Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mon Général,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
J'ai commencé ma vie politique il y a près de 30 ans, en grande partie par admiration pour le Général De Gaulle. Et pendant près de 20 ans au Parlement, je me suis occupé des affaires de la Défense nationale, parce que je me fais une haute idée de notre Nation, et cette idée je ne peux pas la dissocier de vôtre rôle.
Notre sécurité dépend de vous. Notre souveraineté et notre liberté dépendent de vous. Notre influence dans le monde aussi. Vous êtes les gardiens de ce que nous avons de plus essentiel.
Vous portez l'uniforme pour des idéaux, pour des valeurs, pour l'honneur de notre drapeau. Et vous avez, en conscience, choisi d'accepter de combattre pour cela, si l'ordre vous en est donné. Voilà pourquoi il existe entre la France et son armée un pacte sacré.
J'ai voulu ce matin être parmi vous, parce que les circonstances sont importantes. Nous entrons dans une phase de mise en oeuvre d'une réforme qui est majeure pour nos armées. C'est une réforme difficile, parce qu'elle implique des adaptations considérables des efforts pour chacun.
Mais aussi, et je veux insister, c'est une réforme motivante, parce qu'elle vise à vous donner les moyens de remplir pleinement les missions qui vous sont confiées. C'est une réforme qui est une des conditions sine qua non pour que l'armée française demeure l'une des plus performantes du monde, et l'une des plus respectées.
Dans quelques instants, Hervé Morin vous présentera le dispositif que nous avons élaboré. Il découle de plusieurs mois d'analyse, d'évaluation, de réflexion, dans le cadre du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, et de la Révision générale des politiques publiques.
Vous le savez mieux que quiconque, c'est la stratégie qui commande l'organisation. Et ce n'est pas l'organisation qui commande la stratégie.
En matière militaire, rien n'est plus coupable, rien n'est plus périlleux que l'immobilisme.
Le monde dans lequel nous vivons n'est pas nécessairement plus dangereux que par le passé, mais chacun constate bien qu'il est devenu moins stable, moins prévisible, plus complexe. Et au surplus, totalement interdépendant. Les défis et les risques se sont à la fois éparpillés et en même temps ils sont interconnectés.
On assiste au délitement de certains Etats, à la recrudescence des affrontements ethniques et culturels, à la montée du fanatisme religieux, à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, les questions climatiques qui engendrent des catastrophes naturelles qui créées elle-même des conditions d'instabilité, les attaques informatiques, l'internationalisation des mafias, la vulnérabilité des approvisionnements énergétiques et alimentaires : dans un contexte notamment de pénurie énergétique, on le voit bien tout ceci dessine un très large spectre de menaces, en évolution constante.
La dissémination des crises, des armements et des adversaires potentiels, est un fait. Et, il s'illustre notamment par la menace terroriste. Cette menace qui était hier ponctuelle et contingente, est devenue une menace structurelle.
Plus que jamais, notre sécurité ne se joue plus exclusivement sur nos frontières.
Evidemment ceci remet en cause des siècles de notre histoire militaire. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on le découvre, cette césure s'est enclenchée il y a 20 ans, avec la disparition du Pacte de Varsovie, et elle n'a cessé de s'amplifier depuis la première guerre du Golfe.
La France est désormais placée devant un large arc de crise : une zone allant de l'Atlantique à l'Océan Indien, où sont concentrés ses intérêts stratégiques. Comme la plupart des pays européens, notre Nation est aujourd'hui plus vulnérable qu'elle ne l'était dans les années 70 et 80. Elle l'est, parce qu'à l'époque, l'équilibre de la terreur couvrait et dissuadait la plupart des scénarios conflictuels.
Cette réforme, mesdames et messieurs, elle obéit à l'évolution de ce paysage stratégique et elle intègre celle des menaces. Ces mutations vous conduisent, dès à présent et de plus en plus fréquemment, à agir vite, à agir loin du territoire national et à agir avec une forte puissance.
