Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le rôle de l'Union européenne dans la reconstruction de l'Afghanistan, à Strasbourg le 8 juillet 2008.

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Circonstance : Session plénière du Parlement européen, débat sur le rapport de M. André Brie "La stabilisation de l'Afghanistan : défis pour l'Union européenne et la communauté internationale", à Strasbourg le 8 juillet 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
C'est la première fois que je me prononce ici devant vous au Parlement européen et je me félicite de l'occasion qui m'est offerte de pouvoir procéder avec vous à un échange de vues général sur la politique de l'Union européenne en Afghanistan.
Avant de commencer, je souhaiterais fermement condamner au nom de la présidence l'attentat qui a visé hier l'ambassade de l'Inde à Kaboul et qui a fait plus de quarante victimes civiles, notamment parmi les personnels de l'ambassade, laissant plusieurs centaines de personnes blessées. Cet attentat vise à déstabiliser le processus de consolidation et de reconstruction en cours en Afghanistan. L'Union européenne reste pleinement déterminée à soutenir le gouvernement et le peuple afghans dans leur effort de construction d'un Etat stable et démocratique. Ces événements tragiques montrent l'importance et l'urgence de nos échanges de ce matin.
Le Conseil est, comme le Parlement européen, convaincu de la nécessité d'un engagement de long terme en Afghanistan. Notre principal objectif doit être d'aider le gouvernement afghan à développer les structures d'un Etat moderne et démocratique, qui puisse fonctionner et assurer la sécurité de ses citoyens, respecte l'Etat de droit et les Droits de l'Homme et favorise le développement économique et social.
L'effort combiné des autorités afghanes et de la communauté internationale a déjà permis d'obtenir des progrès impressionnants qu'il faut mieux faire connaître : baisse de 25 % du taux de mortalité infantile, scolarisation de six millions d'enfants, dont un tiers de filles. Je rends hommage au travail de la Commission en ce domaine comme dans celui de la restauration de l'Etat de droit.
Nous devons nous appuyer sur ces succès. Mais nous devons aussi être conscients de l'importance des défis qui restent à relever, en particulier, comme l'a dit M. Brie, dans les domaines du développement économique et social et de la gouvernance. L'insécurité, la corruption et la drogue, qui s'entretiennent mutuellement et nuisent au fonctionnement normal des institutions ainsi qu'au développement durable du pays. Nous devons contribuer dans le domaine de la drogue à l'application de la résolution 1817 du Conseil de sécurité adoptée le 11 juin dernier, qui doit permettre à la communauté internationale d'obtenir des progrès dans la lutte contre le trafic des précurseurs chimiques servant à la fabrication de l'héroïne.
Le Conseil attache comme le Parlement la plus grande importance au processus démocratique en Afghanistan. Lors des élections organisées en 2004 et 2005, le peuple afghan a exprimé de manière très claire et très forte son choix pour la démocratie et la stabilité. Nous devrons l'aider à préparer les prochaines élections, présidentielle en 2009 et législatives en 2010.
Le Conseil a pris connaissance avec intérêt du rapport sur l'Afghanistan présenté par le Parlement. Il partage avec celui-ci l'essentiel de l'analyse qui y est développée, mais souhaiterait toutefois insister sur trois aspects particuliers.
Premièrement, le Conseil souhaite que le gouvernement afghan assume une part plus grande de responsabilité dans le processus de reconstruction et de développement de l'Afghanistan. Il convient ainsi de favoriser, dans tous les domaines, l'appropriation des responsabilités par les Afghans. Celle-ci doit toutefois s'accompagner de garanties en matière de bonne gouvernance, qui impliqueront en conséquence l'obligation faite aux autorités afghanes de rendre des comptes dans ce domaine.
Deuxièmement, Le Conseil souligne l'importance de progresser, en étroite concertation avec le gouvernement afghan, vers une unité de vues au sein de la communauté internationale pour la poursuite d'objectifs communs, en assurant notamment la cohérence des actions menées, notamment entre leurs dimensions militaire et civile. Tel est le mandat confié au nouveau représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Kai Eide. Le Conseil lui exprime son plein soutien pour l'accomplissement dans sa mission. Dans ce contexte, le Conseil estime nécessaire un renforcement des capacités de la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), afin notamment d'étendre sa présence à l'ensemble du territoire, en particulier dans le sud et dans l'ouest du pays.
Troisièmement, le Conseil estime qu'un renforcement de la coopération et des relations de l'Afghanistan avec ses voisins sont primordiales pour sa stabilisation durable, étant donné notamment le caractère multidimensionnel que revêtent certains problèmes, et en particulier celui de la production et du trafic de drogue.
En tout état de cause, ces quelques commentaires sur le rapport présenté par le Parlement ne sauraient occulter la très grande proximité générale de vues qui existe entre le Conseil et le Parlement quant à la politique devant être poursuivie en Afghanistan.
Je saisis par ailleurs cette occasion pour saluer et encourager l'initiative présentée dans le rapport et tendant au renforcement de la coopération entre le Parlement européen et le Parlement afghan.
Pour toutes ces raisons, l'Union européenne continuera à agir et jouer un rôle majeur dans la mobilisation de la communauté internationale en faveur de l'Afghanistan.
C'est ce qui guide les conclusions du Conseil du 26 mai dernier. Celles-ci ont été largement inspirées par les travaux menés préparatoirement à la Conférence internationale de soutien à l'Afghanistan tenue le 12 juin dernier à Paris.
La Conférence de Paris a, de fait, été un grand succès pour l'Afghanistan. Elle l'est également pour l'Union européenne, qui a pu y faire valoir pleinement ses positions sur des sujets essentiels pour le bon développement du pays.
Quelques mois plus tôt, à l'occasion du Sommet de l'OTAN à Bucarest des 2 au 4 avril 2008, le Haut Représentant pour la PESC avait assisté avec notamment le président Karzaï, et le Secrétaire général des Nations unies à la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement sur l'Afghanistan. Les pays contribuant à la FIAS, dont les Etats de l'Union européenne fournissent près de la moitié des effectifs, y ont adopté une stratégie renouvelée pour leur engagement commun, sur la base de quatre principes : un engagement commun dans la durée ; un objectif d'appropriation progressive des responsabilités de sécurité par les Afghans ; une approche globale de la communauté internationale pour la reconstruction ; une stratégie politique partagée impliquant les voisins de l'Afghanistan et en particulier le Pakistan.
Je souhaiterais, en conclusion, revenir sur certains domaines au sein desquels l'Union européenne intervient de manière importante et sur lesquels son action est essentielle pour renforcer les capacités étatiques et consolider l'état de droit en Afghanistan.
Tout d'abord, l'Union dispose depuis 2002 d'un Représentant spécial, poste assuré aujourd'hui par M. Vendrell, auquel je souhaite rendre hommage au terme de son mandat.
La mission de police "EUPOL Afghanistan" vient d'achever sa première année d'activité. Les difficultés rencontrées initialement, notamment d'ordre logistique, ont à présent été surmontées. EUPOL est particulièrement impliquée dans la réforme du ministère de l'Intérieur et la définition d'une stratégie pour la police afghane.
En décidant lors du CAGRE de 26 mai dernier d'avoir comme objectif de doubler les effectifs de sa mission de police en Afghanistan, l'Union européenne a envoyé un signal clair, tant à ses partenaires afghans qu'à la communauté internationale sur le renforcement de son engagement en Afghanistan. Cette augmentation de la taille de la mission doit nous permettre d'avoir une action plus visible et plus efficace dans le secteur clé de la réforme de la police.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008