Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, sur la politique de la famille, les aides à la garde d'enfant et la mise en place du Haut Conseil de la famille, Paris le 21 juin 2008.

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Circonstance : Assemblée générale de l'Union nationale des associations familiales à Paris le 21 juin 2008

Texte intégral


Il était important pour Nadine MORANO et moi-même, de répondre à votre invitation, en assistant, pour la première fois, vous le rappeliez M. le Président FONDARD, à votre assemblée générale.
Si la famille est une institution, l'UNAF en est une, et aussi vénérable : depuis maintenant 63 ans, depuis l'ordonnance qui a institué l'UNAF à la Libération, vous êtes des acteurs de premier plan de notre politique familiale. Avec vous, ce sont pas moins de 800.000 familles, dans 22 unions régionales et 100 unions départementales qui sont représentées. C'est une grande famille où je ne m'y connais pas ! Vous témoignez par votre présence aujourd'hui de la vitalité de la famille en France.
Vous l'avez dit M. le Président, dans votre discours : notre pays connaît un fort taux de natalité, proche de 2 enfants par femme, qui nous place en tête des pays européens. Cela n'est possible que parce que notre pays a voulu adapter son droit du travail et ses prestations sociales pour encourager cette démographie soutenue. Ainsi, nous consacrons près de 85 milliards d'euros chaque année à notre politique de la famille, ce qui représente 5% de notre PIB, soit le double des autres pays européens !
Mais si la politique familiale de la France est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est aussi grâce à l'UNAF. C'est pourquoi je suis venu vous dire aujourd'hui que vous pouvez nous faire confiance pour maintenir cette dynamique, car j'ai bien conscience qu'en matière de politique familiale, il faut de la confiance. Oui, je peux vous le dire, M. le Président, nous n'avons pas l'intention de réduire la voilure, bien au contraire, nous souhaitons même hisser la grand voile !
Disons-le clairement, ce qui existe aujourd'hui, ça a fait la preuve que ça marche, et ce qui marche, il faut le garder. Mais reconnaissons qu'il y a des choses qui manquent, et ce qui manque, nous allons le faire.
Vous parliez des prestations. Nous souhaitons les adapter aux besoins des familles.
* Comme le Président de la République et Nadine MORANO viennent de l'indiquer, nous avons décidé de moduler l'Allocation de Rentrée Scolaire afin de mieux l'adapter au coût de la rentrée pour les familles, en fournissant un effort financier important.
* Et c'est pour cette raison également, que nous avons décidé d'instituer une majoration unique des allocations familiales à 14 ans, fixée au niveau de celui qui était appliqué à 16 ans. Quel a été notre objectif ? On sait que les frais liés à l'éducation d'un enfant augmentent particulièrement à 14 ans, et non à 16. Nous avons donc voulu adapter les allocations familiales à cette réalité. Les familles touchent donc désormais une allocation plus importante, plus tôt.
Certes cette mesure dégage une économie, mais cette économie ira aux familles :
- l'allocation de rentrée scolaire, c'est 50 millions d'euros de plus,
- le complément de mode de garde, c'est encore 50 millions d'euros de plus,
- et avec le reste, nous développerons les modes de garde, je vais y revenir.
Cela dit, si nous sommes prêts à faire évoluer les aides, il n'est pas question, M. le Président, de transiger avec certains principes. Je veux parler de l'universalité de notre politique familiale. Parce que comme vous nous voulons une politique familiale pour l'ensemble des familles, et c'est ce que nous allons continuer à mettre en oeuvre avec vous.
Le président de la République l'a affirmé avec force et je veux vous le redire aujourd'hui : il n'est pas question de mettre les allocations familiales sous conditions de ressources, pas plus qu'il n'a été question de supprimer la carte famille nombreuse. La politique de la famille ne se confond pas avec la politique sociale. Toute famille, quel que soit son niveau social doit être aidée par la collectivité publique pour élever ses enfants.
Tels sont les principes qui orientent notre politique familiale, dont je veux vous présenter les 3 axes principaux.
