Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la solidarité et de la famille, sur la politique en faveur des handicapés notamment la revalorisation de l'allocation adulte handicapé (AAH), l'accessibilité des transports publics et la prise en charge de la dépendance, Paris le 10 juin 2008.

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Circonstance : Comité de suivi de la loi du 11 février 2005 à Paris le 10 juin 2008

Texte intégral

Pendant très longtemps, pendant trop longtemps, les personnes handicapées ont eu le sentiment d'être les oubliées de la politique de la solidarité dans notre pays. Et si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est pour leur dire que les choses ont commencé à changer mais comme vous j'ai pleinement conscience que nous devons aller plus loin, nous allons donc accélérer. Cette première conférence nationale du handicap marque une étape importante dans notre politique en faveur des personnes handicapées. . Vous le savez, la politique du handicap était au coeur des engagements de campagne du Président de la République. Elle est au coeur de l'action que nous menons depuis un an, avec l'ensemble du Gouvernement, pour permettre aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap, d'accéder à une pleine citoyenneté au sein de la Cité.
Depuis un an, nous avons voulu créer les conditions du changement, de façon concrète, que ce soit pour la scolarisation des enfants handicapés, comme cela vient d'être dit, pour l'accessibilité des établissements accueillant du public, ou encore pour la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005. Je pense également au plan Autisme, que nous avons proposé avec Valérie LETARD, le mois dernier. Nous avons voulu diversifier les modes de prise en charge, pour que les familles puissent avoir le choix de la méthode et de la structure qui convient à leur enfant. C'est une avancée importante, qui était très attendue par les familles.
Je voudrais d'ailleurs remercier tous les partenaires, associations, acteurs de la société civile, qui ont travaillé pour faire des propositions et porter le débat. Mais si ensemble, nous avons fait beaucoup, ce n'est pas encore assez, nous en avons bien conscience. Nous l'avons déjà dit avec Valérie Létard mais je veux le rappeler ici : l'action engagée depuis la loi du 11 février 2005 a suscité, nous le savons, beaucoup d'attentes et d'espoirs. Ces attentes, les groupes de travail qui ont préparé cette conférence, dans le cadre du comité de suivi de la loi du 11 février 2005, ont su nous les rappeler.
Ces attentes, ces espoirs sont légitimes, et nous sommes ici, aujourd'hui, pour vous dire que nous les avons entendus, et que nous allons accélérer les choses.
I- Vous l'avez entendu ce matin : le Président de la République n'a rien oublié de ses engagements de campagne, et il les tient.
Je pense tout d'abord à l'AAH. Le Président l'a dit ce matin, l'AAH sera revalorisée de 5% cette année, pour atteindre les 25% de revalorisation d'ici la fin du quinquennat. 150 euros de plus par mois pour les personnes handicapées, c'est du concret pour améliorer la vie des gens, au quotidien.
Le Président de la République l'a annoncé ce matin. L'AAH, nous n'allons pas seulement l'augmenter, nous allons également la faire évoluer. Parce que, pour les personnes handicapées, comme pour tous les Français, nous conduisons une politique de valorisation du travail, qui doit lever les freins à l'emploi.
L'accès ou le retour à l'emploi, dans le meilleur des cas, je le sais, pour ceux qui y ont déjà eu accès, peuvent être synonymes de diminution des ressources pour les personnes handicapées. Jusqu'à présent en effet, pour bénéficier de l'AAH, il fallait ne pas avoir travaillé pendant au moins un an. Cela nous a paru incompréhensible.
Nous avons donc supprimé cette condition, pour que les personnes handicapées qui ont la possibilité de travailler ne soient pas pénalisées dans leur choix. De même, nous avons décidé que la période de cumul intégral entre allocation et salaire serait fixe, pour que les bénéficiaires de l'AAH puissent anticiper l'évolution de leurs revenus.
C'est une étape importante qui est franchie avec ces mesures. Mais nous devons faire plus : rendre aux personnes handicapées une place entière dans la vie de la cité, cela engage aussi la question de leur accès à l'emploi, qui reste encore insuffisant, malgré les objectifs et les mesures prises depuis la loi du 11 février 2005.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : actuellement, sur les 810 000 bénéficiaires de l'AAH, 265 000 sont sans emploi alors qu'ils se sont vu reconnaître la qualité de travailleurs handicapés. Chaque demandeur de l'AAH bénéficiera donc d'un bilan professionnel. Parallèlement, un contrat d'insertion et d'accompagnement vers l'emploi sera proposé aux bénéficiaires de l'AAH qui sont en mesure de bénéficier de l'insertion professionnelle. Cela permettra à la fois de faciliter l'accès ou le retour à l'emploi pour ceux qui le peuvent, et d'augmenter leurs ressources.
