Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à France 2 le 17 juin 2008, sur la nouvelle campagne de lutte contre le sida, les franchises médicales, les dépassements d'honoraires des médecins et le plan hôpital.

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Média : France 2

Texte intégral

F. Laborde.- Très rock'n'roll le générique des « 4 Vé » ce matin. Bonjour R. Bachelot. Bonjour. Merci de venir nous voir. Alors, on va évidemment parler de tous les sujets qui vous concernent et qui nous intéressent et on va commencer par cette nouvelle campagne que vous lancez sur le sida, parce que justement, on se protège moins. Alors, il y a beaucoup de choses. Je commence par montrer ceci...
 
Oui, ça c'est une campagne que je vais faire à l'occasion de la «Fête de la musique », c'est-à-dire samedi prochain. 10 millions de personnes concernées, il y a un million de musiciens et je ferai distribuer un million cent mille préservatifs, dans 38 villes de France qui célèbrent la fête de la musique. Pourquoi ? Parce que les jeunes sont évidemment une cible d'information très importante pour les campagnes sur le sida. Certes, la prévalence du VIH - du virus du sida - diminue dans notre pays. 6 300 cas détectés l'an dernier, c'est-à-dire une baisse de 10 % sur les trois dernières années. Néanmoins, il y a des populations qui restent touchées, où la contamination peut être même en augmentation, la population des homosexuels, les départements français d'Amérique et puis également les migrants originaires de l'Afrique sub-sahélienne.
 
Alors, on va regarder un spot, que vous avez financé et qui va être... voilà, on le voit... [Passage à l'écran du spot]. L'idée de ce spot c'est d'expliquer, au fond, aux jeunes, qu'il faut utiliser un préservatif, tant qu'on n'a pas fait le test.
 
Alors, il faut utiliser le préservatif...
 
Parce que parfois, ils l'utilisent une fois, deux fois, et puis une fois qu'on se connaît...
 
Au moment où la relation se stabilise, où on se met en couple, les gens souhaitent très légitimement arrêter le préservatif. Ce que je dis, oui, mais à ce moment-là on fait un test, on fait un test avant. Pour savoir les modalités du test, où s'adresser ? Eh bien c'est très simple, on s'adresse à Sida info service : 0 800.840.800. On fait le test et ensuite on peut ne plus se protéger.
 
Vous dites que la prévalence, enfin, en tout cas le nombre de malades a tendance à diminuer. On a aussi de plus en plus tendance à considérer que le sida est en quelque sorte une maladie chronique parce que les progrès de la médecine ont été tels que l'on fait moins attention, en quelque sorte.
 
Oui, c'est vrai. Les thérapies nouvelles ont permis de chroniciser la maladie. Toutefois, je rend attentif au fait que, évidemment, ça suppose un certain nombre de précautions dans sa vie, dans sa vie amoureuse, dans sa vie sexuelle, dans sa vie génitale, pour les jeunes femmes qui souhaiteraient légitimement avoir des enfants, et puis bien entendu, les traitements sont extrêmement contraignants. Le virus du sida, le fait d'être séropositif entraîne une précarisation, des difficultés, une fatigue qui rend plus difficile le fait de s'intégrer dans un métier, dans une vraie activité professionnelle, donc il ne faut pas banaliser le sida et le préservatif reste véritablement le moyen de se protéger.
 
Tout de suite, et il faut en laisser à disposition de ses enfants...
 
Absolument, il faut faire une information qui soit à la fois très explicite, pudique mais très explicite.
 
Alors, parlons maintenant du secteur de la santé, j'allais dire, plus généralement. Il y a eu la franchise médicale qui a fait un petit peu « tousser », si vous me passez l'expression familière. Il y a aujourd'hui les dépassements de consultations d'honoraires auxquels vous vous attaquez. Ce sont des dossiers où vous n'allez pas être très populaire.
 
Ce sont des dossiers difficiles, mais la franchise médicale, 850 millions d'euros, le président de la République a présenté vendredi dernier le plan « Soins palliatifs », c'est aussi à ça que ça sert la franchise médicale.
 
230 millions d'euros.
 