Notre but est donc de créer les conditions d'un outil militaire plus concentré afin de le rendre plus cohérent, plus réactif, et plus percutant.
En quelques années, vous avez assumé le passage à la professionnalisation. A l'époque, certains regrettèrent cette décision qui avait toutes les allures d'une révolution. Je crois que personne ne conteste aujourd'hui que l'évolution géopolitique leur a donné tort. D'autres disaient que c'était un pari impossible. Eh bien, ce pari vous l'avez relevé avec une rapidité et avec une rigueur exceptionnelles. Aujourd'hui, c'est une nouvelle étape que nous assignons à notre outil de défense. Elle est nécessaire pour des raisons opérationnelles et pour des raisons organisationnelles.
Cette étape elle ne sera franchie avec succès que si deux conditions sont respectées. La première c'est que le projet que nous allons vous présenter et que nous allons mettre ensemble en oeuvre garantisse bien à la France les capacités militaires qu'exige son statut de grande puissance.
Et la deuxième c'est qu'il faut porter une attention particulière aux hommes et aux femmes de la défense, dont le rôle et l'épanouissement sont déterminants dans le fonctionnement de nos armées.
Le président de la République l'a indiqué le 17 juin dernier, lors de la présentation du Livre blanc, le format des armées sera réduit de 54 000 hommes, civils et militaires.
Au terme de la réforme, l'armée de terre comptera 131 000 hommes, l'armée de l'air 50 000, et la marine 44 000. L'armée de terre aura perdu 20 régiments et bataillons, l'armée de l'air 11 bases aériennes avec ou sans plate-forme, et la marine une base aéronavale.
Cette réorganisation, Mesdames et Messieurs, représente un effort exceptionnel, à la fois pour les militaires et pour leurs familles, et pour les territoires concernés. Je veux vous dire qu'avec le président de la République et avec le ministre de la Défense nous en sommes pleinement conscients.
Le passage à la professionnalisation, dont j'ai dit tout à l'heure que c'était une révolution, s'était traduit par une déflation de 18.000 cadres. C'est dire l'ampleur de la réforme qui est aujourd'hui engagée ! C'est la raison pour laquelle nous avons prévu un dispositif d'accompagnement social significatif. Il devra faciliter la mobilité et la reconversion des personnels civils et militaires concernés.
Pour que notre outil militaire soit plus efficace, plus réactif, mieux équipé, il devra être moins dispersé. Je crois que l'une des raisons des difficultés que nous connaissons depuis plusieurs années, est liée au fait que nous n'avons pas tiré toutes les conséquences de la professionnalisation, et de la nouvelle stratégie qui était celle de notre outil de défense, notamment parce que nous n'avons pas eu le courage de fermer des implantations sur le territoire, souvent pour des raisons qui étaient liées à l'Aménagement du Territoire, et qui n'étaient pas liés à l'efficacité opérationnelle. Eh bien, toute la réforme que nous vous proposons est une réforme qui vise à reconcentrer les forces sur des bases opérationnelles, qui accueilleront plus de personnels et qui permettront des économies d'échelle considérable. Les armées vont devoir quitter un certain nombre de garnisons. Plusieurs villes verront partir le régiment, la base aérienne, la base aéronavale auxquels les liaient des décennies parfois presque des siècles d'histoire commune.
Cela représentera une séparation déchirante. Elle provoquera, en certains endroits, une perte économique et sociale, mais aussi un manque culturel et un manque affectif.
Je mesure pleinement l'ampleur de ce chantier et les inquiétudes qu'il peut susciter. Mais je veux vous dire aussi clairement les choses et à travers vous à nos concitoyens et aux élus qui les représentent, nos armées n'ont pas vocation à assumer une tâche d'aménagement du territoire ! Je dirais même plus, ce serait une faute contre l'intérêt national que de ne pas prendre les mesures que nous prenons aujourd'hui, simplement parce qu'il y aurait des impératifs d'Aménagement du Territoire. Et je suis certain que les élus locaux qui défendent naturellement avec vigueur le maintien des unités sur leur territoire, sont aussi des citoyens, qui ont le sens de l'intérêt général, et qui savent que le rôle de notre Défense nationale, c'est d'assurer la sécurité de notre pays et la défense de ses intérêts.
