Texte intégral
Général LAGRANGE.- Mesdames, Messieurs, le ministre de la défense.
Amiral DUPONT.- Merci, Monsieur le ministre, de prendre sur votre temps qui est très précieux en ce moment, en particulier à cause des affaires du Tchad. Vous aviez un coup de téléphone juste avant de rentrer. Merci d'être avec nous, nous y sommes extrêmement sensibles. Il y a dans cet amphithéâtre, que vous commencez à bien connaître, 350 personnes, civils et militaires, bénévoles et salariés, jeunes et un peu moins jeunes.
Ce matin, pour commencer cette journée de la Commission Armées-Jeunesse - ce séminaire a lieu tous les ans - nous avons entendu le contrôleur général ROCHEREAU qui nous a parlé très longuement de l'EPIDe de façon extrêmement intéressante et complète. Puis le vice-président de la Croix Rouge nous a parlé de la Croix Rouge et de ses actions, beaucoup plus larges que ce que le public connaît. Enfin, le directeur de la jeunesse Yann DYÈVRE nous a largement parlé de son métier qu'il a commencé il y a quelques semaines.
Vous êtes ici à la Commission Armées-Jeunesse. Le thème cette année est : les regards croisés entre les associations et les armées. Vous avez vous-mêmes certainement à coeur de nous rencontrer ce soir pour plusieurs raisons. D'abord parce que ce sujet vous intéresse et nous avons retrouvé dans l'historique de votre métier que vous aviez centré de nombreuses questions parlementaires sur le sujet, la formation, l'éducation et les associations. Vous êtes aussi un membre d'associations puisque vous êtes un membre fondateur d'une association à vocation humanitaire et président d'une association à vocation culturelle, économique et sociale. Vous avez donc des raisons personnelles de venir nous voir.
Pourquoi sommes-nous réunis ? La Commission Armées-Jeunesse a été créée en 1953. Elle est la seule survivante d'une commission qui devrait se trouver dans tous les ministères. Ils auraient tous dû mettre en place une commission qui fait le lien entre eux et la jeunesse. Comme nous sommes disciplinés et intéressés, nous avons, nous les Armées, continué depuis longtemps. Bien sûr, avec la suspension du service national en 1996, la vocation de cette Commission Armées-Jeunesse a évolué. Lorsque l'on me demande, à moi qui ai la chance de présider cette commission depuis 6 mois maintenant, si je fais du lien armées-nation, je réponds : « oui, je fais ce lien car j'essaie par le biais de la Commission de faire le lien nation-nation ». Notre but à nous, les associations engagées et convaincues, comme les armées le sont aussi, de l'importance de la jeunesse et de ce que nous lui devons, est de voir par quels moyens nous pouvons mettre en place la cohésion sociale dont nous avons besoin. Les armées la font naturellement lorsque l'on rejoint ses rangs. Nous le faisons depuis longtemps, vous le savez, Monsieur le ministre, et cela est une de nos fiertés. Les associations le font, et certaines sont particulièrement engagées dans les cités et les banlieues. Il faut sans doute faire encore plus car, par le biais de cette cohésion sociale, de cette insertion, nous viendrons à bout des problèmes de la jeunesse ainsi que des problèmes qui peuvent se poser à notre pays.
Nous avons aujourd'hui réparti les 300 personnes présentes en 4 ateliers. Le premier atelier parlait de la formation et de l'insertion. Le deuxième de la jeunesse et de ce que nous appelons « l'éducation populaire », un terme qui a été gardé. Le troisième du sport et de la jeunesse - nous savons que c'est un motif d'intégration très fort - et enfin le quatrième du secours et de l'assistance.
Après votre départ, Monsieur le ministre, nous ferons la restitution de tous ces thèmes, mais je suis persuadé que vous avez beaucoup à nous dire sur ces sujets, votre conviction intime. Il est certain qu'il y a dans ces regards croisés beaucoup de parallèles entre les armées et les associations. Et surtout, je crois que c'est le plus important, nous les armées et vous les associations sommes des êtres engagés, persuadés que nous sommes des acteurs de cette cohésion et du développement de notre pays, dont nous sommes une fois encore partie prenante. Merci, Monsieur le ministre, d'être là. Je vous laisse la parole.
(Applaudissements.)
M. le Ministre.- Amiral, Général, Messieurs les Présidents, Messieurs les Officiers généraux, Messieurs les Officiers, Mesdames et Messieurs, c'est un vrai plaisir d'être présent et de venir à votre rencontre dans le cadre de cette réunion entre les armées et les associations, placée sous l'égide de la Commission que vous présidez, Amiral, depuis six mois.
