Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les relations entre l'Union européenne et la Chine, à Strasbourg le 9 juillet 2008.

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Circonstance : Session plénière du Parlement européen, débat sur la situation en Chine, à Strasbourg le 9 juillet 2008

Texte intégral

Monsieur le Président,
Madame la Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Députés,
La Chine est un partenaire stratégique de l'Union européenne. Nos relations sont fortes, en particulier aux plans politique et commercial ; je rappelle que l'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Chine.
La participation de la Chine à l'échelle internationale, comme la résolution des grandes questions régionales et mondiales, présentent un intérêt fort pour l'Union européenne. L'Union a également pour objectif d'encourager le développement et les réformes en Chine au profit non seulement de ce pays mais aussi, compte tenu de sa taille, de l'ensemble de la planète, et c'est dans ce contexte que nous avons suivi avec une vive préoccupation les conséquences du tremblement de terre qui s'est produit en mai dernier dans la province du Sichuan et mesuré l'ampleur de cette catastrophe, qui a fait plus de 70.000 morts, 18.000 disparus et dont on s'attend à ce que le bilan final dépasse, hélas, 80.000 morts. Plus de 5 millions de personnes sont, par ailleurs, privées de logement. Le séisme et ses sérieuses pertes humaines et matérielles ont mobilisé pendant plusieurs semaines l'ensemble de l'appareil d'Etat chinois et l'opinion internationale a pris en compte les efforts fournis par la Chine pour répondre à la catastrophe de manière rapide et efficace.
L'Union européenne a réagi rapidement en apportant une aide humanitaire; le mécanisme communautaire de protection civile a été immédiatement activé le 13 mai afin de coordonner les contributions en nature des Etats membres; une aide d'un montant de 25 millions d'euros fournie par l'Union européenne, y compris les Etats membres, - dont 2,2 millions d'euros ont été pris en charge par la Commission - a été acheminée par la Croix Rouge.
D'une manière générale, nous estimons que la Chine s'est montrée efficace en ce qui concerne les opérations de secours et que, avec l'aide de la communauté internationale, elle déploie des efforts considérables pour atténuer les conséquences de la catastrophe. Les autorités chinoises ont fait preuve d'une ouverture à l'égard de l'aide étrangère et de la couverture médiatique de cet événement; par conséquent, nous leur rendons hommage pour les efforts exceptionnels qu'elles ont déployés en matière de secours et de reconstruction.
D'un autre côté, comme vous le savez, nous avons tous suivi avec attention et avec préoccupation les événements qui ont eu lieu au Tibet, et restons attentifs à l'évolution de la situation dans la région. Dans la déclaration qu'a faite la Présidence slovène, le 17 mars, au nom de l'Union européenne, celle-ci s'est déclarée profondément préoccupée par les informations qui lui parvenaient sur les troubles au Tibet et a exprimé sa plus profonde sympathie et ses condoléances aux victimes et aux familles de ces victimes. Elle a demandé à toutes les parties en présence de faire preuve de retenue et prié instamment les autorités chinoises de s'abstenir d'utiliser la force mais elle a aussi invité les manifestants à renoncer à la violence.
Dans nos messages adressés aux autorités chinoises, nous avons demandé qu'un dialogue soit instauré avec le Dalaï-Lama afin d'évoquer des questions essentielles, telles que la préservation de la culture, de la religion et des traditions tibétaines. Nous avons aussi demandé instamment que les informations soient transparentes et que les médias, les diplomates, les touristes et les agences des Nations unies puissent accéder librement au Tibet. Le Tibet est rouvert aux touristes depuis la mi-juin.
Nous avons également accueilli avec satisfaction la réunion informelle qui a eu lieu le 4 mai entre les autorités chinoises et les émissaires du Dalaï-Lama; nous estimons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction et nous avons formulé l'espoir que cela débouchera sur un nouveau cycle de dialogue constructif avec le Dalaï-Lama. Les autorités chinoises et les représentants du Dalaï-Lama se sont rencontrés à nouveau les 1er, 2 et 3 juillet derniers à Pékin. C'est bien sûr trop tôt pour commenter cette nouvelle session de dialogue, mais nous espérons que les deux parties progresseront ensemble de manière constructive.
La partie chinoise a confirmé que le gouvernement central à Pékin et le représentant du Dalaï-Lama étaient convenus de poursuivre leurs contacts et leurs consultations ; elle a également indiqué qu'elle espérait que le Tibet pourrait être ouvert aux journalistes et à d'autres personnes dans un avenir proche, après que l'ordre public aurait été rétabli dans la province.
Pour ce qui est de la présence à la cérémonie d'ouverture, chaque Etat membre décidera du niveau auquel il sera représenté. Permettez-moi d'indiquer à cet égard que la Chine a souligné à plusieurs occasions qu'elle réserverait un accueil chaleureux à tous les dirigeants de l'Union européenne. Après avoir consulté l'ensemble de ses homologues du Conseil européen, le président de la République a annoncé son intention de participer à la cérémonie d'ouverture en sa double qualité de président de la République française et de président du Conseil.
Voilà ce que je tenais à vous indiquer comme information aujourd'hui, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la Commissaire.
Réponse de Jean-Pierre Jouyet aux orateurs :
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Premièrement, ce n'est pas l'Union européenne qui a décidé d'organiser les Jeux Olympiques à Pékin, en 2001; c'est le Comité international olympique.