Pour autant, aucun de ces territoires ne sera livré à lui-même. Nous allons avec eux et pour eux agir.
Le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre un large dispositif d'accompagnement pour les communes concernées, que je présenterai, dans quelques instants, à Matignon, avec notamment Hubert Falco, le ministre chargé de l'Aménagement du Territoire.
Mesdames et Messieurs,
Je connais les difficultés que vous rencontrez sur les théâtres d'opérations. Je sais que les missions sont réalisées.
Je sais que le contrat opérationnel est rempli, grâce au professionnalisme et au dévouement de vos hommes. Mais je sais aussi que c'est parfois au prix d'efforts immenses, et de quelques rafistolages et cannibalisations qui ne sont pas vraiment dignes d'une nation qui est la seule en Europe avec la Grande-Bretagne, à consacrer 2 % de son PIB à sa défense.
Cela, c'est le résultat d'une organisation et d'une programmation militaire qui furent, ces dernières décennies, très ambitieuses sur le papier, mais beaucoup moins scrupuleuses dans les faits et sur le terrain.
Il aura manqué 24 milliards d'euros de crédits d'équipements sur la période 1997-2007 pour réaliser les acquisitions et l'entretien, conformément aux prévisions initiales. Dans le même temps, les effectifs du ministère n'évoluaient pas à la baisse, alors même que des efforts d'amélioration de la condition militaire accompagnaient, et c'était naturel, la professionnalisation.
Les conséquences de ce déséquilibre, nous les connaissons tous : des retards dans le renouvellement des matériels, des restrictions dans le fonctionnement quotidien des armées, et notamment dans leur entraînement.
Et bien, il est temps d'optimiser les moyens. Je vous parle avec franchise : je préfère une armée resserrée mais parfaitement équipée et entraînée, qu'une armée nombreuse que l'on rationne !
Vous connaissez l'état de nos finances publiques. La France n'a pas connu un budget en équilibre depuis 34 ans. Tous les Français qui ont moins de 34 ans pensent que cela marche comme ça. Et tous les Français qui ont plus de 34 ans se disent que si ça a duré 34 ans ça durera bien encore quelques années. La vérité, c'est que ça ne durera pas encore quelques années, parce que nous accumulons une dette, qui est aussi dangereuse pour notre indépendance nationale que les menaces militaires ou terroristes qui pèsent sur notre sécurité.
L'état de nos finances publiques c'est une contrainte majeure qui n'a cessé de devenir plus pressante. C'est une contrainte qu'il serait irresponsable de ne pas prendre en compte. Entre la modernisation des armées et le rétablissement des finances publiques, il n'y a pas à choisir. Il faut retenir les deux. Parce que les deux sont des objectifs vitaux pour la France et pour l'avenir de nos enfants.
La Loi de programmation militaire pour la période 2009-2014, qui sera présentée par Hervé Morin, confirmera notre volonté de ne pas baisser la garde. Les crédits de la défense ne baisseront pas, contrairement à ceux de la plupart des autres ministères.
Dans un premier temps, jusqu'en 2012, ils augmenteront à hauteur de l'inflation.
Dans un second temps, à partir de 2012, le budget de la Défense progressera de 1 % en volume par an ; c'est-à-dire 1 % au-dessus de l'inflation. D'ici 2020, l'effort total consenti pour financer la priorité donnée à la Défense atteindra les 377 milliards d'euros. Cet effort sera rendu possible au premier chef par les marges de manoeuvre budgétaires que la restructuration de nos capacités de soutien et la réduction des effectifs doivent permettre de nous assurer. Ces marges seront intégralement réinvesties, je dis bien intégralement réinvesties, au profit de la condition du personnel et des équipements. Là encore, c'est une situation qui sera unique dans sphère publique, puisque dans les autres ministères ce n'est que la moitié des marges qui sont réinvesties dans les améliorations de la condition du personnel ou la modernisation des équipements.