Je crois que vous avez complètement raison, tout simplement parce que je sais à quel point l'engagement dans une association n'est pas éloigné, comme vous le disiez, de l'armée et de l'engagement des militaires. Vous avez eu la gentillesse de rappeler que j'étais président d'une association, l'association pour la réunification de la Normandie pour tout vous dire, et que j'ai créé, sans vouloir en être président, une association dont je suis très fier car elle fait un magnifique travail avec une commune du Niger, pays le plus pauvre du monde. Nous apportons chaque année un peu de réconfort, pour l'éducation, dans une commune appelée Malbaza, à l'est du Niger. Les associations, comme les armées, sont l'une des manifestations les plus belles et les plus désintéressées de la volonté de servir l'autre. Il paraît évident de le dire pour les associations. Comme je le disais au Général GEORGELIN la semaine dernière, je trouve qu'il y a, pour l'ensemble de nos armées et des militaires, un formidable défi.
Un défi, parce que le monde militaire - encore plus depuis la suppression du service national - est un monde qui n'est pas aussi connu que nous le pensons. Ce qui frappe le plus celles et ceux qui le connaissent ou apprennent à le connaître, c'est bien sûr la rigueur, mais une rigueur associée à la générosité, une volonté associée à l'expression d'une solidarité extraordinaire. Quand vous êtes sur un théâtre d'opérations extérieures, cette générosité apparaît de façon absolument éclatante et le message à faire passer aux jeunes et à la communauté nationale tout entière est que le monde militaire est un monde d'une immense générosité, autant que les associations et leurs présidents qui le sont à titre bénévole. Il me semble qu'il est important de souligner, comme vous le faites, l'existence d'une vraie communauté de penser entre les associations et le monde de la défense.
Nous savons qu'il existe plus d'un million d'associations dans notre pays et qu'il s'en crée plusieurs centaines par jour. Nous pouvons voir là un beau contre-pied à tous les discours pessimistes sur l'égoïsme et l'individualisme de la société de consommation. J'y vois aussi, pour ma part, la preuve très réconfortante de la vitalité du milieu associatif, de la générosité et de l'enthousiasme des Français. J'en veux pour preuve ce que nous constations avec Bernard KOUCHNER dimanche soir lorsque nous sommes venus accueillir le premier avion, l'Airbus A310, en provenance de Libreville. Nous avons vu, je vous l'assure, au moins deux fois plus de membres d'associations comme la Croix-Rouge, venir à la rencontre et au secours des 212 passagers de l'Airbus A310. Bernard KOUCHNER et moi nous disions : « regarde, c'est absolument extraordinaire ! Nous demandons un effort de générosité, nous faisons appel à la générosité d'un certain nombre d'associations bien connues, et immédiatement une armée entière se lève pour venir apporter secours et réconfort, pour accueillir nos compatriotes ou des ressortissants étrangers ».
Je vous remercie donc tout particulièrement, les Présidents, les encadrants, les formateurs et les membres présents aujourd'hui. Vous représentez toute la diversité des associations et des organismes ou organisations qui s'activent dans notre pays, pour apporter secours, assistance, formation, insertion, éducation populaire ou activités sportives. Amiral, je tiens vraiment à remercier le président de la Commission Armées-Jeunesse que vous êtes. Nous avons souvent, avec les inspecteurs généraux, l'occasion de travailler ensemble. Je vous remercie vous et vos collaborateurs pour le travail que vous accomplissez. Cette commission a été créée en 1955 par un député de l'Eure, d'ailleurs favorable à la réunification de la Normandie, appelé Pierre MENDES-FRANCE. C'était un homme politique visionnaire, quels que soient les reproches que l'on a pu lui adresser. Nous aurions pu nous poser la question, après la professionnalisation, de l'intérêt du maintien de la Commission Armées-Jeunesse, mais, me semble-t-il, nous avons besoin de ce dialogue permanent quelles que soient l'évolution et la professionnalisation de notre défense.
Je joins également à ces remerciements M. PERNOLLET, le président du groupe « monde associatif », et tous ses membres pour avoir mené cette réflexion à son terme. C'est la première fois, me dit-on, que le ministère de la défense organise un séminaire de cette ampleur avec le monde associatif autour de quatre thèmes : « formation et insertion », « jeunesse et éducation populaire », « sport et jeunesse », et « secours et assistance ».
Quoi de plus normal que de placer cette manifestation sous l'égide de cette Commission, dont la mission est précisément de renforcer les liens entre les armées et la jeunesse ? Depuis que cette Commission a été créée par Pierre MENDES-FRANCE, elle a permis aux jeunes et aux militaires de discuter librement et de mieux se comprendre. Cette tâche n'est pas toujours facile. Je tiens donc tout particulièrement à rendre hommage à la Commission qui le mérite.