Le premier est la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle
Permettre aux salariés de concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle est un enjeu essentiel du monde du travail actuel.
* En 30 ans, de 1975 à 2006, le taux d'activité des femmes de 25 à 49 ans est passé de 60% à 82%.
Mais nous devons dans le même temps poursuivre nos efforts, pour encourager le retour ou l'accès à l'emploi des femmes qui viennent d'avoir un enfant.
Plus largement, il faut aujourd'hui permettre aux parents salariés de mieux concilier leur vie familiale et professionnelle.
A cet égard, je voudrais souligner une réalité nouvelle, dont notre politique de la famille doit tenir compte :
* Aujourd'hui, lorsque les enfants grandissent, 2 pères sur 3 souhaitent s'impliquer davantage dans l'éducation de leurs enfants. Le congé parental, tel qu'il existe actuellement, conduit bien souvent les parents à opérer un arbitrage en faveur de l'interruption d'activité de la mère qui voit sa carrière pénalisée.
Nous voulons engager avec vous une réflexion sur la façon d'améliorer le congé parental.
En ce domaine, les entreprises doivent jouer un rôle exemplaire.
* Certaines l'ont fait en signant le 11 avril dernier au Ministère du Travail une Charte de la parentalité : les entreprises signataires (comme DANONE, mais aussi des PME) s'engagent à aménager les horaires de travail, en évitant par exemple les réunions tard le soir ou en libérant le mercredi pour permettre aux salariés qui le souhaitent de s'occuper de leurs enfants.
De son côté, le Gouvernement souhaite engager des changements concrets. C'est pourquoi j'ai réuni la conférence sociale tripartite sur l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes le 26 novembre dernier.
Dans la suite des conclusions de cette conférence, j'ai proposé aux partenaires sociaux d'engager des négociations sur deux mesures :
- La première a trait au temps partiel familial qui permet aux parents d'interrompre leur activité pour motif familial, pour une durée minimale d'une semaine. Cette formule paraît aujourd'hui trop contraignante : si votre enfant est malade vous devez pouvoir rester à la maison le soigner, sans attendre que ce soit une varicelle de 3 semaines ! J'ai donc proposé de réfléchir à la possibilité que le salarié puisse s'absenter ponctuellement, de façon plus souple.
- La seconde mesure concerne l'instauration d'un entretien formalisé au cours duquel le salarié qui le désire pourrait évoquer avec l'employeur l'articulation de ses temps de vie. Parler des contraintes de la vie familiale, c'est aussi, pour l'employeur et le salarié, mieux s'organiser et travailler plus sereinement, plus efficacement.
Les partenaires sociaux ont souhaité une réflexion élargie sur ces deux mesures. Je me félicite de cette initiative qui pourrait mener à un accord national interprofessionnel sur le sujet. Il va de soi que vous serez associés à la définition de ces dispositifs.
* La question de la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle sera également un domaine important de la présidence française de l'Union Européenne. Nous soutenons en effet la révision de directives concernant les congés liés à la famille : congés parentaux, congé maternité. congé paternité, congé filial.
Dans tous ces domaines, la France mène déjà une politique volontariste. Pour aider les salariés à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, nous voulons améliorer l'offre de garde qui leur est proposée.
Le Président de la République s'est engagé à instaurer un droit à la garde d'enfants, et il nous a chargés, Nadine MORANO et moi-même, d'en élaborer les contours.
M. le Président FONDARD, vous avez dit qu'il fallait prendre en compte les aspirations des familles sans imposer un modèle, ça tombe bien, c'est ce que nous avons en tête.
Quels sont les objectifs que nous voulons atteindre d'ici 2012 ?
* Nous voulons d'abord améliorer l'information et l'accompagnement des familles. Aujourd'hui, pour trouver un mode de garde, les familles suivent un véritable parcours du combattant ! Il faut donc centraliser les informations : c'est pourquoi nous instaurerons un identifiant unique pour les familles. Cela permettra aux parents de connaître en temps réel les disponibilités des différents modes de garde et de bénéficier d'un suivi sur mesure.
