Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense, dans "Le Figaro" du 25 juillet 2008, sur la nouvelle carte militaire.

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LE FIGARO - 83 sites touchés. Fallait-il aller si loin dans la refonte de la carte militaire ?
Hervé MORIN - Cette réforme était nécessaire et indispensable. Je l'ai dit jeudi matin devant 1 000 chefs de corps de l'armée : un outil de défense qui ne s'adapterait pas contribuerait à affaiblir la nation.
On l'a vu pendant la guerre du Golfe, en 1991. À l'époque, 3 % de la richesse nationale étaient consacrés à la défense, et pourtant nous n'avons pas été capables de faire face : nos hélicoptères n'avaient pas de système de vision nocturne, et nous n'avions pas les bons moyens de transport. Les Français veulent que nous restions une des quatre grandes puissances militaires mondiales. Cette réforme y contribue.
LE FIGARO - La réforme va générer 2 milliards d'euros d'économies par an à terme, que vous aller réinvestir dans l'armée. À quoi sert une réforme qui ne rapporte rien sur le plan budgétaire ?
Hervé MORIN - Ce plan n'est pas destiné à faire des économies, mais à permettre notre adaptation et notre modernisation. Il doit permettre de mettre l'argent là où on en a besoin. L'armée s'est professionnalisée et on doit mutualiser les moyens, densifier les unités, et faire des économies d'échelle. Aujourd'hui, 60 % du budget vont aux ressources humaines. Or, nous avons besoin de financer les équipements de nos forces, d'investir dans de nouveaux avions, de nouveaux hélicoptères, de nouveaux sous-marins ou de nouvelles frégates. Nous allons redéployer le budget, pas l'amoindrir.
LE FIGARO - Les élus ont fait part de leur colère à l'idée de voir un régiment fermer dans leur circonscription.
Hervé MORIN - Lorsque j'ai commencé les discussions autour de la carte militaire, j'ai fait un pari : j'ai fait confiance à l'esprit de responsabilité des parlementaires, et à leur capacité à faire primer l'intérêt général, y compris dans leur circonscription. J'ai fait un immense travail de concertation, et au moins cent parlementaires ont été reçus ici au ministère de la Défense, certains à plusieurs reprises. Ce travail n'a pas été vain. J'ai corrigé mon projet initial, j'ai tenu compte des remarques et des situations locales.
À titre d'exemple, nous avons renoncé à fermer des sites dans certains départements ou bassins de vie déjà lourdement frappés par les restructurations, éprouvés par une démographie en baisse ou un taux de chômage élevé. Par exemple, les sites de Mourmelon, de Chaumont ou de Charleville-Mézières ont été préservés.
Au final, les protestations n'ont pas été très vives. Un signe : lors de mon audition devant la commission défense à l'Assemblée nationale, jeudi, les parlementaires de l'opposition ont approuvé cette réforme, en la jugeant indispensable.
LE FIGARO - Le président de la République a indiqué, jeudi, qu'il ne tremblerait pas sur cette réforme. Où en sont ses relations avec les armées ?
Hervé MORIN - On a beaucoup glosé sur un prétendu désamour entre le chef des armées et les militaires. J'observe que le 14 Juillet, que l'on annonçait explosif, a été un grand succès, un moment de communion entre le président de la République et les militaires. Il n'y a pas de fossé entre les deux. Le président a soutenu cette réforme, et ses arbitrages sont favorables à la défense, dans un contexte budgétaire difficile.
LE FIGARO - Hubert Falco s'apprête, dès lundi, à faire le tour des sites touchés. Est-il chargé de reprendre le flambeau ?
Hervé MORIN - La réforme, qui est une des plus importantes de ces cent dernières années, est sur les rails. Il m'appartient de la conduire, notamment au sein des armées. Hubert Falco, en tant que secrétaire d'État à l'Aménagement du territoire, doit garder le contact avec les collectivités, et faire en sorte que les territoires les plus touchés soient aidés.
Il n'y a pas de fatalité lorsque l'armée se retire. Il y a de la tristesse parfois, du mécontentement, souvent. Mais la capacité de rebond existe. L'État met 320 millions d'aides sur la table, en plus des exonérations fiscales et sociales pour les entreprises qui pourraient s'implanter dans les villes concernées. Christine Boutin, la ministre du Logement, est en train de travailler sur la question du logement social dans ces villes, Valérie Pécresse réfléchit à la possibilité de reconvertir une partie des bâtiments en logements étudiants. La reconversion est possible, et les capacités de rebond existent.
source http://www.le-nouveaucentre.org, le 31 juillet 2008