Aujourd'hui, avec le président de la République et le ministre de la Défense, nous avons pris nos décisions, et nous souhaitons maintenant qu'elles soient exécutées avec rigueur, avec compétence et avec loyauté.
La future carte des implantations militaires s'articulera autour du concept nouveau des bases de défense. Au total, 85 de ces bases seront crées en métropole et outre-mer, elles fédéreront les moyens de soutien des différentes unités afin de pouvoir recentrer celles-ci sur leur activité opérationnelle.
Je connais, Mesdames et Messieurs, les valeurs qui fondent votre institution, je connais votre sens de l'engagement, et la fidélité, et votre sens de l'honneur. Je connais la spécificité de votre statut, la servitude de votre métier, les dangers du métiers des armes, les mutations, les départs en OPEX, la disponibilité totale, les sacrifices familiaux.
Ces servitudes et ces risques, ils sont le lot quotidien de vos camarades engagés sur le terrain, dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique subsaharienne, au Tchad, dans le nord-est de l'Océan indien, sur le théâtre afghan. Je veux leur rendre hommage, et je veux leur rendre hommage au nom de la Nation française toute entière.
Le monde reste dangereux. La France ne baisse pas sa garde parce que la paix n'est jamais définitivement acquise. Notre sécurité exige notre vigilance et elle nous oblige à votre égard. Mesdames et Messieurs, l'armée française est une armée d'élite. C'est une armée moderne, respectée dans le monde entier. Ses soldats figurent parmi les meilleurs. Ils sont les dépositaires d'une histoire prestigieuse et les acteurs d'une grande nation qui a choisi de se moderniser pour tenir son rang.
Je vous ai parlé avec confiance. Je sais que je peux compter sur vous, et je veux que vous sachiez que vous pouvez compter sur mon estime personnelle, et sur la reconnaissance du Gouvernement et de la Nation toute entière.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 juillet 2008
Mon Général,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
J'ai commencé ma vie politique il y a près de 30 ans, en grande partie par admiration pour le Général De Gaulle. Et pendant près de 20 ans au Parlement, je me suis occupé des affaires de la Défense nationale, parce que je me fais une haute idée de notre Nation, et cette idée je ne peux pas la dissocier de vôtre rôle.
Notre sécurité dépend de vous. Notre souveraineté et notre liberté dépendent de vous. Notre influence dans le monde aussi. Vous êtes les gardiens de ce que nous avons de plus essentiel.
Vous portez l'uniforme pour des idéaux, pour des valeurs, pour l'honneur de notre drapeau. Et vous avez, en conscience, choisi d'accepter de combattre pour cela, si l'ordre vous en est donné. Voilà pourquoi il existe entre la France et son armée un pacte sacré.
J'ai voulu ce matin être parmi vous, parce que les circonstances sont importantes. Nous entrons dans une phase de mise en oeuvre d'une réforme qui est majeure pour nos armées. C'est une réforme difficile, parce qu'elle implique des adaptations considérables des efforts pour chacun.
Mais aussi, et je veux insister, c'est une réforme motivante, parce qu'elle vise à vous donner les moyens de remplir pleinement les missions qui vous sont confiées. C'est une réforme qui est une des conditions sine qua non pour que l'armée française demeure l'une des plus performantes du monde, et l'une des plus respectées.
Dans quelques instants, Hervé Morin vous présentera le dispositif que nous avons élaboré. Il découle de plusieurs mois d'analyse, d'évaluation, de réflexion, dans le cadre du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, et de la Révision générale des politiques publiques.
Vous le savez mieux que quiconque, c'est la stratégie qui commande l'organisation. Et ce n'est pas l'organisation qui commande la stratégie.
En matière militaire, rien n'est plus coupable, rien n'est plus périlleux que l'immobilisme.