Dans la période qui s'annonce riche de changements et d'évolutions, j'attache une importance particulière à tous les organismes de concertation quels qu'ils soient. Ils doivent faciliter le dialogue, la compréhension des changements qui s'opèrent, et une concertation doit exister dans tous les sens. Nous pouvons estimer que ce que nous faisons, par exemple au titre de la défense, concerne et intéresse directement le monde militaire, mais concerne aussi la totalité de la communauté nationale. Il doit y avoir ce dialogue et cet échange permanent sur tous les sujets. Nous ne réussirons pas, me semble-t-il, à réformer efficacement notre outil de défense sans engager ce dialogue franc et sincère. S'il n'est pas sincère, il n'a pas d'utilité. Nous avons besoin d'avoir ce dialogue pour convaincre la communauté nationale de tout l'intérêt des changements que nous faisons, par exemple autour de la défense.
J'ai déjeuné ce midi avec des parlementaires à qui j'expliquais le contenu de la réforme que nous allons entreprendre et, bien entendu, se sont posés les problèmes d'aménagement du territoire. Je suis élu local, maire et député avant d'être ministre, et vous devez avoir en permanence en tête que l'exigence de notre pays à l'égard de la défense est, d'abord et avant tout, non pas l'aménagement des territoires, même si ces préoccupations peuvent exister, mais l'assurance de la souveraineté du pays, de son indépendance, la protection de ses intérêts vitaux, et de nos ressortissants. Somme toute, la France doit continuer à rayonner à travers le monde et vous devez être en mesure de porter ce discours à nos compatriotes, parce que c'est ce que l'on demande à l'outil de défense, pas uniquement pour des raisons économiques ou sociales de maintenance de telle ou telle unité à tel ou tel endroit. Je crois que sans ce dialogue avec toute la communauté nationale, les choses seront extrêmement difficiles.
En quoi cette rencontre est-elle exemplaire ? Vous l'entendez souvent, vous le lisez souvent, nos jeunes - qui sont d'ailleurs souvent nos enfants puisque certains d'entre nous ont encore des enfants en bas âges ou adolescents - seraient individualistes, matérialistes, démobilisés, dépolitisés, adeptes de ces mots du XXIe siècle qui ont souvent des terminaisons en -ing (cocooning, zapping). Je suis convaincu du contraire. Les jeunes de notre pays, même ceux du début du XXIe siècle, sont identiques aux autres et, si l'on veut bien leur donner les repères qui conviennent, ont une motivation et une générosité formidable. Je suis convaincu que les travaux que vous allez restituer tout à l'heure le démontreront. Les jeunes sont capables de s'engager, ils s'intéressent à la chose publique, ils affirment en permanence leur souci des autres. Nous le voyons très bien dans la vie collective ou dans la vie d'un maire, nous le voyons en permanence dans le réseau associatif. Les animateurs et formateurs qui ont participé aux ateliers en témoigneront une nouvelle fois.
Le monde de la jeunesse et celui des adultes ne sont pas opposés. Ce sont des mondes qui ont besoin de se parler. Les jeunes souhaitent être écoutés, respectés, reconnus, mais, et c'est ce qui est assez extraordinaire, tout en aspirant à l'autonomie d'adultes futurs qu'ils sont, ils souhaitent aussi être guidés. C'est la finalité première de la mission des formateurs.
Bien entendu ce n'est pas l'une des tâches les plus faciles. Comment à la fois respecter l'autonomie et la liberté des adolescents, liberté qu'ils revendiquent, tout en leur enseignant la discipline et en revalorisant une notion que la société actuelle a parfois tendance à dévaloriser, le don des autres ? Le travail est un moyen de montrer que son existence a un sens. Le sens de son existence est, d'une part, les enfants et, d'autre part, ce que nous pouvons construire dans la collectivité dans laquelle nous sommes.
Je suis convaincu que ce travail, ou le don de soi, réconcilie liberté et discipline, comme l'a bien montré, selon les renseignements généraux, l'extrait du clip sur l'EPIDe « Armées/Associations : regards croisés » que vous venez de découvrir. L'armée et le monde associatif peuvent sembler travailler parfois en parallèle, mais je suis persuadé que les valeurs militaires figurants dans le code du soldat ne sont pas si éloignées des valeurs associatives. Elles sont même très proches. Je pense à l'engagement, au respect de l'autre, au courage, à la discipline nécessaire à toute organisation, à la cohésion et à l'esprit d'équipe.