* Nous voulons ensuite intensifier et diversifier l'offre de garde des enfants. Sur ma proposition, le Premier Ministre a confié à Michèle TABAROT une mission sur l'évolution des modes de garde collectifs. Nadine MORANO et moi-même lui avons demandé de réfléchir à la mise en place de nouveaux modes de garde comme les jardins d'enfants.
* Dans toute notre réflexion, nous suivons un objectif : offrir aux parents la liberté de choix.
Mais nous n'avons pas attendu l'échéance de 2012 pour avancer. En 2008, dans le cadre du fonds national d'action sociale (FNAS), nous avons débloqué 75 millions d'euros :
- 10 millions pour financer des dispositifs de garde d'enfants dans les zones urbaines sensibles,
-15 millions, pour les centres de loisirs sans hébergement, ce qui constitue une augmentation de près de 50 % de l'enveloppe nationale.
- 50 millions d'euros pour maintenir le rythme de créations de places en crèches.
Aujourd'hui, pour compléter les efforts des pouvoirs publics, l'initiative privée doit aussi trouver sa place.
J'étais récemment dans une crèche inter-entreprise à Clichy (BABILOU) : c'est une solution intéressante parce que les parents peuvent déposer leur enfant près de l'endroit où ils travaillent. De nombreux salariés travaillent en horaires décalés et doivent pouvoir faire garder leurs enfants tôt le matin ou plus tard le soir.
De plus en plus d'entreprises savent qu'un salarié qui trouve une solution de garde pour ses enfants sera plus efficace dans son travail. Il faut donc que nous puissions inciter au développement des crèches d'entreprises ou des crèches inter entreprises. Aujourd'hui, le secteur privé ne dépasse pas 5.000 places, alors que l'offre cumulée des crèches publiques et des crèches familiales va dépasser les 350.000 places cette année. Il faut donc encourager l'émergence d'une offre privée.
Le troisième axe de notre action vise à prendre en compte les évolutions que la famille a connues depuis une dizaine d'années.
Pour mieux intégrer dans nos réformes les évolutions de la famille, nous avons souhaité mettre en place une instance de réflexion, le Haut Conseil de la Famille, qui associe très largement les représentants des associations familiales, les partenaires sociaux, et de nombreuses personnalités qualifiées.
Le Haut Conseil de la Famille doit prendre une place que n'avait pas su trouver la Conférence de la famille, notamment parce qu'elle ne pouvait pas mener des travaux de fond sur plusieurs années.
Je sais que vous attendez la composition définitive de ce Haut Conseil, et je peux vous annoncer que son président sera nommé prochainement afin que la première réunion puisse avoir lieu dès la rentrée.
J'attends de ce Haut Conseil qu'il se saisisse des sujets qui touchent aux préoccupations quotidiennes des familles mais également qu'il nous permette de disposer d'une vision globale, prenant en compte les évolutions éthiques, sociologiques, financières, qui touchent la famille
Je souhaite par exemple qu'il engage une réflexion pour définir les contours du droit à la garde d'enfant ainsi que sa mise en oeuvre. Ces travaux du Haut Conseil seront très importants car il s'agira de la première instance qui réunit l'ensemble des acteurs investis dans les sujets relatifs à la famille.
Agir pour les familles aujourd'hui, cela demande de prendre en compte les nouvelles réalités vécues dans les familles. Permettez-moi donc d'évoquer plus particulièrement trois évolutions majeures qui touchent notre politique familiale.
Je commencerai par les familles recomposées et la place du beau-parent.
J'aimerais d'abord clarifier un point : il n'est pas question de remettre en cause de quelque façon que ce soit l'autorité de celui des parents qui n'habite plus avec l'enfant. Tout notre projet repose au contraire sur le respect de l'autorité parentale des deux parents et sur l'intérêt de l'enfant.
Nous souhaitons simplement être pragmatiques et cohérents face aux évolutions de notre société.