Le monde dans lequel nous vivons n'est pas nécessairement plus dangereux que par le passé, mais chacun constate bien qu'il est devenu moins stable, moins prévisible, plus complexe. Et au surplus, totalement interdépendant. Les défis et les risques se sont à la fois éparpillés et en même temps ils sont interconnectés.
On assiste au délitement de certains Etats, à la recrudescence des affrontements ethniques et culturels, à la montée du fanatisme religieux, à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, les questions climatiques qui engendrent des catastrophes naturelles qui créées elle-même des conditions d'instabilité, les attaques informatiques, l'internationalisation des mafias, la vulnérabilité des approvisionnements énergétiques et alimentaires : dans un contexte notamment de pénurie énergétique, on le voit bien tout ceci dessine un très large spectre de menaces, en évolution constante.
La dissémination des crises, des armements et des adversaires potentiels, est un fait. Et, il s'illustre notamment par la menace terroriste. Cette menace qui était hier ponctuelle et contingente, est devenue une menace structurelle.
Plus que jamais, notre sécurité ne se joue plus exclusivement sur nos frontières.
Evidemment ceci remet en cause des siècles de notre histoire militaire. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on le découvre, cette césure s'est enclenchée il y a 20 ans, avec la disparition du Pacte de Varsovie, et elle n'a cessé de s'amplifier depuis la première guerre du Golfe.
La France est désormais placée devant un large arc de crise : une zone allant de l'Atlantique à l'Océan Indien, où sont concentrés ses intérêts stratégiques. Comme la plupart des pays européens, notre Nation est aujourd'hui plus vulnérable qu'elle ne l'était dans les années 70 et 80. Elle l'est, parce qu'à l'époque, l'équilibre de la terreur couvrait et dissuadait la plupart des scénarios conflictuels.
Cette réforme, mesdames et messieurs, elle obéit à l'évolution de ce paysage stratégique et elle intègre celle des menaces. Ces mutations vous conduisent, dès à présent et de plus en plus fréquemment, à agir vite, à agir loin du territoire national et à agir avec une forte puissance.
Notre but est donc de créer les conditions d'un outil militaire plus concentré afin de le rendre plus cohérent, plus réactif, et plus percutant.
En quelques années, vous avez assumé le passage à la professionnalisation. A l'époque, certains regrettèrent cette décision qui avait toutes les allures d'une révolution. Je crois que personne ne conteste aujourd'hui que l'évolution géopolitique leur a donné tort. D'autres disaient que c'était un pari impossible. Eh bien, ce pari vous l'avez relevé avec une rapidité et avec une rigueur exceptionnelles. Aujourd'hui, c'est une nouvelle étape que nous assignons à notre outil de défense. Elle est nécessaire pour des raisons opérationnelles et pour des raisons organisationnelles.
Cette étape elle ne sera franchie avec succès que si deux conditions sont respectées. La première c'est que le projet que nous allons vous présenter et que nous allons mettre ensemble en oeuvre garantisse bien à la France les capacités militaires qu'exige son statut de grande puissance.
Et la deuxième c'est qu'il faut porter une attention particulière aux hommes et aux femmes de la défense, dont le rôle et l'épanouissement sont déterminants dans le fonctionnement de nos armées.
Le président de la République l'a indiqué le 17 juin dernier, lors de la présentation du Livre blanc, le format des armées sera réduit de 54 000 hommes, civils et militaires.
Au terme de la réforme, l'armée de terre comptera 131 000 hommes, l'armée de l'air 50 000, et la marine 44 000. L'armée de terre aura perdu 20 régiments et bataillons, l'armée de l'air 11 bases aériennes avec ou sans plate-forme, et la marine une base aéronavale.
Cette réorganisation, Mesdames et Messieurs, représente un effort exceptionnel, à la fois pour les militaires et pour leurs familles, et pour les territoires concernés. Je veux vous dire qu'avec le président de la République et avec le ministre de la Défense nous en sommes pleinement conscients.