Par ailleurs, les armées, comme des centaines d'associations, effectuent un travail important de formation. Vous l'avez dit, Amiral, il s'agit d'une action ancienne et exemplaire menée dans les écoles d'officiers, dans les lycées militaires, dans les écoles de sous-officiers, ou encore dans l'enseignement supérieur militaire. Il n'y a pas plus belle école de l'égalité des chances que l'école de la défense, pas plus belle maison que cette institution au moment où bien souvent nous considérons que l'égalité des chances, l'ascenseur social, est en panne. Dans le monde de la défense, la promotion sociale liée au travail, liée à l'exigence a encore un sens absolu. C'est, me semble-t-il, un message que nous devons faire passer notamment à l'égard des jeunes, que nous sommes également parfois amenés à recruter. Nous recrutons chaque année près de 30 000 personnes, et puisqu'une armée professionnelle est une armée jeune, parmi ces 30 000 personnes, il y a un formidable message à faire passer, pour leur dire que même s'ils sont d'un niveau scolaire limité, ils ont la capacité de connaître une vraie promotion sociale : un officier sur deux provient du monde des sous-officiers.
Le plan « Égalité des chances », que je conduis depuis septembre 2007, démontre bien cette volonté des armées de promouvoir la cohésion sociale en ouvrant la porte de nos unités à tous les jeunes méritants issus des milieux modestes. L'id??e que nous sommes en train de développer est de faire en sorte qu'à travers le parrainage des élèves officiers des grandes écoles militaires ou des grandes écoles d'ingénieurs, nous permettions à des jeunes qui le souhaitent et qui seraient attirés par la carrière militaire, d'être « tutorés » pendant une année, de pouvoir ensuite faire les années de préparation dans les lycées militaires, pour leur permettre enfin d'accéder aux plus belles écoles de la République.
À cet égard, Amiral, je rends hommage aux propositions que vous formulez régulièrement, qui alimentent notre réflexion, ainsi je n'oublie pas que l'une des initiatives du plan « Égalité des chances », les « Cadets de la Défense », est née de vos travaux et de vos échanges, et je sais, pour avoir rencontré dernièrement le général DE BAVINCHOVE, que sur l'« Égalité des chances », sur les « Cadets de la Défense », nous allons pouvoir faire des choses concrètes et cela va marcher. Les associations, quant à elles, constituent le terrain où les valeurs peuvent s'exercer concrètement et se décliner dans toutes les situations au quotidien. Ainsi, le sport est une école de respect des autres, une école de l'exigence, du partage, une école où l'on apprend aussi le respect de la règle et le respect de la loyauté.
Nous avons tout à gagner à avoir ce dialogue parce que nous parlons le même langage. Les valeurs n'ont de place que celle que la société leur donne. Prenons l'exemple de la tolérance : elle peut sembler dépassée alors que, déclinée en politesse et en respect de l'autre, elle est indispensable au bon fonctionnement dans la société, et cela peut se comprendre et se faire partager. Comment vivre ensemble sans nous respecter, quelles que soient nos différences sociales, culturelles et religieuses ? Je suis convaincu qu'entre les associations et les armées nous avons beaucoup de choses à partager sur une valeur comme celle-ci.
En conclusion, je voudrais seulement dire qu'il ne faut pas confondre la maladie et ses symptômes. Cette crise des repères dont nous parlons, que nous déplorons parfois, et dont nous nous repaissons aussi d'autres fois, s'explique avant tout, non par une crise des repères en tant que tels d'une société qui aurait perdu son tissu conjonctif, mais d'une société qui connaît une crise de socialisation. Vous l'avez dit, Amiral, à la base de tout, il y a la nécessité de se socialiser, d'apprendre à vivre avec les autres en intégrant des valeurs, mêmes si elles peuvent être différentes, les normes de la société à laquelle nous appartenons. Cela se fait par l'éducation, aussi par la répétition et parfois par l'imitation. Justement, je souhaite que cette réflexion commune aux animateurs, formateurs et officiers, sur les valeurs qui nous ressemblent, contribue là aussi à recréer le lien social dans notre pays.
En conclusion, je voudrais simplement vous dire que nos engagements sont pareillement tournés vers l'épanouissement individuel et vers l'épanouissement collectif, et aujourd'hui plus qu'hier, les armées et les associations doivent agir ensemble pour favoriser ce meilleur vivre ensemble dont on parle tout le temps. Esprit d'équipe, partage, esprit de solidarité, engagement, responsabilité, intégrité, honnêteté, respect, tolérance sont des idées que les jeunes comme ceux que l'on a vus dans les films rappellent constamment dans leur propos et ce sont des valeurs qu'armées et jeunesse partagent avec la même conviction. Je vous remercie.
(Applaudissements.)
Je signe le livre d'or. Je suis désolé, j'écris vraiment très mal. C'est normal, je suis dans une famille de médecins. En revanche, je n'ai pas intérêt à faire de faute d'orthographe car vous la noteriez immédiatement. Bon courage.