Deuxièmement, il y a, comme vous l'avez dit, des idéaux olympiques, mais enfin, ils ne sont pas politiques, ils sont sportifs, ce que ne cesse de répéter le Comité international olympique.
Troisièmement, je ne sais pas si la meilleure façon de lutter pour les Droits de l'Homme en Chine, c'est de se donner bonne conscience en disant "Je ne m'y rendrai pas, mais je regarderai quand même la cérémonie d'ouverture à la télévision", comme l'un des honorables parlementaires l'a souligné tout à l'heure. Je ne pense pas que le problème porte vraiment sur cet aspect. Je note d'ailleurs qu'il y a également, par rapport au dialogue que nous devons avoir avec les autorités chinoises, des prises de position d'un certain nombre de parlementaires, de différents bancs et sensibilités, qui se sont exprimés dans votre enceinte.
Quelles que soient les difficultés actuelles, nous devons continuer à tirer parti de la relation de l'Union européenne avec la Chine. Seule une Union solide va permettre aux deux parties de mener des discussions franches - que vous appelez et que nous appelons de nos voeux - sur n'importe quelle question, même celles qui semblent les plus difficiles, et l'Union européenne n'a pas attendu les événements du Tibet pour engager ce dialogue.
Nous voulons nouer le dialogue avec la Chine sur un nombre croissant de questions d'intérêt bilatéral et mondial, qui ne se réduisent pas - c'est une caricature - aux questions commerciales. Cela a été souligné également par Mme Ferrero-Waldner. Nous avons besoin d'un dialogue global avec la Chine, tant la place de ce pays dans la communauté internationale est importante et nous devons tout faire - les Jeux Olympiques sont également un levier de ce point de vue-là - pour qu'il y ait une meilleure insertion de la Chine dans la communauté internationale.
Au-delà, je souhaite rappeler que nous serons amenés à avoir un dialogue stratégique avec la Chine, notamment dans le cadre du Sommet Union européenne/Chine à venir, sous présidence française. Ce sommet a lieu au second semestre de l'année 2008. Il est de notre responsabilité de le préparer dans les meilleures conditions, et ce sommet doit être l'occasion d'étendre le partenariat entre la Chine et l'Union européenne à des thèmes nouveaux, qui sont relatifs notamment à la lutte contre le changement climatique, aux normes environnementales et aux normes sociales - ce que nombre d'entre vous ont souligné.
La volonté de la Chine d'exercer un rôle accru sur la scène internationale doit s'accompagner de responsabilités nouvelles: dans le domaine des Droits de l'Homme, dans le domaine social, dans le domaine environnemental. Nous le savons et nous voulons agir dans ce sens, et l'Union européenne est sans doute le partenaire le plus apte à encourager la Chine dans cette voie.
De ce point de vue-là, après avoir consulté ses partenaires et ses homologues, et reçu leur accord, le président Sarkozy, dans son rôle de président de l'Union européenne, assume les responsabilités d'un dialogue global entre l'Union européenne et la Chine. Si celle-ci souhaite jouer un rôle accru sur la scène mondiale, elle doit assurer les responsabilités qui en découlent.
Il y a eu beaucoup de comparaisons qui ont été faites, notamment par M. Cohn-Bendit. J'ai entendu une comparaison avec l'URSS de Brejnev. Est-ce que, véritablement, c'est une confrontation entre les blocs que nous voulons ? Est-ce qu'il n'y a pas eu des évolutions dans le dialogue avec ce grand pays ? Nous les avons menées et c'est aussi par le dialogue, par les évolutions démocratiques que nous avons fait triompher nos valeurs sur ce plan-là, comme toujours. Nous devons avoir un dialogue exigeant et sans tabou avec la Chine, l'inciter à s'engager dans tous les domaines: politique, Droits de l'Homme, social.
Certains parlementaires ont évoqué effectivement la peine de mort. Nous l'évoquons avec la Chine, mais aussi avec tous les autres pays, et je souhaiterais que cela soit également fait par les mêmes interlocuteurs conservateurs qui l'ont fait également tout à l'heure. Il y a d'autres pays où la peine de mort est en vigueur qui ont des relations avec l'Union européenne, je souhaite le rappeler, mais il faut effectivement avoir ce dialogue global. Nous devons également faire attention au titre du Conseil, et je suis pleinement d'accord avec ce qu'a indiqué la Commission, à ne pas exacerber les réactions nationalistes en Chine à un moment où elle accueille un événement très important pour l'ensemble de ce pays, qui vise à concrétiser son insertion sur la scène internationale.
C'est dans cet état d'esprit, avec toutes les responsabilités qui sont liées à sa fonction et en ayant pleinement conscience de ce que sont les valeurs européennes, que le président Sarkozy, dans ses fonctions nouvelles, se rendra à Pékin pour faire valoir ces éléments et pour montrer également que nous croyons à l'évolution positive de ce grand pays en ce qui concerne son insertion sur la scène internationale. Nous en avons déjà eu des signes concrets à l'égard de la Birmanie, l'année dernière, dans la négociation des résolutions du Conseil de sécurité sur l'Iran, dans la gestion de la crise en Corée du Nord, où nous avons besoin également de l'assistance de la Chine. Cela dépasse bien évidemment les seuls intérêts commerciaux.
Enfin, je signale à M. Cappato que nous devons également, dans toutes nos relations, que ce soit à l'intérieur de l'Union, à l'égard des minorités, ou dans les relations qu'entretient l'Union avec un certain nombre de ses partenaires, avoir les mêmes exigences et faire attention avant de donner au monde entier des leçons de morale.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2008