Le passage à la professionnalisation, dont j'ai dit tout à l'heure que c'était une révolution, s'était traduit par une déflation de 18.000 cadres. C'est dire l'ampleur de la réforme qui est aujourd'hui engagée ! C'est la raison pour laquelle nous avons prévu un dispositif d'accompagnement social significatif. Il devra faciliter la mobilité et la reconversion des personnels civils et militaires concernés.
Pour que notre outil militaire soit plus efficace, plus réactif, mieux équipé, il devra être moins dispersé. Je crois que l'une des raisons des difficultés que nous connaissons depuis plusieurs années, est liée au fait que nous n'avons pas tiré toutes les conséquences de la professionnalisation, et de la nouvelle stratégie qui était celle de notre outil de défense, notamment parce que nous n'avons pas eu le courage de fermer des implantations sur le territoire, souvent pour des raisons qui étaient liées à l'Aménagement du Territoire, et qui n'étaient pas liés à l'efficacité opérationnelle. Eh bien, toute la réforme que nous vous proposons est une réforme qui vise à reconcentrer les forces sur des bases opérationnelles, qui accueilleront plus de personnels et qui permettront des économies d'échelle considérable. Les armées vont devoir quitter un certain nombre de garnisons. Plusieurs villes verront partir le régiment, la base aérienne, la base aéronavale auxquels les liaient des décennies parfois presque des siècles d'histoire commune.
Cela représentera une séparation déchirante. Elle provoquera, en certains endroits, une perte économique et sociale, mais aussi un manque culturel et un manque affectif.
Je mesure pleinement l'ampleur de ce chantier et les inquiétudes qu'il peut susciter. Mais je veux vous dire aussi clairement les choses et à travers vous à nos concitoyens et aux élus qui les représentent, nos armées n'ont pas vocation à assumer une tâche d'aménagement du territoire ! Je dirais même plus, ce serait une faute contre l'intérêt national que de ne pas prendre les mesures que nous prenons aujourd'hui, simplement parce qu'il y aurait des impératifs d'Aménagement du Territoire. Et je suis certain que les élus locaux qui défendent naturellement avec vigueur le maintien des unités sur leur territoire, sont aussi des citoyens, qui ont le sens de l'intérêt général, et qui savent que le rôle de notre Défense nationale, c'est d'assurer la sécurité de notre pays et la défense de ses intérêts.
Pour autant, aucun de ces territoires ne sera livré à lui-même. Nous allons avec eux et pour eux agir.
Le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre un large dispositif d'accompagnement pour les communes concernées, que je présenterai, dans quelques instants, à Matignon, avec notamment Hubert Falco, le ministre chargé de l'Aménagement du Territoire.
Mesdames et Messieurs,
Je connais les difficultés que vous rencontrez sur les théâtres d'opérations. Je sais que les missions sont réalisées.
Je sais que le contrat opérationnel est rempli, grâce au professionnalisme et au dévouement de vos hommes. Mais je sais aussi que c'est parfois au prix d'efforts immenses, et de quelques rafistolages et cannibalisations qui ne sont pas vraiment dignes d'une nation qui est la seule en Europe avec la Grande-Bretagne, à consacrer 2 % de son PIB à sa défense.
Cela, c'est le résultat d'une organisation et d'une programmation militaire qui furent, ces dernières décennies, très ambitieuses sur le papier, mais beaucoup moins scrupuleuses dans les faits et sur le terrain.
Il aura manqué 24 milliards d'euros de crédits d'équipements sur la période 1997-2007 pour réaliser les acquisitions et l'entretien, conformément aux prévisions initiales. Dans le même temps, les effectifs du ministère n'évoluaient pas à la baisse, alors même que des efforts d'amélioration de la condition militaire accompagnaient, et c'était naturel, la professionnalisation.
Les conséquences de ce déséquilibre, nous les connaissons tous : des retards dans le renouvellement des matériels, des restrictions dans le fonctionnement quotidien des armées, et notamment dans leur entraînement.
Et bien, il est temps d'optimiser les moyens. Je vous parle avec franchise : je préfère une armée resserrée mais parfaitement équipée et entraînée, qu'une armée nombreuse que l'on rationne !