Aujourd'hui, un enfant sur trois vit dans une famille recomposée (source INSEE : 3 enfants sur 10). De plus en plus d'enfants seront amenés à grandir entourés d'une personne qui n'est pas leur père ou leur mère et avec laquelle ils nouent parfois des liens aussi étroits et durables. Il faut faciliter leur vie quotidienne. Nous devons permettre aux adultes qui vivent avec des enfants dont ils ne sont pas les parents de pouvoir procéder pour eux aux démarches habituelles de la vie quotidienne. Il s'agit également de protéger juridiquement les liens affectifs qui se nouent entre ces enfants et ces adultes.
En lien avec Rachida DATI, Nadine MORANO vous soumettra prochainement un avant-projet de loi. L'UNAF doit être associée à la préparation de ce texte. Nous mènerons avec vous une consultation, et nous aurons en septembre un premier bilan d'étape. Après les derniers arbitrages, un projet de loi devrait être discuté au Parlement au premier semestre 2009.
La deuxième évolution que je voudrais évoquer brièvement concerne l'adoption.
Comme il vient de vous le rappeler, le Président de la République s'est engagé à opérer une profonde réforme en ce domaine. Il a chargé Jean-Marie Colombani d'élaborer un rapport, en lien avec le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de la justice. Ce rapport m'a été remis en avril dernier. Il propose plusieurs mesures pour rendre notre politique de l'adoption plus lisible, sur le plan national comme sur le plan international. Nous veillerons à ce qu'elles trouvent leur mise en oeuvre concrète pour les familles.
Enfin, les familles sont aujourd'hui les premières touchées par le vieillissement de notre société.
Aujourd'hui, plus que jamais, la politique de la famille doit être comprise de manière globale, selon une approche décloisonnée.
A l'heure où le vieillissement de la population touche toutes les familles et représente un défi pour l'assurance vieillesse et pour la dépendance, on doit s'interroger sur la possibilité de réaffecter les moyens en fonction des besoins. Evidemment, il n'est pas question de rogner sur les dépenses familiales pour privilégier les retraites. Ce qui fonctionne dans notre politique familiale, on le conservera. Et ce qui manque, notamment en matière de solutions pour la garde d'enfants, on le financera. Pour autant, ces évolutions démographiques nous invitent à repenser les contours de notre politique familiale. Comme vous, je considère que les excédents de la branche famille doivent être utilisés pour les familles. Or, la politique familiale c'est pour les enfants, mais est-ce uniquement pour les enfants ? Le périmètre de la famille s'est élargi : il ne se limite plus à la famille nucléaire, mais il prend une dimension intergénérationnelle.
Aujourd'hui la majoration de pension de retraite pour les parents de 3 enfants et plus est prise en charge à 60 % par la branche famille et à 40 % par la branche vieillesse, à travers le Fonds de solidarité vieillesse. On peut trouver qu'il est plus logique et plus simple qu'une seule branche assure le financement de l'intégralité de cette prestation. Nous proposons donc de poursuivre la dynamique de prise en charge de cette majoration de pension par la branche famille. Le Gouvernement est très attaché à la pérennité de cette mesure.
Il y a aussi un lien entre les politiques de soutien à l'autonomie et la politique de la famille. Qui dans notre entourage n'a pas eu à s'occuper d'un parent dépendant ? N'est-il pas de notre devoir de renforcer notre politique familiale sur ce point précis ?
C'est la raison pour laquelle nous menons actuellement des travaux, dans le cadre fixé par le Président de la République, pour mettre en place un cinquième risque de protection sociale, sujet sur lequel la concertation se poursuit.
Nous pouvons êtres fiers de notre politique familiale, dont les résultats sont exemplaires. Il nous faut donc aussi savoir tirer profit de ce modèle et lui permettre d'élargir son périmètre. La famille est essentielle pour la société française, voilà pourquoi nous allons y consacrer l'essentiel de nos efforts, comme vous et avec vous.
C'est cet engagement en faveur de la famille, que nous porterons lors de la présidence française de l'Union Européenne, et que nous partagerons avec nos partenaires européens.
Je vous remercie

Source http://www.unaf.fr, le 25 juin 20081