Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à France 2 le 23 juillet 2008, sur la politique culturelle européenne, l'audiovisuel, la protection du patrimoine et la télévision publique.

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Média : France 2

Texte intégral


 
 
 
F. Beaudonnet.- Vous avez réuni autour de vous, lundi et mardi, à Versailles - décidément, il se passait beaucoup de choses à Versailles - les ministres européens de la Culture. Vous avez parlé, je crois, du "label européen de la culture". De quoi s'agit-il ?
 
Oui, il y avait les ministres de la Culture - et de l'Audiovisuel d'ailleurs le lendemain. On a parlé justement de la mise en place d'un label, qui ne serait pas du tout semblable au label du patrimoine commun de l'Unesco, mais qui permettrait au fond à chaque pays européen de choisir ses lieux, ses lieux de mémoire, des lieux qui n'auraient pas pu faire partie des labels Unesco. Par exemple, les chantiers navals de Gdansk ; on voit qu'ils sont très importants pour la Pologne. Je prends le Mur de Berlin, on voit que c'est un lieu aussi très important pour l'ensemble de l'Europe et pour l'Allemagne. Je ne sais pas... la Maison de R. Schuman, c'est encore un lieu qui est lié aussi à la construction de l'Europe, à une personnalité, et ça va être comme cela, un peu la carte de citoyenneté européenne, la carte de la citoyenneté européenne du coeur, en quelque sorte, que l'on voudrait construire, avec, après, une mise sur site, avec des propositions touristiques, avec des actions pédagogiques, une implication peut-être des jeunes, et c'est un peu comme cela. On aimerait dessiner un peu cette carte du patrimoine européen.
 
Il va y avoir un logo, les touristes européens ou d'ailleurs qui viennent d'autres continents pourront savoir que c'est un site labellisé ?
 
Voilà, ils pourront savoir qu'il y a un site qui représente quelque chose de tout particulier, dans le pays dans lequel ils sont, et pour l'Europe en général. Donc, c'est un facteur attractif.
 
Alors, est-ce que vous avez parlé également, vous l'aviez promis, de la TVA à 5,5 sur le disque et sur la vidéo ?
 
Oui, tout à fait, j'ai évoqué ce sujet avec l'ensemble des ministres, Culture et Audiovisuel, et j'ai attendu qu'ils soient réunis justement tous ensemble pour dire que, au-delà des compétences directes, on pouvait justement exercer une influence, et auprès de tous les ministres de l'Economie et des Finances, pour que l'on porte cette idée d'une TVA à taux réduit des biens culturels. On sait que le président de la République y tient beaucoup pour le disque, et que c'est très important, notamment pour les jeunes, parce que tout simplement ça baisse le prix des biens culturels. Quel est l'accueil que vous avez reçu ? Un accueil intéressé, et avec l'espoir d'un relais justement auprès de ministres "Ecofin", ça s'appelle "Ecofin".
 
Et vous pensez qu'on va aboutir ?
 
Je pense qu'on progresse et que de toute façon, la remise à plat des taux de TVA est actuellement dans les esprits. Les recommandations de la Commission laissant aux Etats, dans le sens d'une plus grande liberté pour les Etats, de fixer les taux de TVA, et je compte bien que, celle sur les disque et les biens culturels en fasse partie.
 
Alors, il y a récemment une lettre qui a été adressée à F. Fillon, une lettre des professionnels de la presse et d'une partie de l'audiovisuel qui s'inquiètent de l'augmentation de la publicité sur TF1 et sur M6 de six à neuf minutes. Que dites-vous à ces professionnels qui ont écrit à F. Fillon ?
 
Je dis très simplement d'abord, on a une directive européenne qui est à transposer, qui augmente justement un petit peu les fenêtres des publicités. D'autre part, tout le monde sait qu'il va y avoir la suppression de la pub sur une grande partie donc de l'audiovisuel public. Il est donc logique de permettre des transferts justement de cette pub sur tout le reste. D'ailleurs les télévisions privées, mais aussi d'ailleurs les télévisions de la TNT. Donc, ce qu'on veut faire - on ne veut pas aller jusqu'au bout de ce que va permettre la directive, qui permet d'aller jusqu'à 12 minutes par heure mais nous on souhaite - passer de six minutes à neuf minutes pour se rapprocher en fait du modèle européen normal, et permettre justement que la publicité soit un peu plus présente, et donc rapporte aussi davantage au [SEN ?] (phon.) y compris d'ailleurs la TNT.
 
Est-ce que ça ne vient pas au mauvais moment alors que certains disent qu'il y a des cadeaux qui sont faits déjà aux chaînes privées que sont TF1 et M6 ?
 