La valeur travail était aussi au coeur de la campagne présidentielle. Et là encore, nous serons au rendez-vous de nos engagements. Car trouver sa place au sein de la cité, se sentir citoyen à part entière, c'est aussi et avant tout, quand on le peut, trouver un emploi. Tel est le sens du pacte national pour l'emploi annoncé par le Président de la République. Aujourd'hui, le taux de chômage des personnes handicapées reste le double de celui des personnes valides : 17%. On ne peut plus continuer ainsi. En lançant le pacte national pour l'emploi, nous voulons donner une nouvelle impulsion à la politique d'emploi des personnes handicapées, en mobilisant tous les acteurs, l'Etat, l'AGEFIPH, le service public de l'emploi, les collectivités locales, et les acteurs économiques.
Ce pacte, c'est un engagement de tous, c'est l'affaire de tous :
Les employeurs d'un côté, qui s'engagent à développer des accords d'entreprise, de branche ou de groupe, comportant notamment un plan pluriannuel d'embauche et de maintien dans l'emploi, ainsi que la publication du résultat de ces accords ;
L'Etat de l'autre côté, qui met en place un réseau de compétences au profit de l'emploi des personnes handicapées, en systématisant les conventions de coopération entre les MDPH et le service public de l'emploi, en aidant les entreprises à repérer les candidats, par le biais des MDPH, et en améliorant l'accompagnement vers l'emploi ainsi que la formation. Ainsi, des politiques d'accès des PH à la formation professionnelle seront mises en place dans chaque région d'ici fin 2008.
Avec ce pacte national pour l'emploi, nous sommes donc dans une double logique, complémentaire : une logique d'action, et une logique d'accompagnement. C'est une logique où tout le monde gagne.
II- Aujourd'hui, on ne peut pas continuer à accepter que des personnes handicapées n'aient pas accès au savoir et à la connaissance, - comme cela a été dit lors de la table ronde qui vient de se dérouler-, mais également accès aux transports publics, aux services publics, aux établissements culturels et sportifs, ou encore à leur lieu de travail. On ne peut pas laisser les personnes handicapées rester enfermées chez elles. C'est alors toute la question de l'accessibilité qui est posée.
L'accessibilité, ce n'est pas seulement une question d'argent, mais aussi une question de priorité. 6 millions d'euros sont actuellement à disposition dans un fonds spécifique, et ils ne sont pas utilisés. J'ai fait plus d'une dizaine de déplacements depuis un an sur cette question, je suis allé dans le métro, dans des tramways, sur des plages, dans des lieux culturels : j'ai pu voir concrètement, sur le terrain, quels étaient les besoins et les manques. Nous sommes tous convaincus que le statu quo n'est plus possible, et nous pouvons faire bouger les choses. Je prendrai deux exemples :
1/ Comment vivre pleinement au coeur de la cité si on ne peut pas faire ses démarches administratives quotidiennes, aller au musée, au théâtre
La loi du 11 février 2005 prévoyait que les établissements accueillant du public soient accessibles en 2015. Mais nous l'avons dit dès l'ét?? dernier : 2015, c'est loin, très loin, trop loin.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons resserrer le calendrier des diagnostics pour que les bâtiments soient effectivement aux normes d'ici 2015. Pour les Etablissements recevant du public les plus importants et pour les bâtiments appartenant à l'Etat, les diagnostics seront effectués d'ici 2010. Nous allons également former et informer les professionnels du bâtiment et de l'urbanisme aux questions d'accessibilité, qui seront intégrées à leur formation d'ici le 1er janvier 2009.
2/ Deuxième exemple : à quoi servirait-il de trouver des solutions pour l'emploi des personnes handicapées si celles-ci ne peuvent accéder à leur lieu de travail ? L'Etat a demandé à l'AGEFIPH de financer les travaux d'accessibilité des locaux professionnels pour les entreprises qui s'engagent dans un plan pluriannuel de recrutement, et en tant que Ministre du Travail, je veillerai à ce que, très rapidement, l'accessibilité des locaux professionnels devienne réalité. Vous le savez, nous avons beaucoup travaillé à la rédaction du projet de décret sur l'accessibilité des lieux de travail. Il est lancé auprès de la Commission européenne, et dès que nous aurons reçu son avis, nous pourrons procéder à la publication de ce décret.
