIe siècle.
Cette action, elle commence naturellement dans la Méditerranée, où nous avons nos racines, où nous avons nos échanges, où nous avons nos ambitions.
Le 13 juillet prochain - c'est-à-dire dans quelques jours - l'Union pour la Méditerranée sera lancée à Paris par les chefs d'Etat de tout le pourtour méditerranéen et par l'Union européenne. Je veux vous dire que l'Algérie est un pays clé de cette Union pour la Méditerranée, parce que l'Algérie est un pays clé de cette zone géographique, parce que l'Algérie est un pays clé des relations qui sont en train de s'y tisser. Je sais qu'elle s'y associera pleinement, c'est son intérêt, c'est aussi celui de tous les pays riverains, en matière de protection civile, de lutte contre la pollution maritime, de développement de l'énergie solaire, de soutien aux PME, mais surtout, au fond, dans l'intérêt de la construction de la paix et de la prospérité dans le bassin méditerranéen. Pour construire la paix et la prospérité, il faut apprendre, il faut échanger et il faut développer ensemble, c'est tout l'enjeu du pari que le président Sarkozy a lancé sur trois continents.
Ce pari est impressionnant, il est audacieux, il est donc difficile, mais quand je regarde l'intégration européenne, je me dis que c'est le propre des paris qui réussissent que d'être audacieux et d'être difficile.
Qui aurait pu prédire, Mesdames et Messieurs, en 1945, que le continent européen tout entier allait retrouver de concert la paix, la prospérité et la démocratie, en réalité, personne, eh bien, l'Union pour la Méditerranée, de notre point de vue, c'est la même envie et c'est la même volonté. Mesdames et Messieurs, nos deux pays ont confiance en leur identité, ils ont en eux de la fierté, ils ont en eux de la grandeur, ils concilient l'ouverture et le rayonnement, et l'Ecole supérieure des affaires algériennes, eh bien, c'est un peu tout cela, c'est l'Algérie de demain, c'est celle qui écoute le monde, c'est celle qui intervient dans les débats du monde à haute voix.
L'écrivain algérien Malek Haddad a dit : on ne vient jamais pour la première fois en Algérie, et on ne la quitte jamais pour toujours. Eh bien, à l'occasion de ma première visite dans votre pays, je ressens au plus profond cette proximité, ce voisinage, parfois douloureux, souvent heureux, toujours intense, entre nos deux pays et entre nos deux peuples, je ressens cette ardente obligation dans laquelle nous nous trouvons, dirigeants des deux rives, de ne pas décevoir l'attente de nos peuples, et ensemble, Algériens et Français, je veux vous dire que nous pouvons, que nous devons écrire cette nouvelle page d'un destin partagé, l'avenir se dessine ici, avec vous.
Et permettez-moi, pour conclure, de dire, avec une grande émotion : vive l'Algérie et vive la France !Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 juin 2008