(Applaudissements.)
source http://www.defense.gouv.fr, le 8 juillet 2008
Amiral DUPONT.- Merci, Monsieur le ministre, de prendre sur votre temps qui est très précieux en ce moment, en particulier à cause des affaires du Tchad. Vous aviez un coup de téléphone juste avant de rentrer. Merci d'être avec nous, nous y sommes extrêmement sensibles. Il y a dans cet amphithéâtre, que vous commencez à bien connaître, 350 personnes, civils et militaires, bénévoles et salariés, jeunes et un peu moins jeunes.
Ce matin, pour commencer cette journée de la Commission Armées-Jeunesse - ce séminaire a lieu tous les ans - nous avons entendu le contrôleur général ROCHEREAU qui nous a parlé très longuement de l'EPIDe de façon extrêmement intéressante et complète. Puis le vice-président de la Croix Rouge nous a parlé de la Croix Rouge et de ses actions, beaucoup plus larges que ce que le public connaît. Enfin, le directeur de la jeunesse Yann DYÈVRE nous a largement parlé de son métier qu'il a commencé il y a quelques semaines.
Vous êtes ici à la Commission Armées-Jeunesse. Le thème cette année est : les regards croisés entre les associations et les armées. Vous avez vous-mêmes certainement à coeur de nous rencontrer ce soir pour plusieurs raisons. D'abord parce que ce sujet vous intéresse et nous avons retrouvé dans l'historique de votre métier que vous aviez centré de nombreuses questions parlementaires sur le sujet, la formation, l'éducation et les associations. Vous êtes aussi un membre d'associations puisque vous êtes un membre fondateur d'une association à vocation humanitaire et président d'une association à vocation culturelle, économique et sociale. Vous avez donc des raisons personnelles de venir nous voir.
Pourquoi sommes-nous réunis ? La Commission Armées-Jeunesse a été créée en 1953. Elle est la seule survivante d'une commission qui devrait se trouver dans tous les ministères. Ils auraient tous dû mettre en place une commission qui fait le lien entre eux et la jeunesse. Comme nous sommes disciplinés et intéressés, nous avons, nous les Armées, continué depuis longtemps. Bien sûr, avec la suspension du service national en 1996, la vocation de cette Commission Armées-Jeunesse a évolué. Lorsque l'on me demande, à moi qui ai la chance de présider cette commission depuis 6 mois maintenant, si je fais du lien armées-nation, je réponds : « oui, je fais ce lien car j'essaie par le biais de la Commission de faire le lien nation-nation ». Notre but à nous, les associations engagées et convaincues, comme les armées le sont aussi, de l'importance de la jeunesse et de ce que nous lui devons, est de voir par quels moyens nous pouvons mettre en place la cohésion sociale dont nous avons besoin. Les armées la font naturellement lorsque l'on rejoint ses rangs. Nous le faisons depuis longtemps, vous le savez, Monsieur le ministre, et cela est une de nos fiertés. Les associations le font, et certaines sont particulièrement engagées dans les cités et les banlieues. Il faut sans doute faire encore plus car, par le biais de cette cohésion sociale, de cette insertion, nous viendrons à bout des problèmes de la jeunesse ainsi que des problèmes qui peuvent se poser à notre pays.
Nous avons aujourd'hui réparti les 300 personnes présentes en 4 ateliers. Le premier atelier parlait de la formation et de l'insertion. Le deuxième de la jeunesse et de ce que nous appelons « l'éducation populaire », un terme qui a été gardé. Le troisième du sport et de la jeunesse - nous savons que c'est un motif d'intégration très fort - et enfin le quatrième du secours et de l'assistance.
Après votre départ, Monsieur le ministre, nous ferons la restitution de tous ces thèmes, mais je suis persuadé que vous avez beaucoup à nous dire sur ces sujets, votre conviction intime. Il est certain qu'il y a dans ces regards croisés beaucoup de parallèles entre les armées et les associations. Et surtout, je crois que c'est le plus important, nous les armées et vous les associations sommes des êtres engagés, persuadés que nous sommes des acteurs de cette cohésion et du développement de notre pays, dont nous sommes une fois encore partie prenante. Merci, Monsieur le ministre, d'être là. Je vous laisse la parole.
(Applaudissements.)
M. le Ministre.- Amiral, Général, Messieurs les Présidents, Messieurs les Officiers généraux, Messieurs les Officiers, Mesdames et Messieurs, c'est un vrai plaisir d'être présent et de venir à votre rencontre dans le cadre de cette réunion entre les armées et les associations, placée sous l'égide de la Commission que vous présidez, Amiral, depuis six mois.
