Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, dans "Les Echos" le 10 juillet 2008, sur le maintien du cap de réduction du déficit public pour le budget 2009.

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Texte intégral

Q - La croissance fléchit, l'inflation progresse : faut-il s'inquiéter pour la situation budgétaire, déjà dégradée, du pays ?
R - Il n'est pas dans ma nature d'être inquiet, mais il est certain que la période de difficultés économiques que nous traversons rend la situation budgétaire encore plus complexe. La poussée d'inflation entraîne des augmentations de dépenses contraintes coûteuses pour les finances publiques. En 2008, nous devons absorber entre 2 milliards et 2,5 milliards supplémentaires d'intérêts de la dette. Malgré cela, je conserve l'objectif que les dépenses de l'Etat n'évoluent pas plus vite que l'inflation cette année.
Q - Mais plus vite que l'objectif inscrit en loi de Finances initiale ?
R - Pas du tout. Il faut effectivement tenir au maximum la dépense. Et c'est d'autant plus nécessaire que les chocs extérieurs sur notre économie font que les recettes fiscales attendues ne sont pas au rendez-vous. A ce stade de l'année, je chiffre entre 3 et 5 milliards d'euros les moins-values sur les rentrées fiscales de 2008. La TVA reste en ligne avec les prévisions, ce qui confirme la bonne tenue de la consommation. La dégradation se concentre sur deux impôts : l'impôt sur les sociétés, qui devrait rapporter entre 1 et 3 milliards de moins que ce qui était inscrit en loi de Finances, et l'impôt sur le revenu dont le rendement serait, lui, inférieur de 1,5 à 2 milliards d'euros à ce que nous attendions. Pour ce dernier, cela traduit essentiellement le dynamisme des crédits d'impôt.
Q - Comment, dans ces conditions, empêcher une plongée du déficit budgétaire 2008, qui a été voté à 41,7 milliards d'euros ?
R - D'abord, nous allons utiliser toute la marge de manoeuvre que nous donnent les 6 milliards d'euros de crédits déjà mis en réserve. Sur ce total, environ la moitié devrait être annulée. Ensuite, tout cela ne modifie pas notre dernière prévision de déficit public 2008, qui avait été actualisée au printemps à 2,5 % du PIB.
Nous n'avons pas de mauvaises nouvelles du côté des comptes de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales. Nous devrions tenir le déficit du régime général à 8,9 milliards d'euros. Avec Roselyne Bachelot, nous allons nous en donner les moyens en annonçant fin juillet des mesures sur l'assurance-maladie, dont certaines pourront entrer en vigueur dès cette année.
Q - Vous souhaitez appliquer dès 2008 une partie du plan d'économies de 4 milliards d'euros prévu pour 2009 ?
R - C'est bien mon intention.
Q - La règle de gel des dépenses en volume sera-t-elle reconduite dans le budget 2009 ?
R - Oui, c'est mon objectif pour les trois années à venir. Et avec une prévision d'inflation de 2 % l'an prochain. C'est exigeant, car nous devrons absorber l'incidence de l'inflation 2008 sur certaines dépenses indexées. Et, comme en 2008, nous l'appliquons à un périmètre étendu aux prélèvements sur recettes. Je me pose même la question de l'élargir aux dégrèvements fiscaux. Dès le budget 2009, nous devons aussi nous doter d'un objectif d'évolution des dépenses fiscales à l'image de l'objectif d'évolution des dépenses maladie. Il s'agit d'avoir un système d'alerte sur les niches fiscales.
Le prochain budget marquera par ailleurs une avancée dans la chasse aux sous-budgétisations. Nous avons déjà bien progressé sur l'aide médicale d'Etat et les opérations militaires extérieures, les Opex. Celles-ci vont continuer d'être budgétisées plus proches de leur vrai coût. Mais nous avons encore trop de sous-budgétisations en matière d'exonérations de cotisation. Une partie de la dette contractée par l'Etat envers la Sécurité sociale s'est ainsi reconstituée en 2007 et, dans une moindre mesure, en 2008.
Il nous faut encore progresser dans la clarification des comptes. Nous allons régler le problème des 23 milliards d'euros de dette cumulée de la Sécurité sociale en les transférant à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la Cades.
Q - Et comment allez-vous le financer ?
R - Il est économiquement possible de transférer à la Cades une partie des recettes aujourd'hui affectées au Fonds de solidarité vieillesse.
Q - Le Premier ministre, François Fillon, a indiqué qu'un peu plus de 30.000 fonctionnaires ne seraient pas remplacés en 2009. Vous n'atteindrez donc pas encore tout à fait la règle de non-remplacement de la moitié des fonctionnaires affirmée de manière constante depuis un an, notamment dans le cadre de la revue générale des politiques publiques ?
R - Nous ne remplacerons pas entre 30.000 et 32.000 départs à la retraite dans la fonction publique l'an prochain. C'est un effort considérable, le plus important jamais réalisé. Nous nous approchons de l'objectif d'" un sur deux ".
Ne soyons pas dans une optique uniquement arithmétique. Il y a des situations qui nécessitent encore des créations nettes, comme au ministère de la Justice, qui a besoin de postes supplémentaires dans l'administration pénitentiaire. A l'inverse, 55 % des départs à Bercy ne seront pas remplacés.
Q - L'Education nationale sera, une fois encore, exonérée de l'effort demandé à la plupart des ministères...
R - On ne peut vraiment pas dire cela. Ne pas remplacer 13.500 postes, c'est un effort considérable. Grâce aux réformes qu'entreprend Xavier Darcos, cela ne provoquera aucune baisse de la qualité du service public de l'Education nationale.
Q - Combien rapporteront, l'an prochain, les suppressions de postes de fonctionnaires ?
R - Près de 1 milliard d'euros, dont la moitié seront redistribués sous forme d'intéressement aux fonctionnaires en place.
Q - Quelles seront les grandes priorités du budget 2009 ?
R - Ce projet de budget s'élabore sous une contrainte extrême. Une fois financées les charges de dette et de pension, le total des crédits est pratiquement identique, en euros courants, à celui de 2008. Ce qui signifie que nous ne pouvons même pas financer la hausse des prix... La vraie priorité budgétaire qui émerge du budget 2009, c'est, conformément aux engagements du président de la République, l'enseignement supérieur et la recherche, avec 1,8 milliard d'euros de moyens supplémentaires. Je n'en vois pas beaucoup d'autres de même rang même si la Défense à bien tiré son épingle du jeu. En plus, nous mobiliserons des ressources extra-budgétaires, en amplifiant notamment le programme des cessions immobilières. Le budget 2009 traduira aussi le Grenelle de l'environnement, notamment en matière fiscale, et accompagnera le mouvement de modernisation de l'Etat que nous avons engagée. Mon cap est clair : diminuer de 0,5 point le déficit public en 2009 pour l'amener à 2 %.

source http://www.u-m-p.org, le 11 juillet 2008