Vous savez, on est à un moment où tout est en train justement de se redessiner. L'importante réforme de l'audiovisuel public, la loi, nous sommes en train de l'écrire, il y a déjà un pré-projet de loi qui est prêt ; conforter les financements, travailler sur les programmes, transposer en effet la directive, ressortir les décrets Tasca qui régissent les relations entre les créateurs, les diffuseurs, les producteurs. Donc, c'est tout cela qui va être porté en même temps, et je crois que c'est une modernisation, c'est, je crois, une possibilité de conforter le secteur et de conforter aussi un audiovisuel public plus identitaire. Donc, je crois que c'est le bon moment, parce que tout va être sorti en fait à la rentrée, c'est un peu un package global, si vous voulez.
 
En ce qui concerne la réforme de l'audiovisuel public et plus particulièrement son financement, tous les spécialistes de l'audiovisuel, et pas uniquement d'ailleurs les syndicats, disent que le financement tel qu'il est présenté aujourd'hui sera insuffisant, le chiffre le plus bas ; on dit qu'il manque 100 millions mais ça peut aller jusqu'à 200 ou 250 millions. Vous avez toujours dit que le financement serait compensé euro par euro. Pouvez-vous être un peu plus précise ce matin ?
 
Je crois que le point important c'est de voir qu'en effet, il y a peut-être un manque à gagner mais il faudra évaluer évidemment à la fin, qui ira peut-être jusqu'à 150 millions d'euros. J'observe qu'il y a déjà une dotation qui maintenant est acceptée, qui va être versée ces jours-ci de 150 millions d'euros, justement, qui a été acceptée et bénie par Bruxelles, alors qu'on disait qu'il y avait toutes sortes de problèmes par rapport à l'Europe. Je vois dans les débats que nous avons eus au cours des deux derniers jours, avec tous les ministres de l'Audiovisuel européens, et avec les commissaires naturellement, qui étaient là, qu'au fond, les pays ont la possibilité de mener - et cela a été affirmé par tout le monde - la politique qu'ils souhaitent en matière d'audiovisuel public, y compris d'ailleurs en matière de financement. Je pense que nous avons donc la liberté de construire le système de financement que l'on souhaite. Je redis...
 
Vous avez dit qu'il peut y avoir 150 millions d'euros manquants. Comment ça ?
 
Non, il va y avoir... De toute façon, on donne une dotation maintenant de 150 millions d'euros, donc ça c'est déjà...
 
C'est une fois, c'est maintenant, pour compenser la perte...
 
Oui, mais enfin, à partir de 2009, les 450 millions d'euros manquants, vont intégralement compensés.
 
C'est là que le bât blesse !
 
Ça ne blesse pas, parce que quand même c'était ce qui avait été prévu pour le financement 2009, je le rappelle. Et d'ailleurs, à un moment où on n'était pas encore à la baisse générale du marché publicitaire. Je crois qu'avec ça et les évolutions structurelles évidemment qu'il va y avoir, il est clair qu'il va y avoir une seule société qui va se construire, avec des différentes chaînes identifiées, je pense qu'il va y avoir des gains de productivité, des mutualisations, ce qui me paraît logique.
 
Pas de risques pour l'emploi ?
 
Ecoutez, a priori, non. Par contre, mutualisation, gain de productivité très certainement, je pense qu'il y aura... Moi je ne pense pas du tout qu'il y aura de problèmes pour financer l'audiovisuel public. Et aujourd'hui, toutes les chaînes privées pensent qu'au contraire, l'audiovisuel public, qui finalement garde la publicité, garde des possibilités de développement, par exemple sur les services en ligne, qui va garder la possibilité de faire même des services payants, et cela a été l'objet d'une conférence européenne qui s'est tenue à Strasbourg il y a quelques jours, où tout le monde a dit : oui, oui, il faut que, même dans l'audiovisuel public, il y ait des services payants. Je pense que l'audiovisuel public aura tous les moyens de ses projets.
 
Juste une question sur un accord que vous allez signé ce matin avec La Poste, dont on parle beaucoup ces derniers jours, qui concerne la presse. Est-ce que les tarifs avantageux dont bénéficie aujourd'hui la presse écrite pour être distribuée par la Poste, ces tarifs vont-ils être pérennisés ?
 
En effet, cela c'est un accord très important parce qu'il va couvrir une période très longue pour la première fois, de 2009 à 2011. Et ce qui est vraiment très important, c'est que c'est un énorme travail qu'a mené M. Schwartz, qu'on avait chargé d'une mission, avec C. Lagarde et E. Woerth, tout le monde. Cela veut dire que les éditeurs vont accepter de payer plus cher au fil du temps, de façon équilibrée, pas les mêmes tarifs d'ailleurs, selon que vous être presse magazine, selon que vous êtes presse d'information politique et générale, ou selon que vous êtes presse sans publicité, et cela, alors même que la situation de la presse n'est pas facile, et La Poste, alors même qu'elle va être dans une situation de concurrence à partir de 2011, elle aussi s'engage dans des gains d'économie, de productivité, tout en maintenant ses services. Donc, c'est un accord je crois extrêmement important. 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 juillet 2008