Je crois que vous avez complètement raison, tout simplement parce que je sais à quel point l'engagement dans une association n'est pas éloigné, comme vous le disiez, de l'armée et de l'engagement des militaires. Vous avez eu la gentillesse de rappeler que j'étais président d'une association, l'association pour la réunification de la Normandie pour tout vous dire, et que j'ai créé, sans vouloir en être président, une association dont je suis très fier car elle fait un magnifique travail avec une commune du Niger, pays le plus pauvre du monde. Nous apportons chaque année un peu de réconfort, pour l'éducation, dans une commune appelée Malbaza, à l'est du Niger. Les associations, comme les armées, sont l'une des manifestations les plus belles et les plus désintéressées de la volonté de servir l'autre. Il paraît évident de le dire pour les associations. Comme je le disais au Général GEORGELIN la semaine dernière, je trouve qu'il y a, pour l'ensemble de nos armées et des militaires, un formidable défi.
Un défi, parce que le monde militaire - encore plus depuis la suppression du service national - est un monde qui n'est pas aussi connu que nous le pensons. Ce qui frappe le plus celles et ceux qui le connaissent ou apprennent à le connaître, c'est bien sûr la rigueur, mais une rigueur associée à la générosité, une volonté associée à l'expression d'une solidarité extraordinaire. Quand vous êtes sur un théâtre d'opérations extérieures, cette générosité apparaît de façon absolument éclatante et le message à faire passer aux jeunes et à la communauté nationale tout entière est que le monde militaire est un monde d'une immense générosité, autant que les associations et leurs présidents qui le sont à titre bénévole. Il me semble qu'il est important de souligner, comme vous le faites, l'existence d'une vraie communauté de penser entre les associations et le monde de la défense.
Nous savons qu'il existe plus d'un million d'associations dans notre pays et qu'il s'en crée plusieurs centaines par jour. Nous pouvons voir là un beau contre-pied à tous les discours pessimistes sur l'égoïsme et l'individualisme de la société de consommation. J'y vois aussi, pour ma part, la preuve très réconfortante de la vitalité du milieu associatif, de la générosité et de l'enthousiasme des Français. J'en veux pour preuve ce que nous constations avec Bernard KOUCHNER dimanche soir lorsque nous sommes venus accueillir le premier avion, l'Airbus A310, en provenance de Libreville. Nous avons vu, je vous l'assure, au moins deux fois plus de membres d'associations comme la Croix-Rouge, venir à la rencontre et au secours des 212 passagers de l'Airbus A310. Bernard KOUCHNER et moi nous disions : « regarde, c'est absolument extraordinaire ! Nous demandons un effort de générosité, nous faisons appel à la générosité d'un certain nombre d'associations bien connues, et immédiatement une armée entière se lève pour venir apporter secours et réconfort, pour accueillir nos compatriotes ou des ressortissants étrangers ».
Je vous remercie donc tout particulièrement, les Présidents, les encadrants, les formateurs et les membres présents aujourd'hui. Vous représentez toute la diversité des associations et des organismes ou organisations qui s'activent dans notre pays, pour apporter secours, assistance, formation, insertion, éducation populaire ou activités sportives. Amiral, je tiens vraiment à remercier le président de la Commission Armées-Jeunesse que vous êtes. Nous avons souvent, avec les inspecteurs généraux, l'occasion de travailler ensemble. Je vous remercie vous et vos collaborateurs pour le travail que vous accomplissez. Cette commission a été créée en 1955 par un député de l'Eure, d'ailleurs favorable à la réunification de la Normandie, appelé Pierre MENDES-FRANCE. C'était un homme politique visionnaire, quels que soient les reproches que l'on a pu lui adresser. Nous aurions pu nous poser la question, après la professionnalisation, de l'intérêt du maintien de la Commission Armées-Jeunesse, mais, me semble-t-il, nous avons besoin de ce dialogue permanent quelles que soient l'évolution et la professionnalisation de notre défense.
Je joins également à ces remerciements M. PERNOLLET, le président du groupe « monde associatif », et tous ses membres pour avoir mené cette réflexion à son terme. C'est la première fois, me dit-on, que le ministère de la défense organise un séminaire de cette ampleur avec le monde associatif autour de quatre thèmes : « formation et insertion », « jeunesse et éducation populaire », « sport et jeunesse », et « secours et assistance ».
Quoi de plus normal que de placer cette manifestation sous l'égide de cette Commission, dont la mission est précisément de renforcer les liens entre les armées et la jeunesse ? Depuis que cette Commission a été créée par Pierre MENDES-FRANCE, elle a permis aux jeunes et aux militaires de discuter librement et de mieux se comprendre. Cette tâche n'est pas toujours facile. Je tiens donc tout particulièrement à rendre hommage à la Commission qui le mérite.