Il faut également que les entreprises jouent le jeu en aménageant des postes de travail adaptés. Cela passe parfois par des outils innovants : lors de la présentation du plan Handicap visuel avec Gilbert MONTAGNE, j'ai visité une entreprise (CECIA) qui met à disposition des salariés aveugles et malvoyants un logiciel de vocalisation. Il faut développer ce genre d'outil. Parallèlement, il faut aussi que les employeurs reconnaissent les capacités de candidats handicapés plutôt que de mesurer d'abord leurs incapacités. Ce n'est pas parce qu'on est invalide qu'on n'a pas de capacités à faire valoir auprès d'un employeur. Tous les acteurs économiques doivent aujourd'hui se mobiliser pour donner aux travailleurs handicapés la place qui leur revient dans le monde du travail.
III - Et si nous pensons à ceux qui peuvent travailler et se déplacer dans la Cité, nous n'oublions pas non plus ceux qui ne le peuvent pas, ou qui, demain, le pourront moins qu'aujourd'hui. C'est là tout l'enjeu du plan de création de place annoncé ce matin par le Président de la République, et de la prise en charge de la dépendance, auquel, vous le savez, nous travaillons actuellement.
Si nous prenons en compte ceux qui travaillent, nous n'oublions effectivement pas non plus ceux qui ne peuvent pas occuper un emploi, et qui ont besoin d'être accueillis, et accompagnés, en fonction de leurs besoins. Pour ceux qui vivent des situations de polyhandicap, ou de maladie mentale, ainsi que pour aider leurs familles qui les soutiennent, nous avons ainsi décidé de créer plus de 50.000 places, comme l'a rappelé le Président de la République.
Ce plan de création de places, nous l'avons conçu dans une logique pragmatique, à partir des besoins concrets qui nous sont remontés du terrain, selon un diagnostic établi région par région. Ces places répondent donc à des besoins de prise en charge très spécifiques : services de soins à domicile, établissements, instituts médico-professionnels, maisons d'accueil spécialisées. Elles apportent des réponses à des situations variées : ainsi, 4100 nouvelles places sont par exemple destinées à la prise en charge d'enfants autistes, et 3700 nouvelles places sont dédiées aux personnes polyhandicapées. Cette démarche sur-mesure, c'est celle que nous aurons, tout au long du quinquennat, pour suivre la mise en oeuvre du plan, et son adaptation aux besoins de prise en charge.
Nous voulons aussi que la protection sociale reconnaisse la dépendance, celle liée à l'âge et celle liée au handicap, comme un 5e risque. Le 28 mai dernier, j'ai présenté aux Sénateurs et au Conseil de la CNSA notre projet concernant ce risque dépendance. A cette occasion, j'ai souligné, et je le répète ici aujourd'hui, que le recours à l'assurance et la participation volontaire et forfaitaire sur le patrimoine qui sont en discussion ne concerneraient en aucun cas les bénéficiaires de la PCH. Ces derniers sont placés dans une situation particulière, car leur situation professionnelle ne leur permet bien évidemment pas de se constituer un patrimoine dans les mêmes conditions que les personnes valides d'âge actif.
Prendre en compte la dépendance vécue par les personnes handicapées, cela implique de créer des places en lieux d'accueil, nous l'avons dit, mais cela implique également de réfléchir aux moyens d'adapter les formes de compensation aux besoins des familles, qu'il s'agisse des spécificités de la compensation du handicap chez l'enfant ou de la prise en charge des aides matérielles qui sont nécessaires.
Je voudrais enfin dire aux familles et aux associations, qui travaillent beaucoup, quotidiennement, à nos côtés, que nous continuerons à travailler ensemble, pour suivre la mise en oeuvre des mesures qui ont été déjà prises, et poursuivre notre réflexion commune.
Mesdames, Messieurs,
Les travaux de cette journée témoignent que nous avons lancé une dynamique globale et des actions concrètes. A la veille de la Présidence française de l'Union Européenne, il était important que notre pays aille encore plus loin en ce domaine. Cette conférence marque une nouvelle étape pour la reconnaissance des personnes handicapées et une nouvelle mobilisation : nous nous engageons collectivement, concrètement, pour permettre aux personnes handicapées d'occuper toute leur place dans la vie de la cité. Enfin, direz-vous ? Des actes, voulez-vous ? C'est ce que nous vous proposons de faire ensemble.
Je vous remercie.Source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 12 juin 2008