Vous connaissez l'état de nos finances publiques. La France n'a pas connu un budget en équilibre depuis 34 ans. Tous les Français qui ont moins de 34 ans pensent que cela marche comme ça. Et tous les Français qui ont plus de 34 ans se disent que si ça a duré 34 ans ça durera bien encore quelques années. La vérité, c'est que ça ne durera pas encore quelques années, parce que nous accumulons une dette, qui est aussi dangereuse pour notre indépendance nationale que les menaces militaires ou terroristes qui pèsent sur notre sécurité.
L'état de nos finances publiques c'est une contrainte majeure qui n'a cessé de devenir plus pressante. C'est une contrainte qu'il serait irresponsable de ne pas prendre en compte. Entre la modernisation des armées et le rétablissement des finances publiques, il n'y a pas à choisir. Il faut retenir les deux. Parce que les deux sont des objectifs vitaux pour la France et pour l'avenir de nos enfants.
La Loi de programmation militaire pour la période 2009-2014, qui sera présentée par Hervé Morin, confirmera notre volonté de ne pas baisser la garde. Les crédits de la défense ne baisseront pas, contrairement à ceux de la plupart des autres ministères.
Dans un premier temps, jusqu'en 2012, ils augmenteront à hauteur de l'inflation.
Dans un second temps, à partir de 2012, le budget de la Défense progressera de 1 % en volume par an ; c'est-à-dire 1 % au-dessus de l'inflation. D'ici 2020, l'effort total consenti pour financer la priorité donnée à la Défense atteindra les 377 milliards d'euros. Cet effort sera rendu possible au premier chef par les marges de manoeuvre budgétaires que la restructuration de nos capacités de soutien et la réduction des effectifs doivent permettre de nous assurer. Ces marges seront intégralement réinvesties, je dis bien intégralement réinvesties, au profit de la condition du personnel et des équipements. Là encore, c'est une situation qui sera unique dans sphère publique, puisque dans les autres ministères ce n'est que la moitié des marges qui sont réinvesties dans les améliorations de la condition du personnel ou la modernisation des équipements.
Aujourd'hui, avec le président de la République et le ministre de la Défense, nous avons pris nos décisions, et nous souhaitons maintenant qu'elles soient exécutées avec rigueur, avec compétence et avec loyauté.
La future carte des implantations militaires s'articulera autour du concept nouveau des bases de défense. Au total, 85 de ces bases seront crées en métropole et outre-mer, elles fédéreront les moyens de soutien des différentes unités afin de pouvoir recentrer celles-ci sur leur activité opérationnelle.
Je connais, Mesdames et Messieurs, les valeurs qui fondent votre institution, je connais votre sens de l'engagement, et la fidélité, et votre sens de l'honneur. Je connais la spécificité de votre statut, la servitude de votre métier, les dangers du métiers des armes, les mutations, les départs en OPEX, la disponibilité totale, les sacrifices familiaux.
Ces servitudes et ces risques, ils sont le lot quotidien de vos camarades engagés sur le terrain, dans les Balkans, au Moyen-Orient, en Afrique subsaharienne, au Tchad, dans le nord-est de l'Océan indien, sur le théâtre afghan. Je veux leur rendre hommage, et je veux leur rendre hommage au nom de la Nation française toute entière.
Le monde reste dangereux. La France ne baisse pas sa garde parce que la paix n'est jamais définitivement acquise. Notre sécurité exige notre vigilance et elle nous oblige à votre égard. Mesdames et Messieurs, l'armée française est une armée d'élite. C'est une armée moderne, respectée dans le monde entier. Ses soldats figurent parmi les meilleurs. Ils sont les dépositaires d'une histoire prestigieuse et les acteurs d'une grande nation qui a choisi de se moderniser pour tenir son rang.
Je vous ai parlé avec confiance. Je sais que je peux compter sur vous, et je veux que vous sachiez que vous pouvez compter sur mon estime personnelle, et sur la reconnaissance du Gouvernement et de la Nation toute entière.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 29 juillet 2008