230 millions d'euros, pour faire en sorte que... il y a 100 000 personnes qui sont actuellement prises en charge dans des soins palliatifs. Porter ce chiffre à 200 000 personnes, c'est-à-dire à peu près la moitié des procédures qui amènent à la mort, pour faire en sorte que tout cela se passe dans la dignité, dans l'accompagnement des malades. Donc, c'est à cela que ça sert, les franchises médicales. Or, les dépassements d'honoraires, oui, c'est un combat, parce que cela touche effectivement les plus modestes. Je suis un ministre, non seulement de la qualité des soins, mais de la justice, je veux effectivement que ces dépassements d'honoraires soient maîtrisés, dans certains cas ils sont justifiés, mais qu'ils soient justifiés, et que par exemple des cliniques privées, qui passent des contrats de service public avec l'Etat, s'engagent à proposer aux malades, un certain pourcentage de leur activité à tarif opposable.
 
Est-ce que ça veut dire, R. Bachelot, que vous reconnaissez implicitement que certains médecins se font payer un peu....
 
Il ne faut pas confondre des pratiques illégales, qu'on appelle couramment, vulgairement, des dessous de tables, et des dépassements d'honoraires qui peuvent être justifiés, mais qui doivent être procédés avec tact et mesure et c'est souvent le tact et la mesure qui ne sont pas observés. C'est pour cela que j'ai pris un certain nombre de dispositifs, arrêtés, décrets, qui permettront d'encadrer cette affaire. Je rappelle l'obligation d'affichage des consultations en cas de dépassement d'honoraires et je suis en train de mettre en place une procédure d'information préalable, quand le montant des honoraires versés est supérieur à 80 euros.
 
La Commission des comptes de la Sécurité sociale va bientôt publier ses résultats. Vous en connaissez, j'allais dire...
 
Alors, il est encore un peu tôt pour affiner complètement, mais le dérapage par rapport à ce que l'on appelle l'ONDAM - l'Objectif National des Dépenses d'Assurance Maladie - est en très, très forte diminution par rapport à l'an dernier, c'est un bon succès, on était à 3,2 milliards l'an dernier, on sera entre 500 et 900 millions cette année. C'est encore trop, je le reconnais...
 
C'est la médecine de ville, c'est l'hôpital ?
 
C'est d'abord le fait que l'on avait mal évalué le déficit de l'an dernier et qu'il s'est donc en partie reporté sur cette année, et d'autre part que des mesures d'économie qui avaient été mises en oeuvre, que j'avais demandé à mettre en oeuvre pour observer cet objectif, ont tardé à se mettre en oeuvre. Je vais donc, avec l'assurance maladie, veiller à ce que ces mesures soient mises en oeuvre dans le deuxième semestre de 2008, parce que je n'ai pas, évidemment, renoncé à ce que l'objectif qui avait été fixé, soit observé.
 
Puisqu'on parle d'économies, il y a beaucoup de discussions autour du « Plan hôpital » qui va être mis en oeuvre à la rentrée, sur la base, d'ailleurs, des études du sénateur Larcher. Voilà. Un certain nombre de maires sont inquiets en pensant que l'on va fermer leur clinique, leur maternité, leur petit hôpital, etc.
 
D'abord, il ne faut pas que les maires soient inquiets, parce qu'il n'y a aucun hôpital qui sera fermé. Ce qui compte, pour moi, c'est la sécurité des malades, la qualité des soins. Je ne me pose pas du tout cette question en terme d'économies, et les transformations que je fais, qui préservent l'emploi - je comprends que les maires y soient d'ailleurs attachés, souvent dans des petites communes, l'employeur c'est... enfin l'hôpital c'est le premier employeur de la ville - donc on maintient les hôpitaux. Et avoir la qualité des soins, c'est la meilleure façon de maintenir cet hôpital, mais il n'y a pas de raison que les malades de ces régions rurales, isolées, aient une moins bonne qualité des soins que les personnes qui savent, qui ont de l'argent ou qui habitent en ville. Donc, je veux assurer la sécurité. Je vais présenter, effectivement, un projet de loi à l'automne et un volet important sera consacré à l'hôpital, avec finalement trois grands sujets : un vrai patron à l'hôpital, ça c'est très important ; le président de la République, N. Sarkozy, dit « à l'hôpital, tout le monde a la possibilité de dire non, personne n'a la possibilité de dire oui ». La création de communauté hospitalière de territoire, pour graduer les soins et puis des nouveaux modes de rémunération pour les praticiens, pour faire en sorte que l'hôpital soit attractif. Tout ça, c'est fait pour les malades, pour la qualité des soins.
 
Et ce sera pour le mois de septembre et vous reviendrez nous en parler.
 
Je le présenterai, au Conseil des ministres, au mois de septembre et je reviendrai vous en parler.
 
Très bien. Merci R. Bachelot d'être venue nous voir ce matin. Très bonne journée à vous, très bonne journée à tous.
 
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 17 juin 2008