Dans la période qui s'annonce riche de changements et d'évolutions, j'attache une importance particulière à tous les organismes de concertation quels qu'ils soient. Ils doivent faciliter le dialogue, la compréhension des changements qui s'opèrent, et une concertation doit exister dans tous les sens. Nous pouvons estimer que ce que nous faisons, par exemple au titre de la défense, concerne et intéresse directement le monde militaire, mais concerne aussi la totalité de la communauté nationale. Il doit y avoir ce dialogue et cet échange permanent sur tous les sujets. Nous ne réussirons pas, me semble-t-il, à réformer efficacement notre outil de défense sans engager ce dialogue franc et sincère. S'il n'est pas sincère, il n'a pas d'utilité. Nous avons besoin d'avoir ce dialogue pour convaincre la communauté nationale de tout l'intérêt des changements que nous faisons, par exemple autour de la défense.
J'ai déjeuné ce midi avec des parlementaires à qui j'expliquais le contenu de la réforme que nous allons entreprendre et, bien entendu, se sont posés les problèmes d'aménagement du territoire. Je suis élu local, maire et député avant d'être ministre, et vous devez avoir en permanence en tête que l'exigence de notre pays à l'égard de la défense est, d'abord et avant tout, non pas l'aménagement des territoires, même si ces préoccupations peuvent exister, mais l'assurance de la souveraineté du pays, de son indépendance, la protection de ses intérêts vitaux, et de nos ressortissants. Somme toute, la France doit continuer à rayonner à travers le monde et vous devez être en mesure de porter ce discours à nos compatriotes, parce que c'est ce que l'on demande à l'outil de défense, pas uniquement pour des raisons économiques ou sociales de maintenance de telle ou telle unité à tel ou tel endroit. Je crois que sans ce dialogue avec toute la communauté nationale, les choses seront extrêmement difficiles.
En quoi cette rencontre est-elle exemplaire ? Vous l'entendez souvent, vous le lisez souvent, nos jeunes - qui sont d'ailleurs souvent nos enfants puisque certains d'entre nous ont encore des enfants en bas âges ou adolescents - seraient individualistes, matérialistes, démobilisés, dépolitisés, adeptes de ces mots du XXIe siècle qui ont souvent des terminaisons en -ing (cocooning, zapping). Je suis convaincu du contraire. Les jeunes de notre pays, même ceux du début du XXIe siècle, sont identiques aux autres et, si l'on veut bien leur donner les repères qui conviennent, ont une motivation et une générosité formidable. Je suis convaincu que les travaux que vous allez restituer tout à l'heure le démontreront. Les jeunes sont capables de s'engager, ils s'intéressent à la chose publique, ils affirment en permanence leur souci des autres. Nous le voyons très bien dans la vie collective ou dans la vie d'un maire, nous le voyons en permanence dans le réseau associatif. Les animateurs et formateurs qui ont participé aux ateliers en témoigneront une nouvelle fois.
Le monde de la jeunesse et celui des adultes ne sont pas opposés. Ce sont des mondes qui ont besoin de se parler. Les jeunes souhaitent être écoutés, respectés, reconnus, mais, et c'est ce qui est assez extraordinaire, tout en aspirant à l'autonomie d'adultes futurs qu'ils sont, ils souhaitent aussi être guidés. C'est la finalité première de la mission des formateurs.
Bien entendu ce n'est pas l'une des tâches les plus faciles. Comment à la fois respecter l'autonomie et la liberté des adolescents, liberté qu'ils revendiquent, tout en leur enseignant la discipline et en revalorisant une notion que la société actuelle a parfois tendance à dévaloriser, le don des autres ? Le travail est un moyen de montrer que son existence a un sens. Le sens de son existence est, d'une part, les enfants et, d'autre part, ce que nous pouvons construire dans la collectivité dans laquelle nous sommes.
Je suis convaincu que ce travail, ou le don de soi, réconcilie liberté et discipline, comme l'a bien montré, selon les renseignements généraux, l'extrait du clip sur l'EPIDe « Armées/Associations : regards croisés » que vous venez de découvrir. L'armée et le monde associatif peuvent sembler travailler parfois en parallèle, mais je suis persuadé que les valeurs militaires figurants dans le code du soldat ne sont pas si éloignées des valeurs associatives. Elles sont même très proches. Je pense à l'engagement, au respect de l'autre, au courage, à la discipline nécessaire à toute organisation, à la cohésion et à l'esprit d'équipe.
Par ailleurs, les armées, comme des centaines d'associations, effectuent un travail important de formation. Vous l'avez dit, Amiral, il s'agit d'une action ancienne et exemplaire menée dans les écoles d'officiers, dans les lycées militaires, dans les écoles de sous-officiers, ou encore dans l'enseignement supérieur militaire. Il n'y a pas plus belle école de l'égalité des chances que l'école de la défense, pas plus belle maison que cette institution au moment où bien souvent nous considérons que l'égalité des chances, l'ascenseur social, est en panne. Dans le monde de la défense, la promotion sociale liée au travail, liée à l'exigence a encore un sens absolu. C'est, me semble-t-il, un message que nous devons faire passer notamment à l'égard des jeunes, que nous sommes également parfois amenés à recruter. Nous recrutons chaque année près de 30 000 personnes, et puisqu'une armée professionnelle est une armée jeune, parmi ces 30 000 personnes, il y a un formidable message à faire passer, pour leur dire que même s'ils sont d'un niveau scolaire limité, ils ont la capacité de connaître une vraie promotion sociale : un officier sur deux provient du monde des sous-officiers.
Le plan « Égalité des chances », que je conduis depuis septembre 2007, démontre bien cette volonté des armées de promouvoir la cohésion sociale en ouvrant la porte de nos unités à tous les jeunes méritants issus des milieux modestes. L'id??e que nous sommes en train de développer est de faire en sorte qu'à travers le parrainage des élèves officiers des grandes écoles militaires ou des grandes écoles d'ingénieurs, nous permettions à des jeunes qui le souhaitent et qui seraient attirés par la carrière militaire, d'être « tutorés » pendant une année, de pouvoir ensuite faire les années de préparation dans les lycées militaires, pour leur permettre enfin d'accéder aux plus belles écoles de la République.
À cet égard, Amiral, je rends hommage aux propositions que vous formulez régulièrement, qui alimentent notre réflexion, ainsi je n'oublie pas que l'une des initiatives du plan « Égalité des chances », les « Cadets de la Défense », est née de vos travaux et de vos échanges, et je sais, pour avoir rencontré dernièrement le général DE BAVINCHOVE, que sur l'« Égalité des chances », sur les « Cadets de la Défense », nous allons pouvoir faire des choses concrètes et cela va marcher. Les associations, quant à elles, constituent le terrain où les valeurs peuvent s'exercer concrètement et se décliner dans toutes les situations au quotidien. Ainsi, le sport est une école de respect des autres, une école de l'exigence, du partage, une école où l'on apprend aussi le respect de la règle et le respect de la loyauté.
Nous avons tout à gagner à avoir ce dialogue parce que nous parlons le même langage. Les valeurs n'ont de place que celle que la société leur donne. Prenons l'exemple de la tolérance : elle peut sembler dépassée alors que, déclinée en politesse et en respect de l'autre, elle est indispensable au bon fonctionnement dans la société, et cela peut se comprendre et se faire partager. Comment vivre ensemble sans nous respecter, quelles que soient nos différences sociales, culturelles et religieuses ? Je suis convaincu qu'entre les associations et les armées nous avons beaucoup de choses à partager sur une valeur comme celle-ci.
En conclusion, je voudrais seulement dire qu'il ne faut pas confondre la maladie et ses symptômes. Cette crise des repères dont nous parlons, que nous déplorons parfois, et dont nous nous repaissons aussi d'autres fois, s'explique avant tout, non par une crise des repères en tant que tels d'une société qui aurait perdu son tissu conjonctif, mais d'une société qui connaît une crise de socialisation. Vous l'avez dit, Amiral, à la base de tout, il y a la nécessité de se socialiser, d'apprendre à vivre avec les autres en intégrant des valeurs, mêmes si elles peuvent être différentes, les normes de la société à laquelle nous appartenons. Cela se fait par l'éducation, aussi par la répétition et parfois par l'imitation. Justement, je souhaite que cette réflexion commune aux animateurs, formateurs et officiers, sur les valeurs qui nous ressemblent, contribue là aussi à recréer le lien social dans notre pays.
En conclusion, je voudrais simplement vous dire que nos engagements sont pareillement tournés vers l'épanouissement individuel et vers l'épanouissement collectif, et aujourd'hui plus qu'hier, les armées et les associations doivent agir ensemble pour favoriser ce meilleur vivre ensemble dont on parle tout le temps. Esprit d'équipe, partage, esprit de solidarité, engagement, responsabilité, intégrité, honnêteté, respect, tolérance sont des idées que les jeunes comme ceux que l'on a vus dans les films rappellent constamment dans leur propos et ce sont des valeurs qu'armées et jeunesse partagent avec la même conviction. Je vous remercie.
(Applaudissements.)
Je signe le livre d'or. Je suis désolé, j'écris vraiment très mal. C'est normal, je suis dans une famille de médecins. En revanche, je n'ai pas intérêt à faire de faute d'orthographe car vous la noteriez immédiatement. Bon courage.
(Applaudissements.)
source http://www.defense.gouv.fr, le 8 juillet 2008